Rapatriement de la Constitution | l'Encyclopédie Canadienne

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Rapatriement de la Constitution

En 1982, le Canada rapatrie sa Constitution. En effet, il transfère la loi suprême qui régit le pays, l’Acte de l’Amérique du Nord britannique (renommé Loi constitutionnelle de 1867), de la compétence du Parlement britannique aux gouvernements fédéral et provinciaux du Canada. La Constitution est alors ajustée pour y inclure un nouveau mode de révision et une Charte des droits et libertés. Ces derniers changements sont apportés après 18 mois de débats politiques et juridiques féroces qui ont monopolisé la une des journaux et le programme de tous les gouvernements au pays.

Rapatriement de la Constitution

Promesse de Trudeau pour un référendum

Depuis les années 1920, les gouvernements canadiens tentent en vain de s’entendre sur la façon de reprendre et reformer la Constitution alors en vigueur au pays, l’ Acte de l’Amérique du Nord britannique. Ce n’est que six décennies plus tard que la réforme constitutionnelle devient l’un des nombreux chevaux de bataille du Parti libéral et la réponse immédiate du gouvernement fédéral à la campagne référendaire en cours au Québec.

Deux facteurs clés précèdent la bataille pour le rapatriement de la Constitution de 1980‑1981. D’abord, l’échec d’un demi‑siècle de diplomatie entre les gouvernements fédéral et provinciaux rend les négociations difficiles et tendues. (Voir aussi Relations fédérales-provinciales.) Ensuite, la victoire inattendue du premier ministre Pierre Elliott Trudeau et du Parti libéral aux élections de février 1980 garantit qu’un fédéraliste engagé mènerait la charge du rapatriement de la constitution du pays.

Dans la campagne menant au référendum du Québec le 20 mai 1980, le ministre de la Justice du gouvernement Trudeau, Jean Chrétien, fait pression contre le souhait des souverainistes québécois dans nombreuses petites villes du Québec. Entre temps, le premier ministre Trudeau prononce quatre discours importants dans lesquels il déclare aux Québécois: « Nous mettrons immédiatement en marche le mécanisme pour renouveler la Constitution et nous n’arrêterons pas avant que ce soit fait.  » Sa promesse est juste assez vague pour éluder toute définition, mais suffisamment inspirée pour faire pencher la balance du fédéralisme.

Après avoir concédé la défaite au référendum, le premier ministre du Québec, René Lévesque, exige que Pierre Elliott Trudeau tienne sa promesse constitutionnelle. Ce dernier s’empresse donc d’envoyer Jean Chrétien organiser une rencontre avec les premiers ministres de toutes les provinces.

Charte des droits

À l’époque, il est impossible de savoir dans quelles mesures le premier ministre Trudeau nécessite l’appui des provinces pour rapatrier et amender la Constitution. Légalement, tout changement requiert l’approbation du Parlement britannique. Cependant, suivant les conventions et les coutumes politiques, plus il y a de gouvernements provinciaux qui appuient les démarches fédérales de rapatriement de la Constitution, mieux sera reçue la demande.

Pierre Elliott Trudeau s’entoure d’un groupe de conseillers constitutionnels et formule une nouvelle série de revendications fédérales pour de nouveaux pouvoirs centralisés en matière économique. Il veut, dans ses mots, fixer dans la Constitution un « ensemble pour le peuple » (« people’s package ») qui comprend une nouvelle Charte des droits et libertés. Par ailleurs, il demande aux premiers ministres provinciaux de ne pas utiliser les pourparlers constitutionnels pour négocier de nouveaux pouvoirs provinciaux, affirmant que les pourparlers et la Charte elle‑même ne sauraient faire l’objet d’un vulgaire marchandage politique.

Les premiers ministres des provinces, cependant, veulent préserver ou même étendre leurs pouvoirs provinciaux. (Voir Distribution des pouvoirs.) Ils réagissent avec colère aux tactiques de Trudeau. Ils acceptent néanmoins d’entamer, au cours de l’été, une tournée pancanadienne lors de laquelle ministres de cabinet, hauts fonctionnaires et attachés politiques se réuniront pour discuter des 12 points convenus à l’ordre du jour. Une conférence des premiers ministres formelle est ensuite organisée au début septembre.

