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Écoles séparées

Aux États-Unis et au Canada, les parents sont libres d'envoyer leurs enfants dans des écoles du réseau public (voir SYSTÈMES SCOLAIRES) ou dans des écoles privées facturant des frais de scolarité.

Écoles séparées

Aux États-Unis et au Canada, les parents sont libres d'envoyer leurs enfants dans des écoles du réseau public (voir SYSTÈMES SCOLAIRES) ou dans des écoles privées facturant des frais de scolarité. Au Canada, plusieurs provinces, grâce à des réseaux d'écoles séparées publiques ou par un soutien public aux ÉCOLES PRIVÉES, offrent aux familles un choix plus vaste, généralement fondé sur la religion. Aux États-Unis cependant, une interprétation stricte de la doctrine de la séparation de l'Église et de l'État restreint quelque peu le choix. Pour les parents américains, l'éducation cesse d'être gratuite s'ils décident de ne pas envoyer leurs enfants dans les écoles publiques. Contrairement à la constitution américaine, en vertu de laquelle l'aide publique est refusée aux écoles séparées, les dispositions de la constitution canadienne garantissent une aide publique à de telles écoles.

Débuts

Les principes qui sous-tendent l'utilisation des fonds publics pour les écoles séparées et confessionnelles au Canada, et plus généralement la relation entre l'État et la scolarisation, sont établis dès le XIXe siècle. Derrière la création d'un réseau d'enseignement gratuit et universel, on retrouve une notion essentielle, très répandue à l'époque : la religion et l'éducation sont indissociables, et l'État a la responsabilité de favoriser, partout où c'est possible, une relation harmonieuse entre les deux. La religion est une composante essentielle de l'éducation pour les protestants et les catholiques.

De nombreux résidants des colonies de l'Amérique du Nord britannique finissent par se convaincre qu'il est essentiel de mettre sur pied des écoles vraiment publiques que tous les enfants pourront fréquenter. Cette conviction repose sur la crainte des dissensions confessionnelles et sur l'influence républicaine des États-Unis, mais les écoles publiques laïques sont vues aussi comme un instrument efficace qui va permettre de créer un sentiment d'appartenance national. En Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick par exemple, les écoles confessionnelles séparées sont considérées comme un élément de division sociale. Par contre, dans le Haut-Canada et le Bas-Canada, on a tendance à accepter l'existence d'écoles séparées et dissidentes comme un moyen de maintenir une certaine uniformité par le biais d'un contrôle public et de permettre l'exercice de certains droits minoritaires.

Ce modèle est reproduit ailleurs par la suite, par exemple en Saskatchewan et en Alberta, et on en arrive graduellement, au Canada, à subventionner l'éducation de certaines minorités religieuses dans des écoles confessionnelles, séparées et dissidentes. Satisfaction est donnée aux minorités pour des raisons éducatives plutôt que pour des motifs religieux, ce qui est significatif du consensus qui se crée : les parents jouent un rôle important dans l'éducation de leurs enfants et les écoles doivent être attentives aux demandes parentales en ce qui concerne l'éducation morale et religieuse.

La situation du Canada au début et au milieu du XIXe siècle diffère énormément de la situation américaine. En effet, dès les premières années de l'administration du HAUT-CANADA, l'Église d'Angleterre détient un important pouvoir politique, ce qui provoque d'importantes tensions entre elle et les protestants non anglicans et les catholiques qui luttent pour leurs droits légitimes. En revanche, au BAS-CANADA, il existe une forte majorité française et catholique et les anglo-protestants cherchent à se protéger des Canadiens français catholiques. L'État cherche donc à assurer protection juridique et soutien aux écoles confessionnelles, plutôt que de mettre sur pied un réseau scolaire public laïc. Ces arrangements sont enchâssés dans la LOI CONSTITUTIONNELLE de 1867 et, malgré une laïcisation de plus en plus grande et l'uniformisation des protestants au cours du XXe siècle, la responsabilité de l'État vis-à-vis des écoles confessionnelles demeure la même dans la plupart des provinces. L'idée selon laquelle l'Église et l'État sont des associés, plutôt que des forces hostiles et incompatibles qui doivent être éloignées l'une de l'autre, a conduit les autorités scolaires du Canada à subventionner des écoles juives au Québec, des écoles huttérites dans les provinces de l'Ouest, à tolérer des écoles Amish en Ontario et à permettre à l'Armée du salut d'ouvrir ses propres écoles à Terre-Neuve.

