Anthems, motets et psaumes | l'Encyclopédie Canadienne

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Anthems, motets et psaumes

Anthems, motets et psaumes. L'anthem a été défini comme la contrepartie, en langue anglaise et dans l'église protestante, du motet en latin dont il est un dérivé.
L'anthem a été défini comme la contrepartie, en langue anglaise et dans l'église protestante, du motet en latin dont il est un dérivé. Les anthems, habituellement avec accompagnement, et les motets, habituellement a cappella, sont des pièces chorales chantées à l'église durant les offices mais ils ne font pas partie de la liturgie imposée ou des chants des fidèles comme les hymnes et les répons. À l'instar des motets, ils sont entièrement la responsabilité du dir. de la musique et du choeur. En partie, leur rôle est de servir d'ornement, c'est-à-dire dissiper la monotonie et favoriser le recueillement durant la collecte des offrandes. Leur rôle est aussi de provoquer, aux périodes de repos ou d'arrêt du rituel liturgique, l'émotion religieuse des fidèles par la musique la plus élevée. Ils renferment les plus beaux exemples de la poésie de l'Église, rattachés à une musique des plus directes, des plus succinctes et des mieux inspirées.

Si les anthems et les motets sont l'ornement des offices, les psaumes, dans leur usage premier, en sont la base et la place importante qu'ils occupent est imposée, de même que leur exécution. Ils sont chantés sous forme d'antiennes ou récités sous forme de répons. Rien n'empêche cependant de mettre en musique des versets des psaumes pour en faire des anthems. Plusieurs psaumes ont aussi été utilisés dans des mises en musique pour le concert, atteignant la dimension de cantates. Le Livre des Psaumes est le plus ancien recueil de paroles de chants encore en usage.

En France, des formes analogues au motet sont appelées antiennes et sont écrites à trois ou quatre voix, souvent avec une voix soliste en plus et un orgue et/ou deux ou trois instruments. Le motet lui-même fut adopté en France après 1600, en grande partie grâce aux oeuvres d'Henri (Henry) Du Mont pour grand choeur, souvent sur des textes de psaumes. Au cours des 200 années suivantes, cette forme fut utilisée par M.-A. Charpentier, de Lalande, Campra et Lully, entre autres. Charpentier, en particulier, s'associa aux efforts des Jésuites pour que soient maintenus le caractère religieux et l'inspiration pieuse de cette musique et il n'est pas surprenant que les compositions de ce maître de la musique sacrée du XVIIe siècle aient accompagné les missionnaires jésuites au Canada. Le père René Ménard (1605-1661) aurait composé des motets au Canada, mais on ne sait trop s'il est l'auteur des textes, de la musique, ou des deux (Les Ursulines de Québec, vol. I, Québec 1863, p. 39). Une sélection de 20 motets, antiphones et cantiques provenant des archives des Ursulines et de l'Hôtel-Dieu de Québec a été transcrite et publiée par Erich Schwandt dans The Motet in New France (Victoria, C.-B. 1981). L'Hôtel-Dieu conserve, en outre, un manuscrit autographe de Marc-Antoine Charpentier.

Une référence à un concert de musique chorale au Canada, probablement composé d'airs fugués du style de la Nouvelle-Angleterre, se trouve dans le registre de sacristie de l'église Saint Paul's à Halifax. Elle est datée du 24 juillet 1770, époque où des plaintes s'élevèrent au sujet de l'inintelligibilité des textes d'hymnes (« la majorité de l'assemblée ne comprend ni les mots ni la musique et ne peut donc pas participer »). De telles oeuvres ne furent cependant pas publiées au Canada avant le XIXe siècle. Le premier recueil canadien, de format rectangulaire (plus large que haut) et incluant de telles oeuvres à trois et quatre parties, le Union Harmony, fut publié à Saint-Jean, N.-B., par Stephen Humbert en 1801 et en comporte 12 attribuées à Humbert lui-même ainsi que quatre airs fugués. Le premier recueil contenant des anthems en plus de psaumes et d'hymnes fut TheHarmonicon (1836). Sa troisième édition contient un long anthem en vers d'après le Psaume 40, ainsi que cinq anthems complets.

