Contestation politique | l'Encyclopédie Canadienne

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Contestation politique

Activité à caractère politique (manifestations, grèves et même violence [voir VIOLENCE POLITIQUE]) souvent entreprise par ceux qui n'ont pas accès aux ressources d'un GROUPE DE PRESSION organisé ou dont les valeurs sont diamétralement opposées à celles de l'ÉLITE dirigeante.
Ottawa, marche sur
Sauts à cloche-pied sur les rails à Kamloops (avec la permission de la collection du Toronto Star/016120-9000).
Communiste, manifestation du parti
Vancouver, Colombie-Britannique, dans les années 30 (avec la permission de la Vancouver Public Library).
Journée de protestation
Le 14 octobre 1976, un million de Canadiens se mettent en grève en signe d'appui au Syndicat canadien de la fonction publique.
Bray, R.E.
Un des dirigeants de la grève, R.E. Bray, prenant la parole devant les manifestants pendant la grève de Winnipeg, en juin 1919 (avec la permission de L.B. Foote, Western Canadian Pictorial Index).

Contestation politique

Activité à caractère politique (manifestations, grèves et même violence [voir VIOLENCE POLITIQUE]) souvent entreprise par ceux qui n'ont pas accès aux ressources d'un GROUPE DE PRESSION organisé ou dont les valeurs sont diamétralement opposées à celles de l'ÉLITE dirigeante. Elle porte sur une question ou une série de questions ou touche les revendications de catégories de citoyens : minorités ethniques et linguistiques, agriculteurs, femmes, jeunes, etc. Une contestation peut être organisée dans tous les secteurs de la société par des gens de gauche ou de droite.

Lorsque la contestation se déroule à l'extérieur des activités parlementaires, l'ÉTAT réagit soit par la répression, soit par une forme de compromis symbolique ou par un mélange des deux. Lorsque les dirigeants d'un mouvement de protestation sont issus de la bourgeoisie, il est souvent facile de trouver un compromis, notamment en intégrant leur action au processus politique. Dans ce cas, le mouvement de protestation tend lui-même à s'institutionnaliser pour devenir un nouveau groupement d'intérêt organisé qui participe, difficilement toutefois, au processus. Il arrive parfois que ces mouvements deviennent des partis politiques articulés autour des questions dont ils ont fait leur cheval de bataille. Ils deviennent alors partie intégrante du processus électoral et parlementaire et se conforment plus ou moins aux règles du jeu.

Quelquefois, les mouvements de contestation sont matés par la répression. Ils deviennent alors violents et utilisent le TERRORISME et l'insurrection civile. Certains mouvements tentent de trouver un juste milieu entre la violence et l'assimilation en favorisant la désobéissance civile pacifique.

Les mouvements de contestation au Canada, inspirés surtout des griefs économiques des agriculteurs et des travailleurs, commencent au début du XXe siècle. Les agriculteurs d'alors emploient diverses tactiques pour faire connaître leurs revendications à l'État. Ce faisant, ils parviennent à prendre le pouvoir en Ontario, en Alberta et au Manitoba et sont même, pendant un certain temps, le deuxième parti politique quant au nombre de députés aux Communes après l'élection de 1921. Une fois au pouvoir, toutefois, ils se comportent exactement comme les conservateurs ou libéraux qui les ont précédés.

 Les protestations des travailleurs, en 1919, contre les faibles salaires, les mauvaises conditions de travail et le refus de l'employeur de reconnaître les syndicats provoquent la GRÈVE GÉNÉRALE DE WINNIPEG que le gouvernement jugule par la répression. Un autre mouvement important, au début du siècle, est celui en faveur du DROIT DE VOTE DE LA FEMME, qui provoque l'agitation générale. En obtenant ce droit aux élections fédérales (1918), le mouvement féministe, qui a concentré son énergie sur cette question, perd peu à peu de son importance.

 Le chômage et la crise économique engendrés par la CRISE DES ANNÉES 30 déclenchent de nombreux mouvements de protestation dont plusieurs, radicaux ou socialistes de nature, défient la domination exercée par l'entreprise privée. La COOPERATIVE COMMONWEALTH FEDERATION est créée pour donner une orientation politique à ces mouvements. Le PARTI COMMUNISTE DU CANADA constitue une forme d'expression encore plus radicale.

 Il est courant de recourir à la répression policière pour étouffer les manifestations radicales, et particulièrement les grèves, de même que les manifestations de chômeurs, comme la MARCHE SUR OTTAWA de 1935, qui dégénère en une émeute sanglante à Regina. Outre ces mouvements de gauche, il y a ceux de droite, enracinés dans le FASCISME dans les années 30, surtout au Québec (voir aussi KU KLUX KLAN).