Depuis la Confédération

En 1867, chacune des trois colonies de l'Amérique du Nord britannique qui constituent le Dominion du Canada possède son propre réseau d'écoles publiques. Après la Confédération, grâce aux dispositions de l'article 93 de la Loi constitutionnelle de 1867, chaque province conserve une juridiction exclusive sur sa propre structure scolaire. Le paragraphe 1 de cet article 93 a pour effet de permettre à toutes les écoles confessionnelles, légalement constituées au moment de la Confédération, de bénéficier en permanence du financement public. Ce qui n'avait pas été précisé cependant, c'est que les écoles confessionnelles établies selon les coutumes de l'époque, sans être légalement constituées, ne se verraient pas garantir les mêmes droits.

À partir de la Loi constitutionnelle de 1867, les provinces sont libres de voter leurs propres lois scolaires, à condition qu'elles soient conformes aux garanties accordées aux écoles confessionnelles constituées légalement auparavant. Il en résulte cinq arrangements administratifs différents. Au Québec, on élabore un réseau public confessionnel constitué de deux courants séparés et indépendants, les écoles catholiques et les écoles protestantes, soit les deux grandes branches du christianisme occidental. Dans chaque arrondissement scolaire, les écoles confessionnelles de la minorité sont considérées comme des écoles dissidentes, mais, tout comme les écoles publiques de la majorité, elles assurent la formation de leurs maîtres et élaborent leurs propres programmes, ainsi que leurs mécanismes d'inspection par l'intermédiaire de leur section confessionnelle du Conseil de l'instruction publique (devenu le ministère de l'Éducation). Cependant, après la création, au provincial, du ministère de l'Éducation en 1964, l'autonomie confessionnelle est réduite au point que les deux branches finissent par enseigner sensiblement la même chose.

L'Ontario, la Saskatchewan et l'Alberta créent des réseaux d'écoles séparées, habituellement des réseaux d'écoles protestantes ou catholiques, parallèlement à des écoles publiques laïques. Les écoles séparées et les écoles publiques sont toujours administrées par un département ou un ministère de l'Éducation qui a la responsabilité des programmes, de la formation des maîtres et de l'octroi des diplômes, des programmes spéciaux et de l'inspection.

La Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, l'Île-du-Prince-Édouard et le Manitoba, adoptent des arrangements officieux pour financer les écoles confessionnelles. Entre 1871 et 1890, le Manitoba possède un réseau confessionnel à deux branches, catholique et protestante, semblable à celui du Québec. De 1890 à la fin des années 60 cependant, la province ne fournit aucune aide financière à un groupe religieux quelconque. Officiellement, on ne trouve dans ces provinces qu'un seul réseau d'écoles publiques laïques. En pratique, cependant, les compromis politiques et une certaine souplesse administrative permettent aux écoles catholiques de bénéficier d'un financement public en échange d'un contrôle étatique variable. Il existe donc également un réseau officieux d'écoles séparées en tous points semblable au réseau officiel, mais qui n'en a pas le nom.

Terre-Neuve et la Colombie-Britannique représentaient, il n'y a pas si longtemps, les pôles opposés dans l'organisation du financement public des écoles au Canada. Jusqu'à la fin des années 60, Terre-Neuve ne finance que les écoles confessionnelles; on peut donc parler d'un véritable réseau public d'écoles confessionnelles. En mars 1969, l'Église anglicane, l'Église unie et l'Armée du salut signent un document d'intégration entériné plus tard par l'Église presbytérienne. Par ce document, chaque Église cède son droit de diriger ses propres écoles, mais désigne un secrétaire exécutif chargé de conseiller le ministère de l'éducation sur les aspects confessionnels. Les autres confessions religieuses, les catholiques, les pentecôtistes et les adventistes du 7e jour, désignent aussi des secrétaires exécutifs au « conseil des écoles confessionnelles » qui fonctionne indépendamment du ministère, mais qui joue un rôle consultatif auprès de ce dernier. Jusqu'en 1977, seule la Colombie-Britannique refuse de financer les écoles confessionnelles. Les premières lois scolaires décrétées par le parlement de la nouvelle province en 1872 instituent des écoles laïques publiques et gratuites, en invoquant le principe de la séparation de l'Église et de l'État. Le réseau public est toujours en place, mais avec la loi 33 adoptée en 1977, la Colombie-Britannique finance maintenant des écoles confessionnelles et laïques privées.

