Mât totémique | l'Encyclopédie Canadienne

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Mât totémique

Le totem (également connu sous le nom « poteau monumental ») est une grande installation sculptée dans du bois de cèdre, créée par les peuples autochtones de la côte du Nord-Ouest pour servir d’enseigne, d’histoire généalogique et de monument commémoratif. Les sculpteurs les plus connus sont Mungo Martin, Charles Edenshaw, Henry Hunt, Richard Hunt et Stanley Hunt.
Un totem au parc Stanley, à Vancouver, en Colombie-Britannique (photo prise le 11 novembre 2010)
Totems au parc Thunderbird, à Victoria, en Colombie-Britannique, le 5 août 2011. Le parc fait partie de la Cité culturelle du Musée royal de la Colombie-Britannique et abrite de nombreux monuments des Premières Nations.
Un totem près de Vancouver (25 juin 2009)
Mât héraldique commémoratif au-dessus de Hlk'yah GaawGa (baie Windy), Gwaii Haanas, le 4 septembre 2013. Le mât marque l'endroit où les Haïdas se sont rassemblés en 1985 pour protester contre les coupes d'arbres.

Qu’est-ce qu’un totem?

Un totem ou un poteau monumental est une grande installation créée par les peuples autochtones de la côte du Nord-Ouest qui présente l’histoire d’une nation, d’une famille ou d’un individu, et qui affiche leurs droits sur certains territoires, leurs chants, leurs danses et d’autres aspects de leur culture. Les totems peuvent également être utilisés comme monument commémoratif ou pour raconter des histoires. Sculpté dans de grands cèdres rouges droits et peint de couleurs vives, le totem est représentatif de la culture autochtone côtière et de l’art autochtone de la côte du Nord-Ouest.

Histoire des totems au Canada

Totem à Alert Bay
L'un des totems à Alert Bay, en Colombie-Britannique, est considéré comme étant le plus grand au monde.
Totem d'aigle à Alert Bay, en Colombie-Britannique

Les preuves archéologiques suggèrent que les peuples du nord de la côte Ouest sont parmi les premiers à créer des totems avant l’arrivée des Européens. La pratique s’est ensuite étendue au sud le long de la côte dans le reste de la Colombie-Britannique et de l’État de Washington. Les Premières Nations reconnues pour avoir fait les totems les plus anciens comprennent les Haïdas, les Nuxalk (Bella Coola), les Kwakwaka’wakw, les Tsimshians et les Łingíts. Les Salishs de la côte font aussi des sculptures en cèdre, mais ce ne sont pas vraiment des totems. Ils sculptent des planches de bois qui se fixent à l’intérieur ou à l’extérieur de leurs maisons cérémoniales.

L’arrivée des Européens modifie la construction des totems contemporains, car ils introduisent de nouveaux matériaux et outils de sculpture pour les peuples autochtones grâce au commerce au 19e siècle. La colonisation menace aussi l’existence même des totems. À partir du 19e siècle, le gouvernement fédéral cherche à absorber les Premières Nations en interdisant leurs pratiques culturelles dans la Loi sur les Indiens, y compris le potlatch, qui est la cérémonie au cours de laquelle les totems sont souvent érigés. Jusqu’à la levée de l’interdiction du potlatch, en 1951, les totems sont déplacés et appropriés par les Européens, saisis de leurs domiciles et amenés dans des musées et des parcs du monde entier. Les missionnaires chrétiens encouragent également la coupe des totems, qu’ils considèrent comme des obstacles à la conversion des peuples autochtones. Les totems commandés par des peuples non autochtones pendant cette période étaient, et sont toujours, considérés comme étant culturellement insensibles. Ce n’est qu’en 2017 que la Première Nation Haisla a pu enlever et remplacer un vieux poteau monumental qui n’avait pas été sculpté ou érigé selon ses coutumes avec un nouveau poteau conçu par la nation Haisla.

