Traité n° 3 | l'Encyclopédie Canadienne

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Traité n° 3

Le 3 octobre 1873, la tribu des Saulteaux de la nation des Ojibwés et le gouvernement du Canada signent le Traité n° 3, également connu sous le nom de Traité de l’angle nord-ouest. Cet accord confère au gouvernement fédéral l’accès aux terres des Saulteaux dans ce qui est aujourd’hui le nord-ouest de l’Ontario et l’est du Manitoba en échange de divers biens et de la reconnaissance des droits des Autochtones à la chasse, à la pêche et aux ressources naturelles dans les terres de réserve. Les modalités et le texte du Traité n° 3 établissent un précédent pour les huit traités numérotés qui suivront.

Les terres du Traité no 3.
(avec la permission de Native Land Digital / Native-Land.ca)

Contexte historique

En 1869, le gouvernement du Canada amorce la construction de routes et d’un réseau de voies navigables de Lower Fort Garry, au Manitoba, jusqu’à l’est du lac des Bois, et de Thunder Bay jusqu’au lac Shebandowan, au nord-ouest de l’Ontario. Ces projets ont pour objectif principal d’ouvrir l’accès aux régions intérieures du Canada.

D’après les plans du gouvernement, ce réseau de routes et de voies navigables empiète sur le territoire des Saulteaux (voir Ojibwés). Simon J. Dawson, ingénieur et superviseur du projet, est conscient que la réussite du projet dépend du maintien de relations cordiales avec ceux-ci. Simon J. Dawson suggère au gouvernement fédéral de confier à Robert Pither, un ancien employé de la Compagnie de la Baie d’Hudson, la tâche de rendre visite aux Saulteaux afin de leur expliquer le projet et démontrer la bonne volonté du gouvernement. Ayant auparavant travaillé auprès des Saulteaux, celui-ci connaît bien leur communauté. Simon J. Dawson suggère également au gouvernement de négocier un traité avec les Saulteaux l’été suivant.

Décidant de ne mettre en œuvre que la première des deux recommandations de Simon J. Dawson, le gouvernement fédéral nomme Robert Pither comme agent auprès des Indiens en 1870 (voir Délégués Indiens au Canada). Ce dernier est ensuite envoyé à Fort Frances, dans le district de Rainy River au nord-ouest de l’Ontario, où il est chargé d’établir et de maintenir des relations amicales avec les peuples autochtones qui y sont établis. À cette époque, le gouvernement ne songe pas encore à la nécessité d’un traité.

Au même moment, la rébellion dans la colonie de la rivière Rouge, au Manitoba, retient toute l’attention du gouvernement (voir Rébellion de la rivière Rouge). Le gouvernement prévoit envoyer une expédition militaire afin de rétablir sa mainmise sur ce territoire. Toutefois, pour se rendre à la rivière Rouge à partir de l’Ontario, les troupes doivent traverser le territoire des Saulteaux. Encore une fois, le gouvernement fédéral croit bon d’envoyer un représentant pour aviser les Saulteaux de l’expédition, dans le but de maintenir de bonnes relations et d’assurer la sécurité des troupes. Ainsi, en juin 1870, le député Wemyss M. Simpson rejoint Robert Pither à Fort Frances.

Dès son arrivée, Wemyss M. Simpson s’adresse à un rassemblement d’environ 1 500 membres de la tribu des Saulteaux. Il les informe du passage prochain d’une expédition militaire par leurs terres à destination de la rivière Rouge. Soulignant que les troupes ne leur veulent aucun mal, Wemyss M. Simpson leur demande de ne pas en entraver la marche. Il offre également d’embaucher des Saulteaux en tant que travailleurs et guides pour l’expédition.

Les Saulteaux refusent ces emplois, mais conviennent de ne pas gêner le mouvement des troupes. Ils précisent également qu’ils s’attendent à être payés pour la construction de toute route ou voie navigable enjambant leur territoire. Ils demandent 10 $ par homme, femme et enfant, à être versés chaque année « aussi longtemps que le soleil brillera ». De plus, les Saulteaux demandent des rations de porc, de thé, de tabac et de farine, à utiliser dans le cadre de célébrations à l’occasion du versement des paiements annuels par le gouvernement (voir Jour de la distribution).

