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Dessin

 Le dessin est une forme d'art en soi ou bien une étape préliminaire de la conception d'une autre oeuvre d'art.
Les Seven Sisters au sud de Kitwanga, C. -B.
Mine de plomb sur papier vélin, d'A. Y. Jackson (avec la permission de la National Gallery of Canada/Musée des Beaux-Arts du Canada, Ottawa).
Réunion des délégués
À la conférence de Québec de 1864. Fusain et sanguine sur papier vélin, de Robert Harris, 1883 (avec la permission de la National Gallery of Canada/Musée des Beaux-Arts du Canada, Ottawa).
Paysan du Québec
Fusain sur papier vélin de Marc-Aurèle de Foy Suzor-Coté, 1926 (avec la permission de la National Gallery of Canada/Musée des Beaux-Arts du Canada, Ottawa).\r\n \r\n

Dessin

Le dessin est une forme d'art en soi ou bien une étape préliminaire de la conception d'une autre oeuvre d'art. Bien que le dessin se définisse avant tout par sa qualité graphique et n'ait rien à voir avec la technique utilisée, il est généralement fait à l'encre, au pastel, au fusain, à la pointe sèche, à la mine de plomb, au crayon Conté et à la craie. L'histoire du dessin au Canada est ponctuée de périodes creuses, pendant lesquelles les artistes produisent peu de dessins ou considèrent les dessins comme de simples ébauches de compositions dans d'autres formes d'art. Il faut attendre la fin du XIXe siècle pour voir des collectionneurs ou des corpus d'expositions considérer le dessin en tant qu'oeuvre en soi. Au tournant du XXe siècle, la situation change et le public apprécie davantage le dessin.

Les dessins remontant à la période des premières explorations, de la CARTOGRAPHIE et du développement de la NOUVELLE-FRANCE sont exclusivement l'oeuvre d'Européens et sont fortement liés aux traditions stylistiques européennes. La réalité s'y distingue à peine de la fantaisie et de l'invention (voir aussi PEINTURE). La perspective change au XVIIIe siècle, quand la précision prend de l'importance, comme en témoignent les imposants dessins d'édifices de la ville de Québec de Charles Bécart de Granville et la vue panoramique de Louisbourg (1731) d'Étienne Verrier.

À la différence de la période coloniale française, où l'on produit des dessins techniques et des plans de FORTIFICATIONS et de bâtiments, la période coloniale anglaise donne lieu à une profusion de scènes de genre exécutées à la plume ou à l'aquarelle. Réalisées par des voyageurs, des militaires ou leurs dépendants, ces oeuvres illustrent la vie des explorateurs, les campagnes militaires et navales, l'immigration et la colonisation. Au cours de la GUERRE DE SEPT ANS, plusieurs officiers britanniques font des croquis du siège de la ville de Québec (1759) et des ruines laissées par la bataille. L'aide de camp de Wolfe, Hervey Smyth, montre les troupes escaladant les falaises vers les plaines d'Abraham et les opérations navales sur le fleuve Saint-Laurent. Ce n'est que grâce aux dessins détaillés de Richard Short qu'un grand nombre de bâtiments historiques de Québec nous sont connus. Au cours de la période de paix qui suit, des officiers diplômés de la Woolwich Military Academy d'Angleterre font des dessins précis des fortifications et du panorama environnant. Un grand nombre de ceux-ci seront par la suite gravés et reproduits dans des récits de voyage populaires (voir PEINTRES TOPOGRAPHIQUES).

Au cours des voyages qu'ils font dans l'Ouest après 1845, Paul KANE et William HIND tracent sur le vif des centaines de croquis au crayon, à l'encre et à l'aquarelle, soit des portraits, des paysages, des objets et des études de personnages. À la même époque au Québec, on fait surtout de la peinture et de la sculpture religieuses, mais on trouve encore quelques esquisses préparatoires pour des murales d'église dessinées par des artistes comme François BAILLAIRGÉ . Le portrait représente l'autre pivot de l'art québécois et des artistes de premier plan (Antoine PLAMONDON, François Beaucourt et Louis Dulongpré) font un grand nombre d'excellents dessins pour le compte de ceux qui ne peuvent s'offrir des portraits à l'huile.

Influences étrangères

Comme des artistes d'expérience immigrent au Canada et qu'un nombre croissant d'artistes canadiens effectuent des séjours d'études à l'étranger, les influences de la France, des Pays-Bas, de l'Allemagne et des États-Unis se font sentir sur l'art canadien. Les associations d'artistes de l'époque, notamment l'ACADÉMIE ROYALE DES ARTS DU CANADA (fondée en 1880), n'encouragent guère le dessin en tant que forme d'art, ce qui explique probablement la pénurie de dessins achevés dans les deux dernières décennies du siècle (voir ASSOCIATIONS D'ARTISTES).

