Alanis Obomsawin

Alanis Obomsawin, C.C.G.O.Q., cinéaste, chanteuse, artiste, conteuse (née le 31 août 1932 près de Lebanon, au New Hampshire). Alanis Obomsawin est l’une des cinéastes documentaires les plus distinguées au Canada. Elle débute sa carrière en tant que chanteuse et conteuse professionnelle avant de rejoindre l’Office national du film(ONF) en 1967. Ses films récompensés traitent des combats livrés par les peuples autochtones au Canada, de leur point de vue, et mettent en valeur leurs voix, qui ont depuis si longtemps été ignorées ou rejetées. Compagnon de l’Ordre du Canada et Grande officière de l’Ordre national du Québec, Alanis Obomsawin est lauréate du prix Albert-Tessier, du Prix humanitaire décerné par les prix Écrans canadiens, de plusieurs prix du Gouverneur général ainsi que de grades honorifiques et de prix d’excellence pour l’ensemble de ses réalisations.
Alanis Obomsawin, C.C., G.O.Q., cinéaste, chanteuse, artiste, conteuse (née le 31 août 1932 près de Lebanon, au New Hampshire). Alanis Obomsawin est l’une des cinéastes documentaires les plus distinguées au Canada. Elle débute sa carrière en tant que chanteuse et conteuse professionnelle avant de rejoindre l’Office national du film(ONF) en 1967. Ses films récompensés traitent des combats livrés par les peuples autochtones au Canada, de leur point de vue, et mettent en valeur leurs voix, qui ont depuis si longtemps été ignorées ou rejetées. Compagnon de l’Ordre du Canada et Grande officière de l’Ordre national du Québec, Alanis Obomsawin est lauréate du prix Albert-Tessier, du Prix humanitaire décerné par les prix Écrans canadiens, de plusieurs prix du Gouverneur général ainsi que de grades honorifiques et de prix d’excellence pour l’ensemble de ses réalisations.
Alanis Obomsawin, 2002.
Image: The Canadian Press/Frank Gunn.

Jeunesse

À l’âge de six mois, Alanis Obomsawin, membre de la nation des Abénakis et dont le nom de famille signifie « éclaireur », retourne avec sa famille dans la réserve d’Odanak près de Sorel, au Québec. Son père est guide et fabricant de médicaments tandis que sa mère dirige une pension. Le temps passé dans la réserve est idyllique : la jeune Alanis livre le pain maison de sa tante et s’abandonne au chant dans le fauteuil berçant de celle-ci.

À l’âge de neuf ans, Alanis quitte la réserve et déménage avec sa famille à Trois-Rivières. La transition est difficile et, après la mort de son père causée par la  tuberculose quand elle a 12 ans, Alanis se rebelle contre l’intimidation et la promotion de la supériorité de la culture européenne dans son école. À 22 ans, elle quitte Trois-Rivières et étudie l’anglais en Floride avant de s’installer à  Montréal vers la fin des années 1950.

Carrière musicale

Après sa première de chanteuse lors d’un concert au Town Hall de la ville de New York en 1960, Alanis Obomsawin chante dans des réserves, des écoles, des prisons et des  festivals de musique, et à la télévision. En 1966, son histoire est retenue par l’émission Telescope de la CBC, qui présente son activisme et ses efforts « presque surhumains » pour financer, par le biais de dons, de concerts et de discours, une piscine pour la réserve d’Odanak dont la rivière locale est déclarée trop polluée pour la baignade.

Elle chante à travers l’Amérique du Nord et l’Europe, s’accompagnant elle-même avec un tambour à main ou un hochet. Son répertoire inclut des chansons autochtones traditionnelles ainsi que des histoires qu’elle raconte en anglais et en français. Son album Bush Lady (1984) est peut-être le meilleur exemple de son style musical. Accompagnée d’un tambour à main, et parfois d’une flûte, d’un hautbois, d’un violon et d’un violoncelle, elle chante et raconte des histoires en plusieurs langues. Dans un titre qui combine le chant et la création orale en français, « Mother of Many Children », elle commence en anglais : « Depuis la terre, depuis l’eau, notre peuple a appris à s’aimer de cette manière. Il n’existe pas d’il ou d’elle, dans aucune nos langues. Nous sommes les enfants de la terre, et de la mer » [traduction libre].