La structure, les postulats et les pratiques organisationnels qui ont vu le jour, il y a un siècle, ont été contestés, souvent amèrement, et modifiés occasionnellement, mais, dans l'ensemble, il y a eu peu de changements administratifs substantiels entre la fin du XIXe siècle et les années 60. Au fil des ans, les tribunaux canadiens ont établi que les droits confessionnels à l'égard de l'instruction sont fondés sur la confession religieuse plutôt que sur la langue et que la religion pratiquée par les parents constitue un facteur décisif. Cependant, les parents n'ont pas toujours le loisir de choisir librement à quelle école, publique ou séparée, ils veulent envoyer leurs enfants, pas plus qu'ils ne peuvent choisir le réseau scolaire qui bénéficiera de leurs impôts. En Ontario, par exemple, un parent catholique peut choisir le réseau scolaire où verser ses impôts, et ses enfants fréquenteront nécessairement les écoles de ce réseau. Par ailleurs, un catholique peut choisir l'école publique, mais quelqu'un qui n'est pas catholique ne peut pas opter pour une école catholique.

En Saskatchewan, si une école séparée existe dans un arrondissement où le contribuable réside, celui-ci est tenu de soutenir l'école mise sur pied par les membres de sa confession religieuse. En Alberta, lorsqu'une école catholique séparée est mise sur pied dans un arrondissement scolaire, tous les catholiques de l'arrondissement paient leurs taxes scolaires au réseau des écoles séparées, tandis que ceux qui ne sont pas catholiques paient leurs impôts scolaires au réseau des écoles publiques. Dans les villes d'Edmonton, de Calgary et de Saskatoon, les conseils scolaires ont établi que les enfants non catholiques peuvent fréquenter les écoles catholiques séparées et que les enfants catholiques peuvent fréquenter les écoles publiques sans frais supplémentaires. Mais on ne peut affirmer avec certitude qu'il est possible pour quelqu'un qui n'est pas catholique de soutenir les écoles séparées, s'il déclare être catholique à des fins fiscales. En Alberta et en Saskatchewan, on répartit les impôts corporatifs de façon équivalente entre les deux réseaux qui bénéficient d'arrondissements plus vastes et d'écoles secondaires. En Ontario, cependant, on refuse aux parents qui ne sont pas catholiques le droit de choisir l'enseignement catholique pour leurs enfants. De plus, le soutien financier équitable accordé aux deux réseaux s'est rapidement effrité, et jusqu'en septembre 1985, le financement des écoles séparées ne va pas au-delà de la 10e année. Depuis cette date, on prolonge le financement public aux écoles séparées jusqu'à la 11e, puis progressivement jusqu'à la 12e année (en 1986) puis à la 13e année (en 1987).

Malgré ces différences de taille entre les provinces, certaines données sont communes : les impôts fonciers demeurent la source de tous les revenus scolaires dans la plupart des provinces; les écoles publiques, séparées ou non, sont en général gratuites; une structure administrative centralisée (dont les attributions sont variables) joue dans chaque province un rôle de supervision généralement semblable à l'égard des écoles publiques et séparées. De plus, avant les années 60, toutes les provinces insistaient pour qu'une instruction religieuse soit dispensée dans toutes les écoles publiques et que des exercices religieux (récitation du Notre-Père, lecture de passages de la Bible) aient lieu au début de la journée. Enfin, des arrangements financiers assez semblables existent dans un certain nombre de provinces.

