Histoire constitutionnelle | l'Encyclopédie Canadienne

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Histoire constitutionnelle

La Constitution du Canada est le cadre juridique qui régit le pays. Elle définit les pouvoirs des branches exécutives du gouvernement et des législatures, tant au niveau fédéral que provincial. La Constitution du Canada n’est pas un document juridique unique. C’est un mélange complexe de lois, d’ordonnances, de décisions de justice britanniques et canadiennes, et de pratiques généralement acceptées connues sous le nom de conventions constitutionnelles. La Constitution n’a pas cessé d’évoluer depuis l’époque coloniale jusqu’à nos jours. En outre, l’histoire de la Constitution, c’est l’histoire du Canada lui-même. Elle reflète les pressions changeantes, tant légales que sociales ou politiques, qu’ont connu les Canadiens et les Canadiennes, ainsi que leurs choix en tant que société.

Conférence de Québec

Qu’est-ce que la Constitution?

La Loi constitutionnelle de 1867 (autrefois lActe de lAmérique du Nord britannique) est le cœur de la Constitution canadienne. Il détaille la distribution des pouvoirs entre les corps législatifs fédéral et provinciaux. La Loi constitutionnelle de 1982, qui comprend la Charte des droits et libertés, revêt aussi une grande importance.

Les conventions non écrites sont des pratiques généralement acceptées. Elles ne sont donc pas expressément mentionnées dans une loi. Un exemple de convention constitutionnelle au Canada est le fait que la personne élue à titre de premier ministre fédéral ou de premier ministre provincial doit avoir l’appui des membres élus du corps législatif pour demeurer au pouvoir. Un autre exemple serait le fait que les neuf sièges de la Cour suprême du Canada doivent être attribués en fonction des régions. Bien qu’il ne s’agisse pas de « lois » ayant force d’exécution devant les tribunaux, ces principes revêtent une importance majeure dans le cadre d’un gouvernement constitutionnel efficace. (Voir aussi Monarchie constitutionnelle.) À l’occasion du rapatriement de la Constitution en 1981, la Cour suprême a affirmé que « les conventions constitutionnelles plus le droit constitutionnel égalent la Constitution complète du pays ». (Voir aussi Renvoi sur le rapatriement.)

Puisque les conventions ne sont pas mises en vigueur par les tribunaux, elles ne peuvent l’être que par la population ou par la Couronne. Par exemple, la Couronne a le pouvoir de révoquer un premier ministre ou un premier ministre qui a clairement perdu la confiance du corps législatif élu et qui refuse de démissionner ou de lancer une élection. Un gouvernement qui a enfreint une convention subirait presque certainement une défaite électorale ou, dans un cas extrême, ferait face à une révolution.

De tels principes non écrits peuvent être plus importants que bien des lois.

Selon la théorie constitutionnelle britannique et canadienne, les colons apportent les lois de leur patrie qui conviennent à leur nouvelle situation.

Des lois anglaises comme la Déclaration des droits (1689), avec son principe de monarchie constitutionnelle limitée, et l’Acte d’établissement (1701), avec sa doctrine de l’indépendance de la magistrature, sont des éléments primordiaux de la Constitution canadienne, au même titre que la Loi électorale du Canada. Le régime de droit civil du Québec, quant à lui, vient de la France.

Le principe de la suprématie du Parlement vient de l’Angleterre. La structure fédérale du Canada l’a toutefois modifié en y ajoutant la distribution des pouvoirs et uneCharte des droits et libertés. Ces deux éléments s’inspirent du modèle gouvernemental classique des États-Unis.

Évolution de la Constitution avant la Confédération

Époque coloniale française

Avant 1663, la gestion de la Nouvelle-France est confiée à des compagnies à charte. Celles-ci exercent de vastes pouvoirs administratifs, législatifs et judiciaires. (Voir aussi: Compagnie des Cents-Associés; Compagnie des Indes occidentales.) On ne sait pas exactement quel régime de droit était en vigueur. En 1663, le roi commence à exercer directement son autorité sur les possessions françaises en Amérique du Nord. La Coutume de Paris, non codifiée, devient le droit civil de la Nouvelle-France.

Louis XIV, roi de France, agit par l’entremise de Jean-Baptiste Colbert, qui supervise les affaires coloniales avec deux dirigeants locaux, le gouverneur et l’intendant. Le gouverneur est aussi le commandant militaire, le négociateur auprès des Autochtones et l’émissaire auprès des autres établissements coloniaux. L’intendant dirige l’administration civile. Il est responsable de la colonisation, des finances, de l’ordre public, de la justice et des travaux publics. Sous ce régime monarchique, il n’y a pas d’organes élus. Cela étant dit, le Conseil souverain, qui comprend le gouverneur, l’intendant, l’évêque et cinq conseillers, se réunit chaque semaine.

De 1663 à 1675, les conseillers sont nommés conjointement par l’évêque et le gouverneur. Après 1675, ils sont nommés par le roi. Le Conseil rend la justice rapidement et à peu de frais, gère les dépenses et réglemente la traite des fourrures et d’autres activités commerciales. Des restrictions, ou « servitudes », soustraient les dirigeants civils à la discipline de l’Église catholique : aucun fonctionnaire ne peut être excommunié pour avoir exercé ses fonctions, peu importe ce qu’exigent ces dernières. En outre, l’Église ne peut lever d’impôts sans le consentement des autorités civiles.

(Voir aussi Collection: Nouvelle-France.)

Prise de contrôle par les Britanniques

Pendant le XVIIIe siècle, la France perd ses territoires nord-américains au profit de la Grande-Bretagne. À la signature du Traité d’Utrecht en 1713, l’Acadie est cédée à la Grande-Bretagne. La France garde toutefois la possession de l’île Royale (île du Cap-Breton), de l’île Saint-Jean (Île-du-Prince-Édouard) et d’une partie de ce qu’est aujourd’hui le Nouveau-Brunswick. La France soutient que les Acadiens relèvent toujours du pouvoir de la France, puisqu’ils vivent surtout à l’extrémité ouest du territoire.

Coincés entre les puissances européennes rivales, les Acadiens sont expulsés par les Britanniques en 1755. La forteresse française de Louisbourg, sur l’île du Cap-Breton, tombe définitivement aux mains des Anglais en 1758. La même année, l’Assemblée législative de la Nouvelle-Écosse, le corps de représentants le plus ancien du Canada anglais, se réunit à Halifax. (Voir aussi La Nouvelle-Écosse: berceau de la démocratie parlementaire canadienne.) À la fin de la guerre de Sept Ans, lorsque le Traité de Paris est signé (1763), toute la Nouvelle-France tombe sous le joug britannique, à l’exception des îles Saint-Pierre-et-Miquelon. (Voir aussi Conquête.)

