Danse - Musique utilisée avant 1867 | l'Encyclopédie Canadienne

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Danse - Musique utilisée avant 1867

Danse - Musique utilisée avant 1867. Bien que certaines recherches aient été menées dans les années 1980, l'histoire de la danse sociale au Canada n'avait pas encore été écrite en 1990.

Danse - Musique utilisée avant 1867

Danse - Musique utilisée avant 1867. Bien que certaines recherches aient été menées dans les années 1980, l'histoire de la danse sociale au Canada n'avait pas encore été écrite en 1990. La chanson folklorique a fait l'objet de recherches poussées, mais il semble qu'on a beaucoup négligé la musique folklorique instrumentale - qui, durant les premiers siècles de colonisation européenne, fut surtout de la musique de danse. Ce qui suit ne constitue donc qu'une esquisse.

1. Témoins européens de la danse amérindienne

2. Danse en Nouvelle-France

3. Danse après la conquête britannique

1. Témoins européens de la danse amérindienne. La danse fut l'une des activités des Amérindiens qui fascinèrent le plus les explorateurs européens (voir aussi Autochtones). Leurs observations remontent à la toute première visite de Jacques Cartier, en 1534 : quand son navire entra dans la baie des Chaleurs, de joyeux groupes d'Amérindiens et d'Amérindiennes se jetèrent à l'eau en sautant, chantant et dansant, pour accueillir les visiteurs. Loin de constituer une activité isolée, la danse, chez eux comme chez d'autres aborigènes, s'intégrait aux chants, cérémonies et rituels. Les descriptions historiques que nous en avons traitent donc davantage de sa fonction que de ses aspects musicaux. Malgré de maladroites tentatives de transcription, l' Histoire de la Nouvelle-France de Marc Lescarbot (Paris 1609) et l' Histoire du Canada de Gabriel Sagard-Théodat (4 vol., Paris 1636, 1866) accordent une attention considérable à la musique et à la danse amérindiennes. Dans La Musique au Québec (p. 209-256), Amtmann commente les chroniques du XVIIe siècle relatives au chant et à la danse chez les Amérindiens.

Entre autres descriptions datant du XVIIIe siècle, on possède celle des Peter Kalm's Travels in North America (2 vol., New York 1966). Voici comment ce botaniste suédois dépeint la scène à laquelle il assiste le 12 octobre 1749 à Prairie à Magdal (région de fort Saint-Jean, sur la rivière Richelieu, Québec) : « On leur [les musiciens] prêta un tambour qu'ils battirent régulièrement, un coup après l'autre, tout en chantant... Les battements du tambour s'espaçaient parfois pour ensuite se rapprocher considérablement, l'Amérindien rythmant sa danse en conséquence. De temps à autre, il parlait à ceux qui chantaient et battaient le tambour et ces derniers lui répondaient. Ils chantaient parfois sans arrêt ces seuls mots : Me voici, me voici, etc. » (vol. II, p. 556). Le Journal du marquis de Montcalm, 1756-1759 (Casgrain éd., vol. VII de la série Collection des manuscrits du maréchal de Lévis, Québec 1895) évoque la visite qu'il fit le 21 janvier 1758 aux Hurons de Lorette. Montcalm dénombra trois sortes de danses (chaouénons, calumet et découverte) et observa que les Hurons s'inspiraient des manières françaises.

Dans Nouveaux voyages de Mr. le baron de Lahontan, dans l'Amérique septentrionale (3 vol., La Haye 1703-04), l'auteur distingue plusieurs types de danses : « ... la principale est celle du Calumet, les autres sont la danse du Chef, la danse de Guerre, la danse de Mariage, & la danse du Sacrifice... [Dans la danse guerrière, certains instrumentistes] battent la mesure sur un espèce de timbale. Chacun se lève à son tour pour chanter la chanson, c'est ordinairement lorsqu'il [sic] vont à la guerre, ou lorsqu'ils en reviennent » (vol. II, p. 100 et 102). En septembre 1688, il observe des tribus d'Algonquins dans la région de Green Bay : « Ces chansons & ces danses durèrent deux heures. Cela fut assaisonné de cris de joye, & de quolibets qu'ils font entrer dans leur Musique ridicule » (ibid., vol. I, p. 138). Le duc de La Rochefoucauld-Liancourt décrit la visite d'un groupe de quelque 80 Amérindiens au gouverneur Simcoe à Niagara durant l'été de 1795 : « ... les Amérindiens ont dansé, ont joué entr'eux. Quelques-unes de leurs danses sont assez expressives, et ne sont même pas sans grâce : un air triste, monotone, chanté par un d'eux, et accompagné d'un petit tambour de trois pouces de diamètre et de six de haut; voilà leur musique... ils dansent autour de cette musique, qu'ils interrompent souvent par des cris perçans; la danse de la chasse, celle de la guerre sont les plus expressives; la dernière surtout. C'est l'image de la surprise d'un ennemi que l'on tue et que l'on scarpelle... Le moment où l'ennemi est censé tué, porte sur tous les visages l'expression de la joie; le danseur fait des cris perçans et terribles; il revient conter en pantomime ses succès aux autres, et un cri général les couronne; là finit la danse pour celui-là, un autre lui succède, puis un autre encore... » (Voyage dans les États-Unis d'Amérique, fait en 1795, 1796 et 1797, Paris 1799).

