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Drapeau franco-ontarien

Hissé pour la première fois à l’Université de Sudbury le 25 septembre 1975, le drapeau franco-ontarien symbolise à la fois les ruptures et les continuités dans l’histoire de cette minorité linguistique. Conçu par Gaétan Gervais et un groupe d’étudiants, le drapeau est graduellement adopté par la communauté franco-ontarienne. En 2001, il est officiellement reconnu par l’Assemblée législative comme emblème des francophones de l’Ontario. En 2020, le drapeau franco-ontarien devient un emblème officiel de l’Ontario.

Drapeau franco-ontarien

Origines

Le projet de doter la communaute franco-ontarienne d’un drapeau distinctif prend racine dans les annees 1960. Avant cela, le Carillon-Sacre-C?ur et le fleurdelise (le drapeau du Quebec) ont ete utilises tour a tour lors de manifestations religieuses et identitaires (voir Fleur de lys). Toutefois, en raison de la montee du sentiment nationaliste au Quebec, le drapeau fleurdelise devient de plus en plus associe au territoire quebecois et son utilisation tombe en desuetude ailleurs dans la francophonie canadienne.

C’est la Federation des Societes Saint-Jean-Baptiste (SSJB) de l’Ontario qui en fait d’abord la proposition. Celle-ci cherche a se distancer des Societes Saint-Jean-Baptiste du Quebec et a refleter un lien plus fort au sol ontarien, non sans assumer pleinement l’heritage canadien-francais. Developpe en 1963, puis adopte l’annee suivante en marge du congres general, l’embleme se veut ≪ semblable au drapeau quebecois, avec quatre fleurs de lys en diagonale aux coins d’un drapeau divise en quatre par une croix blanche, au centre de laquelle on trouve, en bleu, le trille, symbole floral de l’Ontario ≫.

Cherchant a marier tradition et modernite, sa composition rappelle le Carillon-Sacre-C?ur, representation phare du clerico-nationalisme. Ces choix esthetiques ne sont pas anodins et epousent la ligne de conduite des Societes Saint-Jean-Baptiste ontariennes dans les affaires politiques : en puisant dans l’histoire, elle joue sur les denominateurs communs unissant le Quebec et les minorites. En prevision des celebrations du centenaire de la Confederation canadienne et profitant du debat sur l’adoption de l’unifolie (le drapeau du Canada) a la Chambre des communes (1964), la Federation souhaite propager son projet de drapeau aux ecoles, aux conseils municipaux, aux paroisses et aux citoyens pour la fete de la Saint-Jean-Baptiste. Cependant, le drapeau remporte peu de succes hors des murs des SSJB. Dans le contexte de ≪ revolution culturelle ≫ de l’Ontario francais au tournant des annees 1970, ce projet tombe rapidement dans l’oubli.

Symbole des mutations identitaires de l’Ontario francais

Deuxieme symbole adopte par les francophones hors Quebec apres celui de l’Acadie en 1884, on reconnait le drapeau franco-ontarien par sa fleur de lys blanche sur fond vert et un trille blanc a bordure verte sur fond blanc. Le lys symbolise la francophonie et le trille, l’Ontario, tandis que le vert representerait l’ete et le blanc, l’hiver.

≪ Tout a commence au sein d’un petit groupe, et la definition du drapeau a pris du temps ≫. C’est ainsi que Gaetan Gervais, professeur emerite a l’Universite Laurentienne, se rememore les evenements ayant conduit a la creation du drapeau. Le professeur d’histoire de l’Universite Laurentienne caressait l’idee d’un drapeau distinctif pour la communaute. Aux cotes de Michel Dupuis, de Donald Obonsawin et d’Yves Tasse, il elabore le projet. La confection est ensuite confiee a Jacline England, secretaire au service d’animation de l’Universite Laurentienne. Ces demarches se deroulent dans le plus grand secret. Les promoteurs du drapeau esperent que celui-ci soit adopte par l’ensemble de la communaute sans egard aux regionalismes ou aux identites politiques.

Le contexte dans lequel s’inscrit la levee du drapeau du 25 septembre 1975 s’explique en deux temps. Premierement, le projet se situe dans les suites d’un mouvement d’affirmation identitaire en Ontario francais. L’eclatement du Canada francais a la suite des Etats generaux (1966-1969) force les communautes francophones a rearticuler leur identite. Ici, la reference franco-ontarienne prend forme a la faveur de divers courants politiques et artistiques. A Sudbury, cet elan donne lieu a une veritable ≪ revolution culturelle ≫ caracterisee par la multiplication des organisations artistiques, comme les Editions Prise de parole, Le Theatre du Nouvel-Ontario, la Galerie du Nouvel-Ontario et La Nuit sur l’etang. Deuxiemement, l’Etat provincial intervient de plus en plus regulierement dans la vie de sa minorite. La creation du Conseil superieur des ecoles de langue francaise (1972) et du Conseil des affaires franco-ontariennes (1975) ainsi que l’elargissement de la place accordee au francais dans la conduite des debats parlementaires (1968) et dans le fonctionnement du systeme judiciaire (1975) ne sont que quelques exemples.

