Donald Shebib | l'Encyclopédie Canadienne

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Donald Shebib

Donald Everett Shebib, réalisateur, scénariste, cinéaste, monteur (né le 17 janvier 1938 à Toronto, en Ontario; décédé le 5 novembre 2023 à Toronto). Don Shebib était un chroniqueur éloquent et compatissant de l’aliénation individuelle et de l’angoisse existentielle canadienne. Il a été une figure déterminante dans le développement des débuts du cinéma canadien anglais. Il est surtout reconnu pour son premier long métrage, le célèbre Goin’ Down the Road (1970; v.f. Le voyage chimérique). Ce film s’est constamment classé parmi les dix meilleurs canadiens de tous les temps, et il a été désigné chef‑d’œuvre par le Trust pour la préservation de l’audiovisuel du Canada en 2000. Donald Shebib a remporté quatre prix du Palmarès du film canadien, et il a également considérablement travaillé en télévision.

Jeunesse et carrière

Lorsqu’il est jeune homme, Donald Shebib joue au football semi-professionnel, et il étudie en sociologie à l’Université de Toronto, et en cinéma à l’Université de Californie, où il fait ses premiers courts métrages. De retour au Canada, il réalise, filme, et monte ses premiers documentaires lucides primés pour l’Office national du film et pour la CBC, avant de se tourner vers les longs métrages.

Goin’ Down the Road

Durant l’été 1969, avec un budget minuscule de moins de 75 000 $, Don Shebib réalise un docudrame influencé par le cinéma-vérité, Goin’ Down the Road (v.f. Le voyage chimérique) (1970) qui se déroule dans les rues de Toronto. William Fruet fait la scénarisation, Richard Leiterman fait la direction photo, Bruce Cockburn compose la trame sonore. Le film Goin’ Down the Road est un portrait résolument réaliste et sans sentimentalité de deux hommes venant des Maritimes qui tentent et échouent de réussir dans la grande ville. Ils partent pour Toronto, où ils se trouvent un emploi temporaire dans une usine de boissons gazeuses, ils noient leurs problèmes dans la bière, et font quelques tentatives futiles pour améliorer leur condition. Les performances exceptionnelles de Doug McGrath et de Paul Bradley (qui n’avait pas de formation en art dramatique) valent au film de remporter le prix du meilleur long métrage au Palmarès du film canadien.

Applaudi par la critique au Canada et aux États‑Unis, Goin’ Down the Road est comparé à Easy Rider et à Midnight Cowboy (v.f. Macadam Cowboy) tous deux sortis en 1969, et il est encensé pour sa sensibilité documentaire et pour son réalisme authentique. Les critiques canadiens de toutes origines accueillent le film comme constituant le premier grand film canadien. Le Montreal Gazette, un quotidien anglophone de Montréal, en parle comme d’un « superbe film constituant la plus brillante tentative cinématographique canadienne de tous les temps, qui excelle à tout point de vue. » Le Vancouver Sun louange Goin’ Down the Road comme étant « une œuvre de fiction largement inspirée de la réalité, portée à l’écran fidèlement sans émotion excessive, bouillonnante du conflit intérieur qui fait évoluer le scénario et qui pousse les personnages à agir. »

Roger Ebert décerne au film le titre de « meilleur film sorti depuis longtemps » et note qu’il « s’avère exceptionnel sur le plan du traitement des personnages et de la ville elle-même, tout en étant empreint d’un réalisme pondéré exempt de toute forme de mièvrerie ». Il ajoute qu’il s’agit d’une œuvre qui « parvient à une objectivité documentaire qui nous touche bien plus profondément qu’une sentimentalité de larmes ne l’aurait fait ». Pauline Kael, une critique américaine de cinéma, écrit : « Pratiquement tout est juste dans ce film. Don Shebib atteint un tel niveau d’excellence dans l’intégration transparente des personnages dans les différents contextes locaux qu’on en vient parfois à oublier qu’il s’agit d’un film joué par des acteurs. »

Depuis sa sortie en 1970, Goin' down the Road est considéré comme l’un des meilleurs et plus influents films canadiens. Il demeure constamment classé comme l’un des dix meilleurs films canadiens de tous les temps, et il est désigné comme chef-d’œuvre par le Trust pour la préservation de l’audiovisuel du Canada en 2000. Malheureusement, pendant longtemps, le film n’est plus diffusé. En 1998, le Festival international du film de Toronto (TIFF), en association avec Téléfilm Canada, fait une copie DVD du négatif principal.

