Société rurale au Québec | l'Encyclopédie Canadienne

Article

Société rurale au Québec

On a souvent lié le Québec au monde rural. Il s'agit toutefois davantage d'une identification idéologique que d'une observation de la réalité. En fait, en 1890, comme l'Ontario, le Québec est rural dans une proportion de 90 p. 100.

Société rurale au Québec

On a souvent lié le Québec au monde rural. Il s'agit toutefois davantage d'une identification idéologique que d'une observation de la réalité. En fait, en 1890, comme l'Ontario, le Québec est rural dans une proportion de 90 p. 100. Cependant, en 1931, la majorité de la population du Québec est urbaine, et, en 1956, plus de la moitié de sa population rurale ne cultive pas la terre. En 1962, à peine 4,2 p. 100 de sa main-d'oeuvre se consacre à l'agriculture, ce qui fait alors du Québec la province la moins agricole du Canada.

La définition d'un Québec embourbé dans une société rurale arriérée est d'abord imputable aux Québécois eux-mêmes. Depuis le milieu du XIXe siècle s'est développé au Québec un NATIONALISME pour lequel la meilleure façon de préserver l'héritage de la langue et de la foi repose sur le développement d'une société rurale forte et bien intégrée.

Maîtrise de l'avenir économique et culturel

La ville, selon cette idéologie, est le lieu privilégié des Anglais et des protestants. En s'exilant en ville, le Canadien français s'expose à perdre sa langue et sa foi. En milieu rural, au contraire, les Québécois sont maîtres de leur avenir économique et surtout de leur devenir culturel, de leur entité comme peuple.

Cette analyse de l'abbé GROULX et d'autres intellectuels mène à la conviction que le Québec est agricole et rural. Cette idéologie axée sur la vie rurale perdure jusqu'à la fin des années 50 et, dans le cas des associations agricoles (Union catholique des cultivateurs et COOPÉRATIVES agricoles), jusqu'au milieu des années 60. En fait, il faut attendre que la proportion de la population active travaillant en agriculture soit inférieure à 10 p. 100 et que plus de 75 p. 100 de la population soit urbaine pour que l'on renonce à cette vision idéologique du Québec.

Avec la RÉVOLUTION TRANQUILLE puis le PARTI QUÉBÉCOIS apparaît un nouveau nationalisme qui, cette fois, définit le Québec comme une société urbaine et industrielle. Le Québec peut même devenir la première société postindustrielle.

Les changements apportés du début du siècle XXe siècle

Peu importe la définition qu'en ont les autres et ses leaders, le Québec rural (agricole ou non) a beaucoup évolué depuis le début du XXe siècle. Jusqu'à la fin des années 30, l'agriculture québécoise est avant tout une activité de subsistance. La production est diversifiée et vise avant tout l'autarcie de la famille. De même, les techniques de production sont relativement rudimentaires et transmises de génération en génération.

Après 1910, l'agriculture québécoise découvre l'INDUSTRIE LAITIÈRE. Pratiquement toutes les fermes comptent des troupeaux produisant du lait qu'on transforme dans des beurreries ou des fromageries. On utilise même le petit lait dans la production du porc. Ces deux productions (lait et porc) ne sont cependant pas définies comme des spécialités. Il s'agit plutôt de productions d'appoint apportant l'argent liquide permettant d'acheter ce qu'on ne peut pas produire à la ferme. Il existe toutefois quelques exceptions, surtout dans la plaine de Montréal, mais en général, l'agriculture de subsistance a cours jusqu'à la Deuxième Guerre mondiale (voir AGRICULTURE. HISTOIRE DE L').

Durant la guerre, la demande pour le porc et les oeufs est tellement grande que le jeu de l'offre et de la demande ne fonctionne pratiquement plus. On peut alors produire autant qu'on veut et vendre à de très bons prix. Pour la première fois, les cultivateurs dans leur ensemble se spécialisent et obtiennent des revenus considérables. Cette situation est cependant de courte durée. Dès la fin de la guerre, le jeu de l'offre et de la demande reprend toute son âpreté. Certains cultivateurs ont utilisé leurs revenus pour moderniser leur exploitation. Ils peuvent ainsi affronter la concurrence et continuer à accroître leurs activités. La majorité a cependant utilisé ses revenus pour l'achat de biens de consommation pour la famille. Ces derniers n'ont pas suffisamment de capitaux pour réussir dans un marché où la production agricole est de plus en plus mécanisée.