Bien que les Saulteaux soient prêts à négocier un traité, ils font clairement savoir à Wemyss M. Simpson qu’ils n’ont aucune intention de permettre aux fermiers de s’établir sur leurs terres. Plutôt que de céder leurs droits à la terre, ils demandent une compensation en échange de la permission de développer des projets gouvernementaux spécifiques sur leur territoire.

Jugeant ces demandes excessives, Wemyss M. Simpson avertit les Saulteaux que le gouvernement ne les accepterait pas. Informé de la situation, sir Adams George Archibald, le  lieutenant-gouverneur du Manitoba et des Territoires du Nord-Ouest, déclare qu’il est impossible d’accéder aux demandes des Saulteaux. Il fait valoir que le gouvernement ne serait prêt à payer les frais invoqués que si les Saulteaux « renonçaient à leurs droits sur l’ensemble du territoire ».

En décembre 1870, les Saulteaux font savoir à Simon J. Dawson qu’ils souhaitent toujours signer un traité. Bien qu’ils soient disposés à négocier les conditions de l’entente, les Saulteaux continuent à s’attendre à une certaine forme de compensation pour l’utilisation de leurs terres.

L’année suivante, le gouvernement du Canada révèle qu’il a l’intention de négocier la cession du territoire des Saulteaux. Nommé commissaire aux Indiens en mai 1871, Wemyss M. Simpson se voit confier la responsabilité de conclure un traité avec les Saulteaux. Également nommés commissaires, Simon J. Dawson et Robert Pither deviennent assistants de ce dernier.

Négociations du traité en 1871

Le gouvernement fédéral établit des limites sur les sommes que les trois commissaires peuvent offrir aux Saulteaux (Ojibwés) en échange de la cession de leurs terres. Le secrétaire d’État Joseph Howe déclare que « le montant maximal que vous êtes autorisés à verser est de douze dollars par année pour une famille de cinq personnes; vous avez le pouvoir discrétionnaire d’ajouter de petites sommes lorsque les familles dépassent ce nombre ».

À la fin de juillet 1871, Wemyss M. Simpson, Simon J. Dawson et Robert Pither rencontrent les Saulteaux à Fort Frances et au lac Shebandowan. Les commissaires expliquent que le gouvernement prévoit acheter les droits des Saulteaux sur le territoire. Cependant, les Saulteaux n’ont pas intérêt à accepter l’offre proposée; ils continuent de demander des paiements pour le « droit de passage » sur leur territoire. Les commissaires quittent Fort Frances et le lac Shebandowan sans conclure d’entente, mais ils acceptent de revenir au début de l’été suivant avec des « cadeaux », tels que des vêtements et des paiements en espèces dont les montants restent à déterminer.

Négociations du traité en 1872

En juin 1872, les trois commissaires reprennent les négociations avec les Saulteaux (Ojibwés). Derechef, Wemyss M. Simpson, Simon J. Dawson et Robert Pither essuient un refus. Wemyss M. Simpson informe le gouvernement fédéral que les Saulteaux présentent de nouvelles exigences encore plus « extravagantes », y compris une augmentation des paiements annuels. Il est possible que ces nouvelles demandes aient été motivées par la découverte d’argent et d’or sur leurs terres, ce qui en augmente la valeur. Wemyss M. Simpson croit aussi que les tribus de Saulteaux aux États-Unis ont une influence sur leurs homologues canadiens. Les Saulteaux américains ont auparavant signé un traité leur offrant davantage que ce que promettent les commissaires au Canada.

Le gouvernement fédéral ordonne à Wemyss M. Simpson d’essayer à nouveau de négocier un traité à l’automne à Fort William, en Ontario. Afin d’améliorer ses chances de réussite, Wemyss M. Simpson se voit autorisé à offrir aux chefs des salaires annuels de 25 $ et aux officiers subordonnés des salaires de 15 $. Le gouvernement a bon espoir que cela permettra de persuader les dirigeants des Saulteaux d’accepter l’offre.

En octobre 1872, Wemyss M. Simpson se rend à Fort William, mais n’y trouve que quelques Saulteaux, la plupart d’entre eux ayant regagné leurs foyers après la saison de chasse. Il ne peut donc pas tenir de rencontre ni présenter les dernières offres du gouvernement. La négociation du traité est suspendue jusqu’à l’été suivant.

