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Gospel

Gospel. Terme se référant à un répertoire de chants associé à l'évangélisme chrétien, depuis le « grand réveil » au début du XIXe siècle aux mouvements revivalistes urbains de la période entre 1870 et 1920.

Terme se référant à un répertoire de chants associé à l'évangélisme chrétien, depuis le « grand réveil » au début du XIXe siècle aux mouvements revivalistes urbains de la période entre 1870 et 1920. À partir de 1950, il a fait référence de plus en plus à un style dérivé en grande partie (mais pas exclusivement) de pratiques vocales afroamér., devenues à la fin du XXe siècle une sous-catégorie de la musique populaire. Le chant gospel caractéristique du XIXe siècle est une mélodie diatonique dans un ton majeur dont l'arrangement homophonique emploie seulement des harmonies simples (accords de tonique, de sous-dominante et de septième dominante) ou, tout au plus, quelques chromatismes empruntés au style « barbershop »; les rythmes sont entraînants et répétitifs, et le refrain (ou « choeur ») comporte souvent un écho de la mélodie principale produit par les voix d'accompagnement. Ainsi, dans un exemple souvent compilé de J.M. Whyte tiré de Sing Out the Glad News (J.M. et D.A. Whyte dir., Toronto 1885), la phrase principale du refrain proclame « Jesus is calling you now », à laquelle les voix graves répondent en écho : « right now ».

Les paroles des chants gospel sont subjectives et personnelles, parfois même sentimentales, reflétant le propos salvateur de cette musique. La jubilation et le militantisme imprègnent souvent les chants au tempo rapide; de fait, les rythmes de marche du milieu du XIXe siècle ont exercé une influence certaine sur ce genre musical. Vu le rapport étroit entre les assemblées revivalistes et les sociétés de tempérance, il n'est pas surprenant que le « démon » de l'alcool devienne un personnage souvent évoqué dans les exemples du tournant du siècle. Les rythmes accrocheurs de la musique gospel furent un outil efficace dans la croisade contre l'alcoolisme, témoins la lugubre ballade moralisante « A Slave to Drink » de Whyte ou la version antialcoolique de « The Maple Leaf For Ever » par Lottie Moore, cette dernière parue dans Prohibition songs (Women's Christian Temperance Union of Ontario, Toronto 1909).

À partir du milieu des années 1870, les recueils successifs de Gospel Hymns publiés aux États-Unis par P.P. Bliss, Ira D. Sankey et d'autres firent l'objet d'éditions canadiennes et trouvèrent beaucoup d'acheteurs. Les évangélistes-chanteurs canadiens qui connurent le même type de succès international que Sankey incluent les frères John M. et David A. Whyte de Paris, Ont., J.H. Hathaway de Brantford, Ont., R.C. Horner d'Ottawa, J. McD. Kerr de Toronto, T. Bowman Stephenson de Hamilton, Ont., et Crossley et Hunter de Saint. Thomas, Ont. Tous composèrent les paroles et la musique de chants gospel originaux, à l'instar de George Beverly Shea au XXe siècle. Le plus prolifique d'entre eux, J.M. Whyte, produisit cinq recueils de chants entre 1885 et 1901, soit seul, soit en collaboration avec son frère; le plus volumineux (Battle Songs of the Cross, Toronto 1901) contient 153 chants originaux.

Les mélodies figurant dans certains des premiers recueils de musique publiés au Canada annoncent quelquefois le style gospel. C'est le cas de « Scotland » dans Colonial Harmonist (1832) et de « The Gospel Banner » dans Union Harmony (1840). « Soldats du Christ », paru dans l'édition de 1891 des Chants évangéliques de L.C. Rivard, est un exemple du type de chant gospel vigoureux et militant chez les protestants francophones.

Le chant gospel typique du XIXe siècle exprimait des sentiments religieux spontanés lors de réunions ou de rassemblements dans les chantiers, plutôt qu'à des offices célébrés dans la dignité. Ceci explique la réticence au début à inclure cette musique dans les hymnaires destinés au culte. Même lorsqu'on l'incluait, le fait qu'on la reléguait dans une section spéciale était une façon d'indiquer qu'on ne l'acceptait que partiellement. La préface au Book of Common Praise anglican de 1908 défend son inclusion par cet avertissement : « Notre sentiment était que ces hymnes se révéleraient utiles et nécessaires dans des chantiers de construction du chemin de fer, dans des camps de bûcherons et dans des milieux semblables... Ils sont groupés à la fin du recueil. On ne les jugera peut-être pas utiles dans toutes les paroisses, ni en toutes circonstances... » Par ailleurs, le New Canadian Hymnal (Toronto 1916), multiconfessionnel, s'enorgueillit dans sa préface d'avoir « rigoureusement exclu » les mélodies adoptant le nouveau rythme « rag-time ».