L'abandon des fermes

Pour conserver le niveau de vie auquel la guerre les a habitués, des agriculteurs doivent abandonner l'agriculture, soit pour aller travailler en ville, soit pour travailler en forêt où la demande de main-d'oeuvre est très forte. Ainsi, en moins de 15 ans, plus des trois quarts des fermes du Québec sont abandonnées, la maison de ferme étant souvent déménagée au village.

Au même moment, la production agricole du Québec ne diminue pas pour autant. Au contraire, elle augmente en flèche. Si la majorité des cultivateurs délaisse l'agriculture, la minorité restante se montre plus efficace que jamais en transformant les fermes en entreprises agricoles modernes. En 1991, la production agricole du Québec est répartie entre quelque 38 076 fermes.

Associations de cultivateurs

Cette transformation de l'agriculture se manifeste aussi dans les associations de cultivateurs. L'Union catholique des cultivateurs (UCC), qui est surtout une organisation d'éducation, devient l'Union des producteurs agricoles (UPA), qui regroupe les cultivateurs en syndicats spécialisés et forme des offices de production. De même, les petites coopératives laitières se regroupent en coopératives géantes (celle de Granby est la plus considérable) qui envahissent les marchés internationaux. Les coopératives fédérées prennent graduellement le contrôle des étapes de production, de distribution et de commercialisation, ce qui est de l'intégration verticale, surtout dans le domaine de la production animale. Enfin, les entreprises privées pratiquent aussi l'intégration.

Le monde rural non agricole se transforme lui aussi. Il est formé depuis toujours d'artisans et de journaliers, peu nombreux (10 p. 100 de la population rurale) et qui ont peu d'influence. Depuis 1956, avec l'augmentation du nombre de travailleurs forestiers professionnels et l'augmentation dans les secteurs des transports et des petites usines, leur proportion croît rapidement. Ils formeront même jusqu'à 90 p. 100 de la population rurale.

Structure sociale de la société rurale contemporaine

Si autrefois la société rurale était homogène et composée de cultivateurs à peu près égaux (seuls les journaliers formaient une sorte de prolétariat), le milieu rural contemporain présente une hiérarchie sociale plus complexe. Au sommet, on retrouve des employés des services publics et parapublics (instituteurs, travailleurs sociaux, inspecteurs, etc.) au revenu stable et élevé. Suivent les cultivateurs et les petits industriels, puis les travailleurs non qualifiés, dont l'emploi est plus ou moins stable, et enfin, les assistés sociaux qui sont pour la plupart d'anciens cultivateurs et d'anciens bûcherons.

Ces deux derniers groupes, qui comptent de loin le plus de gens, vivent dans un état de PAUVRETÉ relative. Cette pauvreté endémique produit des effets contradictoires dans la population scolaire. D'un côté, on constate un taux d'abandon élevé après les études primaires ou au cours du secondaire. D'un autre côté, ceux qui n'abandonnent pas mettent plus d'effort au CÉGEP (COLLÈGE D'ENSEIGNEMENT GÉNÉRAL ET PROFESSIONNEL) que les citadins. Quant aux décrocheurs, leur avenir se limite au travail forestier ou de journalier rural. La pauvreté rurale se perpétue ainsi.

L'urbanisation est la transformation la plus considérable qu'a connue le milieu rural. La plupart des fonctions autrefois remplies sur place sont transférées dans les petites villes qui forment les capitales régionales. L'école secondaire (parfois même primaire), les principaux magasins, les établissements de crédit, les loisirs, les services médicaux et sociaux se retrouvent tous en ville. Les plus jeunes sont en contact quotidien avec la ville, tandis que les plus vieux y vont au moins une fois par semaine et le plus souvent deux ou trois fois.

Modes de vie ruraux

Il faut ajouter à ce contact physique une présence quotidienne de la ville par l'entremise des médias et, en particulier, de la télévision. Sur le plan sociologique, le mode de vie des ruraux ressemble étroitement à celui des urbains. La seule différence véritable, c'est que les ruraux habitent des villes moins denses (régions) où la culture rurale est à peine un souvenir, sinon du folklore.

Voir aussi ENFANCE, HISTOIRE DE L'; FAMILLE; NATIONALISME CANADIEN-FRANÇAIS; HISTOIRE INTELLECTUELLE.