Proclamation royale, 1763

Aux termes de la Proclamation royale de 1763, le gouverneur James Murray est censé mettre en œuvre les lois et institutions anglaises au Québec. Il a eu pour directive de gouverner avec l’aide d’un conseil de huit personnes. Un projet d’assemblée élue est formé, mais n’a pas de suite. Les instructions données à Murray incluent aussi que le serment du Test soit imposé à ceux qui exercent des charges publiques. En raison de son contenu religieux, aucun catholique ne peut prêter ce serment en toute conscience. Cette disposition a pour effet de donner ces charges aux quelque 200 protestants anglophones dans la colonie, alors que les francophones catholiques, qui sont près de 70 000, en sont exclus. Murray interprète les instructions reçues de manière à pouvoir gouverner par l’entremise d’un conseil comprenant 12 membres nommés.

L’anglais est la langue officielle, mais les affaires du gouvernement se font en français. La "liberté de la religion catholique" est assurée. La Proclamation royale de 1763 reconnaît aussi les titres de propriété foncière des Autochtones et prévoit que ceux-ci ne peuvent céder leurs terres qu’à la Couronne et seulement de façon collective.

L’implantation des tribunaux et du droit britanniques au Québec donne lieu à des problèmes. La nouvelle Cour du Banc du Roi ne siège que deux fois par année. La justice est donc plus coûteuse et moins rapide qu’à l’époque du Conseil souverain. Avec l’abolition de la Coutume de Paris, les agriculteurs des terres seigneuriales sont désavantagés. En effet, le droit anglais permet d’augmenter arbitrairement leur loyer. À cause du serment du Test, les catholiques ne peuvent pratiquer le droit à la nouvelle Cour du Banc du Roi. Ils ne peuvent le faire qu’à certains tribunaux inférieurs.

(Voir aussi Proclamation royale de 1763 (résumé en langage simple).)

Acte de Québec, 1774

L’Acte de Québec (1774) nomme un gouverneur colonial et un conseil nommé qui compte de 17 à 23 membres. Il ne fait pas mention de l’usage du français, mais un nouveau serment permet aux catholiques d’exercer des fonctions publiques. Il n’habilite pas le conseil à lever des impôts, ce pouvoir lui étant plutôt conféré par une autre loi sur les revenus du Québec. Le régime seigneurial est maintenu et le droit civil français est rétabli. En matière criminelle, c’est le droit anglais qui s’applique.

Le gouverneur sir Guy Carleton reçoit une directive le chargeant d’instaurer également le droit commercial anglais, mais il ne le fait pas.

L’Acte de Québec est impopulaire dans les treize colonies américaines pour deux raisons principales. D’abord, il permet le catholicisme. Ensuite, il repousse la frontière sud-ouest du Québec jusqu’au confluent du Mississippi et de l’Ohio, ce qui entrave l’expansion américaine vers l’ouest. L’Acte de Québec est l’une des « lois intolérables » qui engendrent la Révolution américaine de 1775 à 1783. Selon de nombreux historiens, toutefois, l’Acte encourage les Canadiens français à vouloir demeurer sous le régime britannique. (Voir aussi Acte de Québec, 1774: document; Acte de Québec, 1774 (résumé en langage simple).)

Loi constitutionnelle, 1791

L’arrivée massive de loyalistes après la Révolution américaine amène la création de nouvelles colonies en Amérique du Nord britannique. En 1784, le Nouveau-Brunswick et Cap-Breton sont formés à partir de sections de la Nouvelle-Écosse. En 1791, le Haut-Canada (aujourd’hui l’Ontario) est séparé du Bas-Canada (l’actuel Québec), et l’Outaouais est la frontière entre les deux.

En vertu de l’Acte constitutionnel de 1791, chacun des Canadas reçoit une législature composée de deux chambres.

Les membres du Conseil exécutif sont nommés par le gouverneur, qui est responsable devant le ministère britannique des Colonies et non devant la population ou les représentants qu’elle a élus. Il s’agit donc d’un gouvernement représentatif. Cela étant dit, le Conseil exécutif n’est pas responsable devant l’Assemblée.

Au début du 19e siècle, divers gouverneurs nomment des amis à des charges publiques, si bien qu’on accuse le gouvernement de former une clique. (Voir aussi Clique du Château; Pacte de Famille; Conseil des Douze.) C’est en partie pourquoi des rébellions éclatent en 1837 à la fois dans le Haut et le Bas-Canada, mais elles échouent.(Voir aussi Rébellion du Bas-Canada; Rébellion du Haut-Canada.)

Dans les Provinces Maritimes, la Nouvelle-Écosse est divisée en plusieurs colonies. Cela renforce le pouvoir exécutif et affaiblit l’Assemblée.

Le Cap-Breton, qui demeure séparé jusqu’en 1820, n’a pas d’assemblée du tout. L’Île-du-Prince-Édouard rejoint brièvement la Nouvelle-Écosse de 1763 à 1769. Elle obtient sa propre législature dès 1769, bien qu’elle soit parfois menacée de la perdre. Ce n’est qu’en 1832 que Terre-Neuve reçoit un gouverneur nommé et se dote d’une assemblée représentative.

Gouvernement responsable

Le gouverneur général lord Durham, arrivé aux Canadas en 1838, peu après les rébellions. Lord Durham considère les Canadiens français comme un peuple réfractaire au progrès, sans histoire et sans culture. Cette opinion, bien entendu, indigne l’élite canadienne-française. Durham craint que les Canadiens français n’utilisent les pouvoirs politiques autonomes qu’ils acquerraient éventuellement pour entraver les politiques et les objectifs du gouvernement. Selon lui, mieux vaudrait fusionner les législatures du Bas-Canada et du Haut-Canada pour former une union parlementaire dotée d’un seul gouvernement. Cela permettrait à l’élite anglophone, jugée « plus fiable », de dominer.

Lord Durham croit aussi que le Conseil exécutif du gouverneur devrait obtenir le vote de la majorité au sein de l’Assemblée élue. Ainsi, le Conseil (ou Cabinet) serait responsable devant l’Assemblée élue et indirectement devant l’électorat, plutôt que devant la Couronne ou le gouverneur.

Les décisions d’intérêt local seront prises au Canada. Les questions « qui intéressent l’Empire », comme les changements constitutionnels, lesrelations extérieures, le commerce et la gestion des terres publiques, continueront quant à elles de relever de la Grande-Bretagne.

