Caricature politique | l'Encyclopédie Canadienne

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Caricature politique

Il s'agit d'un art éphémère. Chaque jour, les artistes créent une caricature pour commenter l'actualité. Le lendemain de sa parution, elle n'a la pertinence que du journal de la veille.
J.W. Bengough
J.W. Bengough soufflant les mots à John A. Macdonald au moment du Scandale du Pacifique. Sur la gauche, Alexander Mackenzie, chef du Parti libéral qui a remplacé Macdonald comme premier ministre (avec la permission des Bibliothèque et Archives Canada/C-78604).
Prison ou zoo?
Dessin humoristique d'Aislin (avec la permission de la Gazette de Montréal et de l'artiste).
Lapointe, Ernest
Ernest Lapointe est le plus important collègue de Mackenzie King au Cabinet; il est représenté ici dans une caricature de Robert Lapalme (avec la permission du Cercle du Livre de France).

Caricature politique

L'art de la caricature politique tel que nous le connaissons aujourd'hui remonte aux années 1870, quand John W. BENGOUGH (1851-1923) commence à publier Grip, un magazine satirique. Bengough y cloue au pilori le premier ministre du Canada, John A. MACDONALD. Depuis, tous les premiers ministres ont dû vivre avec leur caricature. Sir Wilfred LAURIER a été croqué par Henri JULIEN (1852-1908), Mackenzie KING par Arch Dale (1932-1962), John DIEFENBAKER par Duncan MACPHERSON (1924-1993), Pierre TRUDEAU par Jean-Pierre Girerd (né en 1931), Brian MULRONEY par Aislin (Terry MOSHER, né en 1942), et Jean CHRÉTIEN et Paul MARTINpar Serge Chapleau (né en 1945).

Il s'agit d'un art éphémère. Chaque jour, les artistes créent une caricature pour commenter l'actualité. Le lendemain de sa parution, elle n'a la pertinence que du journal de la veille. Il ne s'agit pas de bandes dessinées racontant une histoire pour faire rire, ni d'illustrations créées par des graphistes. Les caricatures dépassent souvent les limites du simple commentaire éditorial, leur but étant de ridiculiser le sujet dont il est question.

Les premiers caricaturistes

Les premières caricatures à être reconnues au Canada sont celles du brigadier-général George TOWNSHEND, qui accompagne le général James WOLFE à Québec en 1759. Townshend fait des dessins pour nuire à la réputation de son commandant. Wolfe exige une enquête après la guerre, mais meurt sur les Plaines d'Abraham. Ironiquement, c'est le caricaturiste Townshend qui, par la suite, signe les documents de capitulation. Ce n'est qu'avec l'arrivée de Punch au Canada, dans les années 1840, que les caricatures politiques commencent à être publiées de façon régulière. Punch donne naissance à de nouvelles revues telles que Grinchuckle, Canadian Illustrated News, et L'Opinion Publique, dont les illustrations imitent le travail du britannique John Leech (1817-1864), premier caricaturiste au sens contemporain du mot.

Le développement d'une approche proprement canadienne

Le caricaturiste Jean-Baptiste Côté travaille pour le premier journal humoristique au Québec, La Scie qui paraît pour la première fois en 1863. Il devient une légende de la caricature politique. Ses gravures sur bois très simples illustrent parfaitement la devise du journal, « le rire fustige l'abus ». Il s'attaque à l'élite politique et à la fonction publique avec tant d'ardeur que, en 1868, après avoir représenté un fonctionnaire « au travail », il est arrêté et jeté en prison. Il est le premier et le seul caricaturiste canadien à obtenir cette distinction. En 1877, Le Canard est publié à Montréal par l'un des pionniers de la caricature, Hector Berthelot. Cette publication, comme plusieurs avant elle, est soutenue par des rédacteurs en chef et des éditeurs qui dessinent eux-mêmes les caricatures.

La reconnaissance populaire

Lorsque Bengough crée Grip, en 1873, il est influencé par le caricaturiste le plus populaire aux États-Unis, l'Allemand Thomas Nast (1840-1902), reconnu pour ses caricatures dévastatrices sur le politicien corrompu Boss Tweed et le « Tammany Ring » de New York.

À la même période, l'artiste québécois Octave-Henri Julien (1852-1908) attire l'attention avec ses caricatures politiques dans le Canadian Illustrated News. Une de ses études de la vie rurale des Canadiens français représente un fermier âgé, armé d'un fusil, sa pipe entre les dents, déterminé à défendre sa terre. Cette image est reprise et adaptée par le FRONT DE LIBÉRATION DU QUÉBEC (FLQ) dans les années 1960 comme symbole de la révolution armée. Lorsque le Montreal Star embauche Henri Julien en 1888 pour dessiner les actualités, il devient le premier journal à avoir son propre caricaturiste politique. Julien est aussi le premier dans son domaine à pouvoir exposer à la Galerie nationale du Canada (aujourd'hui le MUSÉE DES BEAUX-ARTS DU CANADA). Une des rues de Montréal porte son nom.