Histoire récente

Au cours des 30 dernières années, un certain nombre de changements importants se produisent et les controverses politiques à l'égard du financement des écoles publiques se multiplient. Les changements résultent de nombreux facteurs. L'éducation devient indispensable pour accéder au marché du travail, les écoles secondaires se transforment donc en institutions de masse et l'éducation post-secondaire devient de plus en plus importante. Ainsi, les coûts du financement des écoles séparées augmentent, ce qui soulève de sérieuses interrogations sur la pertinence de l'enseignement séculier qu'elles dispensent. Cependant, les partisans des écoles séparées réussissent à augmenter leur financement public. La consolidation des petits arrondissements scolaires en unités administratives plus grandes transforme souvent des écoles homogènes (par la confession religieuse ou l'origine ethnique) en institutions plus hétérogènes, diluant ou éliminant ainsi le facteur d'homogénéité qui les structurait.

Ces constatations sont particulièrement vraies dans les provinces de l'Atlantique. La centralisation du financement à l'échelle provinciale remplace la structure dominante du financement local et coïncide habituellement avec une augmentation de ce financement. Par ailleurs, la centralisation a tendance à accroître les pouvoirs de contrôle de l'État et à diminuer l'autonomie des écoles qui acceptent des contributions du gouvernement, à mesure que celles-ci augmentent. La présence accrue des gouvernements provinciaux dans le domaine de l'éducation ainsi que l'importance de plus en plus grande du système éducatif ont des incidences sur le financement des écoles séparées et les relations entre l'Église et l'État dans chaque province.

Les provinces de l'Atlantique représentent un cas typique de modernisation des écoles publiques qui aboutit à une réduction de l'autonomie et de l'autorité officielle et officieuse exercée auparavant par les écoles catholiques. En Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick et à l'Île-du-Prince-Édouard, des arrangements officieux continuent de lier l'Église et l'État dans le domaine de l'éducation en permettant, par exemple, aux professeurs qui enseignent dans des écoles publiques situées dans des arrondissements catholiques de porter des vêtements religieux. Cependant, les efforts déployés par les gouvernements provinciaux pour améliorer les services éducatifs en mettant sur pied des structures plus efficaces et plus économiques, en centralisant et en consolidant le financement de façon à répartir plus équitablement les fonds publics, et en augmentant leurs pouvoirs de supervision sur toutes les écoles minent sérieusement la base confessionnelle de l'instruction. À Terre-Neuve, par exemple, les partisans de la confessionnalité doivent maintenant se contenter de jouer un rôle consultatif au lieu de définir les politiques scolaires.

Les politiques de financement des écoles séparées en Ontario sont uniques de bien des manières. Grâce à une immigration massive en provenance de pays catholiques d'Europe, tels que l'Italie et le Portugal, 37 p. 100 de la population de l'Ontario est catholique et environ 34 p. 100 des écoliers de niveau primaire fréquentent des écoles séparées. Parmi les 160 conseils scolaires qui régissent les écoles primaires, 57 sont catholiques et 1 seul est protestant. Depuis le mois de septembre 1987, toutes les écoles séparées sont financées sur la même base que les écoles publiques. Jusqu'en septembre 1985, les francophones éparpillés dans différentes régions de la province disposaient d'un autre moyen pour permettre aux étudiants catholiques de bénéficier de fonds publics de la 11e à la 13e année : ils fréquentaient les écoles secondaires publiques françaises. Cette situation témoigne donc d'un changement d'attitude important, dans la mesure où la langue et l'origine ethnique se voient accorder plus d'importance que la religion.

L'augmentation extraordinaire du nombre d'inscriptions dans les écoles séparées et confessionnelles au cours des 30 dernières années, ainsi que le pouvoir politique acquis par des groupes confessionnels témoignent de l'importance que les parents attachent à l'instruction comme moyen de préserver des valeurs religieuses et culturelles et d'améliorer leur situation économique. D'autres regroupements de parents partageant divers intérêts (linguistiques, ethnoculturels ou éducatifs), dont les préoccupations ne sont pas satisfaites à l'intérieur des écoles publiques ou dans le cadre d'écoles privées subventionnées, vont bientôt se manifester et exiger un soutien financier dans un cadre de pluralisme scolaire disparu depuis le milieu du XIXe siècle, en fait, depuis l'avènement des écoles publiques. On peut dire qu'au milieu des années 90, les partisans des écoles confessionnelles acquièrent dans le domaine de l'éducation une importance que peu de gens auraient pu prévoir il y a 30 ans.