Dès 1806, les Amérindiens donnèrent leurs danses en spectacle : le 1er juillet 1806, à Québec, des Amérindiens de Lorette présentèrent « Danses de guerre et de fantaisie » à des spectateurs européens. Si cet exotisme plut à certains compositeurs, l'oeuvre Les Indes galantes de Rameau (1735) ne contient aucune musique amérindienne authentique, et le cahier de musique de Rachel Frobisher (Montréal 1793) renferme une Savage Dance ayant peu de sonorités vraiment sauvages. Quant à Stadaconé, danse sauvage d'Ernest Gagnon (Lovell 1858), c'est une imitation intéressante de musique autochtone - enrobée d'harmonies du XIXe siècle.

Danse en Nouvelle-France

Une des plus anciennes références à la danse chez les colons français nous vient du père Le Jeune, qui écrit dans sa chronique du 14 août 1636 : « ... on fist danser quelques-uns de nos jeunes gens au son d'une vielle, que tenoit un petit François » (Relations des Jésuites, vol. IX, p. 268). Mais les Jésuites ne se livraient guère à de tels comptes rendus, et leurs rares commentaires exprimaient plus d'appréhension que d'approbation : « Dieu veuille que cela ne tire pas à conséquence », s'exclame un chroniqueur lors du premier bal, donné le 4 février 1667 à l'occasion de la promotion administrative de Louis-Théandre Chartier de Lotbinière (E.M. Faillon, Histoire de la colonie française au Canada, Montréal 1866, vol. III, p. 397). Mais rien ne pouvait empêcher les administrateurs coloniaux et leur coterie de s'adonner à la danse et aux festivités. Comme le révèle « La Correspondance de Madame Bégon, 1748-1754 » (Rapport de l'Archiviste de la Province de Québec pour 1934-35), les prêtres continuèrent à condamner, et l'élite sociale à danser. Le 26 janvier 1749, Mme Bégon rapporte que pendant le prêche, son curé a estimé les fêtes et les soirées dansantes « toutes infâmes, [et] que les mères qui y conduisaient leurs filles étaient des adultères... ». Quant à la musique de danse, il n'en pensait pas plus de bien : « Voyez tous ces airs lascifs qui ne tendent qu'à des plaisirs honteux. » Chaque hiver, on donnait plusieurs bals par semaine, et François Bigot, dernier intendant de la Nouvelle-France, y participait volontiers, allant jusqu'à en organiser. À Québec, la chose se prolongea tout au long des années critiques 1758 et 1759. Le marquis de Montcalm en était bien marri : « Grand bal ce soir chez l'Intendant, gros jeu, cela va sans dire » écrit-il dans son style caractéristique, le 22 janvier 1758 (Lettres du marquis de Montcalm au chevalier de Lévis, Casgrain éd., vol. VI de la série Collection des manuscrits du maréchal de Lévis, Québec 1894).

Les chroniqueurs ne mentionnent que le menuet : selon Mme Bégon, « On y chante sauvage et on se prépare à aller au bal couler son menuet » (20 janvier 1749), et M. Bigot danse seulement deux ou trois menuets, « c'est tout » (14 février 1749). Apparemment, tandis que Québec brûlait, ses dirigeants dansaient le menuet!

On connaît les noms de plusieurs maîtres de danse dont François Moine dit Bourguignon à Québec et Louis Renaud dit Duval à Montréal.

Danse après la conquête britannique

À partir de 1760, outre les comptes rendus de voyageurs, les réclames de journaux pour la vente de musique imprimée fournissent de nombreux renseignements sur la danse. À travers la nouvelle The History of Emily Montague (Londres 1769, réimpr. Toronto 1961), France Brooke fait allusion à la danse dans le contexte sociohistorique du Québec des années 1760. C'est encore le menuet que l'on cite le plus souvent : dans An Englishman in America (1785, Robertson éd., Toronto 1933), Joseph Hadfield parle d'une soirée où l'on dansa 40 menuets. Cependant, les danses des campagnes gagnent également en popularité et font l'objet de recueils annuels (« Country dances for the year 1790 »). Dans A Political and Historical Account of Lower Canada (Londres 1830), Pierre de Sales Laterrière déclare : « Jamais je n'ai connu nation aimant plus à danser que les Canadiens; ils ont encore les menuets, qu'ils entremêlent de danses angloises » (p. 61). Cet amalgame de danses aux origines diverses marquait une importante évolution, caractéristique de cette période : si les chansons nécessitent des paroles spécifiques, les airs et les pas de danse franchissent aisément les frontières. Ainsi les danses des campagnes irlandaises (gigues, reels, etc.) s'intégrèrent-elles au répertoire des violoneux du Québec, moyennant quelque adaptation (voir Violoneux).