Le développement des techniques de photogravure en demi-teinte mène à un déclin de la caricature pendant la première partie du XXe siècle. C'est David Low (1891-1963) qui la fait renaître durant la Deuxième Guerre mondiale, avec ses satires de Hitler et de Churchill dans The London Evening Standard. À peu près à la même époque, The Halifax Chronicle Herald embauche le caricaturiste Bob Chambers (1905-1996). John Collins (né en 1917) commence à travailler à The Gazette, à Montréal. Toutefois, pendant de nombreuses années, les caricatures dans les journaux canadiens ne sont que de pâles imitations de celles de Low, quand elles ne se laissent pas influencer par les artistes américains syndiqués Herbert Block (« Herblock » 1909-2001), du Washington Post, et Bill Maudlin (1921-2003), du Chicago Sun Times.

Avant les années 1950, deux caricaturistes se démarquent, Arch Dale du Winnipeg Free Press et Ag Racey du Montreal Star. Racey se joint au Star en 1899 et y demeure pendant quarante ans. Les caricaturistes de cette génération sont plutôt gentils. Rarement vicieux, ils endossent de bonnes causes et effectuent leur travail avec courtoisie. Un style proprement canadien émerge après la Deuxième Guerre mondiale. Robert LAPALME (1908-1997) du Devoir, Duncan Macpherson du Toronto Star, Leonard Norris (1913-1997) du Vancouver Sun, et Ed McNally (1916-1971) du Montreal Star en sont les figures de proue. Les caricatures de ces derniers se démarquent des clichés habituels. Leurs dessins sont plus vifs et souvent plus féroces que ceux des Américains, qui sont peut-être plus allégoriques.

L'indépendance éditorialiste

Les caricaturistes canadiens commencent à s'exprimer d'une manière plus indépendante que leurs homologues américains. Ils se séparent de la section des arts et créent une entité politique autonome. Duncan Macpherson ne craint pas de défier ses éditeurs et le fait à plusieurs reprises, menaçant de partir si on ne le laisse pas agir à sa tête. Il en vient à détester profondément les éditeurs, après avoir vu comment était traité son prédécesseur du Toronto Star, Les Callan, qui, au bout de vingt-cinq ans, est remercié sans cérémonie. Terry Mosher, caricaturiste à la Gazette de Montréal, aurait déclaré que : « Macpherson a établi une nouvelle règle de base à suivre pour tous les caricaturistes : ne jamais laisser sa chance à un éditeur ». Avant Macpherson, la plupart des caricaturistes font partie de l'équipe éditorialiste qui décide de ce qui sera sur la page ce jour-là. Macpherson refuse de se joindre à l'équipe ou d'aller à des réunions, et fait pression pour obtenir le statut de collaborateur indépendant de la page éditoriale.

Pendant longtemps, il est fréquent de voir dans des journaux canadiens, une caricature politique qui contredit l'opinion exprimée par l'éditorialiste. Cependant, au début des années 2000, le statut des caricaturistes employés dans les chaînes de journaux est menacé. Ils sont syndiqués ou remplacés par des pigistes moins chers. De cette façon, les caricatures peuvent être choisies à la pièce pour correspondre exactement à la position du journal, ce qui semble être un recul vers le passé. Avec l'arrivée d'Internet, les caricaturistes pigistes sont maintenant diffusés à l'échelle mondiale par des syndicats tels que Artizans du caricaturiste d'Edmonton, Malcolm Mayes, et du Pro-Cartoonists Index du caricaturiste américain, Daryl Cagle. Ces sites sont des portails web sur lesquels un éditeur ou une entreprise peut télécharger des caricatures politiques, des caricatures loufoques, des arts graphiques et des illustrations effectuées par des douzaines de caricaturistes.

De nouvelles directions

On peut voir dans un phénomène québécois appelé Et Dieu créa Laflaque l'avenir de la caricature politique canadienne. Cette série, une émission de télévision de 30 minutes créée par Serge Chapleau de Québec et Vox Populi, commence en 2004 à Radio-Canada à Québec et constitue une date dans l'histoire de la caricature canadienne à cause de sa combinaison de caricature politique et d'animation graphique en 3D. L'émission suit les aventures de Gérard D Laflaque alors qu'il interagit avec des célébrités et des politiciens canadiens tels que Paul Martin et Jean Charest. C'est un énorme succès au Québec, et la série remporte le prix de la meilleure comédie au Festival de Banff en 2005 contre des candidats importants tels que Corner Gas et la série britannique Curb Your Enthusiasm.