Négociations du traité en 1873

George McPherson et sa famille, Angle nord-ouest, lac des Bois (aujourd’hui en Ontario)
George McPherson (assis) travaillait pour la Compagnie de la Baie d’Hudson dans le district de Témiscamingue dans les années 1830 et, plus tard, a servi d’interprète au cours des négociations du Traité no 3 de 1873.

En juin 1873, les commissaires tentent à nouveau de parvenir à une entente avec les Saulteaux (Ojibwés). Un nouveau projet d’expansion du chemin de fer Canadien Pacifique (CFCP) du  lac Supérieur à la rivière Rouge dépend du succès des commissaires, puisque le chemin de fer traverserait le territoire des Saulteaux.

Simon J. Dawson est conscient que la seule façon de conclure un traité est d’obtenir la permission de faire des offres plus généreuses. Il recommande au gouvernement d’égaler l’offre américaine de 14 $ par personne pour la cession de leur territoire, en plus d’accorder un paiement annuel de 6 $ à 10 $. Simon J. Dawson suggère également que le nouveau lieutenant-gouverneur du Manitoba et des Territoires du Nord-Ouest, Alexander Morris, prenne part à la négociation suivante, accompagné de compagnies militaires, de manière à démontrer l’« importance cruciale » que le gouvernement accorde au traité.

Simon J. Dawson est conscient que la seule façon de conclure un traité est d’obtenir la permission de faire des offres plus généreuses. Il recommande au gouvernement d’égaler l’offre américaine de 14 $ par personne pour la cession de leur territoire, en plus d’accorder un paiement annuel de 6 $ à 10 $. Simon J. Dawson suggère également que le nouveau lieutenant-gouverneur du Manitoba et des Territoires du Nord-Ouest, Alexander Morris, prenne part à la négociation suivante, accompagné de compagnies militaires, de manière à démontrer l’« importance cruciale » que le gouvernement accorde au traité.

Le gouvernement permet à Wemyss M. Simpson, Simon J. Dawson et Robert Pither d’offrir 15 $ par personne annuellement, mais souligne qu’il s’agit du « montant maximal » et que les commissaires doivent s’assurer d’« obtenir des conditions plus favorables pour le traité ».

Pendant ce temps, le surintendant général adjoint aux Affaires indiennes, William Spragge (voirMinistères fédéraux des Affaires autochtones et du Nord), prend connaissance de faits qui, selon lui, augmenteraient encore davantage le pouvoir de négociation des commissaires. Il apprend en effet que le montant par personne offert aux Saulteaux par le gouvernement des États-Unis n’était pas plus avantageux que celui offert par le Canada. Alors que le gouvernement du Canada offre un paiement annuel continu, le gouvernement des États-Unis avait offert le paiement pour une durée allant jusqu’à 15 ou 20 ans.

Armé de ces nouvelles informations et accompagné d’une escorte militaire, Alexander Morris arrive à l’angle nord-ouest (aux confins des frontières contemporaines du Manitoba, de l’Ontario et du Minnesota) en septembre 1873, fin prêt à négocier un traité. Les Saulteaux retardent la réunion, demandant d’abord un changement d’emplacement, ce qui leur est refusé. Ils déclarent ensuite qu’ils ont besoin de plus de temps pour discuter des conditions du traité, ce qui leur est accordé.

Le 1er octobre, les négociations reprennent. Alexander Morris décrit les conditions du gouvernement :

Je vous donnerai des terres pour la culture et des réserves pour votre usage personnel… Il se peut que le gouvernement n’utilise pas les autres terres avant longtemps et, d’ici là, vous pourrez y pêcher et chasser. Je créerai également des écoles lorsque les bandes le demanderont afin que vos enfants puissent apprendre à la façon de l’homme blanc… Je donnerai dix dollars par tête cette année et cinq dollars les années suivantes. Je donnerai à chaque chef, dont le nombre ne doit pas dépasser deux par bande, vingt dollars par année à perpétuité. Je donnerai cette année à chacun de vous des biens et des provisions que vous pourrez emporter chez vous, et je suis sûr que vous serez satisfaits.


