Littérature de langue française sur les explorations et les voyages | l'Encyclopédie Canadienne

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Littérature de langue française sur les explorations et les voyages

Les récits de voyage, qui remplissent le double rôle d'ouvrages littéraires et de documentaires, sont les premiers écrits sur la culture du Qc. Les premiers textes constituent des témoignages sur la colonisation de l'Am. du N. par un petit groupe d'Européens.

Littérature de langue française sur les explorations et les voyages

Les récits de voyage, qui remplissent le double rôle d'ouvrages littéraires et de documentaires, sont les premiers écrits sur la culture du Qc. Les premiers textes constituent des témoignages sur la colonisation de l'Am. du N. par un petit groupe d'Européens. Ils sont, particulièrement pour la période allant de 1534 à 1634, nos plus riches sources de renseignements, tant sur la mentalité de l'époque que sur les événements qui ont marqué ces années. En tant qu'ouvrages littéraires, ils abordent des thèmes que des auteurs ont repris par la suite, comme la vie nomade dans les grands espaces, le Saint-Laurent, les saisons et les étapes de la colonisation. On peut diviser les récits de voyages sur la NOUVELLE-FRANCE en trois catégories qui, jusqu'à un certain point, se chevauchent: les explorations décrites par Jacques CARTIER et Samuel de CHAMPLAIN; les récits plus encyclopédiques de Gabriel Sagard, Nicholas DENYS et les jésuites et les analyses critiques de Louis HENNEPIN et du baron LAHONTAN.

Cartier étudie le Saint-Laurent, donne la première description de la région de Montréal et esquisse un portrait des Indiens. Champlain délaisse les voies navigables pour pénétrer dans les terres et dans les villages, conclut des alliances et fait la guerre contre les Iroquois. Dans l'oeuvre de Sagard, l'explorateur cède la place à l'ethnologue qui jette un regard pénétrant sur les HURONS, scrute les moindres détails de leur vie quotidienne et tente de tirer des conclusions au sujet de leurs pratiques sexuelles, religieuses et politiques, et de leurs habitudes alimentaires. Le contenu des RELATIONS DES JÉSUITES, vaste recherche menée par les jésuites et couvrant 60 années, est plus fragmentaire mais plus systématique que l'oeuvre de Sagard. Leurs connaissances passent par le prisme de l'évangélisme mystique et militariste qui leur est propre (un jésuite est un « soldat du Christ »). Ils perçoivent le Canada comme un vaste théâtre où Dieu et Satan se livrent une éternelle et impitoyable bataille par l'intermédiaire des « sauvages ». L'objectif de Lahontan dans Nouveaux voyages, mémoires et dialogues n'est pas d'apporter des faits nouveaux sur l'Amérique mais plutôt d'engager une polémique sur les connaissances de l'époque. Pierre CHARLEVOIX présente l'histoire de l'Am. du N. comme un tout cohérent, mais Lahontan soutient que l'histoire étant en perpétuel changement, le sens des événements ne peut être établi de façon permanente.

Le récit de voyage, genre littéraire complexe, représente à la fois une façon de communiquer une expérience individuelle, de discuter des connaissances générales existantes ou d'en apporter de nouvelles. Mais de quelle manière l'auteur peut-il transmettre le caractère unique de ses aventures alors que, souvent, d'autres ont vu avant lui ce qu'il décrit? La description des événements, des lieux exotiques et étranges doit être enrichie d'un contenu dramatique, organisée et placée dans un contexte facilitant la compréhension du lecteur européen. Il existe ainsi de nombreux écrits sur l'origine des Indiens et leur religion, de même que sur le climat du pays; on trouve également un grand nombre de cartes et quantité de dessins sur les Indiens d'Am. du N. et sur les plantes et les animaux du N. et du S. Les auteurs font de longues descriptions sur leurs thèmes favoris; ainsi Lahontan traite du castor, Hennepin des chutes Niagara et de MARIE DE L'INCARNATION, et les jésuites décrivent le tremblement de terre de 1663, la guerre, la chasse, les rituels complexes du mariage et de la fête des morts chez les Hurons.