Dans le Haut-Canada, l'exécution du chant en parties suivit la mise sur pied du premier choeur à York, celui de la cathédrale Saint James', en 1818. Mme Anna Jameson nota en 1837 que « les psaumes et les anthems sont exécutés de façon assez acceptable » en cet endroit, sous la direction de l'organiste William Warren. Deux ans auparavant, Warren avait compilé A Selection of Psalms and Hymns for Every Sunday, ouvrage qui comprenait plusieurs de ses propres mélodies, un anthem de Samuel Arnold et des mises en musique élaborées d'hymnes aux proportions semblables à celles de l'anthem. L'édition de 1842 incluait en outre les textes de 50 anthems, presque exclusivement des extraits d'oratorios européens et des oeuvres dans la tradition des cathédrales anglaises, qui constituaient probablement le répertoire de l'époque. Le Union Harmony précité contient quelques anthems canadiens, de même que celui de James Paton Clarke publié à Toronto en 1845. Des neuf pièces de Clarke que comprend le Canadian Church Psalmody, deux sont des anthems complets. Il existe également un anthem d'Edward Hodges (1796-1867), Anglais qui passa une partie de l'année 1838 à Toronto comme organiste à la cathédrale Saint James'.

Les anthems de Clarke et de son collègue John McCaul, alors prés. du King's College (Université de Toronto), jouirent d'une vogue considérable. La mise en musique de McCaul du Psaume 41, « Blessed be the Man », plus tard connue internationalement, fut interprétée par la Toronto Philharmonic Society le 23 mars 1846. Le concert final du choeur, le 27 avril 1847, inclut l'anthem en huit parties « Arise O Lord God » de Clarke, le premier exercice canadien pour l'obtention d'un B.Mus.

Les choeurs d'église du Haut-Canada constitués dans la première moitié du XIXe siècle consacrèrent surtout leurs efforts à chanter des hymnes et des psaumes, et parfois, lors de fêtes, des anthems. Vers le milieu du siècle cependant, des oeuvres plus sophistiquées circulèrent à travers le Canada. Des exécutions d'anthems parus dans le Parish Choir (une revue anglaise) au Labrador et à Terre-Neuve furent rapportées dans le numéro de juin 1949. John Medley, intronisé évêque de Fredericton en 1845, introduisit les idéaux du mouvement d'Oxford au Nouveau-Brunswick et publia plusieurs de ses propres anthems. L'un d'entre eux fut inclus dans Selection of Anthems as Sung in the Cathedrals of Montreal, Toronto and Quebec de George Carter. Ce recueil cartonné de 1865, probablement conçu pour l'utilisation des textes par l'assemblée, témoigne de l'exécution très fréquente d'anthems.

À cette époque, diverses confessions publièrent leurs propres recueils d'airs pour « améliorer et rehausser » la musique chez leurs adhérents. Le Presbyterian Psalmody (Montréal 1851) comprend plusieurs airs du compositeur américain Lowell Mason et fut parmi les premiers à placer la mélodie (jusqu'alors au ténor) au soprano dans ses psaumes versifiés anglais et écossais. The Canadian Church Harmonist de 1864, destiné aux églises méthodistes, contient des airs de psaumes et d'hymnes ainsi que des anthems, séquences et introïts de compositeurs européens et américains. Hymns for the Worship of God, imprimé à Montréal par John Lovell en 1863, comprend 30 doxologies et anthems pour l'Église d'Écosse. The Seraph est le premier recueil connu entièrement consacré aux anthems et mises en musique et il fut imprimé à Toronto par le Wesleyan Book Room, probablement en 1863. C.W. Coates publia le Canadian Anthem Book en 1873 pour « élever et améliorer le goût tout en satisfaisant les désirs du choeur moyen ». Les compositeurs inclus sont notamment McCaul, Warren, Edward Mammatt et Thomas Turvey.