Après avoir étudié l’offre d’Alexander Morris durant une journée, le porte-parole principal des Saulteaux, le chef Ma-We-Do-Pe-Nais présente les demandes de son peuple. Celui-ci exige 50 $ par année pour chaque chef, 20 $ pour chaque membre du conseil et 10 $ pour chaque membre de la bande. Il demande également un paiement forfaitaire de 15 $ pour chaque membre de la bande. En outre, les Saulteaux demandent des vêtements, des outils et équipements pour la pêche et l’agriculture, des articles ménagers, des denrées alimentaires et du bétail. Le chef Ma-We-Do-Pe-Nais souligne cependant que ces produits et sommes serviront à titre de compensation pour l’utilisation de leurs terres, et que le gouvernement n’en sera pas propriétaire. Il déclare à Alexander Morris et aux commissaires : « Vous êtes venus ici sur notre propriété ».

Alexander Morris refuse ces demandes, faisant valoir que son offre initiale était juste. Les Saulteaux demeurent inébranlables. Le chef Ma-We-Do-Pe-Nais déclare : « Je vous ai présenté nos points de vue. Nos mains sont pauvres, mais nos têtes sont riches, et ce sont des richesses que nous demandons afin de pouvoir faire vivre nos familles aussi longtemps que le soleil se lèvera et que les rivières suivront leur cours ». Le chef Ma-We-Do-Pe-Nais est sur la défensive, car il sait que d’autres nations autochtones se sont fait dérober leurs terres par les colons en retour de maigres concessions (voir Traités nos 1 et 2).

Les négociations restent au point mort jusqu’à ce que le chef Sah-katch-eway des bandes du lac Seul et de la rivière English déclare aux commissaires que son peuple est prêt à signer un traité. Ce faisant, le chef Sah-katch-eway brise les rangs avec les autres chefs. Alexander Morris est conscient des dissensions entre les différentes bandes de Saulteaux, ce qu’il est prêt à utiliser à son avantage. Il encourage vivement les Saulteaux à se réunir pour reconsidérer l’offre du gouvernement. Il leur indique que s’ils refusent une nouvelle fois l’offre du gouvernement, il n’aura d’autre choix que de négocier avec les bandes individuelles.

Les leaders des Saulteaux quittent la table de négociation pour discuter entre eux. Ils sont rejoints par quatre Métis : l’honorable James McKay, Pierre Léveillée, Charles Nolin et M. Genton. On ignore si ces hommes sont invités par les Saulteaux ou si Alexander Morris requiert leur présence afin de convaincre les Saulteaux d’accepter son offre. Il est également difficile de déterminer l’influence des quatre hommes sur le conseil des Saulteaux.

Alors que les Saulteaux se réunissent pour discuter de l’offre du gouvernement, les commissaires se rassemblent également et décident que si les Saulteaux en venaient à signer le traité, ils augmenteraient le paiement unique en espèces de 10 à 12 $ par famille de cinq personnes. Ils accéderaient également à certaines de leurs autres demandes, y compris celle de financer l’achat de certains outils agricoles et armes.

Le 3 octobre, à la reprise des négociations, Alexander Morris remarque que les Saulteaux semblent satisfaits de l’accord révisé. Toutefois, ceux-ci continuent à faire pression pour obtenir plus de marchandises, y compris des outils et des vêtements. Alexander Morris accepte une partie des nouvelles demandes. Les Saulteaux obtiennent également de nouveaux droits et privilèges, y compris l’exemption du service militaire, la permission de chasser et de pêcher dans les terres de réserve, et la possibilité de permettre à des parents ayant déménagé aux États-Unis d’être inclus dans ce traité s’ils reviennent vivre au Canada dans les deux années qui en suivent la signature.

Les Saulteaux demandent si les Métis peuvent être également reconnus dans le traité. Alexander Morris rejette cette demande, mais promet de soulever la question auprès du gouvernement fédéral.

Après quelques séances de négociations supplémentaires au sujet de la distribution de certains biens et services, les Saulteaux acceptent les conditions du traité. Le Traité n° 3 est signé le 3 octobre 1873 et confirmé par un décret en conseil, le dernier jour du même mois.

Adhésions au traité en 1874-1875

Certaines bandes de Saulteaux (Ojibwés) ne sont pas en mesure de se rendre aux négociations à l’angle nord-ouest en 1873. Cependant, elles conviennent à l’avance d’accepter les conditions qui seront négociées par les bandes en mesure d’y prendre part. Après la signature du traité, Simon J. Dawson se rend au lac Shebandowan et expose les grandes lignes du traité à deux bandes qui y vivent afin d’obtenir leur adhésion. Celle-ci est obtenue le 13 octobre 1873 et confirmée par un décret en conseil le 5 janvier 1874.