À la fin du XVIIIe siècle, on trouve des établissements tout autour du lac Ontario et dans la capitale du Haut-Canada, Niagara (Niagara-on-the-Lake), où, « comme dans toutes les parties du Canada, ils [les habitants] sont très friands de danse. Durant l'hiver, il y a un bal tous les quinze jours » (« Canadian Letters... 1792 and 1793 », Canadian Antiquarium and Numismatic Journal, série 3, vol. IX, 1912, p. 45). Dans Travels through the States of North America and the Provinces of Upper and Lower Canada... 1795, 1796 and 1797 (Londres 1799), Isaac Weld note que, durant l'hiver, les Canadiens se réunissent les uns chez les autres et « passent la journée à faire de la musique, à danser, à jouer aux cartes et à s'adonner à tout divertissement social susceptible de tuer le temps » (p. 225).

Les autres danses en vogue vers 1800 étaient soit nouvelles (quadrilles, mazurkas), soit anciennes (matelotes, reels, gigues, clogs et strathpeys). Quant au cotillon, il s'agissait davantage d'une danse que d'un genre particulier de musique dansante.

On sait peu de chose sur la nature de l'accompagnement instrumental. Le terme « les violons » semble avoir été synonyme d'orchestre de danse, et « les hautboys » désignaient un ensemble à vent. Le violon, entre les mains d'amateurs cultivés ou de ménétriers, était probablement l'instrument le plus répandu. Les maîtres à danser utilisaient un violon de format miniature, le kit ou pochette, assez petit pour être glissé dans la poche. Mais on faisait également appel aux sonneurs de cornemuse et aux flûtistes, et lorsqu'on ne disposait pas d'instruments mélodiques, on entraînait les danseurs en chantant, en sifflant, en battant des mains ou à l'aide d'un tambourin. Un peu avant l'hiver, au moment de la cueillette et de l'entreposage des pommes, les concours ou « applebees » décrits par W.L. Smith dans The Pioneers of Old Ontario (Toronto 1923) constituaient de nouvelles occasions de faire de la musique : « Alors suivirent un souper et ensuite une danse... Un violoneux itinérant, habituellement un vieux soldat, était invité. S'il n'y avait pas de violoneux, les garçons sifflaient, ou les filles chantaient de la musique de danse au travers de peignes recouverts de papier » (p. 68).

On trouve dans des manuscrits de la fin du XVIIIe siècle et du XIXe des exemples spécifiques de musique de danse (voir Manuscrits - Cahiers). Celui de Rachel Frobisher de Montréal, commencé en 1793, inclut même des directives sur les pas de danse. Le livre compilé par Allen Ash dans la région du nord du lac Ontario décrit 13 valses, 7 matelotes, 4 reels, 18 gigues et un galop. Celui de Havilah Jane Thorne (Bridgetown, N.-É., 1839) recense de nombreuses valses et des danses à 6/8. La publication de ces recueils serait d'un grand intérêt pratique et théorique. Les archives provinciales de la Nouvelle-Écosse conservent aussi un recueil dans lequel Don Messer a noté de nombreuses danses traditionnelles du début du XIXe siècle.

Vers la fin du XIXe siècle, une distinction se fit jour entre les danses folkloriques des régions rurales et éloignées et les danses des bals donnés par la bourgeoisie citadine, mais les deux genres étaient très en vogue. Les compositions canadiennes destinées à la danse firent leur apparition à partir des années 1830. Chez les éditeurs de musique, elles se placèrent bientôt, par ordre d'importance, derrière les chansons mais un peu avant les marches. Le menuet étant passé de mode, la valse allait régner en souveraine jusqu'au début du XXe siècle. Quant aux polkas, galops, mazurkas et quadrilles, les compositeurs et éditeurs canadiens les appréciaient aussi. Apparurent également des polkas-mazurkas, des lanciers, des rédowas et des nouveautés comme le « money musk » (déformation probable de « monkey musk », nom vulgaire de la fleur Mimula luteus qui ressemblerait à un danseur) et le brandy - autre variante de la danse du branle (bransle, brantle ou brawl, du verbe branler). À supposer que le travail de composition ait servi de gagne-pain aux musiciens canadiens, la musique de danse était certainement la plus lucrative, au point que les plus nobles compositeurs (George William Strathy, Antoine Dessane, Calixa Lavallée, pour ne citer qu'eux) en écrivirent volontiers pour le grand public. Parmi les compositeurs de musique de danse que le XIXe siècle a produits, on retiendra les noms d'A.J. Boucher, Henry Prince, Joseph Vézina et Charles W. Sabatier.

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