Après les modifications apportées à la Loi sur les Indiens, les années 1950 voient un début d’accroissement de demandes des Autochtones pour récupérer les totems. De nouveaux totems sont commandés pour des musées, des parcs et des expositions internationales. À la fin des années 1960, les totems sont de nouveau édifiés lors des potlatchs. En tant que tel, le totem peut être considéré comme un symbole de survie et de résistance à l’empiètement culturel et territorial. De nombreuses collectivités de la côte du Nord-Ouest se sont battues pour rapatrier les totems que les forces coloniales leur avaient confisqués pour les vendre ou les exposer ailleurs. En 2006, les Haislas ont rapatrié avec succès d’un musée suédois un totem qui leur avait été pris en 1929 (voir Rapatriement des artefacts).

Conception des totems et significations

Différentes Premières Nations ont leurs méthodes de conception et de sculpture de totems. Les Haïdas, par exemple, sont connus pour sculpter des créatures avec des yeux audacieux, tandis que les totems kwakwaka’wakw ont généralement des yeux étroits. Les Salishs de la côte ont tendance à sculpter des représentations de personnes, alors que les Tsimshians et les Nuxalk ont tendance à sculpter des êtres surnaturels sur leurs totems.

En général, cependant, les totems sont habilement sculptés dans du cèdre rouge, et sont généralement peints en noir, en rouge, en bleu, en bleu-vert et parfois en blanc et en jaune. Alors que, par le passé, la peinture n’est pas beaucoup utilisée dans le cadre de la conception, elle est couramment utilisée aujourd’hui. La taille des totems varie, mais les mâts de façade peuvent mesurer plus d’un mètre de largeur à la base, atteignant des hauteurs de plus de 20 m et faisant généralement face aux rives des rivières ou de l’océan.

Les images d’animaux sur les totems représentent des créatures issues des emblèmes de la famille. Ces emblèmes sont considérés comme la propriété de lignées familiales spécifiques et reflètent l’histoire de cette lignée. Les animaux couramment représentés sur les emblèmes comprennent le castor, l’ours, le loup, le requin, l’épaulard, le corbeau, l’aigle, la grenouille et le moustique. Les animaux de l’emblème représentent la parenté, l’appartenance à un groupe et l’identité, tandis que le reste du poteau peut représenter l’histoire d’une famille.

Certains totems comportent aussi des êtres surnaturels ou des êtres humains, chacun étant important et significatif pour la nation ou l’individu qui l’a commandé et pour la personne qui l’a sculpté.

L’appropriation culturelle des totems par les Européens au fil des ans a créé et popularisé la fausse idée qu’ils affichent une hiérarchie sociale, avec le chef en haut et les roturiers en bas. En fait, les représentations de personnes ne se trouvent généralement pas au sommet d’un totem, et dans certains cas, la figure ou l’emblème le plus important se trouve en bas. Les totems ne représentent pas l’organisation sociale d’une nation selon une méthode descendante, mais racontent plutôt une histoire sur les croyances, les antécédents familiaux et culturels d’une nation ou d’une personne en particulier.

Types de totems

Il existe différents types de totems, chacun ayant son objectif et sa fonction. Certains, par exemple, sont propres à la mort et aux pratiques funéraires. Des totems commémoratifs sont érigés à la mémoire d’un chef décédé ou d’un membre de haut rang. Les totems représentent les réalisations du membre ou l’histoire de sa famille. Les poteaux mortuaires honorent également le défunt. Les poteaux mortuaires haïdas comprennent une boîte au sommet où sont placées les cendres du chef ou du membre de haut rang.

Certains totems sont utilisés pour représenter les familles et les lignées familiales. Les totems de maison, placés le long des murs arrière ou avant d’une maison, sont des poteaux qui, d’une part, aident à soutenir les poutres de toit et, d’autre part, racontent des lignées de famille. De même, les poteaux de façade ou de portail sont des monuments à l’entrée d’une maison qui décrivent l’histoire familiale.

