Histoire de l'enfance | l'Encyclopédie Canadienne

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Histoire de l'enfance

La biologie ainsi que les lois et les coutumes des diverses cultures régissent la situation de l'être humain dans son enfance. Les façons dont la biologie et la culture s'allient chez les enfants changent avec le temps : l'histoire de ces changements constitue l'histoire de l'enfance.

Histoire de l'enfance

La biologie ainsi que les lois et les coutumes des diverses cultures régissent la situation de l'être humain dans son enfance. Les façons dont la biologie et la culture s'allient chez les enfants changent avec le temps : l'histoire de ces changements constitue l'histoire de l'enfance. Le nouveau-né est sans ressources, et ce n'est que graduellement qu'il apprend à prendre soin de lui-même. Au cours de la petite enfance et de l'enfance, il est exposé à une multitude de maladies. On estime que, jusqu'au début du XXe siècle, au moins un enfant sur sept au Canada mourait avant d'atteindre l'âge d'un an et que le même nombre succombait à la maladie avant l'âge de sept ans.

L'hérédité compte dans la croissance physique des enfants, mais cette croissance est largement tributaire des conditions matérielles de vie. L'amélioration des conditions de vie et de l'alimentation ont permis au Canada de se rapprocher plus que jamais des conditions optimales de croissance physique des enfants. Ainsi, au milieu du XIXe siècle, il arrivait que des jeunes garçons de milieux ouvriers n'atteignent pas leur taille adulte, relativement petite d'ailleurs, avant l'âge de 25 ans. De nos jours, les jeunes Canadiens grandissent plus rapidement, arrivent à la puberté beaucoup plus tôt, la terminent plus vite et atteignent une taille plus grande que les générations précédentes.

Au point de vue biologique, les caractéristiques de l'enfance sont presque identiques partout, mais les coutumes et les lois de chaque société font que l'enfance est très différente d'un endroit à l'autre, ainsi que dans un même lieu à des époques différentes. Le premier bébé né dans ce qui est aujourd'hui le Canada est probablement l'enfant d'un couple qui se dirigeait vers l'est le long des côtes de l'océan Arctique, il y a plus de 30 000 ans. Bien que nous ignorions tout de l'enfance chez les premiers habitants du pays, nous avons de meilleures connaissances de l'enfance chez les autochtones, qui en sont les successeurs. Les enfants des familles autochtones devaient apprendre les coutumes de sociétés complexes. Ces coutumes variaient au moins autant d'un groupe linguistique ou d'une nation à l'autre que les techniques de puériculture dans les nations modernes. Les modes de subsistance des tribus constituaient une dimension importante de l'enfance chez les autochtones : il fallait être chasseur chez les Pieds-Noirs, agriculteur chez les Hurons, pêcheur chez les Kwakiutl, et pêcheur, cueilleur et chasseur chez les Micmacs.

Au centre de la côte ouest, les Kwakiutl vivent dans des numaym, maisonnées comptant jusqu'à 100 personnes. Des sages-femmes aident aux accouchements. Quatre jours après sa naissance, le nouveau-né reçoit un premier nom et passe la première année de sa vie dans un panier que sa mère porte sur le dos. À son premier anniversaire, il reçoit un nouveau nom. On roussit les cheveux des garçons et on leur perce nez et oreilles. Plus tard, les enfants issus de la meilleure société reçoivent d'autres noms qui appartiennent à leur famille et qui semblent correspondre au caractère qu'ils ont commencé à manifester. On souligne chaque nouveau nom par un POTLATCH, cérémonie au cours de laquelle on remet des cadeaux. Chaque numaym déménage plusieurs fois par année dans un des cinq à sept emplacements que possède le chef. Dans une société très consciente des droits de propriété, on enseigne aux enfants à repérer les endroits propices à la pêche ou à la cueillette de comestibles, et l'emplacement des villages d'hiver. Par l'observation et l'apprentissage, les enfants deviennent habiles dans certains travaux : fabrication d'outils en bois, en pierre, en os et en métal; construction de maisons longues, de canots et de coffres de bois à l'épreuve de l'eau; conservation et entreposage de la nourriture; sculpture de totems et de masques; tissage de tabliers, de capes et de couvertures. Les enfants d'un CHAMAN (guérisseur) se soumettent à un cycle d'apprentissage rigoureux pour maîtriser les rituels, sorts et danses propres à leur famille. Chez les Kwakiutl, les enfants des familles aisées de la haute société apprennent le protocole complexe de la cérémonie du potlatch, les danses et les chants qui leur sont réservés, et le récit de leur arbre généalogique. Tous les enfants apprennent les concepts religieux, la mythologie, les tabous, les noms familiers et les noms d'hiver des personnes de leur numaym et de ceux des environs.