Le rapport Durham marque le tournant entre la première et la deuxième époque de l’Empire britannique. (Voir aussi Impéralisme.) Les colonies britanniques, y compris le Canada, commencent à évoluer en nations autonomes. À la lumière du rapport, l’Acte d’Union est proclamé en 1841. Il unifie le Canada-Est (autrefois le Bas-Canada) et le Canada-Ouest (autrefois le Haut-Canada) pour en faire une seule et même Province du Canada. Chaque province dispose d’une représentation égale dans la législature commune, même si le Canada-Est compte une population beaucoup plus nombreuse. On s’assure ainsi que l’élément britannique soit mieux représenté dans la colonie.

Après une période d’hésitation, le gouvernement responsableest établi en Nouvelle-Écosse et dans la Province du Canada en 1848. Il ne tarde pas à s’étendre au reste de l’Amérique du Nord britannique. En 1849, le gouverneur générallord Elgin signe le bill des Indemnités, comme le lui conseillent ses ministres. Ce faisant, il confirme le principe du gouvernement responsable. C’est également sous l’influence d’Elgin que le français commence à être utilisé dans les débats de la législature canadienne. L’anglais demeure toutefois l’unique langue officielle.

(Voir aussi : Nouvelle-Écosse: berceau de la démocratie parlementaire canadienne; Collection: Gouvernement responsable; Éditorial: LaFontaine, Baldwin et le gouvernement responsable; Guide pédagogique: LaFontaine, Baldwin et le gouvernement responsable.)

Confédération

La gouvernance de la Province du Canada se caractérise par une impasse. Cela était dû aux différences de priorités politiques entre le Canada-Est et le Canada-Ouest. Dès 1851, la population anglophone dépasse la population francophone. Le Canada-Ouest commence à réclamer la représentation proportionnelle au lieu de la parité Est-Ouest. Le Reform Party de George Brown lutte pour le « rep by pop », tandis que les conservateurs s’y opposent. Cette impasse politique dure de 1858 à 1864. En 1864, toutefois, les partis forment une Grande Coalition, dont l’objectif est d’unir toutes les colonies de l’Amérique du Nord britannique.

Pendant ce temps, les autorités impériales relâchent leur autorité sur le Canada. Les terres vacantes de la Couronne sont cédées aux provinces. Les Britanniques acceptent, en 1858, de payer au Canada un tarif douanier sur les produits importés. (Voir Douanes et accise.) En 1865, de surcroît, le Parlement britannique déclare qu’aucune loi coloniale ne peut être contestée à moins qu’elle ne vienne expressément en conflit avec une loi impériale visant la colonie en question.

À la Conférence de Charlottetown de 1864, des hommes politiques du Canada-Est, du Canada-Ouest, des Maritimes et de Terre-Neuve rencontrent leurs homologues du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse et de l’Île-du-Prince-Édouard pour discuter de l’union. Les discussions se poursuivent à la Conférence de Québec et à la Conférence de Londres. (Voir aussi Résolutions de Québec.) La Confédération des provinces du Canada, de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick reçoit la sanction royale le 29 mars 1867. Elle est officialisée le 1er juillet 1867.

(Voir aussi Chronologie: Confédération; Collection: Confédération; Pères de la Confédération; Collection: Pères de la Confédération; Mères de la Confédération; L’histoire depuis la Confédération.)

L’évolution de la Constitution après la Confédération

Acte de l’Amérique du Nord britannique (1867)

L’Acte de l’Amérique du Nord britannique (ANB; aujourd’hui appelé Loi constitutionnelle de 1867) est devenu la loi fondatrice du nouveau Dominion du Canada. Un Parlement composé de deux chambres est instauré à Ottawa. À la Chambre des communes, les sièges sont attribués en fonction de la population. Au Sénat, chacune des trois régions (Québec, Ontario, Maritimes) est représentée également, étant dotée de 24 sièges.

En 1915, les quatre provinces de l’Ouest deviennent une région à part entière en obtenant 24 postes de sénateurs. Terre-Neuve en acquiert 6 en se joignant au Canada en 1949. Les territoires (Yukon, Territoires du Nord-Ouest et Nunavut), quant à eux, ont chacun un sénateur.

Le Sénat est conçu à l’origine pour protéger les intérêts régionaux ou provinciaux. Il n’exerce toutefois pas cette fonction très efficacement, souvent divisé par des considérations partisanes. Les Sénateurs tendent ainsi à voter en tant que membres d’un caucus de parti plutôt que comme représentants d’une région.

(Voir aussi Acte de l’Amérique du Nord britannique, 1867 : document.)

Pouvoirs fédéraux et pouvoirs provinciaux

Aux termes de la Loi constitutionnelle de 1867, les grands domaines nationaux sont centralisés auprès du gouvernement fédéral. Ils incluent la défense, le service postal, le commerce, la plupart des moyens de communication, le cours monétaire et le monnayage, ainsi que les poids et mesures. Les pouvoirs sur les biens, les municipalités et la plupart des questions de droit privé sont dévolus aux provinces. En cas de conflit dans des domaines de compétence concurrents, comme l’agriculture et l’immigration, ou dans tout autre domaine (sauf les pensions de vieillesse), les lois fédérales l’emportent.

Aux termes de la Constitution (dont toutes les constitutions provinciales font partie intégrante), les provinces canadiennes ne reçoivent pas toutes un traitement égal. Cela est dû en partie au fait qu’elles sont ajoutées ou créées à divers moments. Par exemple, la loi constitutive de la Saskatchewan interdit à cette province d’exiger des impôts au Canadien Pacifique. Le Québec et le Manitoba, eux, sont tenus de publier leurs lois en français et en anglais et de permettre l’usage des deux langues dans les tribunaux et à l’Assemblée législative.

Les Provinces des Prairies, contrairement aux quatre premières provinces (la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, le Québec et l’Ontario), ne possèdent pas leurs ressources naturelles lorsqu’elles adhèrent à la Confédération. Ce n’est qu’en 1930 qu’Ottawa les leur transfère. Ottawa dit avoir gardé le contrôle de ces biens parce qu’il avait besoin de ressources pour la construction du chemin de fer et l’installation des immigrants.

Les territoires canadiens — les Territoires du Nord-Ouest, le Yukon et le Nunavut — ont des assemblées législatives élues. Ils dépendent toutefois toujours du gouvernement fédéral comme des semi-colonies. En effet, selon la Constitution, elles sont gouvernées au niveau fédéral.