Bien qu’elle soit surtout connue pour la cinématographie, Alanis Obomsawin n’abandonne pas ses origines sur scène. Elle se produit au Festival du printemps de Guelph, au Centre national des arts à Ottawa, à la Place des Arts à Montréal, au Festival de folklore Mariposa (où elle est coordonnatrice de la programmation autochtone de 1970 à 1976) et au WOMAD (Harbourfront, 1990). Elle apparaît régulièrement pendant les années 1970 dans la version canadienne de l’émission pour enfants Sesame Street.

En novembre 2017, Alanis Obomsawin donne son premier concert en 30 ans : elle interprète son album Bush Lady dans son intégralité au festival Le Guess Who? à Utrecht, aux Pays-Bas. Elle reçoit l’ovation de la foule de 800 personnes, et confie ultérieurement à la Montreal Gazette : « Lorsqu’ils se sont tous mis debout, je pensais que j’allais m’évanouir. J’étais tellement émue. Je ne pouvais pas m’imaginer que ça leur plairait tant. »

En juin 2018, la maison de disques montréalaise Constellation Records sort une nouvelle édition de Bush Lady en versions vinyle, CD et numérique pour marquer le 30e anniversaire de l’album. Alanis Obomsawin l’interprète aussi le 28 septembre 2018 au Monument-National à Montréal à l’occasion du festival de musique POP Montréal. L’artiste reçoit plusieurs autres requêtes de performance, mais elle n’en accepte que sélectivement. « Ce n’est pas facile pour moi », dit-elle à la Gazette en septembre 2018. « Ce que je chante n’est pas facile. Je ressens chaque mot. J’ai toujours peur de pleurer. »


Carrière de cinéaste

En 1966, après avoir vu Alanis Obomsawin à Telescope, une série créée par la CBCWolf Kœnig et Bob Verrall, producteurs à l’Office national du film (ONF), l’embauchent comme expert-conseil pour des projets qui portent sur les Premières Nations. En 1971, elle réalise son premier film, Christmas at Moose Factory et en 1977, elle obtient sa permanence à l’ONF.

Engagée à réparer l’invisibilité des peuples autochtones, Alanis Obomsawin façonne son approche cinématographique en s’appuyant sur son habileté unique à jumeler les traditions orales des Autochtones aux méthodes du cinéma documentaire. Dans Amisk et Mother of Many Children, produits et réalisés en 1977, elle combine des entrevues avec la musique, la danse, les dessins et des images archivées pour valider l’histoire des Autochtones à l’échelle du Canada.

Parmi ses films au sujet des jeunes, Richard Cardinal : Cry from a Diary of a Métis Child (1986) est le mieux connu, et peut-être le plus frappant. Ce récit dramatique du suicide d’un jeune garçon mène à un rapport gouvernemental sur les problèmes concernant les services sociaux pour enfants autochtones en famille d’accueil en Alberta (voir aussi Suicide chez les Autochtones au Canada). Par contre, très peu a été fait pour résoudre ces problèmes.

Les films d’Alanis Obomsawin documentent l’œuvre des organismes autochtones qui aident les jeunes à surmonter l’alcoolisme et l’abus de drogues (Poundmaker’s Lodge: A Healing Place, 1987) et qui offrent des services aux Autochtones sans-abri à Montréal (No Address, 1988). Ses films, au sujet de la lutte des Mi’kmaq pour les droits de pêche (Incident at Restigouche, 1984) et de l’affrontement entre les Mohawks et le gouvernement à Oka en 1990 (Kanehsatake : 270 Years of Resistance, 1993), reçoivent beaucoup d’éloges et méritent à Alanis Obomsawin une reconnaissance nationale et internationale.

Alanis Obomsawin réalise The Wild Rice Harvest, Kenora (1979) et June in Povungnituk (1980) pour la série Vignettes de l’ONF, ainsi que le court métrage dramatique Walker (1991). Elle raconte les histoires d’individus (My Name Is Kahentiiosta, 1995; Spudwrench, 1997) et commente les effets à long terme d’incidents spécifiques survenus lors de la Crise d’Oka de 1990 (Rocks at Whiskey Trench, 2000), permettant ainsi aux spectateurs de percevoir les multiples dimensions d’une histoire complexe en évolution.

Elle réexamine certains des thèmes qui précèdent dans son œuvre au sujet des droits de pêche autochtones au Canada dans Is the Crown at War with Us? (2002). Comme suite à ce documentaire, elle focalise sur le droit des autochtones de gérer et d’utiliser les ressources naturelles de leurs terres ancestrales dans Our Nationhood (2003).