À l'âge de la puberté, le jeune garçon s'isole et jeûne avant la cérémonie au cours de laquelle il recevra un nom qui correspond à ses talents. Les jeunes filles, pour leur part, sont soumises à un régime complexe régi par les tabous et comportant des périodes de réclusion et de jeûne.

L'enfance chez les autochtones subit des transformations à chaque génération. Conséquemment à l'acquisition de chevaux vers 1730, le mode de vie des Pieds-Noirs se transforme de façon spectaculaire. Les garçons en particulier doivent développer de nouveaux talents et apprendre des rituels et des tabous associés aux soins des chevaux, à la chasse et à la guerre à cheval monté à cru. De plus, le contact avec divers groupes de marchands et de colons européens modifie à nouveau la vie des enfants autochtones.

En Nouvelle-France, la mère accouche à la maison, assistée d'une sage-femme. En général, elle allaite son bébé ou le fait allaiter par une nourrice jusqu'à l'âge de 14 mois environ. Trois ou quatre jours après la naissance, les parents accompagnés du parrain et de la marraine font baptiser le nouveau-né par le prêtre le plus proche. Les nourrissons sont emmaillotés ou langés. L'enfant dort dans un berceau en bois et on lui donne un hochet pour jouer. Une famille moyenne en Nouvelle-France a six enfants. Un peu avant d'avoir sept ans, l'enfant est censé atteindre l'âge de raison et entre dans la phase de la tendre jeunesse. À peu près à la même époque, il commence à contribuer au bien-être de la famille en prenant soin de ses frères et soeurs plus jeunes, en éloignant les oiseaux des récoltes et en rassemblant les vaches.

À mesure que l'enfant grandit, ses parents lui confient d'autres responsabilités. Les enfants travaillent souvent du lever du jour jusqu'à la tombée de la nuit : ils commencent par allumer les feux le matin, vident les pots de chambre dans les cabinets à l'extérieur, rentrent le bois et l'eau, balaient les planchers et lavent les bottes salies par la boue. Ils nettoient les étables et s'occupent des animaux. Ils aident aux semailles et à l'entretien du jardin. À la fin de l'été et durant l'automne, toute la famille participe aux récoltes, qui constituent un travail ardu. À l'adolescence, la plupart des filles et des garçons savent déjà comment tenir une maison et s'occuper de la ferme, capacité reconnue par le droit légal qu'ils ont de se marier à l'âge de la puberté (12 ans pour les filles, 14 ans pour les garçons). En pratique, ils sont très peu nombreux à le faire. On reconnaît leur plus grande maturité en leur confiant des responsabilités accrues. Ainsi, à 16 ans, les garçons s'enrôlent dans la milice et commencent l'apprentissage d'un métier. Même si la plupart des jeunes gens de la Nouvelle-France attendent d'avoir 25 ans pour se marier (l'âge moyen du mariage entre 1700 et 1730 est de 22,4 ans chez les femmes et de 26,9 ans chez les hommes), ils deviennent des adultes autonomes vers l'âge de 20 ans. Le taux élevé de mortalité est un facteur qui accélère la maturité, la moitié des adolescents de la colonie n'ayant qu'un parent vivant.

À la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle, l'enfance chez les loyalistes, puis chez les colons anglais se déroule sensiblement de la même manière qu'à l'époque de la Nouvelle-France : le travail des enfants est nécessaire et très apprécié. Puisqu'il est facile de les nourrir et de les vêtir à même les produits de la propriété familiale, les enfants deviennent vite une aide plutôt qu'une charge économique. Des voyageurs observent que les enfants canadiens, tant français qu'anglais, semblent plus indépendants et autonomes que les enfants européens.

Au XIXe siècle, l'école devient un élément primordial de l'enfance. Vers 1800, seulement un petit nombre, surtout des garçons, pouvaient acquérir une certaine instruction. Vers 1900, la majorité des enfants fréquentent l'école publique et gratuite pendant quelques années; bon nombre vont à l'école de 5 à 16 ans. Ce changement bénéfique est attribuable en partie aux nouvelles attitudes qui prévalent en Europe occidentale et en Amérique du Nord, où l'enfance est vue comme un stade de la vie pendant lequel il faut améliorer la protection, l'hébergement, l'apprentissage et l'éducation. Les nouvelles attitudes touchent tous les enfants, mais nous en voyons la preuve surtout dans le cas des enfants pris en charge. Les Canadiens fondent des établissements spécialisés pour les orphelins et les enfants dont les parents sont incapables de s'occuper. La mentalité évolue avec les conditions économiques. Plusieurs facteurs permettent aux enfants d'aller à l'école, dont la stabilité et la densité de la population ainsi que l'amélioration des routes. De plus, comme les fermes sont mieux organisées, on peut davantage se passer de l'aide des enfants pour au moins une partie de l'année. Par ailleurs, les parents prennent conscience de l'importance croissante de l'éducation et de l'alphabétisation, qui ne sont pas un luxe mais pratiquement une nécessité pour beaucoup d'emplois, dans une société où le commerce, puis l'industrie prennent leur essor.

