James Shaver Woodsworth | l'Encyclopédie Canadienne

article

James Shaver Woodsworth

James Shaver Woodsworth, pasteur méthodiste, travailleur social et homme politique (Etobicoke, Ont., 29 juill. 1874 -- Vancouver, C.-B., 21 mars 1942). Premier chef de la Co-operative Commonwealth Federation (CCF) et le plus connu des ministres du culte réformistes du mouvement Social Gospel, Woodsworth amènera plusieurs d'entre eux à s'intéresser au socialisme démocratique. Il s'établit à Brandon, au Manitoba en 1885, où son père devient le responsable des missions méthodistes du Nord-Ouest. Ordonné en 1896, il est pasteur itinérant pendant deux ans, puis étudie deux ans au Victoria College et à Oxford.
James Woodsworth, pasteur méthodiste, homme politique
Woodsworth est le plus connu parmi les ministres du culte partisans du mouvement Social Gospel et a guidé beaucoup de ses pairs vers le socialisme démocratique.

Voyant les résultats désastreux du capitalisme industriel au Canada et en Grande-Bretagne, Woodsworth en conclut que son Église a tort de tant insister sur le salut personnel. Il abandonne les tribunes où il s'adressait à la classe moyenne et s'engage dans une mission urbaine, All People's à Winnipeg, où il travaille de 1904 à 1913 auprès des immigrants des quartiers défavorisés. Durant la même période, il écrit beaucoup, expliquant sans relâche le sens du « Social Gospel » (l'évangile social), ce mouvement sans credo qui cherche à établir le Royaume de Dieu « ici et maintenant ». En 1914, il est déjà un chaud partisan de la négociation syndicale et un socialiste démocrate convaincu, dans la lignée du socialisme de la Fabian Society et du Parti travailliste britannique. Profondément pacifiste, il considère la guerre comme un produit du capitalisme et de la concurrence impérialiste. Engagé par le gouvernement pour réaliser une recherche sociologique, il est congédié en 1917 après s'être ouvertement prononcé contre la conscription. En 1918, il abandonne le sacerdoce pour protester contre l'Église qui appuie la guerre. Afin d'assurer la subsistance de sa jeune famille, il se joint au syndicat des débardeurs et travaille pendant un an dans le port de Vancouver.

En juin 1919, Woodsworth est arrêté à Winnipeg et accusé d'avoir écrit des éditoriaux diffamatoires et séditieux au moment de la grève générale de Winnipeg. En effet, à la suite de l'arrestation de dix chefs grévistes les 17 et 21 juin, le « samedi sanglant » où une manifestation pacifique est interrompue par la Gendarmerie royale et l'armée, Woodsworth avait écrit sur le « kaiserisme » au Canada. La poursuite est abandonnée, mais les accusations selon lesquelles Woodsworth aurait cité deux versets tirés du livre d'Isaïe ne seront jamais formellement retirées. Le rôle que joue Woodsworth durant cette grève lui apporte la notoriété et c'est avec un zèle renouvelé qu'il se plonge dans l'organisation du Manitoba Independent Labour Party (ILP). Avec un programme électoral modelé sur celui du Parti travailliste britannique, l'ILP réussit à faire élire Woodsworth à la Chambre des communes en 1921, dans la circonscription de Winnipeg Nord-Centre, grâce au slogan « Les besoins de la personne avant les droits de propriété ». Bien que certaines modifications aient été apportées à l'organisation et à la politique du parti, les principes de Woodsworth restent les mêmes durant toute la période où il représente sa circonscription, c'est-à-dire jusqu'à son décès, en 1942.

