Au Canada,
la protection de l’enfance désigne un système de sociétés d’aide à l’enfance
mis en place par les gouvernements
provinciaux et les gouvernements
territoriaux, parfois en partenariat avec des organismes privés, pour
fournir des services qui complètent ou remplacent les soins et la supervision
des parents.
Contexte
Chaque province dispose maintenant d’un
système bien établi de services de protection de l’enfance (voir Droit de la famille) pour prévenir ou aider à corriger
les situations où les enfants sont victimes de négligence, de mauvais
traitements ou d’exploitation, ou ont des démêlés avec la justice (voir Enfants maltraités ; Délinquance juvénile) ; pour fournir des soins hors du
foyer (par exemple, le placement en foyer nourricier, les soins en foyer de
groupe, les soins en institution et les services d’adoption) aux enfants retirés de leur foyer ;
et pour offrir diverses formes de services de soutien aux familles qui ont de
la difficulté à prendre soin de leurs enfants.
Les
services modernes de protection de l’enfance ne se limitent pas seulement au
comportement des enfants et des parents, mais traitent aussi de divers
problèmes sociaux et environnementaux qui compromettent le bien-être de tous
les membres de la famille. Non seulement au Canada, mais partout ailleurs dans
le monde, le principal problème social associé aux questions de protection de l’enfance
est la pauvreté.
Évolution historique
Depuis le
début de l’histoire, des enfants sont traités comme une marchandise qu’on
achète, vend ou même met à mort, et sont considérés comme la propriété
exclusive de leur père. La tendance de l’État à intervenir dans les soins aux
enfants est un phénomène relativement récent. À l’époque de la « prise en
charge des enfants », qui commence à la fin du 19e, et au début du 20e siècle,
divers organismes philanthropiques, religieux et de bienfaisance entreprennent
de venir en aide aux enfants abandonnés, aux orphelins et aux enfants négligés.
Ces organismes dirigent des orphelinats, des écoles de formation et des asiles
de pauvres, cherchant à s’assurer que l’éducation fera de ces enfants des
citoyens disciplinés, industrieux et sachant lire et écrire.
Dans
le Haut et le Bas-Canada d’avant la Confédération, les enfants sont d’abord la
responsabilité de la famille. Toute autre assistance provient de l’Église ou de
la communauté locale. Les gouvernements provinciaux fournissent des
établissements comme les prisons, les maisons de correction et les écoles
industrielles, et soutiennent les orphelinats dirigés par les églises et les
organismes privés. Ils établissent aussi un système de contrats d’apprentissage
selon lequel un enfant peut être confié à un employeur en échange du gîte et du
couvert, et parfois d’un salaire. À cette époque, la plupart des Canadiens
vivent dans des fermes, et la survie des familles repose largement sur le
travail des enfants.
Le problème
social des enfants au travail est cependant lié à l’essor de
l’industrialisation et du capitalisme. Au Canada, le travail des enfants n’entraîne
alors pas une situation aussi sérieuse qu’en Angleterre ou en Europe, parce que
le pays demeure principalement agricole pendant une bonne partie du 20e siècle.
Première société d’aide à
l’enfance
Toutefois,
quand la pauvreté et l’indigence, favorisées par l’industrialisation et l’urbanisation,
commencent à faire des victimes, peu de services de santé publique et de
secours publics sont disponibles (voir Sécurité sociale). Le nombre croissant d’enfants
démunis et sans foyer dans les centres urbains, l’accroissement de la
criminalité juvénile et les changements dans les pratiques du travail des
enfants forcent les gouvernements à répondre à la situation lamentable de
ceux-ci. À la même époque (1870-1925), un grand nombre d’enfants sont amenés de
la Grande-Bretagne au Canada pour travailler comme ouvriers agricoles et
employés domestiques, ce qui, dans les faits, produit le premier grand système
de placement en famille d’accueil, lequel souvent ne sert pas le meilleur
intérêt des enfants (voir Enfants immigrants).
À mesure
que les mouvements philanthropiques visant à secourir les enfants qui vivent
dans des conditions inacceptables prennent de l’ampleur, les organismes
grandissent, et l’État entreprend de réglementer et de financer un système de
services de protection de l’enfance.
La première
société d’aide à l’enfance voit le jour à Toronto, en 1891, et la première loi portant
sur le bien-être de l’enfance est adoptée en Ontario en 1893. Pour la première
fois, cette loi, l’Act for the Prevention of Cruelty to and Better
Protection of Children, considère comme un acte criminel les mauvais
traitements infligés aux enfants, encourage le placement en famille d’accueil,
donne aux sociétés d’aide à l’enfance un pouvoir de tutelle et crée le bureau
du surintendant des enfants négligés.