Les grandes pointures

Les caricaturistes politiques de premier ordre sont assez rares. Au total, il n'y a jamais guère plus d'une vingtaine de caricaturistes employés à travers le pays. La nouvelle génération d'artistes de renom comprend, entre autres, Serge Chapleau (né en 1945) de La Presse, Dale Cummings (né en 1948) du Winnipeg Free Press, Susan Dewar (née en 1949) du Ottawa Sun, Guy Badeaux (né en 1949) du Droit, Brian Bable (né en 1949) du Globe and Mail, John Larter (né en 1950) du Calgary Sun, et Bruce MacKinnon (né en 1961) du Halifax Herald, Tim Doligan (né en 1963) et Ingrid Rice (née en 1960), pigistes, Mike DeAdder (né en 1967) du Daily News et du National Post, Malcom Mayes (né en 1960) du Edmonton Journal et Terry Mosher (né en 1942) du Gazette et du Maclean's Magazine.

En 1949, les caricatures sont devenues tellement convaincantes que le National Newspaper Awards décide d'honorer ceux qui expriment clairement une idée, dessinent bien, et défendent les intérêts du public d'une manière remarquable. Le premier récipiendaire du prix est Jack Boothe (1910-1973) du Globe and Mail. À l'époque, il est le caricaturiste politique le mieux payé au Canada. Duncan MacPherson est celui qui reçoit le plus grand nombre de prix (six), jusqu'en 1998 lorsqu'il est finalement dépassé par Roy Peterson (né en 1936) avec sa septième victoire. Parmi les autres gagnants figurent certains des caricaturistes les plus réputés : le doyen Merle Tingley (né en 1921), dont la marque de commerce, un ver du nom de Luke qui fume la pipe, existe depuis plus de 50 ans; Yardley Jones (né en 1930), Andy Donato (né en 1937) et Vance Rodewalt (né en 1946). L'art de la caricature monte encore d'un cran en 1963, lorsque Robert LaPalme organise à Montréal le premier Salon international de la caricature.

Voir aussi DESSIN HUMORISTIQUE ET BANDE DESSINÉE.

Gagnants du Prix national de journalisme en caricature politique éditoriale :

1949 Jack Boothe du Globe and Mail

1950 James G. Reidford du Montreal Star

1951 Leonard Norris du Vancouver Sun

1952 Robert LaPalme du Devoir

1953 Robert W. Chambers du Halifax Chronicle Herald

1954 John Collins de la Gazette de Montréal

1955 Merle Tingley du London Press

1956 James G. Reidford du Globe and Mail

1957 James G. Reidford du Globe and Mail

1958 Raoul Hunter du Soleil

1959 Duncan Macpherson du Toronto Star

1960 Duncan Macpherson du Toronto Star

1961 Ed McNally du Montreal Star

1962 Duncan Macpherson du Toronto Star

1963 Jan Kamlenski du Winnipeg Tribune

1964 Ed McNally du Montreal Star

1965 Duncan Macpherson du Toronto Star

1966 Robert Chambers du Halifax Chronicle Herald

1967 Raoul Hunter du Soleil

1968 Roy Peterson du Vancouver Sun

1969 Ed Uluschak du Edmonton Journal

1970 Duncan Macpherson du Toronto Star

1971 Yardley Jones du Toronto Sun

1972 Duncan Macpherson du Toronto Star

1973 John Collins de la Gazette de Montréal

1974 Blaine Hamilton du Spectator

1975 Roy Peterson du Vancouver Sun

1976 Andy Donata du Toronto Sun

1977 Terry Mosher de la Gazette de Montréal

1978 Terry Mosher de la Gazette de Montréal

1979 Ed Uluschak du Edmonton Journal

1980 Victor Roschov du Toronto Star

1981 Tom Innes du Calgary Herald

1982 Blaine Hamilton du Spectator

1983 Dale Cummings du Winnipeg Free Press

1984 Roy Peterson du Vancouver Sun

1985 Ed Franklin du Globe and Mail

1986 Brian Gable du Regina Leader Post

1987 Raffi Anderian du Ottawa Citizen

1988 Vance Rodewalt du Calgary Herald

1989 Cameron Cardow du Regina Leader Post

1990 Roy Peterson du Vancouver Sun

1991 Guy Badeaux du Droit

1992 Bruce MacKinnon du Halifax Herald

1993 Bruce MacKinnon du Halifax Herald

1994 Roy Peterson du Vancouver Sun

1995 Brian Gable du Globe and Mail

1996 Roy Peterson du Vancouver Sun

1997 Serge Chapleau de La Presse

1998 Roy Peterson du Vancouver Sun

1999 Serge Chapleau de La Presse

2000 Serge Chapleau de La Presse

2001 Brian Gable du Globe and Mail

2002 Serge Chapleau de La Presse

2003 Serge Chapleau de La Presse

2004 Theo Moudakis du Toronto Star

2005 Brian Gable Globe and Mail

Lecture supplémentaire

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