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Génétique

La génétique peut se diviser pour des raisons de commodité en trois domaines d'études : la génétique formelle, la génétique moléculaire et laGÉNÉTIQUE DES POPULATIONS.
Lacombe, porcs de
Les porcs Lacombe sont la première race de bestiaux améliorée génétiquement au Canada, à la Station de recherches d'Agriculture Canada de Lacombe, en Alberta (avec la permission de l'U. de la Colombie-Britannique, Département de zootechnie).
Recherche génétique
Le chercheur en génétique Peter St. George-Hyslop (assis) en compagnie d'étudiants de l'Université de Toronto (avec la permission de Maclean's).

Génétique

La génétique est la branche de laBIOLOGIE qui se consacre à l'étude de l'hérédité, le phénomène par lequel les organismes transmettent leurs caractères à leur descendance. L'espèce humaine a toujours manifesté de l'intérêt pour l'hérédité, on estime généralement que la pratique de cette science a commencé en 1865 avec les travaux d'un moine autrichien, Gregor Mendel. En étudiant les pois, Mendel a pu établir les principes de l'hérédité qui s'appliquent à la plupart des caractères transmis héréditairement par les êtres vivants (p. ex. taille, forme, couleur, pilosité, odeur, comportement, résistance aux maladies). Mendel a formulé le concept de gène pour définir les unités fondamentales de l'hérédité qui déterminent ces propriétés. De nos jours, la structure moléculaire et la fonction des gènes sont fort bien comprises.

Génétique moderne

La génétique peut se diviser pour des raisons de commodité en trois domaines d'études : la génétique formelle, la génétique moléculaire et laGÉNÉTIQUE DES POPULATIONS. La génétique formelle s'intéresse à l'identification des gènes qui déterminent un caractère particulier ainsi qu'aux lois selon lesquelles ces gènes sont transmis d'une génération à la suivante ou d'une cellule à une autre. La génétique moléculaire se concentre sur la structure et le fonctionnement des unités génétiques, c'est-à-dire sur la composition chimique des gènes et leur expression telle qu'elles se traduisent dans la structure des protéines, qui sont les composantes fonctionnelles les plus importants de la cellule. Pour sa part, la génétique des populations analyse les lois de la distribution des gènes dans des populations d'organismes et les changements dans la structure génétique des populations.

Génétique formelle

On appelle génome l'ensemble des déterminants héréditaires d'une cellule ou d'un organisme et génotype l'expression du génome chez un individu (son patrimoine génétique propre). La réalisation du génotype, soit l'ensemble de ses caractères apparents, constitue le phénotype. Les gènes individuels peuvent être identifiés grâce aux modes de transmission phénotypique, mais seulement s'il existe une certaine variation du phénotype. Certaines variations phénotypiques sont discontinues : graines de pois jaunes et graines de pois vertes, par exemple. La variation discontinue peut souvent s'expliquer génétiquement par les différentes formes d'un même gène qu'on appelle allèles : dans l'exemple des pois, Y est l'allèle du phénotype jaune et y du phénotype vert. Les plantes et les animaux portent une paire de chaque gène, de sorte que dans l'exemple du pois, un individu peut être YY, Yy ou yy. L'allèle Y étant dominant (et donc écrit en majuscule), l'individu Yy est du phénotype jaune.

Certaines variations phénotypiques prennent la forme d'une échelle continue de valeurs (p. ex. de très petite taille à de très grande taille en passant par toutes les tailles intermédiaires). La variation continue peut souvent s'expliquer par l'action d'un grand nombre de gènes (polygènes) ; plus le nombre de gènes en jeu est grand, plus la plage de variation est étendue. Comme la variation environnementale contribue également à la variation continue, l'un des problèmes qui se pose sur le plan analytique quand on étudie ces phénotypes consiste à distinguer, dans variation continue, les parts respectives de la variation génétique et de la variation environnementale.