Le printemps suivant, Robert Pither se rend au lac Seul pour obtenir l’adhésion des Saulteaux qui y vivent. Leur adhésion est signée le 9 juin 1874 et confirmée par un décret en conseil le 18 juillet 1874.

À partir de 1874, les Métis vivant dans les terres autour du territoire visé par le Traité n° 3, à savoir Rainy Lake et Rainy River, expriment le désir d’adhérer au traité. Ils demandent cependant un paiement annuel pour l’achat de munitions et de ficelle pour les filets de pêche. En retour, les Métis promettent de renoncer à leurs revendications territoriales. Leur adhésion est confirmée en 1875.

Après quatre années de négociations, le Traité n° 3 est officiellement conclu.

Conditions écrites

Médailles de traités
Deux faces d’une pièce commémorative, Médaille des chefs indiens, présentée pour commémorer les Traités nos 3, 4, 5, 6 et 7.

Selon les conditions du traité, le gouvernement du Canada promet de mettre de côté des réserves pour les Saulteaux (Ojibwés) et de leur fournir des indemnités de toutes sortes, y compris un paiement forfaitaire de 12 $ par famille de cinq personnes et un paiement annuel de cinq dollars par personne. Le gouvernement convient également de fournir des fonds pour l’achat de matériel agricole et d’autres outils.

En contrepartie, les Saulteaux acceptent de céder tous leurs droits et titres sur leurs terres au gouvernement du Canada. Ces terres ont une superficie totale de 14 245 000 hectares. Les Saulteaux conservent le droit de chasser et de pêcher sur ces terres jusqu’à ce que le gouvernement décide de les utiliser à d’autres fins, y compris pour l’établissement de colonies, l’exécution de travaux publics et l’extraction de ressources. De nombreuses bandes visées par le Traité n° 3 maintiennent cependant que les signataires n’avaient accepté que de partager leurs terres avec le gouvernement, pas de les céder complètement.

Promesses verbales

Bien que le traité ait été rédigé de façon rigoureuse, certaines des offres faites aux Saulteaux ne se retrouvent pas dans le texte. Par exemple, l’exemption du service militaire et les distributions gouvernementales de nourriture pour les célébrations au moment des versements annuels ne sont pas mentionnées. Le texte du traité ne garantit pas non plus le droit des Saulteaux à l’extraction minière sur leurs réserves, ni ne stipule que les parents vivant aux États-Unis peuvent adhérer au traité s’ils reviennent au Canada dans les deux années suivant sa signature. Ces questions demeurent non résolues.

Traité Paypom

En raison des divergences entre les conditions du traité qui ont été promises verbalement et celles qui sont incluses dans le texte, les Saulteaux (Ojibwés) soutiennent que la version gouvernementale du Traité n° 3 ne correspond pas à la version originale. Cette dernière, qu’ils appellent le traité Paypom, a été obtenue en 1906 par un membre des Saulteaux, Allan Paypom, de la part du chef Powasson.

Les historiens affirment que le traité Paypom est une transcription des notes prises par Joseph Nolin, dont les services ont été retenus par le chef Powasson pour rédiger un compte-rendu des négociations du traité. Les notes de Joseph Nolin comportent quelques différences par rapport au texte du Traité n° 3. Premièrement, contrairement au texte original, le traité Paypom comporte deux signatures, soit celles de Joseph Nolin et d’August Nolin. Deuxièmement, il comprend quatre promesses verbales qui sont exclues du texte du Traité n° 3. Fait intéressant, cependant, le traité Paypom ne fait aucune mention des droits de pêche sur les terres de la Couronne inoccupées, ce qui est inclus dans les conditions écrites du Traité n° 3.

Bien que cette interprétation ne fasse pas l’unanimité, certains historiens attribuent ces incohérences à des erreurs de la part des commissaires, qui auraient voulu compléter le traité hâtivement. Il est possible que les commissaires, désireux de finaliser le traité, aient envoyé à Ottawa une copie du traité datant de l’année précédant sa conclusion.

Administration

Parmi les fonctionnaires chargés de l’administration du traité, on compte le commissaire aux Indiens Joseph-Albert-Norbert Provencher, le lieutenant-gouverneur Alexander Morris et le représentant du ministère des Affaires indiennes, Lindsay Russell.