Ultimatum de Trudeau

La conférence des premiers ministres commence le 8 septembre 1980. Il s’agit de la dixième série de négociations sur la réforme constitutionnelle depuis 1927. Dès l’ouverture, les positions commencent déjà à se durcir. La veille, René Lévesque a discrètement remis aux premiers ministres, grâce à une fuite, des copies d’un document ultrasecret de 64 pages détaillant la stratégie de négociation d’Ottawa. Le document est baptisé « mémorandum Kirby » en l’honneur de son maître d’œuvre, Michael Kirby, secrétaire du Cabinet chargé des relations fédérales-provinciales. Le document est communiqué à la presse le deuxième jour de la rencontre, ce qui ne fait qu’envenimer une situation déjà tendue.

Pendant quatre jours, sous le feu des caméras de télévision, les premiers ministres provinciaux et le premier ministre Trudeau exposent (parfois de façon impressionnante) leurs visions fort divergentes du Canada. Ces visions sont réaffirmées en coulisse lors de réunions privées. Les positions irréductibles de chacun entraînent inévitablement l’échec de la conférence. Le 2 octobre, après avoir consulté son caucus et son cabinet, Pierre Elliott Trudeau annonce, sans surprise, qu’Ottawa présenterait une requête unilatérale au Parlement britannique. Trudeau propose aussi d’avancer la date de la rentrée parlementaire et d’adopter la résolution avant Noël pour ne pas donner le temps à l’opposition de rallier des suffrages.

Sous la direction d’Edward Broadbent, le Nouveau Parti démocratique (NPD) donne son appui provisoire au projet, bien que cette décision divise son caucus, essentiellement entre les régions de l’Est et celles de l’Ouest. Les conservateurs fédéraux, sous le leadership de Joe Clark, s’opposent vivement au projet. Ils utilisent d’ailleurs toutes les procédures à leur disposition pour faire barrage à la résolution, qui se retrouve finalement devant la Cour suprême à la fin du printemps 1981. Lorsque les libéraux invoquent la « clôture » pour que la résolution soit étudiée en comité parlementaire, une poignée de conservateurs se précipitent sur la chaire du président de la Chambre, poing levé et exigeant d’être entendus.

Le débat constitutionnel offre à Joe Clark un cheval de bataille qui lui permet de consolider son leadership faible. Il lui offre aussi l’occasion de faire valoir sa conception du pays, celle d’une « communauté de communautés ». Sa prise de position met cependant en évidence le fossé qui sépare les conservateurs fédéraux de leurs influents cousins ontariens. Le premier ministre de l’Ontario, William Davis, et celui du Nouveau‑Brunswick, Richard Hatfield, tous deux conservateurs, appuient le projet du premier ministre Trudeau.

Pierre Elliott Trudeau

« Bande des huit »

La résolution constitutionnelle, au cœur de laquelle se trouve la Charte des droits et libertés, est présentée à un comité parlementaire mixte du Sénat et de la Chambre des communes. Elle est sévèrement critiquée. Premier comité parlementaire à voir ses séances télévisées, il reçoit 914 pétitions de particuliers et 294, de groupes. Il siège sur plus de 65 jours, et ce, en grande partie à cause de ses délibérations; la première Charte est réécrite cinq fois de façon substantielle. Les révisions incluent des dispositions sur les droits des Autochtones, l’égalité des sexes et l’égalité des droits pour les personnes handicapées. Le Parti conservateur recommande l’ajout des « droits de propriété », mais les libéraux rejettent cette proposition, leurs alliés du NPD s’y opposant.

Les six provinces qui s’opposent le plus énergiquement au projet, c’est‑à‑dire le Québec, l’Alberta, le Manitoba, l’Île‑du‑Prince‑Édouard, Terre‑Neuve et la Colombie-Britannique, font front commun. La Saskatchewan (Allan Blakeney) et la Nouvelle‑Écosse (John Buchanan) finissent par se rallier au groupe mené par les « irréductibles » du Québec (René Lévesque), de l’Alberta (Peter Lougheed) et du Manitoba (Sterling Lyon). Cette « bande des huit » porte la résolution devant les cours d’appel du Manitoba, du Québec et de Terre‑Neuve. Elle lance aussi contre elle une campagne de relations publiques au Canada et en Grande‑Bretagne, où il exerce des pressions soutenues sur les membres du Parlement.