Après la Confédération, certaines provinces énoncent la théorie du pacte fédératif, qui assimile l’Acte de l’Amérique du Nord britannique à un traité ne pouvant être modifié qu’avec le consentement unanime d’Ottawa et des provinces. Les adversaires de cette théorie disent qu’elle est contraire à la Constitution et soutiennent que les modalités définitives de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique n’ont jamais été ratifiées parce que l’Acte de l’Amérique du Nord britannique n’était pas une entente, mais une loi émanant d’un corps législatif supérieur.

Conflits fédéraux-provinciaux

John A. Macdonald, fervent fédéraliste, dirige le gouvernement du pays en tant que premier ministre pendant un total de 19 ans (1867-1873; 1878-1891). Le 20 octobre 1887, les premiers ministres provinciaux Honoré Mercier, du Québec, et Oliver Mowat, de l’Ontario, se réunissent à Québec avec des représentants du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse et du Manitoba (sans la participation de la Colombie-Britannique et de l’Île-du-Prince-Édouard). Le but de la rencontre est de défendre les « droits des provinces » contre les empiétements du gouvernement fédéral.

Les provinces s’opposent au pouvoir fédéral de désaveu, qui permet à Ottawa d’annuler toute loi provinciale. Les premiers ministres provinciaux réclament la nomination des sénateurs par les provinces et affirment que la Couronne provinciale a le droit d’exercer des prérogatives comme le pouvoir de pardonner des infractions provinciales. Macdonald qualifie les « mécontents » de libéraux partis en guerre contre leurs adversaires conservateurs d’Ottawa pour des raisons partisanes.

Une autre confrontation se produit en 1890 lorsque le Manitoba entreprend de faire de l’anglais l’unique langue officielle de la province, en plus de remplacer les écoles catholiques et les écoles protestantes par un seul système scolaire public. (Voir Question des écoles du Manitoba.) En 1895, le Comité judiciaire du Conseil privé reconnaît qu’on a porté atteinte aux droits scolaires de la minorité religieuse. Il permet donc à celle-ci d’interjeter appel devant le Cabinet fédéral pour obtenir réparation.

Lorsque les libéraux prennent le pouvoir en 1896, le premier ministre Wilfrid Laurier règle la question par voie de compromis. En 1979, dans l’arrêt Forest, la Cour suprême du Canada décide que la loi manitobaine de 1890 sur la suprématie de l’anglais est invalide, émettant quelque doute sur la validité des lois provinciales adoptées pendant 90 ans, et exige que toutes les lois futures soient bilingues.

(Voir aussi Relations fédérales-provinciales.)

Vers l’indépendance constitutionnelle (1919-1931)

Le début du 20e siècle est marqué par de nouveaux progrès vers une indépendance complète du Canada. Lorsque la Première Guerre mondiale éclate en 1914, le Canada est automatiquement inclus à la déclaration de guerre de la Grande-Bretagne. L’inclusion est admise par convention constitutionnelle. Après la guerre, le Canada signe lui-même le Traité de Versailles et devient membre de la Société des Nations, illustrant ainsi son indépendance croissante.

En 1923,Ernest Lapointe signe le Traité du flétan sans la participation de la Grande-Bretagne et malgré ses objections. En 1926, le gouverneur général lord Byng refuse d’autoriser le premier ministre fédéral William Lyon Mackenzie King à dissoudre leParlement. Ce dernier qualifie le geste d’ingérence impériale dans les affaires intérieures du Canada. Le refus de Byng, toutefois, est constitutionnel. (Voir L’affaire King-Byng.)

À la conférence impériale tenue la même année, la déclaration de Balfour est rédigée. Elle décrit les dominions du Commonwealth ayant leur propre gouvernement comme des collectivités autonomes et égales au sein de l’Empire britannique. En 1931, le statut de Westminster précise que le Parlement britannique ne peut plus légiférer pour un dominion à moins qu’une loi n’ait été faite à la demande et avec l’assentiment dudit dominion.

D’autres dispositions du statut donnent aux législatures des provinces le pouvoir d’édicter des lois même si elles sont contraires à la politique coloniale. Cela permet au Canada de légiférer de façon extraterritoriale, par exemple en adoptant des lois sur le transport maritime qui s’appliquent aux navires canadiens en mer, ou en assujettissant au droit criminel canadien le personnel militaire en service à l’étranger. Le statut de Westminster établit aussi, du moins selon l’interprétation des provinces, que les compétences provinciales ne peuvent être modifiées unilatéralement par le gouvernement fédéral.

(Voir aussi Le Statut de Westminster: la déclaration d’indépendance du Canada.)

Une Couronne canadienne

D’après la théorie constitutionnelle, Londres n’est pas, après 1931, un pouvoir politique plus central qu’Ottawa ou Canberra (Australie). La Couronne, naguère indivisible, est désormais divisée. En 1939, au début de la Seconde Guerre mondiale, le Canada fait sa propre déclaration de guerre. Les traités entre les Premières Nations au Canada et la Couronne britannique sont réputés être du ressort du gouvernement canadien. Le monarque est désormais roi ou reine du Canada, et le gouverneur général est investi, en 1947, de toutes les autres prérogatives.

En 1952, Vincent Massey devient le premier gouverneur général né au Canada. Georges Vanier lui succède en 1959. Par la suite, la charge est exercée tour à tour par des Canadiens anglophones et francophones.

En 1949, une modification constitutionnelle permet au Parlement d’apporter des modifications qui touchent uniquement le pouvoir fédéral (par exemple une nouvelle répartition des sièges à la Chambre des communes). Des exceptions sont toutefois spécifiées dans des domaines de nature délicate (comme l’obligation de tenir des sessions parlementaires annuelles). Le Canada exprime également sa souveraineté en adoptant la Loi sur la citoyenneté canadienne, en 1947, et le drapeau unifolié, en 1965. (Voir Débat sur le drapeau.)

Terre-Neuve

De 1934 à 1949, Terre-Neuve, autrefois une province autonome, est gouvernée par une Commission de gouvernement. La Commission est nommée par la Grande-Bretagne qui détient tous les pouvoirs législatifs. Après la Deuxième Guerre mondiale, l’avenir de Terre-Neuve fait l’objet d’un débat. Peter Cashin, un ancien ministre des Finances de Terre-Neuve, propose que l’île devienne un dominion. Au même moment, Joey Smallwood dirige les partisans de l’adhésion à la Confédération et au Canada.

D’autres Terre-Neuviens sont en faveur du maintien de la Commission de gouvernement. À l’issue de deux référendums tenus en 1948, les partisans de la Confédération l’emportent. Terre-Neuve devient, en 1949, la 10e province du Canada. On lui attribue six sénateurs et sept députés.

(Voir aussi : Terre-Neuve-et-Labrador et la Confédération; Projet de loi de Terre-Neuve; Éditorial: Comment la communauté « canadiennisée » de la Terre-Neuve s’est jointe au Canada.)

