Droit des délits civils au Québec | l'Encyclopédie Canadienne

Article

Droit des délits civils au Québec

En droit civil québécois, le délit civil consiste en la transgression d’un devoir ou d’une obligation extracontractuelle. Le droit des délits civils, mieux connu sous le nom de droit de la responsabilité civile, couvre pour l’essentiel le même domaine que celui de la responsabilité civile délictuelle en common law.
Marteau
Un marteau ancien, symbole de l'impartialité et de la justesse, des décisions judiciaires, des cas clos et de la justice.

En droit civil québécois, le délit civil consiste en la transgression d’un devoir ou d’une obligation extracontractuelle. Le droit des délits civils, mieux connu sous le nom de droit de la responsabilité civile, couvre pour l’essentiel le même domaine que celui de la responsabilité civile délictuelle en common law. Sa fonction n’est pas de punir l’auteur du préjudice (c’est le rôle du droit criminel), mais plutôt d’accorder à la victime une juste compensation pour le préjudice subi, sous forme d’indemnité pécuniaire pour le préjudice matériel, moral ou physique subi. Dans un nombre de cas limité, le droit québécois accorde des dommages-intérêts punitifs ou exemplaires. Il en est ainsi, par exemple, lorsqu’il y a atteinte illicite et intentionnelle aux droits fondamentaux protégés par la Charte des droits et libertés de la personne du Québec (art. 49).

Droit français

Le droit de la responsabilité civile québécois tire son origine de la tradition et des travaux doctrinaux d’auteurs français des XVIIe et XVIIIe siècles comme Domat et Pothier, et, plus récemment, de la codification française de 1804. Le premier Code civil du Québec(1866) a repris la plupart des articles du Code civil des Français avec un certain nombre de différences pour tenir compte de l’économie et de la culture québécoises.

Le nouveau Code civil du Québec (1994) codifie la majeure partie du droit et de la jurisprudence accumulés depuis plus d’un siècle. Contrairement à la common law, qui a élaboré un régime particulier pour chaque délit civil (négligence, atteinte, coups, etc.), le système civiliste ne reconnaît pas les délits civils particuliers, mais plutôt un principe général et universel de la responsabilité civile fondé sur quatre éléments : la capacité de discernement, l’existence de la faute, l’existence d’un préjudice et le lien de causalité. Ainsi, en cas de faute professionnelle ou de diffamation, les coups, l’atteinte, l’agression ou le décès par suite d’une faute n’a aucune importance tant que l’auteur du délit a commis une faute et qu’il existe un lien de causalité direct entre son acte ou son omission et le préjudice subi par la victime.

Règle générale de la responsabilité civile

Le principe général et fondamental de la responsabilité civile est aujourd’hui énoncé à l’art. 1457 du Code civil du Québec (C.c.Q.), qui stipule que « Toute personne a le devoir de respecter les règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou la loi, s’imposent à elle, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui. Elle est, lorsqu’elle est douée de raison et qu’elle manque à ce devoir, responsable du préjudice qu’elle cause par cette faute à autrui et tenue de réparer ce préjudice, qu’il soit corporel, moral ou matériel. Elle est aussi tenue, en certains cas, de réparer le préjudice causé à autrui par le fait ou la faute d’une autre personne ou par le fait des biens qu’elle a sous sa garde ».

Conclusions de responsabilité

Quatre conditions sont nécessaires pour qu’il y ait responsabilité civile : la capacité de discernement, l’existence de la faute, l’existence d’un préjudice et le lien de causalité.

La capacité de discernement s’entend de la capacité mentale de discerner le mal du bien, autrement dit de se rendre compte des conséquences des actes posés. L’aliéné mental, par exemple, ne peut en principe être civilement responsable, sauf si le manque de discernement résulte d’une faute antérieure. Ainsi en est-il dans le cas de l’abus de drogue ou d’alcool. Le mineur est lui aussi civilement irresponsable, mais ses parents sont tenus de réparer le préjudice qu’il cause, sauf s’ils prouvent qu’il n’ont pas eux-mêmes commis de faute dans la garde, la surveillance ou l’éducation du mineur (art. 1459 du C.c.Q.). Par ailleurs, la personne qui, sans être le père ou la mère d’un enfant, se voit confier par délégation la garde, la surveillance ou l’éducation d’un mineur peut également être tenue de réparer le préjudice causé par le mineur (art. 1460 du C.c.Q.). À cette règle, il existe une exception en faveur des personnes qui agissent gratuitement ou moyennant une modique récompense (telles que les gardiens d’enfants). Dans ce dernier cas, la victime a le fardeau de prouver la faute de sa part. Le tuteur du handicapé mental ne peut cependant être tenu pour responsable, à moins qu’il n’ait lui-même commis une faute lourde dans l’exercice de la garde (art. 1461 du C.c.Q.).

