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Johnny Bower

John William Kiszkan (Johnny Bower), hockeyeur (né le 8 novembre 1924 à Prince Albert, en Saskatchewan; décédé le 26 décembre 2017 à Mississauga, en Ontario). Johnny Bower connaît une carrière de 24 ans dans les rangs professionnels en tant que gardien de but dans la Ligue américaine de hockey (LAH) et dans la Ligue nationale de hockey (LNH). Né John William Kiszkan, il adopte le nom de jeune fille de sa mère, Bower, après être devenu hockeyeur professionnel. Surnommé « la muraille de Chine » pour ses prouesses devant le filet, il remporte deux trophées Vézina et quatre coupes Stanley. C’est un membre populaire et adulé des Maple Leafs de Toronto en tant que joueur, puis en tant que dépisteur et entraîneur, occupant divers postes au sein de l’organisation jusqu’à sa retraite officielle, en 1990. Il reste officieusement affilié aux Maple Leafs jusqu’à sa mort, en 2017. La même année, il est nommé parmi les 100 meilleurs joueurs de l’histoire de la LNH. Johnny Bower est intronisé au Temple de la renommée du hockey en 1976.

Johnny Bower
Johnny Bower, Maple Leafs de Toronto, vers 1963

Jeunesse

Johnny Bower grandit en pleine crise économique à Prince Albert, en Saskatchewan. Il est l’un des neuf enfants de John et Betty (née Bower) Kiszkan. La plupart des familles de Prince Albert éprouvent des difficultés financières au cours des années 1930, et les Bower ne font pas exception. Malgré les temps difficiles, Johnny Bower se souvient d’une enfance débordant d’amitiés et de jeux. Prince Albert est alors l’endroit idéal pour un jeune hockeyeur en herbe. Dans son autobiographie, The China Wall, il se remémore les hivers longs et glaciaux où pullulent les surfaces glacées. N’appréciant pas particulièrement de jouer à l’avant, il s’acquitte de plus en plus souvent du rôle de gardien de but.

Johnny Bower et ses amis se bricolent leur propre équipement de hockey, recourant à de vieux matelas pour les jambières, à des « pommes de route » composées de fumier de cheval congelé comme rondelles, et à des branches de peuplier comme bâtons. Peu d’entre eux ont accès à des patins, et ceux-ci, lorsqu’ils sont disponibles, sont souvent mal ajustés. Les enfants n’allant nulle part sans leur équipement de fortune, des parties impromptues s’organisent sur les routes menant à l’école et en revenant. Après une longue journée à jouer ainsi, Johnny Bower et ses amis se rassemblent autour de la radio et écoutent Foster Hewitt en direct de la « gondole » du Maple Leaf Gardens. Tout le monde soutient alors les Maple Leafs de Toronto, à l’exception du jeune Johnny Bower, qui idolâtre le gardien des Bruins de Boston, Frankie Brimsek, surnommé « Monsieur Zéro » pour ses séries de blanchissages.

Service militaire

Pendant son adolescence à Prince Albert, Johnny Bower fait partie d’une unité de réserve locale de l’armée. Il a 15 ans lorsqu’éclate la Deuxième Guerre mondiale, en 1939. Dépêché à Vernon, en Colombie-Britannique, au sein des Prince Albert Volunteers, son entraînement militaire s’échelonne sur plus de deux ans. Il joue alors dans les buts pour les Military All-Stars de Vernon, qui remportent le championnat provincial intermédiaire de la saison 1942-1943.

Plus tard en 1943, Johnny Bower est déployé à Guildford, en Angleterre, où il sert à titre de mitrailleur au sein des Queen’s Own Cameron Highlanders. Une grave infection respiratoire mène toutefois à son hospitalisation. Il développe également une polyarthrite rhumatoïde aux mains. Il ne voit ainsi jamais les champs de bataille. Considéré comme inapte au combat, il est renvoyé chez lui et fait l’objet d’une libération honorable pour motifs médicaux. En janvier 1944, il joue à nouveau au hockey, prenant part à un match hors concours pour une équipe composée de joueurs étoiles de Prince Albert. Il joue ensuite pour les M&C Warhawks de Prince Albert, qu’il aide à remporter le championnat intermédiaire de l’Ouest canadien en 1944.