Conseil privé britannique (1867-1949)

Jusqu’en 1949 le Conseil privé britannique constitue le tribunal d’appel final du Canada. (Voir Conseil privé.) Des tribunaux provinciaux interjettent directement certains appels importants à la Grande-Bretagne, sans aucune intervention de la Cour suprême du Canada (établie en 1875). Les décisions de Conseil privé neutralisent les dispositions centralisatrices de l’AANB en banalisant le pouvoir fédéral de légiférer pour la paix, l’ordre et le bon gouvernement et en élargissant la compétence provinciale en matière de propriété et de droits civils. (Voir aussi Fédéralisme; Relations fédérales-provinciales.)

En 1929, le Comité judiciaire britannique statue que les femmes sont des personnes juridiques capables d’être « mandée s» (nommées) au Sénat. (Voir L’affaire des femmes non reconnues civilement.) En 1932, le Comité attribue à Ottawa les pouvoirs en matière d’aéronautique et de radiodiffusion. En 1937, toutefois, il démolit le programme social du premier ministre fédéral R. B. Bennett. (Voir New Deal de Bennett.) Il restreint ce faisant fortement le pouvoir fédéral en de tels domaines, l’attribuant plutôt à la compétence provinciale.

En 1937, le premier ministre William Aberhart, de l’Alberta, tente d’édicter le programme du crédit social. Cependant, celui-ci empiète sur les compétences fédérales, particulièrement en ce qui concerne les banques. Le désaveu de la législation provinciale par Ottawa provoque une dure confrontation, mais les tribunaux donnent gain de cause au fédéral. Ce problème donne naissance à la commission Rowell-Sirois sur les relations fédérales-provinciales.

Rapport Rowell-Sirois et restructuration du fédéralisme (1937)

La commission Rowell-Sirois, nommée en 1937 par le gouvernement de William Mackenzie King, formule des recommandations économiques de grande portée afin de restructurer la fédération canadienne. Les commissaires affirment qu’Ottawa devrait avoir le droit exclusif de percevoir l’impôt sur le revenu des particuliers et des sociétés ainsi que les droits de succession.

En revanche, le gouvernement fédéral assumerait toutes les dettes des provinces. Il prendrait aussi certaines responsabilités relatives à l’aide sociale et à l’assurance-chômage (que la Cour vient d’attribuer aux provinces). De plus, il verserait aux provinces moins nanties une « subvention de rajustement national » qui leur permettrait de maintenir un niveau de services conforme à la moyenne nationale.

Au Québec, la commission Tremblay (1953-1956), constituée par le premier ministre Maurice Duplessis, estime que cette proposition est trop centralisatrice. Elle propose donc le « principe de subsidiarité ». Comparant le fédéralisme à une pyramide, Tremblay suggère que le plus grand nombre possible de fonctions économiques soient exercées par les organisations locales de la base (par exemple les municipalités, les coopératives et l’Église), tandis que le gouvernement fédéral, au sommet de la pyramide, n’assumerait que les rares fonctions qui dépassent les capacités des organismes locaux. Un tel principe renforcerait évidemment beaucoup l’autonomie des provinces.

Les recommandations formulées en 1940 par la commission Rowell-Sirois ne seront jamais vraiment mises en œuvre. Toutefois, les paiements de péréquation aux provinces donnent un résultat semblable. Ces mesures sont introduites par le premier ministre fédéral Louis Saint-Laurent après la centralisation des pouvoirs occasionnée par la Deuxième Guerre mondiale. Sous une forme ou sous une autre, les paiements de péréquation fédéraux aux provinces moins fortunées se poursuivront jusqu’à nos jours.

Bien que l’assurance-chômage soit centralisée au fédéral grâce à une modification, les provinces riches (Ontario, Alberta et Colombie-Britannique) ne sont pas d’accord avec l’idée de subventionner les provinces pauvres. Le fédéral se sert de son « pouvoir de dépenser  » pour financer les allocations familiales et des programmes à frais partagés organisés en collaboration avec les provinces, notamment les pensions de vieillesse et l’assurance-maladie. À la fin des années 1970 et au début des années 1980, ces programmes sociaux coûteux sont devenus un énorme fardeau pour tous les gouvernements. Cela incite certains politiciens à s’interroger sur la constitutionnalité d’une couverture universelle.

Pouvoirs d’urgence

En proclamant la Loi des mesures de guerre pendant les Première et Deuxième guerres mondiales et la crise d’octobre 1970, le Cabinet fédéral s’approprie tous les pouvoirs légaux nécessaires pour faire face aux situations d’urgence, que ces pouvoirs relèvent ou non de la compétence provinciale. Aux termes de cette loi, la distribution des pouvoirs prévue dans la Constitution cesse pratiquement d’exister. C’est en grande partie pour cette raison que la Loi sur les mesures de guerre est abrogée en 1988 et remplacée par la Loi sur les situations d’urgence.

La Loi sur les situations d’urgence crée des pouvoirs plus limités et plus spécifiques pour le gouvernement fédéral afin de faire face aux situations d’urgence. En vertu de cette loi, les décrets et règlements du Cabinet doivent être examinés par le Parlement. Cela signifie que le Cabinet ne peut pas agir seul, contrairement à la Loi sur les mesures de guerre. La Loi sur les situations d’urgence précise également que les actions du gouvernement sont soumises à la Charte canadienne des droits et libertés et à la Déclaration canadienne des droits.

Sécession, rapatriement, et cetera

Mouvement indépendantiste québécois

La Loi sur les langues officielles (1969), au fédéral, marque une étape constitutionnelle importante (voir Loi sur les langues officielles [1988]). Elle déclare que le français et l’anglais sont les « langues officielles » du Canada et en offre une série de services gouvernementaux dans les deux langues à toute la population.

En 1976, l’élection du Parti québécois (séparatiste) au Québec montre le sérieux de la menace du séparatisme, mais l’électorat québécois, lors du référendum de 1980, rejette l’option de la souveraineté-association dans une proportion de 60 contre 40.

Dans la foulée du référendum, le premier ministre du Canada, Pierre Trudeau, avait promis au Québec un renouveau constitutionnel. Après une très longue conférence fédérale-provinciale qui se termine dans l’impasse, il annonce qu’Ottawa adopterait unilatéralement une formule de modification interne et la Charte canadienne des droits et libertés au sein d’une nouvelle Constitution. La Charte a pour but de remplacer la Déclaration canadienne des droits (1960) de John Diefenbaker. Trudeau note que les négociateurs fédéraux-provinciaux n’ont pas réussi à trouver une formule d’amendement constitutionnel malgré neuf tentatives depuis 1927. (Voir aussi Relations fédérales-provinciales.)