Jugement des Cours

Entre-temps, la résolution d’amendement de la Constitution poursuit son chemin devant la Cour suprême. En février 1981, la Cour d’appel du Manitoba, par trois voix contre deux, donne raison à Ottawa. En avril, la Cour d’appel du Québec donne également raison à Ottawa, par quatre voix contre une. Essentiellement, les deux Cours affirment que le gouvernement fédéral a le droit légal de rapatrier et modifier la Constitution, sans l’appui des provinces.

Par contre, quelques semaines auparavant, les trois juges de la Cour suprême de Terre‑Neuve avaient condamné à l’unanimité la procédure fédérale. La Cour de Terre-Neuve rend sa décision alors que la Chambre des communes est embourbée dans les tactiques de procédure de l’opposition conservatrice. Parallèlement, la bande des huit prépare sa propre conférence en vue de signer un autre accord constitutionnel qui limiterait la requête à l’Angleterre à une simple demande de rapatriement. Défendu par le premier ministre Lougheed, cet accord serait accompagné d’un mode de révision différent.

Pierre Elliott Trudeau consent soudainement à soumettre sa résolution à la Cour suprême. Cependant, il refuse de rencontrer la bande des huit à son arrivée à Ottawa, le 16 avril 1981. Il tourne également en ridicule son « Accord d’avril » dans lequel le premier ministre du Québec, René Lévesque, a accepté un mode de révision qui ne prévoit pas de droit de veto pour sa province.

Décision de la Cour suprême

Le 28 septembre 1981, la Cour suprême du Canada rend sa décision. (Voir Résolution d’amendement de la Constitution.) Elle statue qu’Ottawa peut légalement présenter cette requête au Parlement britannique, tout en estimant que la résolution va à l’encontre des conventions constitutionnelles, coutumes importantes mais sans force obligatoire, développées au Canada au fil des ans. La Cour décide, par sept voix contre deux, qu’il n’existe aucune limite juridique « au pouvoir des Chambres [c.‑à‑d. Chambre des communes et Sénat] d’adopter des résolutions ».

Cependant, ces mêmes juges, par six voix contre trois, estiment qu’un amendement qui vise à limiter les prérogatives provinciales nécessite un « consensus » des provinces. Faire autrement constituerait une violation de la convention constitutionnelle. Bien que cette façon de procéder soit une question de convention et non de loi, la Cour est d’avis que les conventions revêtent une très grande importance, que « la convention constitutionnelle plus la loi constitutionnelle égalent la somme de la Constitution de ce pays ».

Cette décision partagée, interprétée comme une victoire embarrassante pour les deux parties. Elle provoque une dernière série de négociations fébriles, que le premier ministre Trudeau qualifie de « conférence de la dernière chance ». Elle commence le 2 novembre 1981 à Ottawa.

La statue Justitia

Quatre jours dramatiques

Le premier jour de la conférence de quatre jours, le fédéral semble prendre l’initiative quand les premiers ministres William Davis (Ontario) et Richard Hatfield (Nouveau-Brunswick) proposent des compromis. Le premier ministre Davis propose de renoncer au droit de veto traditionnel de l’Ontario sur le changement constitutionnel. Le premier ministre Hatfield, quant à lui, propose de retarder de deux ans l’adoption de certaines dispositions de la Charte des droits et libertés au Nouveau‑Brunswick. Après une première série de déclarations publiques, les premiers ministres des provinces et leurs stratèges poursuivent leurs discussions dans un salon privé situé au dernier étage du centre de conférences. Le deuxième jour, la conférence officielle tourne au vinaigre et, à midi, est ajournée au lendemain.

La bande des huitest retirée dans des suites de l’hôtel Château Laurier, loin du centre de conférences. Ensemble, ses membres discutent d’un vague projet de compromis proposé par le premier ministre de la Colombie‑Britannique, William Bennett. Le projet visait à retarder l’adoption complète de la Charte des droits jusqu’à ce qu’elle puisse être examinée par une commission. La commission aurait produit un rapport et énoncé des recommandations à une date ultérieure. Les premiers ministres Bennett, Lougheed et Buchanan, finissent par soumettre ce projet à Pierre Elliott Trudeau, qui le rejette lors d’une confrontation houleuse.