Pendant la Deuxième Guerre mondiale, un mouvement généralisé et populaire contre la CONSCRIPTION voit le jour au Québec. Il aboutit à la formation d'un parti politique, le BLOC POPULAIRE CANADIEN, fait face à une certaine répression et est suffisamment populaire pour obliger le gouvernement fédéral à reporter à 1944 l'imposition de la conscription.

Au cours des années 60, la manifestation politique est devenue partie intégrante du processus politique (voir HIPPIES; NOUVELLE GAUCHE). Manifestations pacifistes contre l'armement nucléaire et la guerre du Viêt-nam, contestations des jeunes et des étudiants, mouvements féministes, protestations contre la discrimination raciale ou contre les plans de réaménagement urbain menés par des organismes communautaires et manifestations écologiques mettent la politique canadienne en effervescence. Le mouvement de protestation le plus important de cette décennie est sans doute celui de l'indépendance du Québec, qui prend différentes formes. Le FRONT DE LIBÉRATION DU QUÉBEC, organe révolutionnaire, a recours aux bombes et au terrorisme.

En octobre 1970, l'enlèvement d'un diplomate britannique suivi de l'enlèvement puis de l'assassinat d'un ministre du Québec, Pierre LAPORTE , aboutit à l'imposition de la LOI DES MESURES DE GUERRE. Après la disparition presque totale de la violence du mouvement séparatiste, une aile modérée vouée à l'indépendance du Québec émerge autour du PARTI QUÉBÉCOIS, qui prend le pouvoir en 1976 (voir SOUVERAINETÉ-ASSOCIATION), exemple d'un mouvement de protestation suffisamment respectable et organisé pour devenir le gouvernement d'une province.

 Le MOUVEMENT DES FEMMES demeure un mouvement important de protestation au Canada. Les différents groupements féminins exercent des pressions et protestent au sujet de diverses questions. Les groupes écologiques (voir GREENPEACE) continuent aussi de livrer leur combat sur les PLUIES ACIDES, les dangers de la guerre nucléaire, la POLLUTION industrielle, etc. De plus en plus, les groupements d'autochtones font entendre leurs revendications.

Au cours des années 80, le mouvement antinucléaire regroupe un nombre imposant de protestataires dans tout le Canada, en particulier contre les essais des missiles américains Cruise en sol canadien. Les mouvements plus traditionnels continuent également de se manifester : en 1982, le milieu syndical organise la plus imposante manifestation jamais vue sur la colline parlementaire pour protester contre la hausse des taux d'INTÉRÊT et le CHÔMAGE. Les agriculteurs le font contre les saisies dont ils sont victimes et contre les changements apportés à la CONVENTION DU NID-DE-CORBEAU (voir SYNDICAT NATIONAL DES CULTIVATEURS).

Une autre caractéristique des mouvements de protestation de la fin des années 70 et du début des années 80 est l'émergence de mouvements populaires de droite (voir POPULISME). Les campagnes de protestations contre le bilinguisme et l'adoption du système métrique, le mouvement en faveur du SÉPARATISME de l'Ouest et les campagnes contre l'AVORTEMENT (p. ex. Provie) démontrent bien qu'ils ne sont pas l'apanage de la gauche politique.

Au cours des années 90, les mouvements de protestation prennent une autre tournure avec la relance des manifestations de la gauche. En réaction aux mesures draconiennes appliquées par les gouvernements pour éliminer les déficits et pour réduire leurs opérations, les personnes touchées par les compressions et les citoyens préoccupés par les brusques retournements des politiques de l'État providence protestent vigoureusement. Les protestations les plus spectaculaires sont la série de grèves d'une journée et les immenses manifestations dans des villes de l'Ontario en 1995-1996 contre les politiques du gouvernement provincial conservateur de Mike HARRIS et sa « Révolution du bon sens ». Cependant, d'autres manifestations contre les compressions des gouvernements fédéral et provinciaux ont lieu ailleurs au Canada.

Les mouvements de protestation font maintenant partie de la vie politique. Dans certains cas, la frustration engendre la violence qui, à son tour, conduit à la répression. Dans d'autres cas, lorsque les protestations sont suffisamment bien orchestrées pour gagner l'appui d'un grand nombre de personnes, il y a moyen de trouver des compromis. Toutefois, le risque d'assimilation des groupes de protestation efficaces est considérable, comme l'est celui de voir la cause devenir la victime du succès lorsque les mouvements de protestation se transforment en partis politiques et participent au pouvoir.