Au Parlement, Woodsworth présente à chaque session une résolution visant à mettre fin au capitalisme compétitif axé sur le profit et à instaurer des moyens de production et de distribution qui seraient la propriété des secteurs public et coopératif. Sachant pertinemment qu'un « commonwealth coopératif » ne peut être mis en place instantanément, il travaille sans relâche pour apporter des changements dans l'immédiat qui pourraient aider ceux que l'économie de marché défavorisent. Rejetant énergiquement les raccourcis de la révolution et toute association avec le nouveau Parti communiste, Woodsworth devient un maître de la procédure parlementaire et il utilise la Chambre des communes comme tribune publique. Il participe ainsi à l'établissement d'un système politique multipartite, de sorte qu'on dira de lui qu'il incarne la « conscience du Canada ». Il démontre, documents à l'appui, l'hostilité du gouvernement envers les travailleurs, ses pourparlers timorés avec la Société des Nations, ses procédures dépassées de divorce parlementaire, son refus de promulguer les mesures promises en matière de sécurité sociale et sa complaisance servile à l'égard des banques et d'autres sociétés. En 1926, il démontre la valeur du processus parlementaire lorsqu'il négocie son vote et celui d'un collègue contre la promesse du premier ministre Mackenzie King, dont le gouvernement est menacé, de faire adopter un programme de pensions de vieillesse. Présenté en 1927, ce programme est la pierre angulaire du système de sécurité sociale canadien.


Woodsworth se joint, dans les années 20, à un « Ginger Group » (un groupe de pression) progressiste plus radical. Lorsque la crise économique éclate, ils s'unissent à divers groupes d'ouvriers et de socialistes pour fonder un parti socialiste fédéral. En 1933, à Regina, ce nouveau parti choisit Woodsworth comme chef, sous la bannière de la Co-operative Commonwealth Federation (CCF), et rédige un manifeste social-démocrate. En 1935, le CCF a déjà attiré l'attention d'un certain nombre d'universitaires et de professionnels qui se sont unis pour former la League for Social Reconstruction et qui appuient à la fois le CCF et le Canadian Forum, un journal politique très dynamique. Woodsworth, leur porte-parole, représente également les syndicalistes et agriculteurs qui se tournent vers le CCF. Bien que seulement sept candidats du CCF soient élus aux élections fédérales de 1935, ce petit groupe comprend des hommes politiques d'un formidable dynamisme, dont T.C. Douglas, et le parti devient l'opposition officielle en Colombie-Britannique et en Saskatchewan.

L'imminence de la Deuxième Guerre mondiale, dans toute son horreur, éclipse progressivement la tragique Crise des années 30, et Woodsworth porte désormais son attention sur la position internationale du Canada. Il doit faire face, au sein du CCF, à l'inquiétude croissante chez quelques-uns de ses collègues, qui craignent que seule la force pourra l'emporter sur la menace hitlérienne. Persuadé que la guerre ne peut engendrer que la guerre, Woodsworth tente en vain de convaincre le gouvernement d'affirmer son droit à la neutralité. Il échoue également à faire valoir son point de vue au conseil national du CCF en septembre 1939, lequel accorde un soutien limité à la déclaration de guerre du Canada. « M.J. » Coldwell fait état de la position officielle du CCF à l'occasion d'une séance parlementaire spéciale où Woodsworth peut expliquer les motifs de son désaccord. Examinant la période de l'entre-deux-guerres et répétant que la guerre ne règle rien, Woodsworth déclare : « Je suis heureux de pouvoir m'exprimer à ce sujet devant le Parlement canadien, une institution d'origine britannique. Ce ne serait pas possible en Allemagne, je le reconnais... et je maintiens que l'essence même de nos institutions britanniques, c'est la liberté. Je crois que nous ne pourrons l'obtenir qu'en faisant appel aux forces morales qui habitent encore notre peuple et non en recourant de nouveau à la force brutale. » Il est le seul à se lever pour manifester son opposition à la déclaration de guerre. En 1940, Woodsworth remporte sa dernière élection, mais avec une majorité considérablement réduite. Déjà affaibli des suites d'un infarctus, il meurt au printemps 1942.

Lecture supplémentaire

Liens externes