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Ken Lum

Kenneth Lum, artiste (Vancouver, 26 septembre 1956).Ken Lum est très connu pour ses œuvres qui s’inspirent du pop art et de l’art conceptuel, et qui empruntent des thèmes à la culture de masse. Son art, constitué de peintures, de sculptures, d’installations, de photographies et de vidéos, a fait l’objet d’une rétrospective des 30 dernières années à la Vancouver Art Gallery, au Canada, et a été exposé dans plusieurs festivals et galeries d’envergure à l’international.

Formation et début de carrière

Après avoir fait un baccalauréat en sciences biologiques à l’Université Simon Fraser en 1980, Ken Lum fait des études en arts plastiques à l’Université de la Colombie-Britannique, où il obtient une maîtrise en 1985.

Une des premières œuvres de Ken Lum est la performance Entertainment for Surrey (1978), pour laquelle l’artiste s’est tenu debout, en pleine heure de pointe du matin, sur le côté est d’un viaduc reliant les artères principales de Surrey, en Colombie-Britannique, à la route transcanadienne. Il répète cette performance pendant quatre jours. Au cinquième jour, il installe une silhouette en carton à sa place. Entertainment for Surrey est d’une pertinence particulière pour Ken Lum et met en lumière des préoccupations que l’on retrouve encore dans ses œuvres plus récentes. En effet, cette œuvre met en relation les quartiers les plus à l’est de Vancouver — principalement habités par des familles d’immigrants comme celle de Ken Lum — et la route transcanadienne et, par extension, le chemin de fer Canadien Pacifique, que le grand-père de Ken Lum a utilisés pour immigrer au Canada, en 1908.

École de Vancouver

Ken Lum commence à attirer l’attention dans les années 1980. À l’époque, il s’associe à un groupe d’artistes influents, appelés « École de Vancouver ». Ce groupe, qui incluait aussi les artistes Ian Wallace, Jeff Wall, Rodney Graham, Stan Douglas et Roy Arden, a joué un rôle clé dans l’établissement de la photographie comme domaine important de l’art contemporain. Ces artistes, qui travaillent dans un centre d’art géographiquement isolé, sont unis par un intérêt commun pour les stratégies du mouvement avant-gardiste moderne et pour ce que Ian Wallace appelle « une réponse mélancolique aux insuffisances du monde ».

Bien que Ken Lum, Rodney Graham, Jeff Wall, Ian Wallace, Stan Douglas et Roy Arden, entre autres artistes, sont indéniablement liés par la tradition critique du modernisme et par leurs interrogations conceptuelles sur l’autonomie de l’objet d’art, l’étiquette appliquée à leurs œuvres a souvent brouillé les différences de chacun et de leur production artistique. Ken Lum se distingue constamment de ses collègues par son parti pris pour le quotidien, son humour ironique, et, particulièrement, son utilisation des formes, des genres et des thèmes de la culture populaire, qui situe ses œuvres à la limite ambiguë entre ce qui constitue de l’art et ce qui n’en est pas. Par exemple, la série Portraits-logos, créée au milieu des années 1980, est composée de portraits génériques de personnes et de familles (du genre que l’on prend dans les petits studios de quartier) imprimés en format géant et accompagnés du nom des sujets en version stylisée, comme un logo. Steve (1986) représente un jeune Asiatique de l’Est habillé d’un tricot à encolure en V qui pose, tout souriant, devant un rideau brun. Au-dessus du portrait, de grands rayons rouges mènent au nom « Steve », écrit en lettres jaunes et disposées en arc. Cette série suggère que la façon dont nous nous voyons ressemble désormais beaucoup aux publicités; nous sommes des marques commercialisables.

Après l’École de Vancouver

Au cours des trois dernières décennies, Ken Lum a développé un portfolio complexe, stimulant et pluridisciplinaire qui inclut des performances en public, des sculptures créées à partir de meubles loués, des portraits photographiques faits en studio et agrémentés de faux logos commerciaux, des peintures représentant des langues incompréhensibles, des labyrinthes de miroirs couverts de textes et des œuvres qui imitent la signalétique des centres commerciaux bas de gamme. Par le moyen de ces médiums divers, Ken Lum interprète les structures et les systèmes qui régissent le vécu du monde quotidien. L’œuvre Hanoi Travel (2000), avec ses offres de voyages à Disney et autres destinations soleil, imite les écriteaux tape-à-l’œil des agences de voyages bon marché. Au bas du panneau, toutefois, se trouve une saisissante déclaration : « We Remember The People’s War » (Nousnous rappelons de la guerre du peuple). Le titre de l’œuvre, Hanoi Travel, fait bien entendu référence aux entreprises d’immigrants, mais rappelle également le fait qu’ils n’ont pas oublié les traumatismes de l’histoire qui les ont amenés au Canada.

Les stratégies utilisées par Ken Lum impliquent souvent la manipulation des mécanismes déployés par la culture de consommation — en placardant une affiche commerciale d’un message personnel ou politique inattendu, par exemple — pour exprimer les contradictions et les angoisses qui marquent les espaces sociaux où des traditions disparates s’entrechoquent et se transforment sous l’influence de la mondialisation. Son art se concentre toujours sur les conditions minimes — les gestes, les déclarations et les échanges ordinaires — qui définissent l’intersection entre les espaces public et privé de la vie quotidienne et qui évoquent la tension entre notre désir d’autonomie individuelle et les conditions qui font de nous des sujets sociaux.