On confie à Joseph-Albert-Norbert Provencher la responsabilité de distribuer les montants en argent et les biens préalablement convenus ainsi que de recueillir les outils et le matériel agricoles requis par les Saulteaux (Ojibwés). Cependant, des contraintes financières et des retards empêchent la distribution d’une bonne partie des biens promis aux Saulteaux. Ces derniers se plaignent également de la piètre qualité de certains des produits et du bétail qu’ils reçoivent. Bien que le gouvernement fasse des efforts pour résoudre ces problèmes, les résultats ne se font pas sentir immédiatement. En 1888, les bandes de Saulteaux n’ont toujours pas reçu tout le bétail auquel elles avaient droit. Dix-neuf ans plus tard, le gouvernement fédéral achève l’achat du matériel agricole, d’animaux et d’autres produits pour le Traité n° 3, pour une somme totale de 77 745 $.

Réserves et revendications territoriales

En juillet 1874, Simon J. Dawson et Robert Pither se voient confier la tâche de sélectionner les terres de réserve du Traité n° 3. On leur indique de sélectionner des réserves situées à distance de zones de peuplement potentielles et d’exclure les terres renfermant des dépôts de minéraux connus. Malgré quelques différends initiaux avec les bandes de Rainy River et du lac des Bois, toutes les réserves du Traité n° 3 sont confirmées avant la fin de l’année 1914.

Lors du processus de sélection des réserves, un différend surgit entre le gouvernement de l’Ontario et celui du Canada quant aux limites ouest du Traité n° 3. Résolvant cette question, la Loi de 1889 sur le Canada (frontières de l’Ontario) attribue la majorité des terres du Traité n° 3 à la province de l’Ontario. La décision dans la cause St. Catherine’s Milling and Lumber Company c. la Reine (1888) déclare également que, bien que le gouvernement du Canada ait compétence législative sur les affaires autochtones, les terres du traité appartiennent toujours au gouvernement de l’Ontario. La province a donc le droit de prendre part au processus de sélection de réserves.

La décision rendue dans le cadre de la cause Milling demeure une source de frustration pour les peuples du Traité n° 3, qui avancent que, leurs ancêtres n’ayant jamais été consultés dans le cadre des procédures, leurs droits aux terres visées n’ont jamais été pris en considération. Une question semblable sur les droits contestés à la terre voit le jour en 2002, lorsque le gouvernement de l’Ontario délivre des permis d’exploitation forestière qui, de l’avis de la Première Nation de Grassy Narrows, violent le Traité n° 3. Le différend mène à un blocus de Grassy Narrows par les peuples du Traité n° 3 ainsi qu’à une affaire judiciaire : Première Nation de Grassy Narrows c. Ontario (Ressources naturelles). En 2014, dans un jugement unanime, la Cour suprême du Canada affirme le droit du gouvernement de l’Ontario à la « prise des terres » à Grassy Narrows. Selon les peuples du Traité n° 3, l’affaire de Grassy Narrows ne comporte aucune protection ni même reconnaissance de leurs droits à la terre.

Malgré ces revers, les peuples du Traité n° 3 continuent à défendre leurs droits à la terre. Ils font valoir un ensemble de revendications auprès du gouvernement de l’Ontario au sujet de la qualité et de la superficie des terres des réserves : Lac La Croix (revendication présentée en 2002); Mitaanjigamiing/Stanjikoming (négociations amorcées en 2007); Première Nations du lac à la Pluie (en négociation depuis 2009); Seine River (revendication acceptée aux fins de négociation en mars 2011); et Northwest Angle n° 37 (l’Ontario a accepté la revendication aux fins de négociation en mai 2013).

Répercussions et influences

Le Traité n° 3 crée un précédent de différentes manières. Il relance un débat sur les promesses verbales non tenues, également connues sous le nom de « promesses en dehors » des traités nos 1 et 2. Bien qu’on ait verbalement promis aux signataires autochtones des traités nos 1 et 2 des instruments agricoles, des vêtements et du bétail, ces promesses ne font pas partie des dispositions écrites de ces traités. À la suite de l’inclusion par le gouvernement de ces modalités dans la version écrite du Traité n° 3, les signataires autochtones des traités nos 1 et 2 exigent le même traitement. En avril 1875, le gouvernement adopte un décret en conseil qui résout ces enjeux. Le gouvernement procède également à l’accroissement des montants versés annuellement aux peuples autochtones des traités nos 1 et 2, de manière à les rapprocher de ceux versés en vertu du Traité n° 3. Après sa signature, le Traité n° 3 devient la norme sur laquelle les traités numérotés ultérieurs se fondent.