De nombreux artistes ont tendance à considérer le dessin comme une simple préparation à la peinture; c'est ainsi que de bons dessins sont souvent restés cachés dans les carnets de croquis. Cependant, on observe parfois dans ces esquisses une spontanéité qui est absente des oeuvres plus léchées exposées par les peintres académiques. Les carnets de Robert HARRIS et de William RAPHAEL, par exemple, contiennent des études vivantes de personnages incorporés par la suite dans des peintures célèbres. Lucius O'BRIEN, John A. FRASER et T. Mower Martin exécutent des dessins rapides et parfois détaillés des Rocheuses et de l'Ouest au cours d'excursions parrainées par le Canadien Pacifique dans les années 1880 et 1890.

Homer WATSON, Horatio WALKER and Marc-Aurèle de Foy SUZOR-CÔTÉ, travaillant à la craie, au plomb ou au fusain, ont fait de riches et magnifiques dessins de paysans dans un environnement rural, qui constituent souvent le sujet de leurs nombreuses peintures populaires. Les dessins de James Wilson MORRICE, de Maurice CULLEN et de Clarence GAGNON ont quelque chose de la touche insaisissable de l'impressionnisme français. Cependant, ces artistes s'intéressent avant tout à la couleur et à la lumière, et les rares croquis qu'il nous reste d'eux sont avant tout les ébauches de toiles à venir. Morrice est cependant un brillant dessinateur et, dans ses centaines de petites esquisses à l'huile, on aperçoit souvent l'ébauche sous la mince couche de peinture. Ozias LEDUC, sans doute le dessinateur le plus prolifique, exécute au crayon ou au fusain des dessins détaillés de ses compositions ou de ses modèles, dont un certain nombre vont servir à la réalisation de murales d'église ou de peintures. Son étude pour L'Enfant au pain (1892-1899) est très semblable à la peinture définitive exposée au Musée des Beaux-Arts du Canada.

Les artistes canadiens qui étudient à Londres, à Paris ou à Philadelphie à la fin du XIXe siècle (William BRYMNER, George REID, Paul PEEL, Sidney Strickland Tully) sont bien formés au dessin « réaliste », d'abord à partir de moulages en plâtre, puis de modèles vivants (voir ÉDUCATION ARTISTIQUE). Ils perpétuent la pratique des croquis préliminaires pour les tableaux; par contre, il est évident qu'un dessin tel que Hattie (1880), de Reid, a été conçu comme une oeuvre finie.

Illustrations

À la fin du XIXe siècle, au Canada, la majeure partie des dessins servent à illustrer des périodiques. La Toronto Art Students' League (1886-1904), une association d'artistes qui se consacrent au dessin, adopte la devise suivante : Nulla dies sine linea, qui signifie « pas un jour sans dessin ». Ses membres, dont un certain nombre d'anciens étudiants de l'Ontario School of Art (aujourd'hui le COLLÈGE DES BEAUX-ARTS DE L'ONTARIO), travaillent dans des imprimeries et des ateliers de gravure. Parmi eux, Charles MacDonald Manly, Robert Holmes, Frederick Henry Brigden, William Cruikshank et Charles William JEFFERYS. Ces artistes se rencontrent pour des voyages d'études et de dessin et, de 1892 à 1904, ils publient un calendrier illustré de dessins à la plume. Fasciné par les sujets historiques, Jefferys produit « The Picture Gallery of Canadian History ».

Un autre illustrateur célèbre, Henri JULIEN, envoie des dessins de personnages et des caricatures d'un style vigoureux à des journaux montréalais et étrangers. Certains peintres importants augmentent leurs revenus en faisant des illustrations; c'est le cas notamment de Lucius O'Brien, de Henry SANDHAM et de John Fraser, qui collaborent à Picturesque Canada (1882).

Groupe des Sept

Si les membres du GROUPE DES SEPTSi les membres du GROUPE DES SEPT font de rapides et habiles croquis au crayon, à l'encre ou à l'huile lors de leurs voyages à travers le Canada, la plupart de ces dessins sont des esquisses de peintures et ne sont nullement destinés à être exposés en public. Cependant, les carnets de croquis qui restent d'eux font voir comment ils ont conçu leurs toiles les plus célèbres. On y trouve des notes décrivant des parties du paysage qu'ils désiraient peindre. A.Y. JACKSON, Arthur LISMER et F.H. VARLEY se révèlent les dessinateurs les plus compétents et les plus prolifiques, Varley l'emportant sur les autres par le talent, la sensibilité et la variété. Ses dessins, qu'il s'agisse de paysages, de portraits de femmes ou de croquis effectués sur place comme artiste de guerre officiel, témoignent d'un brillant savoir-faire. Lismer, caricaturiste et dessinateur remarquable et rapide, a réalisé une importante série de portraits irrévérencieux de ses amis.