« La proposition de la bande des huit n’a pas été acceptée », écrit Howard Leeson, un conseiller du premier ministre de la Saskatchewan, Allan Blakeney, dans ses notes personnelles. « À ce point-ci, le sentiment général est au découragement; aucun accord ne pourra être conclu. »

C’est une ambiance plutôt sombre qui s’installe au sein de certaines délégations provinciales. Les premiers ministres Davis et Blakeney, et leurs fonctionnaires, se croisent dans un restaurant d’Ottawa et poursuivent les échanges durant la soirée. Les deux groupes — l’Ontario rangé du côté de Pierre Elliott Trudeau et la Saskatchewan, de la bande des huit — s’entendent au moins pour dire que « l’on doit trouver une façon d’étirer les discussions jusqu’à ce qu’elles portent fruit, mais l’inspiration manque », écrit Howard Leeson.

Le troisième jour, le premier ministre du Manitoba, Sterling Lyon, se retire de la conférence et part en campagne électorale. Puis, René Lévesque parle lui aussi de quitter la conférence pour assister à l’Assemblée nationale du Québec.

Le même jour, le premier ministre Blakeney présente son propre plan. Celui-ci est discuté dans la salle de conférence, mais ne permet aucun réel progrès. Puis, à la surprise des autres membres de la bande des huit, René Lévesque accueille bien une remarque lancée à l’improviste par le premier ministre Trudeau, selon laquelle seul un référendum permettrait de sortir de l’impasse. L’idée est alors discutée pendant presque toute la journée. Dans l’après-midi, Pierre Elliott Trudeau vient annoncer à la presse d’un air assez facétieux qu’il y a une nouvelle alliance entre Québec et Ottawa.

« Accord de la cuisine »

Entre-temps, divers ministres et conseillers des différentes provinces se sont rencontrés en privé pour parler d’autres options. Au troisième jour de la conférence, les grandes lignes d’une entente fondée sur des compromis commencent à se dessiner. Suit une série de manœuvres complexes dans lesquelles plusieurs personnes jouent des rôles clés à des moments cruciaux.

La première étape consiste en une réunion privée entre trois procureurs généraux (ministres de la Justice), c’est‑à‑dire Jean Chrétien (Canada), Roy Romanow (Saskatchewan) et Roy McMurtry (Ontario). Le trio avait échangé des notes plus tôt dans la matinée. Au milieu de l’après‑midi, Jean Chrétien et Roy Romanow s’éclipsent pour poursuivre leurs pourparlers discrètement dans une arrière‑cuisine inoccupée du centre de conférences d’Ottawa pour examiner quelques propositions. À un moment donné, ils demandent à Roy McMurtry de les rejoindre. Le résultat, familièrement connu sous le nom d’« accord de la cuisine », ne fait pas l’objet d’une entente écrite officielle, mais de quelques notes écrites par les politiciens sur deux feuilles de papier.

La plupart des autres provinces ne sont pas au courant, mais l’accord est important puisqu’il définit les attentes des gouvernements du Canada, de l’Ontario et de la Saskatchewan. Il aide également à combler le fossé qui sépare la bande des huit du gouvernement fédéral. Jean Chrétien, principal négociateur fédéral, s’est alors engagé envers un compromis qui comprend une « disposition dérogatoire ». La disposition est destinée à limiter la portée d’une nouvelle Charte des droits en permettant aux provinces d’exempter leurs lois de certains droits de la Charte. Elle représente un argument de taille qui vise essentiellement à convaincre suffisamment les provinces pour parvenir à une entente générale.

Le premier ministre Blakeney a vent de l’accord de la cuisine par son procureur général, Roy Romanow, mercredi. Lorsque la conférence formelle est ajournée cette journée-là, il invite ses collègues de la bande des huit à se réunir en privé le soir pour discuter de la situation et pour élaborer un ensemble plus compréhensif; tandis que le premier ministre de l’Ontario William Davis propose à Pierre Elliott Trudeau de discuter de l’accord, entre autres choses.

La « nuit des longs couteaux »

Parallèlement, le premier ministre de Terre‑Neuve, Brian Peckford, et ses fonctionnaires ont préparé une proposition préliminaire qui reprend certaines idées évoquées lors de la conférence. (Voir Éditorial: Rendre à César ce qui appartient à César, l’histoire méconnue du rapatriement de la Constitution.) En cette nuit du 4 novembre 1981, les fonctionnaires de six provinces (c’est‑à‑dire Terre‑Neuve, la Nouvelle‑Écosse, l’Île‑du‑Prince‑Édouard, la Saskatchewan, l’Alberta et la Colombie‑Britannique, y compris à quelques reprises les premiers ministres eux‑mêmes) se réunissent dans la suite de la Saskatchewan pour peaufiner le document de Brian Peckford, avec des points tirés de l’accord de la cuisine pour rendre la proposition. Ils y ajoutent certaines dispositions pour rendre l’accord acceptable aux yeux de l’Ontario et d’Ottawa. Ces derniers n’ont alors aucune idée de l’existence du document de Terre‑Neuve; en contraste, bon nombre de membres de la bande des huit ignorent l’existence de l’accord de la cuisine ou de la nature des compromis qu’elle présente. Malgré tout, des dispositions majeures de tout un chacun sont fusionnées dans une seule proposition.