L’expansion
rapide des services de protection de l’enfance dans la plupart des provinces au
cours des 20 années suivantes entraîne une bureaucratisation, mais aussi une
professionnalisation, ce qui a une grande influence sur leur développement
ultérieur. L’évolution des mentalités à l’égard de la participation des enfants
au marché du travail, l’appui grandissant à l’importance d’une éducation
formelle et la reconnaissance graduelle du droit des enfants à la protection
contre divers préjudices favorisent aussi des changements en matière de
protection de l’enfance.
Au cours de
cette période, les responsables de la planification et de la prestation des
services ont tendance à mettre l’accent sur la famille et ses problèmes, tandis
que les enjeux sociaux à plus grande échelle, comme le chômage, la pauvreté et
les logements insalubres, sont moins souvent perçus comme des facteurs à
considérer.
Négligence et abus
La
législation de chaque province définit désormais les situations dans lesquelles
l’intervention de l’État est nécessaire pour assurer la protection des enfants.
C’est le cas des orphelins, des enfants abandonnés, des enfants victimes de
violence physique, sexuelle ou psychologique, et de ceux dont le comportement
peut constituer un danger pour eux-mêmes ou pour leur entourage. Selon ces
dispositions législatives, la responsabilité d’enquêter et d’intervenir est
confiée à un agent provincial de protection de l’enfance ou à une organisation
mandatée à cette fin, telle qu’une société d’aide à l’enfance. Ces intervenants
doivent faire enquête sur toute plainte de négligence ou de mauvais traitements
et prendre toute mesure nécessaire pour protéger l’enfant.
Quiconque
soupçonne qu’un enfant est victime de négligence ou d’abus peut rapporter le
cas. Si la cour retire un enfant de son foyer, l’autorité en matière de
bien-être de l’enfance devra prévoir des soins appropriés (habituellement un
placement temporaire), et un travailleur social sera désigné pour intervenir
auprès de la famille afin que l’enfant puisse réintégrer le foyer dès que
possible.
La politique
actuelle de protection de l’enfance accorde beaucoup d’importance au soutien et
au renforcement des familles, de façon que le plus grand nombre d’enfants
possible puissent demeurer dans leur famille naturelle. Les enfants retirés de
façon permanente de leur famille peuvent être placés dans des foyers d’adoption
ou demeurer sous la tutelle administrative jusqu’à l’âge de la majorité. Dans
la plupart des cas, les parents naturels peuvent demeurer en contact avec leur
enfant.
Soins alternatifs
L’enfant
confié à la garde d’un service de protection de l’enfance est habituellement
placé dans une famille d’accueil recrutée par le bureau local de protection de
l’enfance ou par la société d’aide à l’enfance et supervisée par le personnel
des services sociaux. On donne une responsabilité considérable aux parents
nourriciers quant aux soins quotidiens apportés à l’enfant vivant sous leur
toit. Compte tenu notamment de la tendance actuelle suivant laquelle les deux
parents travaillent à l’extérieur, il est difficile de trouver des foyers d’accueil
hautement qualifiés, en particulier pour les enfants plus âgés et ceux qui ont
des besoins spéciaux.
Certains
enfants sont placés dans des foyers de groupe financés par l’État, dirigés par
les services publics ou privés de protection de l’enfance et qui emploient des
parents nourriciers ou du personnel apportant des soins aux enfants. Certains
de ces établissements fournissent simplement un foyer de remplacement à l’enfant,
alors que d’autres offrent des traitements spécialisés aux enfants et aux
jeunes présentant des besoins spéciaux. Pour certains de ces enfants, ces
foyers de groupe constituent un « placement de choix ».
Les enfants
sont aussi placés dans des centres résidentiels plus grands, dont certains
offrent un service de garde général en milieu surveillé, tandis que d’autres
offrent des services aux enfants ayant des besoins spéciaux. Ces derniers
établissements, souvent appelés centres de traitement, sont habituellement
privés et emploient diverses catégories de professionnels, mais leur
financement provient principalement de l’État.
Adoption
L’adoption
fait passer la garde et la tutelle d’un enfant des parents naturels (ou du
parent naturel ou de l’État) à d’autres personnes (ou à une autre personne) et
est réglementée par la loi sur la protection de l’enfance de chaque province.
Autrefois, les enfants placés en adoption étaient nés de jeunes mères
célibataires. L’évolution des valeurs sociales se traduit par une plus grande
acceptation de cette situation, de sorte que ces jeunes mères gardent davantage
leurs enfants, si bien que moins d’enfants en bonne santé sont offerts en
adoption.