Rapatriement de la Constitution (1980-1982)

Au début des années 1980, le premier ministre Pierre Trudeau sème la controverse avec son offre de remanier la Constitution et de la « rapatrier ». (Voir aussi Rapatriement de la Constitution) Ottawa et deux provinces alliées, l’ Ontario et le Nouveau-Brunswick s’opposent ainsi aux huit autres provinces sur le sujet, surnommées la « bande des huit ».

Le nœud du débat consiste à savoir si le consentement des provinces est nécessaire pour effectuer une modification de la Constitution qui toucherait les droits, les privilèges ou les pouvoirs des provinces. En septembre 1981, la Cour suprême statue qu’Ottawa a le pouvoir légal de présenter au Parlement britannique une requête parlementaire pour demander une modification. Cela étant dit, elle juge aussi qu’il est inapproprié, par convention, de le faire sans un « consensus » des provinces. Le degré de consensus n’est pas défini, mais suppose au moins une nette majorité. (Voir Renvoi sur le rapatriement.)

Ni Ottawa ni les provinces dissidentes n’ont clairement gain de cause devant la cour. Un compromis s’impose donc, et toutes les parties, sauf le Québec, en viennent à une entente le 5 novembre 1981. Les porte-parole du Québec soutiennent que, suivant le principe de la « dualité », les changements constitutionnels fondamentaux nécessitent l’accord du Canada français et du Canada anglais. Selon eux, le non-vouloir de l’une des « nations » crée dans les faits un veto par rapport à l’entente.

Toutes les autres parties nient l’existence du principe de « dualité » tel que le Québec l’énonce. Des problèmes épineux comme la révision constitutionnelle de la distribution des pouvoirs et la réforme institutionnelle de la Cour suprême, du Sénat et de la Couronne ne sont toujours pas résolus et devront être examinés dans l’avenir. Malgré tout, la Constitution est renouvelée et « rapatriée » de l’Angleterre en 1982. La Charte des droits et une résolution d’amendement sont ajoutées au document. La formule d’amendement (soit les critères qui devraient être remplis pour apporter des changements futurs) exige que le Parlement fédéral et les législatures de sept des provinces, donc plus de la moitié de la population, donnent leur accord. Cette formule est connue comme la règle du 7/50.

(Voir aussi: Éditiorial: Rapatriement: la canadianisation de la Constitution; Éditorial: Rendre à César ce qui appartient à César... histoire revisitée du rapatriement de la Constitution.)

Accord du lac Meech (1987)

Après que le Québec ait refusé d’apposer sa signature provinciale sur la Constitution rapatriée de 1982, son approbation semble avoir été obtenue en juin 1987, lorsque les premiers ministres des gouvernements fédéral et provinciaux s’entendent sur une série de réformes présentées dans l’Accord du lac Meech. (Voir Accord du lac Meech: document.) On arrive à un terrain d’entente plus tôt la même année à l’initiative du premier ministre fédéral Brian Mulroney.

Selon l’Accord:

  • Le Québec est reconnu comme société distincte, un statut que sa législature et son gouvernement sont habilités à préserver et à protéger. Les Canadiens français du reste du pays et les Canadiens anglais du Québec obtiennent également une reconnaissance constitutionnelle.
  • L’Accord doit être accepté tel quel par le Parlement et toutes les Assemblées législatives provinciales dans les trois ans qui suivent l’adoption de la résolution de principe par le Parlement. Ce n’est qu’ainsi que les dispositions de l’Accord seront inscrites dans la Constitution. Tout changement apporté aux dispositions proposées nécessite un accord unanime.
  • Toutes les provinces sont également censées participer au processus d’immigration.
  • L’accession des territoires du Nord au statut de province est censée nécessiter le consentement de tous les corps législatifs fédéral et provinciaux. Cette loi est différente de la Loi constitutionnelle de 1982; elle stipule qu’un tel changement nécessite l’accord de sept provinces comptant au moins la moitié de la population (la formule 7/50). La simple loi fédérale qui suffisait avant cette date est également abrogée.
  • Les provinces pourraient se retirer des programmes qui relèvent du pouvoir fédéral de dépenser (par exemple, un programme national de garderie ou un revenu annuel minimum garanti). Elles pourraient également recevoir une compensation raisonnable d’Ottawa pour financer leurs propres programmes, à condition que ces programmes soient « conformes aux objectifs nationaux ».
  • Tout changement au Sénat et à la Cour suprême doit être accepté unanimement par toutes les législatures fédérale et provinciales. Pour pourvoir les postes vacants au Sénat et à la Cour suprême, les provinces proposeront des candidatures au gouvernement fédéral.
  • La seule nomination qui doit relever exclusivement du pouvoir fédéral est le choix du juge en chef de la Cour suprême du Canada parmi les juges qui siègent déjà à cette Cour. Trois des neuf membres de la Cour suprême doivent venir du Québec et être formés selon le régime de droit civil de la province.

Échec de l’Accord du lac Meech (1990)

En 1987, d’après les sondages, plus de 66 % de la population appuie l’accord. En juillet, l’accord est déjà approuvé par la Chambre des communes (par un vote de 242 pour et 16 contre) et par les corps législatifs de toutes les provinces, sauf le Manitoba et le Nouveau-Brunswick. Toutefois, l’opposition grandit dans les médias et dans certains groupes d’intérêts. Ceux qui représentent les peuples autochtones, les femmes, les francophones hors Québec et les territoires estiment en effet que l’accord les empêche pour toujours de devenir des provinces. En 1989, un groupe de travail du Manitoba conteste la légalité de la disposition reconnaissant la société distincte et d’autres aspects de l’accord.

Entre-temps, de nouveaux gouvernements sont élus, et de nouveaux premiers ministres, comme Frank McKenna du Nouveau-Brunswick, expriment leur désaccord. (Le corps législatif de sa province approuve toutefois l’accord en 1990.) L’opposition finit par se cristalliser autour du premier ministre de Terre-Neuve, Clyde Wells. Ce dernier en effet conteste fortement la disposition reconnaissant la société distincte, à laquelle son gouvernement retire son approbation en avril 1990.

Tentant désespérément de sauver l’accord, Mulroney convoque les premiers ministres en juin. Le 9 juin, ces derniers sortent de leur réunion avec une entente signée. Wells dit cependant que son approbation dépend de celle « de la population ou de l’Assemblée législative de Terre-Neuve ».

