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Syndicats ouvriers

Les premiers syndicats ouvriers apparaissent au début du XIXe siècle, mais leur véritable croissance ne survient qu'au cours des premières décennies du XXe siècle. Au XIXe siècle, les syndicats sont locaux, sporadiques et toujours éphémères.

Syndicats ouvriers

Les premiers syndicats ouvriers apparaissent au début du XIXe siècle, mais leur véritable croissance ne survient qu'au cours des premières décennies du XXe siècle. Au XIXe siècle, les syndicats sont locaux, sporadiques et toujours éphémères. Ils sont également illégaux et toujours interdits par les lois anti-coalition alors en vigueur. Ces lois ont pour objectif d'assurer la liberté du commerce et de la concurrence. Les syndicats obtiennent le droit d'exister grâce à la Loi des syndicats ouvriers adoptée en 1872 par le Parlement fédéral. Cependant, les diverses activités syndicales, comme les grèves et autres démonstrations, font toujours l'objet d'interdiction. Elles ne sont vraiment acceptées qu'au XXe siècle.

Bien des types d'associations ouvrières existent au XIXe siècle, selon le métier, l'industrie, la région, l'idéologie. La durée, et surtout la survie, ne leur vient que beaucoup plus tard. Le nombre de membres varie aussi sans cesse : nombreux dans les périodes de prospérité économique, ils disparaissent pratiquement dans les creux de chaque cycle. Au tournant du XXe siècle, il y moins de 100 000 syndiqués au Canada, ce qui correspond à moins de 10 p. 100 de la main-d'oeuvre salariée.

La croissance importante des syndicats ouvriers survient dans les années 40, par suite du développement provoqué par les industries de guerre et la prospérité de l'après-guerre, ainsi que par la législation (1944) introduisant l'accréditation syndicale et obligeant les employeurs à négocier avec les représentants de leurs employés. Aussi les effectifs syndicaux ont-ils plus que doublé durant les années 40, et le taux de syndicalisation a-t-il augmenté de 20 p. 100 à 30 p. 100 au cours de la même période. Ce taux monte à 34 p. 100 en 1954, mais revient à 30 p. 100 à la fin des années 50. Dans les années 60, on essaie de recruter de nouveaux membres parmi les employés de bureau et quelques employés professionnels. À la fin des années 60, tous les gouvernements du Canada (sauf la Saskatchewan qui l'avait fait en 1944) ont accordé aux employés du secteur public le droit de se syndiquer et de négocier collectivement. Le taux de syndicalisation s'élève de ce fait à 40 p. 100 des salariés non agricoles en 1983. Depuis ce moment, le taux a légèrement baissé. Aujourd'hui, il demeure relativement stable autour de 35 p. 100.

Au cours des dernières décennies du XXe siècle, dans la plupart des pays industrialisés du monde, l'appartenance syndicale et son taux ont fortement diminué. Aux États-Unis, il est bien au-dessous de 20 p. 100. Il n'y a qu'une exception, le Canada, et cela pour deux raisons principales. Premièrement, la retenue automatique de la cotisation syndicale du chèque de paye des salariés de l'unité de négociation, conformément aux dispositions de la convention collective ou encore de la loi, dans certains cas. Le montant global est remis directement au trésorier du syndicat local. Comme une disposition de cette nature est normalement reconduite dans la convention collective suivante, le syndicat en place a une sorte de garantie de survie. Le seul moyen d'arrêter un tel mécanisme serait d'obtenir à cet effet un vote majoritaire des employés de l'unité en question. Deuxièmement, presque tous les employés des secteurs publics (fédéral, provincial et municipal) sont déjà syndiqués, et leur convention collective contient une clause de retenue automatique. La faible décroissance qu'on observe est le résultat de circonstances particulières : une diminution de la main-d'oeuvre en cause, la fermeture de l'entreprise ou un vote de rejet par les employés visés, des hypothèses improbables sinon impossibles.

La répartition par province est très irrégulière. Depuis longtemps, la syndicalisation la plus élevée se trouve en Colombie-Britannique et à Terre-Neuve (autour de 50 p. 100) et la plus faible à l'Île-du-Prince-Édouard (25 p. 100). La répartition selon les provinces a aussi changé dans le temps. Entre 1962 et 1984 (deux années pour lesquelles on possède des données comparables), le taux de syndicalisation a augmenté dans la plupart des provinces : il est demeuré stable, autour de 35 p. 100, en Ontario, en Nouvelle-Écosse et au Manitoba. Un bond en avant (de 25 p. 100 à 40 p. 100) s'est produit au Québec, surtout à cause de la syndicalisation pratiquement complète des employés du secteur public. Si on excepte Terre-Neuve, tardivement entrée dans la Confédération canadienne, la Colombie-Britannique a toujours été la plus syndiquée des provinces canadiennes, alors que l'Ontario et la Nouvelle-Écosse, autrefois les bastions du syndicalisme au Canada, perdent aujourd'hui du terrain dans ce domaine.

La syndicalisation et le taux correspondant varient grandement d'une industrie à l'autre. Ils changent aussi avec le temps selon les changements de fond de l'économie, comme l'extraordinaire croissance de l'industrie des services et la profonde modification des comportements sociaux. Dans les années 80, le nombre des employés syndiqués dans les services s'accroît de 66 p. 100, et le taux de syndicalisation est passé de 25 p. 100 à 40 p. 100, alors que les deux mesures diminuent dans les manufactures et dans la construction. Dans l'administration publique, le nombre et le degré de syndicalisation n'augmentent que très peu. Dans ce secteur, les grands changements se produisent à la fin des années 60 et au cours des années 70.