Carrière dans la Ligue américaine de hockey et débuts dans la LNH

Durant la saison 1944-1945, Johnny Bower fait partie des Black Hawks de Prince Albert de la Ligue de hockey junior de la Saskatchewan, menant la ligue avec une moyenne de buts alloués de 2,57. D’emblée, il doit prouver qu’il est encore assez jeune pour jouer au hockey junior, après quatre ans dans l’armée. Son certificat de naissance, présenté en guise de preuve, révèle qu’il a menti à propos de son âge au moment de s’enrôler, n’ayant alors que 15 ans.

La saison suivante (1945-1946), il est dépisté par les Barons de Cleveland de la Ligue américaine de hockey (LAH). Après cette première saison chez les professionnels, il adopte également Bower comme nom de famille, le nom de jeune fille de sa mère, au détriment de Kiszkan. Bien qu’il plaisante à l’époque que ce nouveau nom est plus facile à retenir pour les journalistes sportifs, le changement pourrait plutôt être lié à la séparation de ses parents.

Johnny Bower demeure huit saisons à Cleveland (de 1945-1946 à 1952-1953), où il remporte la coupe Calder à trois reprises. À l’été 1948, après avoir remporté son premier championnat avec les Barons, Johnny Bower décroche un poste de golfeur professionnel adjoint au Waskesiu Golf Club, au nord de Prince Albert. Il y rencontre alors une jeune femme de Saskatoon nommée Nancy. Johnny et Nancy se marient à Cleveland le 3 novembre 1948, pendant une pause de mi-saison des Barons.

Après plusieurs autres saisons avec les Barons, les grandes ligues commencent à courtiser Johnny Bower. En 1953-1954, il fait ses débuts dans la LNH avec les Rangers de New York. Formant à l’époque une équipe médiocre, les Rangers espèrent se tailler une place en séries éliminatoires avec l’aide de leur nouveau gardien. Bien qu’ils n’y parviennent pas, la saison se révèle fructueuse pour Johnny Bower. Il dispute les 70 matchs de la saison, obtenant cinq blanchissages. Ses 182 buts alloués constituent le plus faible total du club jusqu’en 1970-1971. Ses 29 victoires égalent par ailleurs le record du club pour un gardien recrue, établi en 1941-1942 et qui ne sera surpassé qu’en 2005-2006. L’année est également marquante pour lui et sa femme Nancy, qui accueillent leur premier enfant, John, en mars 1954.

Johnny Bower réintègre les ligues mineures, où il évolue pour les quatre saisons suivantes. Il joue une saison pour les Canucks de Vancouver (1954-1955), constituant à l’époque un club-école des Rangers au sein de la Ligue de hockey de l’Ouest. La saison suivante (1955-1956), il retourne auprès de la Ligue américaine de hockey pour se joindre aux Reds de Providence. Les Reds balaient les Barons de Cleveland, l’ancienne équipe du hockeyeur, en finale de la coupe Calder. Johnny Bower est le tout premier gardien à recevoir le trophée Les Cunningham, remis au meilleur joueur de la LAH. Après une autre saison couronnée de succès à Providence, il regagne Cleveland. Il connaît une bonne saison (1957-1958) avec les Barons, remportant son troisième trophée Harry « Hap » Holmes, remis au gardien présentant la plus faible moyenne de buts alloués, en plus d’être sélectionné à une sixième reprise au sein de l’équipe d’étoiles. Johnny Bower détient toujours le record de la LAH du plus grand nombre de victoires pour un gardien de but (359).

Johnny Bower
Johnny Bower devant son filet, vers 1961.
Hockey Game at Maple Leaf Gardens, c. 1961
Les Maple Leafs de Toronto affrontant les Blackhawks de Chicago au Maple Leaf Gardens de Toronto, en Ontario. Le gardien des Maple Leafs est Johnny Bower, tandis les deux joueurs des Blackhawks sont Ron Murphy (n° 10) et Eric Nesterenko (n° 15). Bob Nevin est partiellement visible derrière Ron Murphy. L’image a été prise lors de la saison 1960-1961 ou 1961-1962.
Gordie Howe et Johnny Bower
Gordie Howe, des Red Wings de Détroit, et le gardien de but Johnny Bower, des Maple Leafs de Toronto.

Maple Leafs de Toronto

Johnny Bower a 33 ans lorsque les Maple Leafs de Toronto le repêchent, à l’aube de la saison 1958-1959. Bien qu’hésitant à quitter la sécurité de son poste dans une ligue mineure, il y voit également l’occasion de remporter la coupe Stanley, un rêve d’enfance. À sa toute première saison, il mène les Maple Leafs en finale de la coupe Stanley, une saison à peine après que l’équipe ait fini dernière au classement. Au sein de sa nouvelle équipe, Johnny Bower se forge rapidement une réputation de travailleur acharné, au sang-froid imperturbable.