Lorsque l’approbation du Manitoba menace d’être impossible à obtenir à cause de délais de procédure provoqués par le député provincial Elijah Harper, Wells refuse de faire voter l’accord à l’Assemblée législative de Terre-Neuve en disant que la situation au Manitoba enlève toute pertinence à ce vote. Ainsi, le délai expire et l’accord tombe, ce qui engendre amertume et frustration. De nombreux Québécois interprètent l’échec de l’Accord dans le Canada anglais comme un rejet du Québec. Conséquemment, l’appui au mouvement séparatiste augmente fortement, menant éventuellement au référendum du Québec de 1995.

(Voir aussi Éditiorial: La mort de l’accord du lac Meech.)

Forums constitutionnels (1990-1992)

Une nouvelle ronde de négociations avait commencé avant même la faillite de l’Accord du lac Meech. En février 1990, le Parti libéral du Québec avait formé un comité pour étudier les options en cas d’échec de l’accord. En juin, le premier ministre québécois Robert Bourassa déclare qu’il ne participera pas à des discussions constitutionnelles et ne négociera que de façon bilatérale avec Ottawa. Le même mois, Bourassa et Jacques Parizeau annoncent la formation d’une commission mixte spéciale chargée d’examiner la relation du Québec avec le Canada. Cette commission, coprésidée par Jean Campeau et Michel Bélanger, commence ses audiences en novembre.

Entre-temps, sur la scène fédérale, Mulroney lance le Forum des citoyens sur l’avenir du Canada. Le Forum est chargé de répondre aux critiques qui affirment que le processus constitutionnel est trop fermé. Mis sur pied en novembre 1990, le Forum des citoyens sur l’avenir du Canada est présidé par Keith Spicer. Enfin, en décembre, un comité mixte du Sénat et de la Chambre des communes, composé de 17 membres et coprésidé par Gérald Beaudoin et Jim Edwards, est créé pour concevoir une nouvelle formule de modification. À cette date, les enquêtes constitutionnelles de huit provinces sont en cours ou terminées.

La commission Bélanger-Campeau termine ses audiences le 20 décembre 1990 après avoir reçu 200 mémoires et entendu quelque 600 interventions. Selon l’un de ses premiers rapports, le coût de l’indépendance du Québec serait minime. Le comité préconise la tenue d’un référendum provincial sur la souveraineté si le Québec ne reçoit pas une offre convenable du reste du Canada d’ici octobre 1991.

En janvier 1991, le comité Allaire recommande que le Sénat soit aboli et que le Québec obtienne le pouvoir exclusif sur les communications, l’énergie, l’environnement, l’agriculture et le développement régional. Le Parti libéral du Québec adopte le rapport Allaire, sauf qu’il est en faveur d’un Sénat élu. En mai, l’Assemblée nationale dépose un projet de loi prévoyant la tenue d’un référendum au plus tard en octobre 1992.

Pour coordonner les négociations et recommandations diverses, Mulroney nomme Joe Clark ministre responsable des Affaires constitutionnelles en avril 1991. Une tribune additionnelle est encore créée en juin, soit le Comité parlementaire de la Constitution du Canada. Ses coprésidents sont Claude Castonguay et Dorothy Dobbie.

Le 20 juin 1991, le comité Edwards-Beaudoin, de la Chambre des communes, présente son rapport sur la résolution d’amendement. Il qui contient les recommandations suivantes:

  • Que la ratification des changements constitutionnels prenne deux ans au lieu de trois.
  • Qu’un veto « régional » soit prévu.
  • Que les changements majeurs nécessitent un référendum national.
  • Que le consentement unanime soit requis pour les changements qui touchent le monarque, la langue et le contrôle des provinces sur les ressources.
  • Que tous les autres changements nécessitent l’accord du Parlement fédéral et des corps législatifs de l’Ontario, du Québec, de deux provinces de l’Ouest et de deux provinces de l’Atlantique.

La commission Spicer publie son rapport en juin. Elle recommande que le gouvernement réexamine ses institutions et ses symboles pour promouvoir un sentiment national, que le Québec soit reconnu comme une province unique, que les revendications territoriales des Autochtones soient réglées rapidement et que le Sénat soit réformé ou aboli.

En septembre 1991, le comité parlementaire Castonguay-Dobbie fait connaître ses propositions dans le document intitulé Bâtir ensemble l’avenir du Canada. Ce sont notamment la reconnaissance du Québec comme société distincte, la constitutionnalisation de l’autonomie gouvernementale des Autochtones dans un délai de 10 ans, l’inscription dans la Constitution d’une « clause Canada » (stipulant les valeurs canadiennes telles que l’égalitarisme et la diversité) ainsi qu’un Sénat élu doté de plus de pouvoirs et dont la représentation est « équitable » (mais non égale). En raison de problèmes internes, Castonguay démissionne en novembre du comité. Il est remplacé par Gérald Beaudoin.

En mars 1992, le nouveau comité Beaudoin-Dobbie recommande que le Québec ait le droit de veto sur tout changement constitutionnel et soit reconnu comme société distincte, et est en faveur d’un Sénat élu, efficace et « équitable » subordonné à la Chambre des communes.

Clark prend ce rapport comme point de départ des négociations. Il fixe le 31 mai comme date limite pour qu’Ottawa et les provinces présentent une offre constitutionnelle au Québec. C’est en juillet qu’il finit par conclure une entente avec les neuf premiers ministres provinciaux. Cette entente prévoit un Sénat élu, égal et efficace.

Échec de l’Accord de Charlottetown (1992)

La proposition de Clark n’est pas jugée très intéressante par le premier ministre québécois Robert Bourassa. Elle l’amène tout de même à reprendre les négociations en août. Les premiers ministres trouvent un terrain d’entente le 22 août.

Les points principaux de l’entente, connue sous le nom d’Accord de Charlottetown, incluent: une charte sociale; l’élimination des obstacles au commerce entre les provinces; une « clause Canada » contenant des engagements en faveur de l’autonomie gouvernementale des Autochtones et de la reconnaissance du Québec comme société distincte; un droit de veto à toutes les provinces sur tout changement touchant les institutions nationales; un nouveau Sénat comptant 62 sièges (6 pour chaque province et 1 pour chaque territoire); et l’ajout de nouveaux sièges à la Chambre des communes (18 pour le Québec et l’Ontario, 4 pour la Colombie-Britannique et 2 pour l’Alberta).

(Voir aussi Accord de Charlottetown: document.)

Lors du référendum national du 26 octobre 1992, l’accord est finalement rejeté par six provinces et le Yukon.