La génétique formelle trouve un usage généralisé dans les pratiques agricoles traditionnelles, notamment dans l'amélioration génétique des végétaux et des animaux. En effet, nombre de plantes et d'animaux qu'on trouve sur le marché ont été créés grâce à des programmes de sélection. En outre, il est désormais admis que les gènes influent fortement sur le bon ou le mauvais état de santé des représentants de notre espèce. On sait que de nombreuses maladies sont d'origine génétique et résultent d'une mutation qui a pour effet de produire un allèle pathogène. Il existe des exemples bien connus de ce genre deMALADIES HÉRÉDITAIRE : la phénylcétonurie, la mucoviscidose ou fibrose kystique et la maladie de Tay-Sachs (causées par de simples allèles récessifs mendéliens), la chorée de Huntington et le syndrome de Marfan (causés par de simples allèles dominants mendéliens), et enfin l'hémophilie et la myopathie de Duchenne (causées par des allèles récessifs sur un chromosome X).

En ce qui concerne ces maladies, le conseil génétique nécessite une évaluation des risques qui s'appuie sur l'analyse des arbres généalogiques et la connaissance de la structure d'une population. Les anomalies chromosomiques causent un autre type fréquent de maladies héréditaires ; par exemple, la trisomie ou syndrome de Down est attribuable à la présence d'un chromosome 21 surnuméraire. La plupart des cas de trisomie 21 surgissent spontanément à chaque génération à la suite d'erreurs de la nature dans la production des ovules ou des spermatozoïdes.

Génétique moléculaire

Les gènes sont agencés en structures appelées chromosomes (les humains possèdent deux jeux de 23 chromosomes, chaque parent en fournissant un, ce qui leur en fait 46 en tout). Chaque chromosome contient une substance chimique, l'ADN (acide désoxyribonucléique), en forme de filament de 5 mm de longueur. Chaque chromosome mesurant moins de 0,005 mm de longueur, l'ADN doit donc y être très fortement compacté et enroulé en superhélices. Un gène n'est qu'un segment fonctionnel du filament. Il renferme un message codé, sous la forme d'une séquence d'unités chimiques appelées nucléotides.

La séquence de la plupart des gènes détermine l'ordre des acides aminés qui constituent la molécule d'une protéine donnée. Les protéines jouent un rôle décisif dans l'expression phénotypique, car tout organisme est, soit une protéine, soit le produit d'une protéine. Certaines protéines (appelées enzymes) président aux réactions chimiques qui se produisent dans les cellules tandis que d'autres, comme les microtubules ou les myofilaments musculaires, constituent d'importants éléments de la structure des cellules.

L'ADN possède la propriété remarquable de pouvoir se répliquer (c'est-à-dire de se reproduire continuellement sous la même forme). LesBACTÉRIES sont des microorganismes unicellulaires dépourvus de noyau limité par une membrane. Chaque cellule est porteuse d'un seul chromosome à ADN circulaire qui se réplique par scission binaire, avant la division cellulaire, pour produire des cellules filles qui sont une copie génétique exacte de la cellule mère. Les plantes, les animaux et lesCHAMPIGNONSsont constitués d'une ou de plusieurs cellules pourvues d'un noyau limité par une membrane. Les cellules somatiques des plantes et des animaux contiennent deux exemplaires de chromosomes linéaires par noyau, tandis que les cellules des champignons n'en comportent qu'un seul jeu par noyau. Ces chromosomes se répliquent avant la division cellulaire, et les copies des chromosomes sont distribuées également entre les cellules filles au cours d'un processus ordonné de division cellulaire appelé mitose.

Les végétaux, les animaux et les champignons subissent également une division nucléaire spécialisée (méiose) au cours du cycle sexué. Chez les végétaux et les animaux, la division méiotique produit les spermatozoïdes et les ovules, qui ne contiennent qu'un exemplaire de chaque chromosome par cellule. Lorsque le spermatozoïde et l'ovule s'unissent, il en résulte une cellule (le zygote) qui constitue la première cellule somatique du nouvel individu et qui contient les deux jeux complets de chromosomes. Au cours de la méiose, différentes paires d'allèles peuvent s'apparier pour former de nouvelles combinaisons ; il existe donc des zygotes de nombreux génotypes, tous différents de ceux des deux parents. Chez les champignons, deux noyaux doivent s'unir pour que la méiose puisse se produire, mais les cellules qui résultent de cette méiose (spores sexuelles) possèdent elles aussi un seul jeu de chromosomes. Chaque spore donne naissance à un nouvel individu. Étant donné le réappariement des allèles, les génotypes des spores diffèrent de ceux des noyaux originaux fusionnés.

