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Industrie du disque au Québec

La plus ancienne de tout le Canada, l'industrie du disque au Québec a fait preuve depuis les années 1900 d'une étonnante vitalité. Condamnée à la différence par sa culture et sa langue, elle a reçu de sa population un appui inégalé dans les autres provinces.

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La plus ancienne de tout le Canada, l'industrie du disque au Québec a fait preuve depuis les années 1900 d'une étonnante vitalité. Condamnée à la différence par sa culture et sa langue, elle a reçu de sa population un appui inégalé dans les autres provinces. Et contrairement à la tendance constatée dans le reste du pays depuis trois décennies, les petites et moyennes compagnies indépendantes continuent de produire la grande majorité des artistes québécois.

De 1900 à 1916, la compagnie que fonde Emile Berliner (1851-1929) à Montréal presse et distribue au Canada des productions étrangères dans une proportion de 90 p.100. Son fils, Herbert Berliner (1882-1966), fonde alors l'étiquette His Master's Voice et renverse entièrement cette statistique en faveur d'artistes canadiens et québécois. Le succès est tel qu'il provoque entre la compagnie américaine Victor, propriétaire de l'entreprise Berliner, et la famille Berliner un conflit au terme duquel Herbert s'en va (avec tous les principaux artisans de HMV) pour se consacrer à Compo, usine de pressage qu'il avait ouverte, en 1918, à Lachine (banlieue de Montréal).

Les années 20 et 30

Vice-président de la Starr Records Company, Roméo Beaudry (1882-1932) fera connaitre un essor considérable à la chanson québécoise dans les années 20. Travaillant de concert avec Herbert Berliner, cet auteur, compositeur et administrateur de talent produit des artistes de tous genres, dont la célèbre madame Bolduc, et jette les bases d'une industrie du disque dynamique. En 1924, la famille Berliner vend sa compagnie de Montréal à la compagnie américaine Victor. L'industrie du disque qui, depuis ses débuts enregistre au moyen d'un système acoustique, adopte l'enregistrement électrique en 1925. Dans ce domaine, Starr (Compo) devance même les compagnies américaines qui optent également pour le standard international de vitesse d'enregistrement de 78,26 tours/minutes qu'utilisent HMV et Starr au Canada. Starr réalise, dès 1929, des essais d'enregistrement à 33 1/3 tours/minute et lance, en 1930, son disque « double durée » qui utilise un sillon plus fin. Starr et His Master's Voice sont les seules compagnies canadiennes à survivre à la crise économique de 1929.

L'activité reprend lentement vers 1935. RCA Victor lance alors l'étiquette Bluebird qui mise sur des artistes de folklore, de variétés et sur ceux du mouvement de la Bonne chanson relancé au Québec, en 1937, par l'abbé Charles-Émile Gadbois. Starr compte sur ses têtes d'affiche en chanson de variétés et sur la musique folklorique toujours présente.

Les années 40

Il s'agit d'une décennie de révolutions technologiques: premier disque à offrir toute la gamme de fréquence (1942), premier « microsillon » à 33 1/3 tours/minute (1948) et 45 tours/minute (1949). Le folkloriste Jacques Labrecque est le premier Québécois à enregistrer à Londres (1950) un album 33 tours, et Robert L'Herbier, le premier (1949) à lancer un 45 tours enregistré à Montréal. À part quelques productions de Columbia, Musicana et Polydor, Starr et RCA Victor sont les seules compagnies à enregistrer massivement des artistes québécois. Après la Seconde Guerre mondiale, elles misent sur la musique western qui atteint son apogée en Amérique. RCA Victor fait également une large place à la chansonnette française et aux versions françaises de succès américains.

Les années 50

La décennie s'amorce sur une période d'instabilité. Starr, seule compagnie entièrement canadienne, est vendue à la filiale américaine de la firme Decca en 1951. De nouveaux producteurs (Alouette, London, Maple Leaf, Quality) affrontent une crise qui stoppe presque la production de 1952 à 1954. Comme partout en Amérique, le rock'n'roll relance la vente de disques et permet l'émergence de nouvelles compagnies locales, dont Météor (1954), Music-Hall (1957), Fleur-de-Lys (1957) et Rusticana (1958). Absente depuis plus de 25 ans, Columbia produit à nouveaux des artistes québécois (1956) et Pathé (1957) s'installe sur le marché local où RCA Victor a repris le leadership.