À la fin du XIXe siècle, l'interprétation et la composition d'oeuvres chorales furent limitées par l'énorme popularité des quatuors vocaux et des solos « semi-religieux ». Cependant, des choeurs bien établis dans les grands centres s'adonnèrent à des projets plus ambitieux. À l'église All Saints', Toronto, Percy Greenwood dirigea des anthems et des offices chantés dans le style du mouvement Oxford. À la Church of the Redeemer, le choeur de 50 voix mixtes de E.W. Schuch exécuta des anthems victoriens anglais et des extraits d'opéras adaptés à des textes sacrés. À l'église baptiste de la rue Jarvis, A.S. Vogt commença à introduire des motets a cappella en 1888. En mettant aussi des oeuvres sans accompagnement au programme des concerts du Choeur Mendelssohn de Toronto, il établit un nouveau standard pour les choeurs d'église. Vogt publia plusieurs de ses propres motets et édita le Standard Anthem Book, dont le vol. I parut en 1894. Ce livre de « musique de belle qualité mais de difficulté moyenne » consiste en plus de 40 anthems complets et en plusieurs couplets d'anthems de Buck, Shelley et de leurs contemporains. Horace Reyner est le seul Canadien à y figurer.

Vers la fin du siècle, plusieurs musiciens d'église canadiens avaient atteint une réputation internationale. Albert Ham avait publié de nombreux anthems chez Novello, Ditson et Gray. Ses harmonies hardies étaient surtout chromatiques mais sans complexité excessive. Des contrastes de mesure, de texture et de tonalité mettaient en valeur les formes ternaires fréquemment utilisées dans ses anthems. Des oeuvres de Charles A.E. Harriss, publiées chez G. Schirmer, s'appuient sur un intense chromatisme et un style plus proche de l'opéra. Clarence Lucas, considéré comme le plus remarquable compositeur canadien-anglais de sa génération, et Edward Broome publièrent aussi plusieurs anthems. L'Anglo-Canadian Music Company commença à cette époque à imprimer en format in-octavo de grandes quantités d'anthems de Canadiens tels Ernest Bowles, Charles Wheeler et John Adamson.

Les 44 anthems complets et versifiés, les 30 hymnes-anthems et les 38 motets de Healey Willan doivent être cités comme les premiers à être devenus généralement populaires tout en fournissant un répertoire de qualité et utile aux différents choeurs tout au long de l'année liturgique. Ses oeuvres de maturité, en particulier, tiennent compte des besoins des choeurs d'amateurs et d'un usage plus répandu que la haute tradition liturgique qui était la sienne. Ses structures mélodiques diatoniques cherchent à rendre les parties intéressantes pour tous, et ses convaincantes harmonies de triades, bien que plus simples que le style anglais contemporain, sont attrayantes et pratiques.

L'oeuvre d'Alfred Whitehead, qui publia plus de 30 anthems dans les années 1930 et 1940, indique de nouvelles tendances par son utilisation de la mesure libre adaptée au texte et d'accords de septième non dominante. Dans son anthem versifié « If Ye Then Be Risen With Christ », le changement de ton et de mesure souligne la structure par sections alors que les voix s'unissent souvent par deux dans le grave contre l'aigu avant de se déployer dans la texture à quatre parties.

Après 1930, les compositeurs ont eu de plus en plus recours au Livre des Psaumes pour les paroles de leurs anthems et motets. Cet intérêt fut encore plus grand après le concile Vatican II, qui introduisit le chant ordinaire des psaumes dans la liturgie catholique romaine, une innovation qui allait toucher les principales dénominations protestantes aussi. Les compositeurs de motets et d'anthems mettaient souvent en musique les paroles d'un psaume au complet, tandis que des fragments de psaumes, des couplets d'autres livres de la Bible et divers types de poésie sacrée continuaient d'être utilisés.

Le texte entier du Psaume 150 a été utilisé par plusieurs compositeurs canadiens importants. Psaume CL de Jean Papineau-Couture, l'une de ses oeuvres les plus saisissantes, fait appel à un choeur, des solistes et des instruments dont deux orgues (le second étant facultatif), et « Psalm 150 : O Praise God » de Barrie Cabena offre plusieurs choix et peut être chanté par un choeur mixte à quatre parties, un double choeur mixte, un choeur féminin à deux parties ou un choeur masculin à deux parties, avec orgue ou piano. Violet Archer et John Fearing ont publié des mises en musique du même psaume pour choeur mixte à quatre voix avec accompagnement d'orgue (auquel celui de Fearing ajoute un quatuor de cuivres facultatif). Ce texte a aussi été mis en musique par Talivaldis Kenins (SATB sans accompagnement) et Leonard Enns (voix de femmes avec accompagnement d'orgue). Le Psaume 100 (Jubilate Deo) a été mis en musique pour des effectifs semblables par Cabena, Henry Clark, Hugh Bancroft, Robert B. Anderson et auparavant par Arthur Egerton. La mise en musique de Gerald Bales inclut un ensemble de cuivres. Celle de Bernard Naylor est pour choeur mixte a cappella, et ses « Deus Miseratur » (Psaume 67) et « Cantate Domino » sont pour sopranos divisés et orgue.