Quelquefois, mais rarement, l'ADN subit un changement de séquence, appelé mutation, qui modifie le génotype et le phénotype. Il s'agit de la principale source de variation génétique. Certaines mutations sans cause apparente sont qualifiées de mutations spontanées ; d'autres, les mutations induites, résultent principalement de dommages causés aux gènes par les rayonnements du milieu et les agents chimiques présents dans l'environnement.

C'est par les mutations que le milieu agit pour provoquer l'évolution. Ainsi, une mutation qui confère un avantage à un organisme peut lui permettre de produire plus de descendants qui, à leur tour, contiendront le gène muté. Avec le temps, une population entière peut se modifier. La mutagenèse environnementale, c'est-à-dire la production de mutations sous l'effet de facteurs ambiants, constitue une préoccupation particulière pour les populations humaines. Les taux croissants de substances chimiques et de rayonnements dans l'environnement peuvent causer des mutations qui, si elles touchent les cellules germinales, augmenteront avec le temps le nombre de maladies héréditaires transmises ou, si elles affectent les cellules somatiques, induiront unCANCER.

L'invention des techniques de l'ADN recombinant a provoqué une véritable révolution en génétique moléculaire. La maîtrise de cette technologie a permis d'isoler des gènes par clonage, de les caractériser en détail par le séquençage de l'ADN et de les manipuler expérimentalement en éprouvette (mutagenèse in vitro). Les progrès réalisés au chapitre de la technologie de l'ADN recombinant ont permis de caractériser des génomes entiers dans le cadre du Projet génome humain, par exemple. Cette technologie permet également de prélever des gènes d'un organisme et de les encoller dans les chromosomes d'un autre pour créer des organismes transgéniques.

Ces innovations duGÉNIE GÉNÉTIQUEont déjà trouvé leur application enBIOTECHNOLOGIE.. Mentionnons le développement de nouvelles lignées de bactéries, d'une importance majeure pour l'industrie, l'agriculture et la médecine (p. ex. dans la production de l'INSULINEhumaine, des hormones de croissance humaine, de l'interféron pour le traitement de maladies virales et d'enzymes utilisées comme agents de décomposition de l'huile et du bois). Dans d'autres techniques, de nouveaux gènes utiles, comme ceux de la résistance aux herbicides, sont introduits dans des plantes cultivées, et des gènes qui favorisent la croissance et améliorent d'autres qualités sont insérés dans l'ADN des animaux d'élevage. Les techniques transgéniques ont également conduit à la mise au point de la thérapie génique appliquée à l'être humain grâce à laquelle on peut corriger un génotype responsable d'une maladie par le transfert d'un gène normal dans le génome.

Génétique des populations

La fréquence de certains allèles varie selon les populations d'organismes. La génétique des populations vise à mesurer cette fréquence pour comparer le patrimoine génétique des différentes populations. Des études écologiques ou la recherche des changements évolutionnistes dans une population peuvent constituer l'objectif de ces mesures. Un des outils de base de cette branche est la loi de Hardy-Weinberg, selon laquelle si les unions se font au hasard et si la fréquence des allèles ne change pas, la structure d'une très grande population correspond aux relations suivantes : p2 pour le génotype AA, 2pq pour Aa et q2 pour aa, où p et q sont les fréquences (proportions) d'allèles A et a dans cette population. La structure de la population sera alors stable. Les proportions de Hardy-Weinberg peuvent être modifiées par mutation, sélection, changements de la fréquence des allèles attribuables au hasard (dérive génétique) et migration. Tous ces facteurs peuvent être considérés comme des facteurs de l'évolution.

Génétique au Canada

Il s'effectue au Canada des recherches dans tous les domaines de la génétique moderne. La plupart des travaux sont réalisés dans les universités et sont financés surtout grâce aux subventions fédérales. Le gouvernement fédéral joue aussi un rôle direct dans la recherche par le biais de sa propre structure administrative (ainsi, de nombreuses directions d'Agriculture Canada se consacrent à la recherche). L'industrie, et surtout les entreprises de production agricole et médicale, participent de plus en plus à la recherche en génétique, surtout dans le domaine de la technologie moléculaire. Les études de génétique médicale se font dans les universités et les hôpitaux. Dans cette discipline, le Health Surveillance Registry de la Colombie-Britannique a constitué un registre très complet, presque unique au monde en son genre, de toutes les anomalies congénitales constatées dans la province depuis 1952. Grâce à ces données, on peut évaluer les risques de diverses affections d'origine génétique et étudier les tendances démographiques des maladies héréditaires.