Le Traité n° 3 se distingue également par son inclusion des Métis. Bien que les Métis aient pris part aux négociations d’autres traités numérotés (tels que les traités nos 8, 10 et 11) et qu’ils aient été intégrés à certains d’entre eux, le Traité n° 3 est le seul traité numéroté auquel ils ont collectivement adhéré. Certains Métis estiment qu’il s’agit là d’une importante reconnaissance de leurs droits par le gouvernement fédéral. Cependant, des questions sur l’identité métisse, les revendications territoriales et les droits des Autochtones sont encore débattues, tant par des groupes métis que par des représentants du gouvernement et des législateurs. (Voir  Les Métis sont un peuple, pas un processus historiqueLes « autres » Métis).

Interprétations et activisme

Bien que le Traité n° 3 ait établi un précédent, bon nombre des descendants des signataires affirment que leurs ancêtres ne comprenaient pas pleinement les conditions du traité. Que ce soit en raison d’erreurs de traduction ou encore de perspectives culturelles ou de conceptions divergentes de la propriété des terres, ces conditions demeurent contestées. Les peuples du Traité n° 3 soutiennent que, quoiqu’ils aient consenti au partage de leurs terres et des ressources naturelles qu’elles renferment, ils n’avaient pas l’intention de les céder entièrement au gouvernement fédéral ni de renoncer à leur souveraineté en tant que nation indépendante.

De nombreux peuples signataires de traités font également valoir que ces conditions devraient faire l’objet d’une refonte adaptée au contexte moderne. Notamment, alors que les peuples du Traité n° 3 reçoivent toujours des paiements annuels lors du  Jour de la distribution, ces paiements n’ont pas été ajustés au fil du temps pour tenir compte de l’inflation, un problème qui, de l’avis de plusieurs, devrait être rectifié par le gouvernement fédéral. De même, les promesses concernant les soutiens éducatifs et économiques devraient être interprétées à la lumière des réalités actuelles.

Le Traité n° 3 aujourd’hui

Le Grand conseil du Traité n° 3 est l’organe politique et administratif qui représente les 28 signataires du traité, y compris les 26 Premières Nations du nord-ouest de l’Ontario et les deux Premières Nations du sud-est du Manitoba. Les terres qui font partie de son territoire de compétence ont une superficie de 14 244 935 hectares. Le Grand conseil du Traité n° 3 représente également environ 25 000 Autochtones, dont près de la moitié vivent au sein de réserves. Le conseil vise à protéger et préserver les droits des  Autochtones à la terre, tout en continuant à poursuivre des objectifs d’autonomie gouvernementale.

En avril 2003, le Traité n° 3 acquiert également son propre corps policier : le Treaty Three Police Service (TTPS). Financé par le gouvernement fédéral et ceux des provinces, le TTPS sert 23 Premières Nations signataires du Traité n° 3.

Traités : termes clés

Céder (Cession)

Céder une terre (l’acte de cession) consiste à abandonner le statut de propriétaire d’une terre et le droit de la gérer.

Adhésion

En signant leur adhésion à un traité, les peuples autochtones qui n’ont pas pu assister aux négociations du traité ou qui n’ont pas été initialement invités à y participer ont convenu d’être visés par les termes du traité.

Titre foncier

Un titre foncier définit les droits spécifiques associés à un territoire. Au Canada, un titre autochtone définit les droits de certains peuples autochtones sur des terres en fonction de l’utilisation et de l’occupation de longue date de ces terres. C’est l’unique droit collectif d’utiliser des territoires ancestraux et d’exercer une souveraineté sur ces territoires. Ce titre est distinct du droit de propriété accessible aux citoyens canadiens non autochtones dans le cadre de la common law.

Annuité ou rente

Les annuités de traité sont des sommes en liquide que le gouvernement du Canada verse annuellement aux descendants des Autochtones qui ont signé le traité Robinson–Supérieur, le traité Robinson-Huron ou un des traités numérotés.

Collection des peuples autochtones

Guide pédagogique perspectives autochtones

Liens externes