Le drapeau represente bien cette appartenance a l’Ontario. L’utilisation des couleurs et du trille rappelle le territoire physique et symbolique de la province. Alors que, pour certains, il represente l’emergence d’une nouvelle identite, l’historien Francois-Olivier Dorais, dans son etude sur Gaetan Gervais, souligne que : ≪ dans l’esprit de ses fondateurs, le drapeau visait moins a confirmer la formation d’une nouvelle identite franco-ontarienne, en rupture avec ce qui l’avait precedee, qu’a en adapter les contours aux nouvelles realites sociales et institutionnelles, sans pour autant tourner le dos a la memoire du Canada francais. ≫ Le geste, somme toute assez conventionnel, s’inscrit dans la tradition politique de l’Ontario francais qui vise a accroitre l’autonomie des francophones. Tout comme le drapeau propose par la Federation des Societes Saint-Jean-Baptiste une decennie plus tot, on puise dans l’histoire. Le lys represente non seulement le fait francais, mais sa continuite depuis l’epoque de la Nouvelle-France.

Adoption populaire

Comme le soulignent les etudes de Stephanie Saint-Pierre et de Tina Desabrais, le drapeau ne suscite pas automatiquement l’adhesion du reseau associatif et des organismes communautaires. Il faut attendre son adoption officielle par l’Association canadienne-francaise de l’Ontario en 1977 pour que le symbole soit davantage reconnu. On improvise des levees de drapeaux dans les colleges et les universites, comme c’est le cas a l’Universite d’Ottawa en 1983.

Dans les faits, le drapeau se repand dans l’usage populaire grace au reseau scolaire, surtout elementaire et secondaire. Il devient aussi un symbole de ralliement lors des grandes mobilisations politiques. Il flotte a Penetanguishene lors de la lutte pour le financement d’une ecole secondaire francophone (1979) (voir Question des ecoles de l’Ontario). On le retrouve egalement lors de la campagne SOS Montfort a Ottawa contre la fermeture de l’hopital francophone Montfort (1997-2001).

On voit le drapeau en toute occasion, notamment durant les rassemblements musicaux comme le Festival franco-ontarien (Ottawa), la Franco-Fete (Toronto) et les autres evenements entourant la Saint-Jean-Baptiste (24 juin). Le drapeau fait partie prenante des monuments de la francophonie. En l’an 2000, des celebrations sont organisees un peu partout en province pour en souligner le 25e anniversaire.

Reconnaissance officielle

En juin 2001, en marge des fetes de la Saint-Jean-Baptiste, le drapeau est reconnu officiellement comme l’embleme de la communaute francophone de l’Ontario. Cette decision intervient a la suite d’une motion du depute de Glengarry-Prescott-Russell, Jean-Marc Lalonde. Dans les debats parlementaires, les deputes font mention de la longue histoire de la communaute et de son attachement a la province. L’adoption de la Loi de 2001 sur l’embleme franco-ontarien est une victoire symbolique pour les partis d’opposition alors que le sort de l’Hopital Montfort est toujours devant les tribunaux.

Malgre la reconnaissance officielle par Queen’s Park, certaines municipalites rechignent a l’idee de faire flotter le drapeau devant les mairies. En 2003, les conseillers municipaux de Sudbury refusent d’acquiescer favorablement a une petition demandant de hisser le drapeau devant les bureaux de la municipalite. Cette decision est infirmee en 2006. L’embleme est particulierement populaire dans les villes du nord de la province, le long de la route 11, ou il y a de nombreuses municipalites francophones ou bilingues.

A l’image du depute de Thornhill, Peter Shurman, certains qualifient le drapeau de symbole clivant entre les peuples fondateurs. Toutefois, l’adhesion de la classe politique ontarienne au symbole vert et blanc est relativement unanime depuis l’adoption en 2010 de la Loi proclamant le Jour des Franco-Ontariens et des Franco-Ontariennes. Celebree le 25 septembre, en reference a la date du premier deploiement du drapeau, la journee s’inscrit dans la reconnaissance symbolique de la communaute par l’Assemblee legislative. Organisees par les conseils scolaires et le reseau associatif, des activites ont lieu partout en province. Lors des commemorations du 400e anniversaire de la presence francaise en Ontario (2015), on recense pres de 200 evenements, dont plusieurs levees de drapeau. Les couleurs franco-ontariennes illuminent egalement de nombreux monuments et sites touristiques comme la Tour CN a Toronto et les chutes du Niagara.

Le 25 septembre 2017, la Fiducie du patrimoine ontarien inaugure une plaque historique a l’Universite de Sudbury soulignant l’importance de ce symbole.

En septembre 2020, l’Assemblee legislative de l’Ontario vote a l’unanimite pour reconnaitre le drapeau franco-ontarien comme un embleme officiel de la province.

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