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Économie keynésienne au Canada

L’économie keynésienne est une méthode d’analyse des comportements d’un ensemble de variables économiques globales importantes telles que la production, l’emploi, l’inflation et les taux d’intérêt. Inventé dans les années 1930 par l’économiste britannique John Maynard Keynes (et créant ainsi le domaine moderne de la macroéconomie), ce modèle analytique a pour but d’expliquer le phénomène de la crise des années 1930.

Photographie de l'économiste John Maynard Keynes

Contexte

Avant la crise des années 1930, les économistes croient généralement que les mouvements cycliques de l’emploi et de la production sont relativement faibles et autorégulateurs. Selon cette approche classique, si la demande globale diminuait, causant une baisse temporaire de la production et de l’emploi, le ralentissement qui en résulterait sur les marchés du travail et des produits provoquerait une diminution rapide des salaires et des prix, qui en retour ramènerait le plein emploi.

Théorie générale de John Maynard Keynes

Le traumatisme de la crise des années 1930 remet sérieusement en question cette vision optimiste du fonctionnement de la macroéconomie. Dans son ouvrage Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie (1936), John Maynard Keynes soutient qu’il existe des rigidités qui préviennent la chute des salaires et des prix, laquelle est nécessaire au retour à l’équilibre. Le résultat serait une baisse de la consommation qui pourrait causer une chute dans la production et dans l’emploi et qui ne se corrigerait pas rapidement d’elle-même et pourrait donc durer un certain temps. L’économiste identifie aussi plusieurs caractéristiques des économies de marché qui amplifieraient toute baisse de consommation en répercussions négatives sur la demande globale. Par exemple, la dégradation de la conjoncture économique pourrait inciter les entreprises à diminuer leurs investissements dans de nouveaux équipements et de nouvelles usines, réduisant ainsi l’ensemble des dépenses.

John Maynard Keynes affirme que la réponse à un tel fonctionnement déstabilisant du secteur privé se trouve dans une politique de stabilisation activement menée par les pouvoirs publics. Il recommande particulièrement une augmentation des dépenses du secteur public et une réduction d’impôt qui stimuleraient la demande et sortiraient les secteurs de la production et de l’emploi de leur récession. D’autres économistes utilisent subséquemment les idées keynésiennes pour soutenir que cette politique de stabilisation pourrait servir non seulement à prévenir des déclins économiques prolongés, mais aussi à freiner les poussées inflationnistes et à promouvoir une forte croissance économique.

Économie keynésienne au Canada

Keynesian Economics (1942), l’ouvrage de Mabel Timlin, une économiste canadienne renommée, influence les intellectuels au Canada et à l’étranger, et modifie l’enseignement de l’économie dans les universités canadiennes. Par la suite, Harry Johnson le reconnaît comme étant l’un des deux livres qui ont su « faire reconnaître la compétence canadienne dans un domaine purement théorique » pendant la Deuxième Guerre mondiale.

Le saviez-vous?
Mabel Timlin est la première femme économiste canadienne à obtenir le poste de professeure permanente, la première femme élue membre de la Société royale du Canada issue du milieu des sciences sociales et la première femme présidente de l’Association canadienne de science politique

Les nouveaux concepts keynésiens ont aussi une incidence sur les politiques du gouvernement canadien, principalement grâce à la conviction qui anime plusieurs jeunes fonctionnaires compétents, particulièrement Robert Bryce, qui deviendra sous-ministre des Finances.

Le Canada est en effet l’un des premiers pays à s’engager dans l’utilisation de politiques fiscales, et ensuite monétaires, pour y stimuler la production et l’emploi. La période économique flamboyante des années 1960 et 1970 semble confirmer la justesse de l’approche keynésienne. Toutefois, les taux élevés de chômage et d’inflation du milieu des années 1970 jusqu’au début des années 1980 amènent les spécialistes des milieux académiques et gouvernementaux à critiquer la théorie keynésienne à la fois sur les plans de la théorie économique et des politiques. Ils affirment que les interventions de style keynésien ont plus tendance à augmenter qu’à amortir les fluctuations économiques. Ils sont aussi d’avis que de telles actions ont une tendance inflationniste inhérente qui a créé de sérieux problèmes économiques de longue durée au Canada et ailleurs.

Les économistes keynésiens ripostent que les difficultés de la fin du 20e siècle peuvent être attribuées à des événements qui échappent en bonne partie à la mainmise des politiques économiques nationales (comme la hausse rapide des prix mondiaux du pétrole). De plus, tout en reconnaissant que certaines erreurs ont été commises dans le cadre de certaines politiques, ils affirment que l’application des principes keynésiens a préservé le monde d’une autre grande crise économique. Pendant une grande partie des années 1980 et 1990, le Canada n’arrive guère à appliquer une politique budgétaire keynésienne active en raison des déficits importants des gouvernements fédéral et provinciaux. En effet, l’ampleur de ces déficits limite beaucoup la possibilité d’intervention sous la forme d’une réduction des impôts ou de nouvelles dépenses. Le fardeau de la politique macroéconomique repose alors entièrement sur la politique monétaire.

Pendant la récession de 2008-2009, les politiques intégrant des éléments keynésiens sont encore une fois privilégiées pour formuler les stratégies de reprise économique.  

Voir aussi Sciences économiques.