Expositions importantes

Les œuvres de Ken Lum ont été exposées partout sur la planète depuis le début des années 1980, notamment dans le cadre d’expositions solos à la Vancouver Art Gallery, à Vancouver (2011); à la galerie Tang Contemporary Art, à Beijing (2007); à la Chosun Gallery, à Séoul (2007); au Centre culturel canadien, à Paris (2002); au Musée canadien de la photographie contemporaine et au Musée des beaux-arts du Canada, à Ottawa (2002); à la Kunsthalle Wien, à Vienne (2000); au Camden Arts Centre, à Londres (1995); au Kunstmuseum Luzern, à Lucerne (1991); au Witte de With, à Rotterdam (1990); à la Winnipeg Art Gallery, à Winnipeg (1990); au Musée d’art contemporain de Montréal (1988). Ken Lum participe également à de nombreuses expositions de groupe, dont la Biennale de Gwangju (2008), la Biennale d’Istanbul (2007), la Biennale de Liverpool (2006), documenta 11 (2002), la Biennale de Venise (1995 et 2001), la Biennale de Shanghai (2000) et la Biennale de Johannesburg (1997).

Ken Lum est représenté par Art & Public, à Genève; la galerie Christian Nagel, à Berlin; la galerie Grita Insam, à Vienne; la galerie Llucià Homs, à Barcelone; la galerie Nelson Freeman, à Paris; la galerie Lothar Albercht, à Francfort; la Misa Shin Gallery, à Tokyo; Michael Klein Arts, à New York.

Commandes d’art public

Ken Lum a également produit plusieurs œuvres publiques majeures, dont Four Boats Stranded: Red and Yellow, Black and White (2000), que l’on peut voir sur le toit de la Vancouver Art Gallery; II Museum Buolf Mus-chin (2003), installée dans la nature près de Saint-Moritz, en Suisse; Monument to Napoleonic Soldiers and Other Things in Common (2006), créée à l’occasion de la Biennale de Liverpool, en Angleterre; et Pi (2006), au Karlsplatz Westpassage, à Vienne, en Autriche. Terminée à temps pour les Jeux olympiques d’hiver de 2010, l’œuvre From Shangri-la to Shangri-la est formée de trois cabanes en bois sur pilotis, qui évoquent une utopie traditionnelle sur la côte Est : celle de vivre « à l’abri du monde ». Monument for East Vancouver (2010) est une imposante sculpture composée des mots « East » et « Van » en ampoules DEL disposées en croix. L’œuvre, un hommage au symbole de Vancouver, suggère la façon dont le Canada a largement ignoré la diversité ethnique et religieuse du quartier où Ken Lum a vécu. La sculpture Vancouver Especially (2015), quant à elle, est une réplique à échelle réduite du type d’habitation dans laquelle Ken Lum a grandi, l’iconique « Vancouver Special », qui est désormais très prisée par les jeunes branchés raffolant de l’esthétique rétro. Vancouver Especially est également une critique du coût faramineux du logement à Vancouver et de son effet néfaste et aliénant sur les communautés qui ont fait de la ville ce qu’elle est aujourd’hui.

Ken Lum a enseigné l’art à l’Université de la Colombie-Britannique, à Vancouver; au Bard College, à Annandale-on-Hudson, dans l’État de New York; à l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris; à l’Académie des arts de Chine, à Hangzhou.

Enseignement, écriture et conservation

Ken Lum fait partie du corps professoral de l’Université de la Colombie-Britannique de 1990 à 2006. Il se joint à la faculté de la Milton Avery Graduate School of the Arts, du Bard College, à Annandale-on Hudson, à New York, de 2005 à 2007. De 1995 à 1997, alors qu’il est en congé de l’Université la de Colombie-Britannique, il enseigne à l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris. Au cours de sa carrière, Ken Lum a aussi enseigné à l’Académie des beaux-arts de Munich, en Allemagne; à l’Académie des arts de Chine, à Hangzhou, en Chine; à l’École d’arts plastiques de Fort-de-France, en Martinique; à l’Académie royale des beaux-arts d’Amsterdam, aux Pays-Bas; au Maine College of Art, à Portland, dans le Maine; au California College of Arts, à San Francisco, en Californie; au Banff Centre for Arts and Creativity, en Alberta. En 2012, il devient membre de la School of Design de l’Université de Pennsylvanie, avant de devenir, en 2013, membre du Penn Institute of Urban Research.

Ken Lum poursuit également une active carrière d’écrivain. Il rédige une revue en ligne pour London Art de 1999 à 2001, et cofonde en 2004 (avec Zheng Shengtian) le Yishu Journal of Contemporary Chinese Art, dont il est également rédacteur en chef et signe de nombreux essais pour des catalogues d’expositions un peu partout dans le monde.

En tant que conservateur, Ken Lum a organisé et coorganisé plusieurs expositions, dont Poco Rococo, au centre commercial de Coquitlam; North West Annual, pour le compte du Centre of Contemporary Art de Seattle (2004); Shanghai Modern 1910-1945, à Shanghai, en Chine (2005); la septième édition de la Biennale de Sharjah, aux Émirats arabes unis (2005); Monument Lab: Creative Speculations for Philadelphia, dans la cour de l’hôtel de ville de Philadelphie (2014).

Prix

Prix Killam pour les recherches exceptionnelles, Université de la Colombie-Britannique (1998)

Boursier, John Simon Guggenheim Fellowship (1999)

Prix Dorothy Somerset pour les contributions exceptionnelles en arts créatifs et de la performance (2003)

Prix en arts visuels de la Hnatyshyn Foundation (2007)

Prix d’art du maire de Vancouver dans le domaine de l’art public (2013)

Doctorat honorifique, Université Simon Fraser (2015)