Elle complète également deux films au sujet du peuple d’Odanak : Waban-Aki : People from Where the Sun Rises (2006); et Gene Boy Came Home (2007). Ce dernier est au sujet du vétéran Eugene « Gene Boy » Benedict qui revient d’une mission effectuée pendant presque deux ans de la guerre du Vietnam et qui lutte pour retourner à Odanak dans les années qui suivent son service militaire.

Elle continue à réaliser des films dans la quatre-vingtaine, notamment Hi-Ho Mistahey! (2013), au sujet de l’initiative éducative autochtone Shannen’s Dream, et Trick or Treaty? (2014), qui raconte la lutte des dirigeants autochtones qui tentent de négocier avec le gouvernement fédéralTrick or Treaty? est retenu pour être projeté dans le programme des maîtres au Festival international du film de Toronto (TIFF) en septembre 2014. Alanis Obomsawin est la première cinéaste autochtone à recevoir cet honneur. Le film arrive deuxième pour l’attribution du prix du public, catégorie documentaire, au Festival international du film de Toronto, et est sélectionné pour un prix Écrans canadiens en qualité de meilleur long métrage documentaire.

Le film d’Alanis Obomsawin The People of the Kattawapiskak River (2012, ONF, durée 1 h), qui explore les conditions précaires dans lesquelles vivent les Cris de Kattawapiskak du nord de l’Ontario, gagne le prix Donald-Brittain du meilleur documentaire social ou politique à la cérémonie des prix Écrans Canadiens de 2014 (voir aussi Donald Brittain).

Son documentaire tourné en 2016, We Can’t Make the Same Mistake Twice, retrace une bataille de neuf ans en faveur des droits de la personne visant à faire reconnaître que le gouvernement fédéral a sous-financé les services axés sur les enfants autochtones au Canada. Le film a été projeté en première mondiale lors du Festival international du film de Toronto et a été salué par l’ensemble de la critique.

Arts visuels

Alanis Obomsawin est aussi une artiste visuelle prolifique, connue pour ses gravures et ses estampes. Le Musée des beaux-arts de Montréal tient, du 21 mai au 25 août 2019, une exposition de quelque 25 de ses œuvres, ainsi que des objets de paille fine et d’herbes des champs fabriqués par des membres de la nation des Abénakis.

Activités administratives

Alanis Obomsawin est active dans la communauté artistique canadienne depuis longtemps et a siégé sur le conseil d’administration de plusieurs organismes. Elle est membre du conseil de Studio 1, le studio autochtone de l’ONF, en plus d’être conseillère pour le programme New Initiatives in Film du studio féminin Studio D de l’ONF, conçu pour aider les femmes de couleur ou autochtones. Elle est membre du conseil d’administration d’Aboriginal Voices, du Réseau de télévision des peuples autochtones (RTPA), du Public Broadcasting Association of Québec, de la National Geographic International et du Public Broadcasting System (PBS) au Vermont. Elle a également été présidente du conseil d’administration du Foyer pour femmes autochtones de Montréal et a siégé sur le conseil du Comité consultatif des Premières Nations du Conseil des Arts du Canada.

Honneurs et reconnaissance

Alanis Obomsawin est un personnage vénéré parmi les cinéastes documentaires et reçoit de nombreux honneurs aux États-Unis et au Canada. Elle devient Membre de l’Ordre du Canada en 1983, est promue à Officier en 2001 et de nouveau à Compagnon (la plus haute distinction civile du Canada) en 2019. Ses réalisations artistiques, son travail auprès des jeunes Autochtones et son activisme en faveur des droits autochtones lui méritent le Prix du Gouverneur général (1983), un prix national d’excellence décerné aux Autochtones (1994) et plus d’une demi-douzaine de grades honorifiques. Elle reçoit aussi une bourse honorifique de l’Ontario College of Art and Design en 1994, et elle est membre honoraire de la Société royale du Canada en 2013.

Elle reçoit le Prix du Gouverneur général en arts visuels et en arts médiatiques en 2001, et devient la première personne qui ne soit pas sociologue ni anthropologue à gagner le Prix de contribution remarquable de la Société canadienne de sociologie et d’anthropologie (voir aussi Sociologie; Anthropologie). En 2004, l’International Documentary Association lui décerne son prix pionnier, présenté annuellement à « un individu qui a marqué de façon indélébile l’art et le métier de la cinématographie documentaire. » La même année, l’imagineNATIVE Film + Media Arts Festival de Toronto crée un prix annuel pour documentaire en son honneur.