Les récits de voyage écrits après 1760 sont également répartis en trois catégories principales. La première comprend les écrits des VOYAGEURS, des commerçants et des explorateurs. Il existe peu de récits de première main bien que Joseph-François Perrault, Jean-Baptiste Perrault, Charles Le Raye, Jean-Baptiste Trudeau, Pierre-Antoine Tabeau, François-Antoine Larocque et Gabriel Franchère aient tous relaté de façon intéressante leurs voyages au cours des années 1779 à 1810. À cette époque, ces récits ne sont pas publiés ou ne connaissent pas de grande diffusion; des spécialistes canadiens et américains les tirent de l'oubli au XXe s. La seconde catégorie, florissante durant la première moitié du XIXe s., se compose de récits de missionnaires, riches en observations sur la vie des Indiens et des Métis. On compte dans cette catégorie les Missions des frères Modeste Demers et François-Norbert Blondet, et les descriptions des missionnaires Jean-Baptiste Brouillet et Jean-Baptiste Bolduc sur la région côtière du Pacifique. Le genre subsiste dans les nombreux journaux intimes publiés par les ordres religieux canadiens-français (voir COMMUNAUTÉS RELIGIEUSES CHRÉTIENNES) qui envoient leurs « serviteurs » oeuvrer dans les coins les plus reculés de l'Empire brit., de l'Amérique latine, de l'Afrique française, du Japon et de la Chine.

La troisième catégorie, de loin la plus imposante, appartient à l'âge d'or du tourisme en paquebots de luxe de 1850 à 1960 env. En 1914, on compte plus de 100 récits sur les voyages dans « les vieux pays »: 46 en France, 38 en Italie (en particulier à Rome) et 20 en Angl. Les touristes et les pèlerins visitent également la Terre sainte, l'Algérie, l'Égypte et la Grèce. Ces récits sont riches en détails sur la mentalité de l'élite cléricale et intellectuelle de cette époque. Certains méritent encore d'être lus, comme le Journal d'un voyage en Europe & 1819-1820, de Mgr J.O. PLESSIS et les récits de voyage de François-Xavier GARNEAU, Voyage en Angleterre et en France, 1831-1833 (1854-1855), et ceux d'Adolphe-Basile Routhier, d'Honoré Beaugrand, de N.H.E. Faucher de Saint-Maurice de Jules-Paul TARDIVEL et des frères Léon PROVANCHER, Jean-Baptiste Proulx et Henri Cimon. La qualité des récits tend à diminuer après 1914, mais quelques narrations échappent à la banalité générale. Parmi celles-ci on compte les écrits d'Henri BOURASSA, de Jean Bruchési, de Charles-Joseph Magnan et du Dr Jules Dorion, les Impressions (1954) de Germaine Bernier et les pages pleines de charme d'Alain GRANDBOIS, Visages du monde. Eugène Cloutier publie une série d'excellents carnets de voyage dont, En Suède (1970), À Cuba (1971), Au Chili (1972).

Les auteurs qui racontent leurs périples ne se limitent pas à l'Europe. Ils relatent ceux qu'ils font au Qc, au Canada, au É.-U. et même en Afrique. Les textes d'Arthur BUIES sont sans contredit les mieux écrits sur le Qc. Peu de récits surclassent ses fidèles descriptions accompagnées de messages remplis d'émotion qu'il adresse à la minorité française du pays. Quelques auteurs traitent d'événements historiques particuliers comme la GUERRE DE 1812, l'expédition vers le Mexique (Faucher de Saint-Maurice), ou les RÉBELLIONS DE 1837. On compte aussi des récits sur les aventures des déportés aux Bermudes et en Australie, sur la ruée vers l'or en Calif., sur les aventures des ZOUAVES pontificaux, sur l'expédition qui mène en 1885 à la découverte du passage du N.-O., sur la RUÉE VERS L'OR DU KLONDIKE et enfin sur les deux guerres mondiales.

Le récit de voyage de langue française est à son apogée sous le régime français; sa qualité se détériore par la suite. Les excursions touristiques remplacent les expéditions coloniales et les courageux voyages des missionnaires. Le roman devient le lieu d'expression des aventures personnelles. Au Canada français, l'avènement du tourisme de masse et la concurrence des médias font finalement disparaître ce genre de littérature dans les années 60.

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