Les dessins de Lawren HARRlS, qui ne sont jamais une fin en eux-mêmes, reflètent bien son cheminement qui va des dessins de rues aux paysages, puis à l'abstraction et sont souvent associés à sa philosophie de l'art. Lionel LeMoine FITZGERALD ne se joint au Groupe que pour une courte période, mais le dessin convient parfaitement à la subtilité de son art. Qu'il opte pour une nature morte, un nu ou un paysage, il se soucie d'opposer une forme à une autre, un côté à un autre, une ligne fine à des zones pointillées, selon une organisation spatiale orchestrée et délicate. Il produit une foule de croquis, souvent exécutés au crayon de couleur ou à la craie.

Même si David MILNE produit peu de dessins au sens strict du terme, ses aquarelles et ses gravures à la pointe sèche témoignent de sa grande maîtrise des techniques de base du dessin. Ses peintures sont de telles réussites par l'économie et la puissance linéaire du trait qu'on peut les considérer comme des dessins à l'huile. Sa contemporaine Emily CARR a réalisé un nombre important de dessins au fusain et à l'huile sur papier. Souvent peints sur le vif, ils révèlent une puissante vision expressionniste de la forêt et un profond respect de la vie indigène. Leurs traits et leurs frottis rapides, prononcés, parcimonieux et pourtant presque calligraphiques, rendent l'essentiel de sa perception de la vie sur la côte ouest et de son respect pour le totem.

Goodridge ROBERTS occupe une place sûre parmi les paysagistes canadiens, et ses dessins au pinceau sobres, parfois sombres, rappellent par leur équilibre et leur raffinement les dessins à l'encre de Chine. John LYMAN, dans des oeuvres telles que Dancing Nude, aborde le dessin d'une manière nouvelle, basée sur les idées émises par l'artiste français Matisse et où le dynamisme du trait l'emporte sur la représentation du modèle.

Au cours de la décennie suivante, les AUTOMATISTES implantent au Québec un art spontané, non prémédité et abstrait. En tant que chef de file du mouvement, Paul-Émile BORDUAS réalise une série de puissants dessins non figuratifs qui laissent présager les principaux développements de sa brillante évolution dans l'art abstrait. Alfred PELLAN, qui rentre à Montréal en 1940 après un séjour à Paris, lance un mouvement rival. Ses dessins et ses peintures sont imprégnés d'une imagerie surréaliste.

En 1953, un groupe de peintres non figuratifs de Toronto, plus inspirés par l'expressionnisme abstrait de New York que leurs contemporains de Montréal, forment les PAINTERS ELEVENpour pouvoir exposer leurs oeuvres. Oscar CAHÉN réalise de nombreux dessins comportant des éléments expressionnistes abstraits et surréalistes, et le dessinateur figuratif le plus talentueux et le plus prolifique demeure Harold TOWN qui crée des séries de dessins tout à fait originaux.

Après les années 60, le nombre d'artistes qui se consacrent au dessin s'accroît considérablement. La diversité des styles reflète généralement leur travail dans d'autres techniques. Alex COLVILLE, Christopher PRATT et Jack CHAMBERS sont considérés comme des « réalistes » dont les dessins dénotent un haut degré d'habileté technique, si ce n'est de vitalité et de spontanéité. Ernest LINDNER parvient à une métaphore puissante de la mort et de la renaissance dans ses dessins d'arbres pourris, aux détails microscopiques. Les dessins de Christiane PFLUG présentent une imagerie obsédante et sombre. Les vibrantes oeuvres abstraites de Gordon RAYNER font appel à plusieurs techniques, alors que les fines pièces de Betty Goodwin jouent avec la texture. Robert Markle et Graham COUGHTRY s'attachent à des études de personnages. John Scott produit des dessins durs et monumentaux. Mary PRATT crée des scènes d'intérieur. Ann Kipling, Dorothy KNOWLES, Takao TANABE et Gordon A. SMITH font des esquisses de paysages.

Le dessin reste un art bidimensionnel même s'il est réalisé avec des outils modernes comme l'écran d'ordinateur. Son style, sa technique et son matériau vont continuer de se modifier, mais son contenu n'aura de cesse de capter les réactions des artistes, les plus personnelles et souvent les plus intimes, au monde qui les entoure, comme une fine mélodie attend l'orchestration.

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