Les poteaux accueillants font ce que leur nom suggère : accueillir les visiteurs. Les Premières Nations érigent parfois des poteaux pour accueillir des invités importants lors d’un festin ou d’un potlatch. La Première Nation Hupacasath a des personnages bien connus sur son territoire. Les bras tendus, les personnages sculptés dans les poteaux accueillent et guident les invités lors de leurs voyages. Un autre type de poteau de salutation est le poteau de l’orateur : une figure sculptée d’un ancêtre. Un orateur désigné et placé derrière le poteau annonce les noms des visiteurs. Dans un sens, cela permet aux ancêtres, parlant à travers l’orateur désigné, d’accueillir également les invités.

Les poteaux commémoratifs rappellent des événements importants et historiques. En 2013, les Haïdas ont érigé un poteau commémoratif pour rappeler la signature du Gwaii Haanas Agreement (1993), un accord novateur entre les Haïdas et le gouvernement du Canada qui établit la relation de gouvernement à gouvernement et de gestion pour la Nation Gwaii Haanas. Le sculpteur Jaalen Edenshaw a supervisé et a travaillé sur le poteau commémoratif, qui est devenu le premier totem élevé dans le territoire protégé des Gwaii Haanas en plus de 130 ans.

Les totems peuvent également être utilisés comme moyen de guérison et d’éducation. Le totem de l’artiste Charles Joseph, érigé le 3 mai 2017 à Montréal, rappelle le système des pensionnats indiens. Lui-même survivant des pensionnats indiens, ce dernier voulait exprimer ses émotions au sujet de ces années douloureuses, tout en travaillant sur la réconciliation. De même, Isadore Charters, artiste et survivant des pensionnats indiens, a partagé son histoire avec des jeunes grâce à un projet de construction d’un totem. Il sculpte un totem de guérison qui raconte son expérience de huit ans dans un pensionnat indien de Kamloops. Le poteau est également destiné à favoriser la guérison.

Les totems de la honte ou les totems ridicules sont des éléments moins communs de la tradition, mais sont traditionnellement utilisés pour se moquer et critiquer les voisins qui sont insultants, offensants ou ne remboursent pas leurs dettes. Ces totems sont également utilisés par les chefs pour rabaisser leurs rivaux politiques. Les communautés contemporaines peuvent utiliser des tactiques similaires maintenant pour protester contre les entités externes, qu’elles soient gouvernementales ou corporatives.

Sculpteurs de totems

Ce n’est pas tout le monde qui peut sculpter un totem. Des spécialistes connus sous le nom de « sculpteurs » sont mandatés par des Premières Nations ou des individus pour les fabriquer. Le bois que les sculpteurs utilisent pour fabriquer un totem est prélevé de préférence sur le territoire autochtone où il sera placé. À l’aide d’outils tels que des herminettes (couteaux incurvés) et des burins, les sculpteurs partent du bas du poteau, après l’avoir décapé et nettoyé, et travaillent vers le haut, sculptant par-dessus des motifs légèrement dessinés.

Les sculpteurs d’une génération plus ancienne, comme Charles Edenshaw (1839-1920), Charlie James (1867-1938) et Mungo Martin (1881-1962), ont inspiré des artistes tels Ellen Neel (1916-1966), Henry Hunt (1923-1985), Bill Reid (1920-98), Douglas Cranmer (1927-2006), Tony Hunt (1942- ), Norman Tait (1941-2016) et Robert Davidson (1946- ) à poursuivre la tradition et ils inspirent eux-mêmes une nouvelle génération. Aujourd’hui, leur travail, et le travail des sculpteurs de la prochaine génération comme Jaalen Edenshaw, peuvent être vus dans des musées, des galeries, des territoires traditionnels, des parcs comme le parc Stanleyet le parc Thunderbird, en Colombie-Britannique, et ailleurs.

Importance

Les totems sont des expressions importantes de cultures autochtones spécifiques le long de la côte du Nord-Ouest. Malgré les menaces posées par l’empiètement culturel, politique et territorial, l’art de la sculpture de totem a survécu. Bien que le totem ait été utilisé à tort comme symbole générique de l’identité canadienne au fil des ans, il est important de comprendre que ces monuments sacrés sont propres à certaines Premières Nations et ont donc une signification profonde pour ces peuples et leurs ancêtres.

Collection des peuples autochtones

Lecture supplémentaire

Liens externes