Le « gospel noir » possède l'exubérance dans l'expression physique et vocale qui caractérisait non seulement les chants mais tous les offices et assemblées des congrégations noires - baptistes, de la Pentecôte, et autres. Ce genre, qui se développa aux États-Unis à partir des spirituals, des chants de jubilation et des « sorrow songs » (chansons tristes) des Afroaméricains au XIXe siècle, exerça une influence au Canada dans des régions colonisées par des esclaves affranchis dans les Maritimes ou dans l'ouest de l'Ontario.

Les traits distinctifs du gospel noir s'étaient déjà affirmés au début du XXe siècle : vibrato vocal marqué; claquement des mains, piétinement et cris d'accompagnement; formes musicales solo-réponse ou couplet-refrain (comme dans presque toute la musique gospel); et improvisation débordant les chants formels et gagnant les prières, les témoignages et jusqu'aux sermons constituant le reste de l'office. Au début, les guitares et les banjos accompagnaient les chanteurs solistes et les ensembles vocaux dont les parties étaient à intervalles rapprochés, mais le piano dans les années 1930, puis l'orgue Hammond dans les années 1950, devinrent plus courants : c'est ce dernier instrument que Paul McIntyre cite dans son étude du choeur de l'église de la Pentecôte Mount Zion, à Windsor (Black Pentecostal Music in Windsor, 1976).

Au milieu des années 1920, un quatuor masculin de la petite ville de Buxton, près de Chatham, Ont., « devint très connu et en demande à des fins de divertissement dans le sud-ouest de l'Ontario et plusieurs régions du Michigan » (Vivian M. Robbins, Musical Buxton, Buxton, Ont. 1969); dans les années 1930, il fut invité chaque semaine à la station de radio CFCO, à Chatham. Un ensemble du même type, les Radio Kings of Harmony, associé à la même époque à la First Baptist Church (la plus ancienne congrégation noire de Toronto), connut également une carrière radiophonique, comme son nom l'indique. Dans les années 1980, les interprètes les plus remarqués du répertoire gospel incluaient le Montreal Jubilation Gospel Choir (dont le prédécesseur fut le Montreal Black Community Youth Choir, 1974-81), la Harris Family à la Gospel Lighthouse de Toronto, la Johnson Family à Brantford, Ont., ainsi que plusieurs groupes de l'AGMM (Association of Gospel Music Ministries) à Toronto, y compris les Trinity Singers et un Mass Choir de 110 voix.

Contrairement au style revivaliste de la première époque et à l'atmosphère de ferveur religieuse du culte gospel noir, la musique gospel des années 1970 et 1980 est plus élaborée et plus commerciale, caractérisée par un style vocal marqué par le pop, l'amplification de l'accompagnement instrumental et l'indépendance par rapport à des convictions religieuses spécifiques. Les variantes recouvraient désormais le country, le pop traditionnel et les styles « Jesus-rock ». Au milieu du XXe siècle, les hymnes gospel s'étaient également amalgamés avec le country dans le répertoire radiophonique des campagnes du sud des États-Unis, et la montée de l'évangélisme radiophonique (puis télévisuel) embrouilla encore davantage la distinction entre le sacré et le profane. Des artistes de variétés tels que Don Messer and His Islanders et, plus tard, Tommy Hunter, trouvèrent naturel d'inclure un ou deux hymnes gospel dans leurs émissions. Inversement, divers styles de musique pop firent partie intégrante d'émissions de télévision religieuses (chrétiennes) au Canada - notamment « 100 Huntley Street ».

Gene MacLellan, Robbie McDougall et Deanna Waters furent parmi les auteurs-compositeurs canadiens associés au gospel et à la « musique chrétienne » (pour employer un terme créé par l'industrie de la musique) après 1970. Plusieurs artistes country mainstream (entre autres Hunter, Carroll Baker, Terry Carrise, Wilf Carter, la Family Brown, ainsi que Marg Osbourne et Charlie Chamberlain) ont ajouté des titres ou des enregistrements du répertoire gospel à la discographie canadienne, laquelle inclut en outre des enregistrements des Learnings (de Grassie, Ont.), de Norma-Jean Mainse, Dave Chapman et nombre d'autres.

Les maisons de disques canadiennes inscrites au Music Directory Canada (Toronto 1990) et qui ont enregistré de la musique gospel incluent EMO (Shediac, N.-B.), Justin Time, Mainroads (Toronto), Micah (Scarborough, Ont.), Newsflash Sounds (Grand Fall, T.-N.) et Shotgun (Brantford, Ont.). Une Canadian Gospel Music Assn, fondée en 1975 à Pickering, Ont., publie le bulletin trimestriel Gospel Music News.

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