L’existence d’une faute est la deuxième condition sur laquelle se fonde la responsabilité civile. La faute est une norme objective définie comme la conduite qu’une personne normalement prudente et avisée n’aurait pas adoptée dans les mêmes circonstances. Il peut s’agir d’un acte ou d’une omission lorsqu’il y a obligation légale ou morale d’agir. Les tribunaux ont eu un rôle très important à jouer pour déterminer, selon les circonstances particulières de chaque espèce, si la norme de conduite du défendeur était conforme à celle de la personne raisonnable. La jurisprudence et ses sources sont ainsi d’une importance capitale dans l’interprétation, la compréhension et le sens à donner à cette notion générale. Entre autres circonstances particulières, les tribunaux tiennent compte de l’activité ou de la profession de l’auteur de la faute. En d’autres termes, la conduite attendue d’un chirurgien qui défend une action en faute professionnelle sera comparée à celle du chirurgien raisonnablement diligent et prudent placé dans les mêmes circonstances que lui.

En troisième lieu, l’auteur doit également avoir causé un préjudice par son acte ou son omission. La conduite négligente qui ne cause aucun préjudice ne peut être source de responsabilité civile. Des dommages peuvent être matériels (dommage causé à la personne, entraînant la mort ou le préjudice corporel, ou dommage causé aux biens, entraînant une perte économique) ou moraux (douleurs et souffrances, perte de jouissance de la vie, particulièrement importante en matière de harcèlement sexuel, de diffamation ou de discrimination). L’auteur du préjudice doit réparer l’entier dommage qu’il a causé. La victime doit recevoir une somme qui la replacera dans la situation qui était la sienne avant la survenance du préjudice. Il s’agit là du principe de la restitution intégrale (restitutio in integrum). Les dommages-intérêts accordés par les juges (en 1966, le Québec a aboli les procès civils avec jury) peuvent parfois atteindre plusieurs millions de dollars.

Le préjudice doit cependant être directement relié à la faute, et c’est là la quatrième condition : un lien de causalité clair doit exister entre la faute et le préjudice subi par la victime. Le droit québécois a une approche pragmatique et ne suit aucune théorie particulière de causalité, dès lors qu’il peut être établi que la faute a été la cause directe et immédiate du préjudice.

Autres formes de responsabilité

On peut également être tenu pour responsable de la faute ou du fait d’autrui. Outre les parents et les tuteurs, les employeurs sont présumés responsables du préjudice causé par leurs employés agissant dans le cadre de l’exécution de leurs fonctions (art. 1463 du C.c.Q.). Ils ne peuvent se soustraire à la responsabilité que dans des circonstances très exceptionnelles.

La responsabilité civile peut également résulter du fait des biens dont on a la garde ou le contrôle. Le gardien d’un bien est présumé responsable du préjudice causé par le fait autonome de celui-ci, à moins qu’il ne prouve qu’il n’a commis aucune faute (art. 1465 du C.c.Q.). Le propriétaire tout comme l’usager d’un animal domestique sont également responsables du préjudice que l’animal cause à un tiers. Seule la preuve de la force majeure ou de la faute de la victime permet de libérer le propriétaire ou l’usager de la responsabilité civile.

Les propriétaires d’immeubles sont également responsables des dommages causés par leur ruine, même partielle, qu’elle résulte d’un défaut d’entretien ou d’un vice de construction (art. 1467 du C.c.Q.). Enfin, selon les nouvelles dispositions des art. 1467 et 1468 du Code civil du Québec, les fabricants de marchandises sont responsables du préjudice causé aux tiers par le défaut de sécurité des marchandises. Il en est de même pour les fournisseurs, les grossistes, les détaillants et les importateurs de la marchandise défectueuse.

L’art. 1471 du Code civil du Québec codifie la règle de common law dite du « bon samaritain ». La personne qui porte secours à autrui peut, dans certaines circonstances, être exonérée de toute responsabilité pour le préjudice qui serait causé à la victime, à moins que ce préjudice ne soit dû à sa faute intentionnelle ou à sa faute lourde.

Enfin, l’art. 1474 du Code civil du Québec interdit maintenant toute limitation ou exclusion de responsabilité pour le préjudice corporel ou moral causé à autrui.

Autres règles délictuelles

En plus des règles générales de la responsabilité civile énoncées dans le code civil et dans la jurisprudence, d’autres règles délictuelles sont posées dans diverses lois. Le Québec s’est doté d’un système d’indemnisation sans faute pour les victimes des accidents d’automobile, système prévu par la Loi sur l’assurance automobile, et d’un programme semblable pour les victimes d’actes criminels et pour les accidents du travail. L’objet principal de ces lois particulières est double : 1) indemniser la victime indépendamment de sa conduite et 2) éviter de s’adresser à la justice pour obtenir réparation.

Lecture supplémentaire