En mai 2008, elle reçoit un autre prix du Gouverneur général, le Prix pour les arts du spectacle pour la réalisation artistique. De plus, pendant deux semaines au cours du même mois, le Musée d’art moderne de New York lui consacre une exposition rétrospective spéciale. Aussi, en 2008, elle participe au Programme des aînés en résidence de la First Nations House of Learning de l’Université de la Colombie-Britannique. En 2009, elle reçoit le Prix pour réalisation exceptionnelle du Festival international du documentaire canadien Hot Docs. En 2012, elle retourne à l’Université de la Colombie-Britannique en tant qu’artiste en résidence pour le programme de cinématographie.

En 2014, Alanis Obomsawin reçoit le Prix humanitaire des prix Écrans canadiens pour sa « contribution exceptionnelle à la collectivité et au service public ». En 2016, l’Association des critiques de films de Toronto lui décerne le prix Technicolor Clyde Gilmour qui honore les cinéastes « dont l’œuvre a enrichi d’une certaine façon la perception et l’appréciation du cinéma dans leur pays d’origine ». En tant que lauréate de ce prix, elle a dû choisir un(e) cinéaste émergent(e) pour l’attribution de 50 000 $ en biens et services offerts par Technicolor; elle a choisi l’artiste métisse et crie Amanda Strong. Cette même année, Alanis Obomsawin a été nommée Grande officière de l’Ordre national du Québec et a reçu le prix Albert-Tessier, la plus haute distinction de la province dans le domaine du cinéma (voir aussi Prix du Québec).

Le 5 novembre 2018, au coin des avenues Lincoln et Atwater près du domicile d’Alanis Obomsawin, se voit inaugurer une fresque en son honneur. Conçue par Meky Ottawa, artiste atikamekw, l’œuvre présente une image composite d’Alanis Obomsawin en spectacle au Festival de folklore Mariposa en 1970, et la reproduction d’une photo d’elle jouant avec des enfants à un pensionnat indien pendant le tournage de son œuvre documentaire Christmas at Moose Factory en 1971. « Ces enfants sont tous grands-parents maintenant, dit Alanis Obomsawin à CBC News, alors j’espère qu’ils pourront venir voir [la fresque]. »

Prix

  • Membre, Ordre du Canada (1983)
  • Prix du Gouverneur général (1983)
  • Meilleur long métrage canadien (Kanehsatake : 270 Years of Resistance), Festival international du film de Toronto (1993)
  • Meilleur long métrage documentaire (Kanehsatake : 270 Years of Resistance), Festival international du film de Vancouver (1993)
  • Prix pour réalisation exceptionnelle en direction, Toronto Women in Film and Television (1994)
  • Prix national d’excellence décerné aux Autochtones, Fondation nationale des réalisations autochtones (1994)
  • Officier, Ordre du Canada (2001)
  • Prix du Gouverneur général en arts visuels et en arts médiatiques (2001)
  • Prix de contribution remarquable, Société canadienne de sociologie (2001)
  • Prix récompense d’étape de carrière, imagineNATIVE Film + Media Arts Festival (2004)
  • Prix pionnier, International Documentary Association (2004)
  • Hommage Luminaria pour l’ensemble des réalisations, Festival du film de Santa Fe (2007)
  • Réalisation artistique, Prix du Gouverneur général pour les arts du spectacle (2008)
  • Prix pour réalisation exceptionnelle, Festival international du documentaire canadien Hot Docs (2009)
  • Prix d’excellence pour l’ensemble des réalisations, Women’s International Film & Television Showcase (WIFTS) Foundation International Visionary Awards (2013)
  • Prix du public (Trick or Treaty?), imagineNATIVE Film + Media Arts Festival (2014)
  • Prix Donald-Brittain du meilleur documentaire social ou politique (The People of Kattawapiskak River), prix Écrans canadiens (2014)
  • Prix humanitaire, prix Écrans canadiens (2014)
  • Prix Technicolor Clyde Gilmour, prix de l’Association des critiques de films de Toronto (2016)
  • Grande officière, Ordre national du Québec (2016)
  • Prix Albert-Tessier, Prix du Québec (2016)
  • Compagnon, Ordre du Canada (2019)

Grades honorifiques

Collection Premières Nations

Collection des peuples autochtones

Lecture supplémentaire

  • Zuzana Pick, « Storytelling and Resistance: The Documentary Practice of Alanis Obomsawin », Gendering the Nation: Canadian Women's Cinema (University of Toronto Press, 1999), 76–93.

Liens externes