La croissance des villes et des industries change le rythme des cycles saisonniers des travaux (agriculture, pêche, coupe du bois, piégeage). La maison n'est plus le lieu principal de production. La hausse du niveau de vie permet aux familles de consacrer une plus grande partie de leurs revenus à l'amélioration de la qualité de vie. Elles emménagent dans des maisons plus vastes, améliorent leur alimentation et gardent les enfants plus longtemps hors du marché du travail. Les pères occupent des emplois qui les retiennent à l'extérieur 60 heures par semaine et les mères, à la maison, doivent assumer seules et plus longtemps la plupart des responsabilités inhérentes à l'éducation des enfants.

Le public se préoccupe davantage d'améliorer l'éducation et les soins des enfants. Vers les années 20, un peu plus tard au Canada français, des politiques et des programmes sociaux nouveaux sont proposés au Canada anglais. Des travailleurs sociaux essaient d'abord d'apporter un soutien aux familles qui élèvent déjà assez bien leurs enfants. Par leur travail d'hygiène publique, ils tentent d'augmenter les chances de survie des enfants, s'efforcent d'établir un système d'éducation qui, en plus de l'enseignement élémentaire, préparera les jeunes filles à leur rôle de mère et de maîtresse de maison, enseignera aux garçons sobriété et honnêteté, et fera d'eux de bons pères et de solides soutiens de famille. Des réformateurs cherchent à améliorer le milieu matériel et social de la famille et des écoles; ils aménagent et surveillent aussi des parcs et des terrains de jeux et donnent leur appui à de nouvelles organisations comme les scouts (voir SCOUTS CANADA) et les GUIDES.

Les réformateurs sociaux s'efforcent aussi d'aider les enfants et les familles qui connaissent des problèmes spéciaux. Pour que certaines familles qui hésitent à envoyer leurs enfants à l'école bénéficient du système scolaire, ils militent en faveur de la réglementation du travail des enfants (voir ENFANTS AU TRAVAIL), de la fréquentation scolaire obligatoire et de la nomination d'agents chargés du contrôle des absences. Pour prévenir la rupture des familles lorsque le père meurt ou devient invalide, ils mènent des campagnes pour que les travailleurs blessés au travail soient indemnisés et pour que les mères reçoivent une pension. Des lois sur le travail en usine et des lois contre les ateliers de misère sont adoptées pour protéger la santé des mères et des enfants de la classe ouvrière, et quelques SERVICES DE GARDE sont organisés. On fournit du lait ou des repas chauds dans certaines écoles, et on recueille de fonds pour procurer aux enfants pauvres et à leurs parents des vacances hors de leur milieu une fois par an.

Les réformateurs sociaux expérimentent aussi de nouvelles façons de venir en aide aux jeunes dont les parents ne veulent ou ne peuvent s'occuper. Ils commencent à contester la pertinence des longs séjours des enfants dans des établissements construits au XIXe siècle. On met lentement fin à la pratique odieuse du « parcage d'enfants » dans des hospices pour enfants trouvés. On institue plutôt des services d'ADOPTION des enfants illégitimes par des familles et on légitime les enfants des parents qui se marient après coup. Certains législateurs, soucieux du mieux-être de la société, retirent aux établissements, pour les confier aux familles, le soin des enfants errants, orphelins, négligés, attardés, « incorrigibles » ou délinquants (voir DÉLINQUANCE JUVÉNILE). Ils adoptent, à l'ordre fédéral la Loi sur les jeunes délinquants et établissent un réseau de tribunaux juvéniles, de foyers de détention et d'agents de probation pour détourner les jeunes délinquants d'une vie de criminel. Entre 1920 et 1970, les Canadiens s'efforcent de rendre tous ces programmes efficaces, propres à influer sur la vie de tous les jeunes.

Voir aussi ENFANTS MALTRAITÉS et ENFANCE, SERVICE D'AIDE À L'.

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