Le rôle des généticiens dans la vie canadienne est considérable du fait des professions qu'ils exercent : chercheurs scientifiques dans des laboratoires universitaires, gouvernementaux ou industriels et conseillers en génétique dans les hôpitaux. La majeure partie des cours de génétique sont donnés par des chercheurs universitaires en génétique. La Société de génétique du Canada, dont le siège se trouve à Ottawa, est l'association professionnelle des généticiens canadiens. Elle tient des assemblées annuelles et publie la revue Genome, diffusée à l'échelle internationale.

Ceux qui aspirent à faire carrière comme généticien ou généticien médical peuvent acquérir la formation professionnelle voulue dans les universités ou les écoles de médecine. À la fin de leurs études de premier cycle, les étudiants obtiennent un baccalauréat ès sciences (B.Sc.) en biologie, en botanique, en zoologie, en génétique, en microbiologie, en biochimie ou en biologie moléculaire. Les études de deuxième et de troisième cycles sont couronnées par un diplôme de maîtrise ou de doctorat ès sciences (M.Sc.) ou (D.Sc.). Armé d'une M.Sc., le diplômé a la qualification requise pour travailler dans un établissement de recherche dans un poste subalterne ou pour enseigner, et avec un D.Sc., il peut travailler comme chercheur autonome en génétique dans un département universitaire ou dans un autre établissement de recherche. Les médecins peuvent suivre une formation spécialisée en génétique par l'entremise du Collège canadien de généticiens médicaux (CCGM, Alberta Children's Hospital, Calgary), première institution de ce genre au monde. Les candidats désireux de faire carrière en génétique médicale (p. ex. en conseil génétique) doivent passer l'examen du CCGM.

La contribution exceptionnelle à la génétique des Canadiens suivants a été reconnue par la Société de génétique du Canada qui leur a décerné son prix d'excellence : Howard B.NEWCOMBE (pionnier dans le domaine des mutations), Howard T.FREDEEN (amélioration génétique des animaux, sélection du porc Lacombe), Len Butler (génétique fondamentale des tomates), F. ClarkeFRASER(génétique du développement des mammifères), Clayton O.PERSON (génétique des rapports hôte-parasite), R.C. (Jack) von Borstel (mutations chez les levures), Bruce Chown (génétique humaine), Peter B. Moens (cytogénétique de la méiose), Alan P. James (génétique des levures), Etta Kafer (génétique des moisissuresASPERGILLUS), Michael SMITH(mutagenèse dirigée), John Kuspira (génétique et cytogénétique du blé), Lap-Chee TSUI (génétique humaine ; clonage du gène de la mucoviscidose), Ford Doolittle (évolution), Charles R. Scriver (maladies héréditaires humaines), Robert H. Haynes (mutations), Ken J. Kasha (génétique de l'orge) et Diane W. Cox (maladies héréditaires humaines).

D'autres contributions canadiennes sont dignes de mention. En 1944, le biochimiste canadien Oswald Avery prouve que l'ADN est le matériel héréditaire de la cellule, découverte qui permettra à James Watson et à Francis Crick de dégager la structure de l'ADN en 1953. L'apparition de la génétique des cellules somatiques au Canada doit beaucoup à Lou SIMINOVITCH. LeBLÉ MARQUIS qui a connu un grand succès, a été mis au point au début du XXe siècle par Charles E.SAUNDERSpour résister au dur climat des Prairies. LaTRITICALE nouvelle variété de céréale, a été sélectionnée par Leonard H. Shebeski et Edward N. Larter.

La sélection duCANOLA, c'est-à-dire de variétés améliorées de colza pour la production d'huile végétale, a été entreprise par des groupes de recherche dirigés par R.K.DOWNEYet BaldurSTEFANSSON. David T. SUZUKIa d'abord acquis sa renommée grâce à son travail sur la génétique des mouches à fruits (Drosophila melanogaster) avant de faire carrière dans les émissions scientifiques. En 1993, MichaelSMITHa remporté la plus grande distinction scientifique. Il a partagé le PRIX NOBELde chimie avec le scientifique Kary Mullis. Smith a mis au point une technique de génie génétique, la mutagenèse dirigée, qui permet d'apporter in vitro des modifications extrêmement spécifiques à la structure des gènes.

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