Johnny Bower reçoit le trophée Vézina, décerné au meilleur gardien de but de la LNH, pour la première fois en 1961. Les Maple Leafs remportent la coupe Stanley la saison suivante, et le hockeyeur réalise ainsi son rêve. Ses prouesses permettent aux Maple Leafs de répéter l’exploit pendant trois saisons consécutives (1962-1964). Après leur troisième triomphe, en 1964, les Maple Leafs mettent le gardien Terry Sawchuk sous contrat. À leur première saison, en 1964-1965, Johnny Bower et Terry Sawchuk décrochent conjointement le trophée Vézina.

Johnny Bower a 42 ans en 1967, lorsqu’il soulève la coupe Stanley pour une quatrième et dernière fois. Il prend sa retraite au terme de la saison 1969-1970. Alors âgé de 45 ans, il est le gardien de but le plus âgé à avoir joué dans la LNH. Au cours de ses dix dernières saisons, Johnny Bower est le joueur le plus âgé non seulement des Maple Leafs, mais également de l’ensemble de la ligue. Il prend part à quatre matchs des étoiles pendant ses 12 saisons avec les Maple Leafs.

À l’exception de sa dernière saison, Johnny Bower ne porte pas de masque de protection pendant sa carrière. Son visage en est la preuve, étant régulièrement coupé ou tuméfié, sans compter les dents perdues, notamment en raison de ses tentatives de harponnage de la rondelle, un geste qui fait sa renommée. Cette agressive manœuvre défensive, qu’il met au point, consiste à utiliser la lame du bâton pour soutirer la rondelle d’un joueur adverse qui s’approche.

LE SAVIEZ-VOUS?
En 1965, Johnny Bower enregistre et publie une interprétation d’« Honky the Christmas Goose », une comptine de Noël pour enfants, qui s’écoule à 40 000 exemplaires, un record canadien pour l’époque. Chip Young, un producteur de la CBC ayant écrit les paroles de la chanson avec le compositeur Orville Hoover, souhaite alors qu’un joueur des Maple Leafs en soit l’interprète, et Johnny Bower accepte de se prêter au jeu. Son fils de 11 ans et cinq enfants de son quartier l’accompagnent, et le groupe ainsi formé se nomme Johnny Bower with Little John and the Rinky Dinks. Pendant deux semaines durant le mois de décembre 1965, c’est la chanson la plus demandée par les auditeurs de la station 1050 CHUM de Toronto, délogeant au passage « Day Tripper/We Can Work It Out » des Beatles.

Retraite et distinctions

Après sa retraite en tant que joueur, Johnny Bower demeure dans l’organisation des Maple Leafs en tant que dépisteur et entraîneur. Même après sa retraite officielle de l’organisation des Maple Leafs en 1990, il poursuit ses apparitions publiques comme représentant du club. Reconnu pour sa grande générosité, il s’implique dans des œuvres de bienfaisance, dont les fondations d’hôpitaux et les causes au service des anciens combattants. En 2006, Johnny Bower est nommé ancien joueur de la LNH de l’année, en raison de son engagement communautaire. Un parc de Mississauga, en Ontario, porte son nom, tandis qu’un timbre de Postes Canada et une pièce en argent de dix dollars sont faits à son effigie. En 1976, il est intronisé au Temple de la renommée du hockey, tandis qu’en 2007 une étoile lui est consacrée sur l’Allée des célébrités canadiennes. Johnny Bower est également membre du Panthéon des sports canadiens, ainsi que des Temples de la renommée de la Ligue américaine de hockey, de la Saskatchewan, de l’Ontario, de Prince Albert, et d’Etobicoke. En 2016, le maillot numéro 1 de Johnny Bower est retiré par les Maple Leafs de Toronto. 

Johnny Bower

Une pneumonie emporte Johnny Bower en décembre 2017. Il est alors âgé de 93 ans. Il laisse dans le deuil Nancy, son épouse depuis presque 70 ans, ainsi que leurs trois enfants, John, Cynthia et Barbara, huit petits-enfants et six arrière-petits-enfants. En janvier 2018, les Maple Leafs de Toronto organisent une célébration de sa vie au Centre Air Canada.