Les années 60

Populaire auprès des jeunes « baby boomers », le 45 tours conduit finalement à la disparition du 78 tours et ouvre à l'industrie un vaste marché qui favorise la création d'un grand nombre de compagnies locales. Fondée en 1960, Trans-Canada deviendra non seulement le plus important producteur de disques québécois mais également le plus gros distributeur. De jeunes producteurs, dont Denis Pantis, Yvan Dufresne, Tony Roman, Roger Miron et les frères Lazare, créent leurs propres compagnies et dominent complètement l'industrie dans cette décennie. Sans expérience et sans capitaux, une vingtaine d'autres connaissent des succès éphémères. À cette époque, l'industrie québécoise profite non seulement de l'engouement créé par les Beatles, mais également de la montée des chansonniers. Fait nouveau: quelques artistes créent leur propre compagnie de disques.

Les années 70

Cette décennie constitue l'âge d'or du disque au Québec. Pour contrer l'influence indue de la musique américaine sur les ondes de la radio canadienne, le CRTC impose des quotas obligatoires de musique canadienne aux heures de grande écoute. Cette mesure contribue à faire passer à plus de 30 p. 100 la part de la musique québécoise sur le marché du disque au Québec. Forts de leur expérience, certains producteurs repartent sur des bases plus solides. Art Young lance ses étiquettes Trans-World et Zodiaque et Guy Cloutier fonde Nobel (1970) presque au même moment où il découvre René SIMARD à qui il fera connaître une carrière internationale de 15 ans. Guy Latraverse s'allie à l'impresario Gilles Talbot pour fonder Kébec-Disc (1974) tandis qu'Yves Martin fonde Campus (1972), Pacha (1974) et Martin (1975). Plusieurs compagnies spécialisées viennent répondre à la montée du Country et à la renaissance du folklore. La production des multinationales continue d'être très importante. Columbia (devenu CBS en 1976), Capitol (EMI), Polydor (Philips) et Barclay produisent un grand nombre d'artistes francophones. Comme j'ai toujours envie d'aimer de Marc Hamilton devient la première chanson francophone québécoise à atteindre le cap du million d'exemplaires vendus dans le monde.

Les années 80

Presque toutes les multinationales du disque sont absorbées, au cours de cette décennie, par de plus gros consortiums. Prélude à toutes ces prises de contrôle, ces compagnies réduisent considérablement leur production locale, aussi bien au Québec qu'au Canada, et ferment des bureaux régionaux canadiens pour se concentrer sur la distribution de disques presque toujours produits hors du pays. Tandis que la production des « indépendants » québécois demeure stable, la production annuelle des multinationales passe de 180 à 38 albums au Québec entre 1978 et 1987. Durement ressenti au départ, ce vide ouvre la voie à de nouvelles compagnies québécoises, dont Pro-Culture, Audiogram et Star, qui sont parmi les plus actives des années 80. La radio et la télévision instituent plusieurs concours qui favorisent la reprise au début de la décennie. Avec l'aide du gouvernement fédéral, l'industrie met sur pied l'organisme de subvention, MusicAction (1985), Luc Martel fonde le palmarès Radio-Activité (1981) et Pierre Marchand prend la tête de Musique Plus (1986), station consacrée à la diffusion de vidéoclips. De plus en plus d'artistes créent leur propre compagnie de disques. Daniel Lavoie, Céline DION, Ginette RENO, MEN WITHOUT HATS, Corey HART et plusieurs autres connaissent de bons succès au Canada, alors que Fabienne Thibeault, Diane Tell, Carole LAURE et encore une fois Céline Dion font de même en France. Des accords de distribution rendent leurs disques disponibles dans ces pays.

Les années 90

Fait inhabituel depuis 1950, plusieurs compagnies québécoises (Audiogram, Star, PGC, Disques Double...) sont encore actives 10 ou 15 ans après leur fondation. Plusieurs se sont diversifiées, s'occupant de promotion et de production de spectacles. Mais l'escalade des frais de production (enregistrement, promotion, vidéoclip...) et la sélectivité excessive des principales compagnies de disques, influencées en cela par les formats radiophoniques, poussent dans la marginalité et l'autoproduction un grand nombre d'artistes, principalement dans les domaines du country et de la musique dite alternative. Or, ces genres représentent ensemble une production annuelle plus importante que celle de l'industrie « officielle » qui connaît une certaine période d'instabilité à la fin de la décennie.