Pour les
familles qui le souhaitent, il est possible d’adopter des enfants plus âgés, ainsi
que des enfants ayant des besoins spéciaux ou des groupes de frères et sœurs.
Les enfants peuvent aussi être adoptés par le nouveau conjoint du parent qui en
a la garde quand celui-ci se remarie. L’adoption internationale est un
phénomène des années 1990.
Dans toutes
les provinces, les parents adoptifs potentiels sont évalués par la direction de
la protection de l’enfance (ou par une agence d’adoption privée accréditée) et
si leur candidature est acceptée et qu’un enfant leur convient, celui-ci sera d’abord
placé dans le foyer pour une période de probation avant que l’ordonnance d’adoption
finale ne soit rendue par la cour. Par le passé, il y avait peu de rapports
entre les parents naturels et l’enfant adoptif, mais depuis quelques années, on
met beaucoup l’accent sur l’« adoption ouverte ». Même quand un enfant est
placé dans un foyer adoptif dès sa petite enfance, les parents naturels peuvent
continuer à jouer un certain rôle. De plus en plus, des adultes ayant été
adoptés et leurs parents naturels essaient de se retrouver, et quelques
provinces mettent en place des mécanismes pour faciliter de telles rencontres.
Protection de l’enfance et
peuples autochtones
La
situation des enfants autochtones du Canada est probablement le plus gros problème
auquel est confronté le système de protection de l’enfance. Bien que les peuples
autochtones ne constituent que 7,7 % de la population totale du Canada, le
recensement de Statistique Canada de 2016 démontre que 52,2 % de tous
les enfants pris en charge par l’État au Canada sont Autochtones.
La
surreprésentation des enfants autochtones dans le système de protection de
l’enfance découle de l’historique de politiques et de programmes coloniaux. De
1831 à 1996, les enfants autochtones sont retirés de force de leurs familles et
communautés et sont envoyés dans les pensionnats indiens où il leur est
interdit de pratiquer leurs cultures. Après des années à vivre sous des politiques
fédérales dévastatrices, notamment la Loi
sur les Indiens et les pensionnats indiens, de nombreuses communautés
autochtones, plus particulièrement celles vivant sur les réserves,
sont en proie à la pauvreté, à des taux de mortalité élevés et à des obstacles
socio-économiques vers les années 1960. Une fois de plus, le gouvernement
retire les enfants de leurs foyers au lieu de fournir des ressources et du
soutien communautaires. C’est ce qu’on appelle la rafle des années soixante. Cette
expérience laisse de nombreux enfants adoptés avec un sentiment d’identité
culturelle perdue. La séparation physique et émotionnelle de leurs familles biologiques
continue à ce jour d’affecter les adoptés qui sont maintenant adultes, ainsi
que les communautés autochtones. (Voir aussi
Autochtones :
conditions économiques et Condition
sociale des Autochtones au Canada).
Les
services modernes de la protection de l’enfance sont offerts de différentes
manières, selon la communauté autochtone. Par exemple, les services sur les
réserves sont souvent financés par le gouvernement alors que la plupart des
autres sont financés par les gouvernements provinciaux ou territoriaux. En
2020, une nouvelle loi sur la protection de l’enfance autochtone est adoptée, la
Loi concernant les enfants, les jeunes et
les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis (projet de loi C-92).
Cette loi préserve le droit des peuples autochtones d’exercer leurs compétences
sur les services à l’enfance et à la famille.
Enjeux contemporains
Des
changements énormes sont survenus en matière de bien-être de l’enfance au
Canada au cours des 30 dernières années. Une meilleure compréhension de la
dynamique de la violence physique, psychologique et sexuelle et de la
négligence à l’égard des enfants entraîne des changements non seulement dans la
nature et l’approche des services offerts aux enfants et aux familles, mais
aussi dans la législation, qui oblige maintenant les professionnels et les
particuliers à rapporter les cas soupçonnés d’enfants maltraités. On exige désormais,
dans la plupart des territoires, que les personnes qui travaillent dans le
domaine de la protection de l’enfance possèdent une formation en travail
social.
Même s’il y
aura toujours des enfants et des familles qui auront besoin des services des agences
de protection de l’enfance, on reconnaît généralement qu’une communauté qui
offre de vastes possibilités d’emplois intéressants, des logements adéquats,
des services universels d’éducation et de soins de santé, et un bon service de
garde d’enfants pour les parents qui travaillent, connaîtra moins de problèmes
liés à la protection de l’enfance.
Voir : Allocation
familiale; Pauvreté;
Sécurité
sociale; État
providence.