Deuxième référendum du Québec (1995)

Les échecs de l’Accord du lac Meech et de l’Accord de Charlottetown amènent la tenue d’un deuxième référendum sur la séparation du Québec à l’automne 1995. L’option séparatiste est défaite par une faible marge (le « non » obtient 50,58 % des votes), et ce résultat entraîne plusieurs changements politiques et juridiques. Le premier ministre du Québec et chef des troupes souverainistes, Jacques Parizeau, démissionne et a pour successeur Lucien Bouchard, l’ancien chef duBloc Québécois, parti séparatiste qui forme l’opposition officielleau fédéral.

En septembre 1997, les premiers ministres de sept provinces (Lucien Bouchard absent) acceptent de se rencontrer à Calgary pour discuter d’une nouvelle approche visant à préserver l’unité du Canada. Cette Déclaration de Calgary propose que les provinces, malgré leur diversité, possèdent toutes un statut égal, mais reconnaît le caractère unique de la société québécoise, dont sa culture et sa tradition de droit civil. Un an plus tard, tous les corps législatifs provinciaux, à l’exception de celui du Québec, avaient approuvé la déclaration.

Loi constitutionnelle sur le veto (1996)

Après la défaite serrée du référendum de 1995, le gouvernement du premier ministre Jean Chrétien fait passer une loi qui reconnaît le Québec comme société distincte au sein du Canada. Elle accorde aussi le droit de veto aux provinces quant aux amendements à la Constitution. Cette loi exige que le gouvernement fédéral obtienne l’accord du Québec, de l’Ontario et de la Colombie-Britannique, en plus de celui de deux provinces représentant au moins la moitié des populations du Canada atlantique et des Prairies réunies (donc un veto pour l’Alberta), pour tout changement proposé à la Constitution.

Cette loi sur le veto (1996), toutefois, représente surtout une mesure politique. Elle n’a pas la même valeur légale que la résolution d’amendement de la Loi constitutionnelle de 1982, qui stipule que la plupart des amendements constitutionnels nécessitent l’accord du Parlement et de sept provinces pour peu qu’elles représentent au moins 50 % de la population (la règle du 7/50). En revanche, le consentement unanime du fédéral et des administrations provinciales est obligatoire en ce qui concerne les changements majeurs au sein des institutions gouvernementales du pays.

Loi dite de la Clarté (2000)

Après le référendum québécois de 1995, Chrétien soumet la question de la séparation à la Cour suprême du Canada. Son gouvernement demande à la Cour, dans le renvoi relatif à la sécession du Québec, s’il est légal, au regard de la loi constitutionnelle nationale et de la loi internationale, pour le Québec de se séparer unilatéralement du Canada.

Les neuf juges de la Cour déclarent alors que la sécession unilatérale serait illégale sans un amendement officiel à la Constitution. Ils ajoutent toutefois que si une nette majorité de Québécois votaient en faveur de la séparation, à l’occasion d’un référendum présentant une question claire, le gouvernemental fédéral et les autres gouvernements provinciaux seraient obligés, par la Constitution, d’engager des négociations de bonne foi avec le Québec sur ce sujet. La Cour déclare en outre que toute séparation doit se conformer aux principes de bases tels que la primauté du droit, la protection des minorités et la démocratie. La Cour ne spécifie pas toutefois ce qui serait considéré une nette majorité ou une question claire; c’est aux « acteurs de la scène politique » d’en décider.

Le gouvernement Chrétien rétorque avec la Loi C-20 (dite de la Clarté), soumise au Parlement en 1999. La Loi, bien que controversée, surtout au Québec, est adoptée par le Parlement et entre en vigueur au cours de l’année qui suit. Elle confère à la Chambre des communes le pouvoir exclusif d’évaluer si une question de référendum est claire, et s’il y a majorité nette à l’occasion d’un vote référendaire.

Le gouvernement du Parti Québécois répond à la Loi de la Clarté avec la Loi 99, qui stipule que la province peut se séparer unilatéralement du Canada à la suite d’un vote référendaire de 50 % plus un. Il n’est pas certain que la Loi 99 ou la Loi de la Clarté résisteraient à un examen constitutionnel. En effet, aucune des deux lois n’a été mise à l’épreuve à la Cour suprême.

Après son élection en 2006, le premier ministre Stephen Harper propose une motion à la Chambre des communes qui reconnaît le peuple québécois comme « une nation au sein d’un Canada uni ». La motion est largement approuvée à la Chambre; elle mène toutefois à la démission du ministre des Affaires intergouvernementales, Michael Chong. Ce dernier voit la motion comme un encouragement au nationalisme ethnique au Canada.

Réforme du Sénat

On tente depuis des décennies de mobiliser des ressources politiques en vue de réformer le Sénat. Les réformistes souhaitent entre autres en faire un corps élu comme la Chambre des communes plutôt qu’un organe non élu dont les membres sont nominés par le premier ministre. Ces efforts demeurent pourtant stériles parce que le Sénat découle de la Constitution.

En 2011, le gouvernement conservateur de Stephen Harper propose la Loi de réforme du Sénatau Parlement. Il cherche ce faisant à imposer des mandats de neuf ans maximum aux sénateurs (qui peuvent maintenant occuper leur poste jusqu’à l’âge de 75 ans), et à permettre aux provinces d’élire des sénateurs si elles le souhaitent. La loi est remise en question par le gouvernement québécois, et en 2013 la Cour d’appel du Québec déclare que la loi est anticonstitutionnelle. La décision stipule en outre que le Parlement ne peut décider seul d’apporter de tels changements, puisqu’ils exigent un amendement à la Constitution.

Le gouvernement Harper répond en en appelant à la Cour suprême. En 2014, la Cour déclare à l’unanimité que tout changement important au Sénat exige un amendement constitutionnel auquel s’applique la procédure 7/50 (soit le consentement de sept provinces représentant 50 % de la population canadienne). La Cour précise enfin qu’abolir le Sénat exige l’accord des corps législatifs des dix provinces ainsi que du Parlement fédéral.

Peu disposé à entamer avec les provinces les négociations politiques nécessaires pour obtenir un tel consentement, Harper déclare que la réforme du Sénat est, du moins dans un avenir rapproché, une cause perdue. « Pour l’instant, le statu quo nous laisse pieds et poings liés », dit-il.

(Voir aussi: Constitution du Canada; Droit constitutionnel; Monarchie constitutionnelle; Paix, ordre et bon gouvernement; Loi constitutionnelle de 1867; Loi constitutionnelle de 1867: document; Statut de Westminster; Statut de Westminster de 1931: document; Renvoi sur le rapatriement; Rapatriement de la Constitution; Loi constitutionnelle de 1982; Loi constitutionnelle de 1982: document.)

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