De formation canadienne, Joseph Roff a publié pour choeur mixte des mises en musique de fragments de six psaumes et un grand nombre de motets en anglais (post-Vatican II) aux fins d'utilisation dans la liturgie catholique romaine. Imant Raminsh a composé des mises en musique pour deux voix avec accompagnement des psaumes 23 et 121, dans lesquelles ont retrouve les mélodies attirantes qui sont sa marque. « Psalm » d'Otto Joachim requiert un choeur mixte et il mêle un poème de Klopstock et le Notre Père plutôt que d'utiliser des paroles de la psalmodie traditionnelle. Psaume 148 d'André Prévost est écrit pour choeur mixte, trompettes, trombones et orgue. Psalm de R. Murray Schafer met en musique un texte du Psaume 148 pour choeur mixte, quatre solistes et percussion (laquelle doit être jouée par des membres du choeur). Les séries Nine Motets sur des textes anglais et Three Motets sur des textes latins ont été publiées par Bernard Naylor et posent des problèmes d'exécution. Les Three Motets de Cabena furent commandés par les Bach-Elgar Singers de Hamilton, Ont.

Des mises en musique de psaumes restées inédites en 1990 méritent d'être mentionnées : Psalm Cantata de Bales, Lord, How Long Shall the Ungodly Triumph de Tibor Polgar (Psaumes 94, 54, 69 et 44), les anthems strophiques sur les Psaumes 23, 81 et 130 de Cabena, et les mises en musique du Psaume 150 de Robert Fleming. Keith Bissell a enrichi le répertoire canadien de musique sacrée de quatre recueils d'anthems pour soprano et choeurs à trois voix. Dans O Come, Let Us Sing surtout, Bissell fait usage des rythmes primitifs et des mélodies modales et pentatoniques pour satisfaire les besoins d'ensembles de jeunes. Son « Christ, Being Raised from the Dead » fait montre d'une écriture polymétrique adaptée au rythme de la parole et emploie d'audacieux procédés harmoniques tels que des triades parallèles, des accords de septième non dominante et la modalité. Les anthems de Bissell sont pratiques du point de vue choral et font une utilisation modérée des techniques du XXe siècle. William France a fourni un grand nombre d'anthems soigneusement conçus pour divers ensembles chorals. « Unto Thee, O Lord » laisse clairement voir la qualité de l'écriture à parties, l'économie dans l'utilisation du texte, et les solides harmonies en triades qui lui ont valu une vaste diffusion. Des tendances novatrices se rencontrent dans les anthems de Derek Holman, dont les rythmes puissants, le contrepoint viril et les harmonies non conventionnelles posent un défi nouveau. Parmi les neuf anthems publiés de Violet Archer, « O Lord, Thou Hast Searched Me » montre comment son utilisation par étapes de la dissonance peut mettre un langage nouveau à la portée des choeurs formés d'amateurs.

Derek Healey a été l'un des premiers Canadiens à inclure les techniques aléatoires dans le répertoire des anthems. Sa mise en musique de « There is One Body » exploite les possibilités de la notation non traditionnelle et exige un accompagnement de synthétiseur ou de bande magnétique. Les neuf anthems de Healey déjà publiés en 1980 constituent des exemples originaux des tendances nouvelles qui s'offrent aux compositeurs canadiens de musique sacrée.

Parmi les nombreux autres Canadiens qui ont mis en musique des anthems, motets et psaumes figurent W.H. Anderson, Richard C. Baker, Hugh Bancroft, Robert Hunter Bell, Lorne Betts, Allanson Brown, F.R.C. Clarke, Jean Coulthard, Richard Eaton, Leonard Enns, George Fox, Graham George, Alfred Kunz, Walter McNutt, Kenneth Meek, David Ouchterlony, Godfrey Ridout, Nancy Telfer, Ruth Watson Anderson, John Weatherseed, Welford Russell, Charles Wilson, S. Drummond Wolff et John B. Younger.

Voir aussi Hymnaires protestants.

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