Faits saillants de carrière

Immédiatement après le succès de Goin' down the Road, Don Shebib réalise la comédie légère pour adolescents Rip-Off (1971; v.f. Rêver en couleur) avec encore une fois, William Fruet comme scénariste et Richard Leiterman derrière la caméra. Il poursuit avec Between Friends (1973; v.f. Entre amis), que quelques critiques considèrent comme son chef-d’œuvre, mais le film n’a que peu de succès aux guichets. Ce film raconte l’histoire d’un vol raté dans une mine du nord de l’Ontario, et il est une étude dramatique et tendue sur la loyauté, sur les relations canado-américaines, et sur les limites des liens affectifs entre les hommes. La scène du hold-up raté rivalise avec n’importe quel film noir américain.

Don Shebib poursuit Between Friends avec deux autres films quelconques, Second Wind (1976) et Fish Hawk (1979), puis il revient en force avec Heartaches (1981; v.f. Cœurs à l’envers) qui met en vedette Margot Kidder et Annie Potts. C’est une variante de Goin' down the Road dans laquelle deux femmes de la classe ouvrière partent pour Toronto à la recherche d’un avenir. C’est un film accompli et bien réalisé, mais au ton néanmoins sentimental et exempt de la véritable douleur trouvée dans les œuvres précédentes de Donald Shebib. Le film remporte les prix Génie du meilleur scénario, de la meilleure actrice pour Margot Kidder, et de la meilleure actrice étrangère pour Annie Potts. Il est également en nomination pour un Golden Bear au Festival du film de Berlin.

Après Heartaches, Don Shebib travaille principalement comme réalisateur pour la télévision, et il ne fait que quelques incursions occasionnelles dans les longs métrages. Parmi ses autres films figurent entre autres les courts métrages The Duel (1962), Surfin' (1964), Satan’s Choice (1965) et Good Times Bad Times (1969); By Reason of Insanity (1982) et Slim Obsession (1984) pour la série For the Record de la CBC; les téléfilms The Pathfinder (1996; v.f. La légende de Pathfinder) avec Graham Greene, et The Little Kidnappers (v.f. Le secret des deux orphelins) avec Charlton Heston (1990); les longs métrages Running Brave (1983), The Climb (1986), Change of Heart (1992), The Ascent (1994), et Down the Road Again (2011), la suite de Goin' down the Road. Il réunit certains acteurs de la distribution originale, comme Doug McGrath dans le rôle de Pete, Jayne Eastwood dans le rôle de Betty la femme de Joey, et Cayle Chernin dans le rôle de son amie, Selina. Paul Bradley, qui jouait le rôle de Joey est décédé en 2003. Le film suit Pete alors qu’il apprend le décès de Joey et est chargé de transporter ses cendres, et sa fille Betty-Jo (Kathleen Robertson), de Toronto au Cap-Breton.

L’important travail de Don Shebib pour la télévision comprend également les séries The Edison Twins (v. f. Paul et les jumeaux), Danger Bay, My Secret Identity, Night Heat, E.N.G., Counterstrike, Lonesome Dove : The Series, Dead Man’s Gun (v.f. La loi du Colt), Wind at my Back, et The Zack Files.

Famille

Pendant 40 ans, Don Shebib est marié à l’actrice Tedde Moore, la fille de l’artiste de théâtre influent et administrateur Mavor Moore, et petite-fille de la légendaire Dora Mavor Moore. Don et Tedde ont deux enfants : leur fille Suzanna et leur fils Noah. Noah « 40 » Shebib est un producteur de disques lauréat d’un Grammy Award, et il est surtout reconnu pour ses collaborations de longue date avec Drake.

Prix

  • Meilleur documentaire de plus de 30 minutes (Good Times Bad Times), Palmarès du film canadien (1969)
  • Meilleur montage sonore (Good Times Bad Times), Palmarès du film canadien (1969)
  • Meilleur long métrage (Goin’ Down the Road), Palmarès du film canadien (1970)
  • Meilleur montage (Second Wind), Palmarès du film canadien (1976)