Les délégations provinciales qui n’étaient pas représentées à la réunion, notamment celles du Manitoba et de l’Ontario, finissent par être mises au parfum. Le premier ministre de l’Ontario, William Davis, est d’ailleurs tiré du lit après minuit par Allan Blakeney qui nécessitait son appui dans l’élaboration de l’ensemble.

René Lévesque

Fait important: la délégation du Québec, qui séjournait dans un hôtel de l’autre côté de la rivière des Outaouais, au Québec, n’a pas été mise au courant des développements cette nuit-là. On ne sait pas si les membres de la bande des huit ont tenté de joindre René Lévesque ou ses conseillers par téléphone. Le premier ministre Peckford affirme que des appels ont été faits, mais sont demeurés sans réponse. D’autres disent qu’aucune tentative de communication n’a été entreprise. « En général, écrit Howard Leeson, le Québec n’était jamais d’accord avec qui que ce soit et n’approuvait particulièrement pas l’ensemble élaboré. […] De toute façon, il était prévu de présenter la proposition au Québec à la réunion de la bande des huit prévue à 8h. »

Le défaut de communication avec René Lévesque durant la nuit — et, par conséquent, le fait de lui présenter un ensemble complet à la réunion matinale du dernier jour de la conférence — est perçu par le premier ministre Lévesque comme un geste de trahison de la part des premiers ministres provinciaux anglophones. Selon ses dires, ils auraient comploté contre lui durant la nuit. Au Québec nationaliste, on surnomme cette dernière la « nuit des longs couteaux », image factuelle ou fictive qui alimentera le désir de souveraineté au Québec pour des années à venir.

Brian Peckford présente donc l’entente préliminaire à la bande des huit au petit-déjeuner et plus tard, lors de la conférence, formellement aux premiers ministres du Canada et des provinces. Après quelques modifications mineures, le gouvernement fédéral, l’Ontario et le Nouveau‑Brunswick approuvent l’accord, et l’affaire est conclue. René Lévesque se plaint amèrement. Il est en effet le seul à refuser de signer l’entente. Il essaie en vain de convaincre Pierre Elliott Trudeau d’opter pour le référendum préalablement discuté.

Loi constitutionnelle de 1982

Le 5novembre 1981, la bataille constitutionnelle est pratiquement terminée. Dans les semaines qui suivent, les Autochtones et des groupes de femmes réussissent à obtenir que certaines clauses abandonnées dans le compromis de la « nuit des longs couteaux » soient rétablies. La résolution est ensuite envoyée en Angleterre, où elle est approuvée assez rapidement par le Parlement britannique. La reine ElizabethII vient au Canada proclamer, par un temps pluvieux, la nouvelle Loi constitutionnelle sur la Colline du Parlement le 17 avril 1982.

Plus tôt le même jour, René Lévesque quitte la conférence d’Ottawa en prédisant de sinistres conséquences pour la Confédération. « ‘Agir à la canadienne’ », dit-il en reprenant l’expression que ses homologues avaient utilisée pour annoncer leur compromis, revient à « abandonner le Québec au moment crucial ».

Il se passera encore cinq ans avant que le Québec songe à adhérer à l’accord constitutionnel. Les chefs politiques ne sont alors plus les mêmes: Robert Bourassa est premier ministre du Québec et Brian Mulroney, premier ministre du Canada. Malgré tout, leur entente visant à ajouter la signature du Québec à la Constitution ne sera finalement pas conclue. (Voir aussi Accord du lac Meech et Accord du lac Meech: document; Accord de Charlottetown; Accord de Charlottetown: document.)

Voir aussi: Histoire constitutionnelle; Droit constitutionnel; Statut de Westminster; Éditorial: Statut de Westminster, la déclaration d’indépendance du Canada; Loi constitutionnelle de 1867: document; Loi constitutionnelle de 1982: document; Éditorial: la canadianisation de la Constitution.

Lecture supplémentaire