Le progrès du syndicalisme dans le secteur public est particulièrement visible si on regarde les dix plus gros syndicats au Canada. Les trois syndicats qui ont le plus grand nombre de membres, et cela depuis un bon moment, sont trois syndicats du secteur public : le Syndicat Canadien de la Fonction Publique (SCFP), le Syndicat national de la Fonction publique provinciale (NUPGE) et l'Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC). Ensemble les trois syndicats représentent 750 000 membres. Viennent ensuite les plus puissants syndicats du secteur privé, soit les Métallos, les Employés de l'alimentation et du commerce et les Ouvriers de l'automobile. Il y a 30 ans, les Métallos et les Ouvriers de l'automobile constituaient les plus gros syndicats du Canada. Avec la diminution de la main-d'oeuvre dans bien des secteurs, les fusions syndicales se sont imposées peu à peu comme une nécessité. Un exemple parmi bien d'autres est la fondation, en 1993, de l'Union des Travailleurs des Communications, de l'Énergie et du Papier du Canada. On peut se demander ce qui reste aujourd'hui du principe de base du syndicalisme nord-américain, le syndicalisme de métier. Beaucoup de syndicats, sinon la plupart, ne sont plus des syndicats de métier ou d'industrie, mais des syndicats généraux.

Vers les années 1900, environ 90 p. 100 des syndiqués au Canada appartiennent à des syndicats américains. De 1930 à 1960, la proportion, qui a été réduite à environ 70 p. 100, demeure à peu près constante. En 1975, la proportion chute de nouveau à 50 p. 100, et en 1990 à environ 35 p. 100. La Canadianisation du mouvement syndical ne se dément pas au cours du siècle, mais le phénomène résulte de plusieurs causes différentes. Mentionnons les suivantes : la naissance de quelques unions strictement canadiennes, le développement du syndicalisme dans le secteur public et l'apparition de fédérations appropriées, quelques séparations pacifiques des sections locales canadiennes de puissants syndicats américains, comme les Travailleurs canadiens de l'automobile qui, en 1983, quittent les Travailleurs unis de l'automobile, l'union américaine toujours bien vivante.

Malgré les fréquents refrains sur la solidarité syndicale, le mouvement a toujours connu de profondes divisions. Après la réunification en 1956 du Congrès des métiers et du travail du Canada (CMTC) et du Congrès canadien du travail (CCT), le Congrès du Travail du Canada (CTC) parle au nom de 80 p. 100 des travailleurs syndiqués du Canada. De nouvelles divisions apparaissent dans les années 70, entre autres à cause de la syndicalisation du secteur public. De plus, les groupes non affiliés et les syndicats indépendants grandissent en nombre et en importance. Au début des années 80, ils comptent pour 20 p. 100 des syndiqués au Canada.

Une division majeure se produit en 1982 quand la majorité des syndicats du bâtiment et de la construction quittent les rangs du CTC pour former la Fédération canadienne du travail (FCT), reprenant le nom d'une fédération qui existait au Canada de 1902 à 1927. La scission ne fait que confirmer un conflit qui perdure à l'intérieur du CTC entre les syndicats dits industriels et les syndicats des métiers de la construction, à savoir qui doit effectuer certains types de travaux, les employés d'usine (syndicats industriels) ou les hommes de métier (syndicats de la construction). À cause de la fragmentation du monde syndical, le CTC ne représente plus que de 55 p. 100 à 60 p. 100 des syndiqués canadiens à ce moment. Aujourd'hui, c'est encore moins. Par contre, quelques brebis errantes sont rentrées au bercail.

À la fin du XXe siècle les syndicats ouvriers au Canada font face à de nombreux défis, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de leurs rangs. Les divisions idéologiques ne sont pas disparues. Les syndicats qui se préoccupent davantage de réforme sociale ont tendance à manifester plus de radicalisme que les autres. On les trouve plus souvent dans le secteur public. Plusieurs syndiqués du secteur privé envient les gains des employés du secteur public, parce que ces avantages leur viennent de leurs impôts. Bien qu'il n'y ait pas de division explicite, de sérieuses tensions existent dans les rangs de certains syndicats soumis à pareille dualité.

Une autre source de conflit provient des positions différentes tenues par les membres sur la question de la coopération avec le patronat et les gouvernements. La théorie du partenariat ou du tripartisme a été une source de conflits sérieux à l'intérieur de certains syndicats. Des membres croient que l'avenir du syndicalisme passe obligatoirement par cette voie; d'autres y voient une trahison des syndiqués et des travailleurs en général.

Si sérieuses que soient les divisions internes, d'autres problèmes sont sans doute plus menaçants, comme les interventions gouvernementales hostiles, l'appui décroissant de l'opinion publique, l'hostilité patronale et les problèmes soulevés par les technologies nouvelles.

Dans les années 70, la plupart des gouvernements adoptent ou étendent les normes du travail imposées par les lois, de même que leurs règles de santé et de sécurité au travail. Certains appellent ces mesures la convention collective des non-syndiqués. Ces mesures peuvent avoir pour effet d'accroître ou de réduire la syndicalisation des 65 p. 100 des salariés non régis par convention collective. Une importante question demeure sans réponse : les syndicats existent-ils pour le bien de la classe ouvrière ou pour le mieux-être de ses membres déjà relativement bien protégés? La réponse varie selon qu'elle fait partie de déclarations claironnantes ou qu'elle découle de la pratique quotidienne des syndicats en cause.

Une forme d'intervention gouvernementale vise le contenu de la négociation collective, comme le contrôle des salaires (voir Contrôle des Salaires et des Prix) introduit au cours des années 70, et les restrictions imposées aux employés du secteur public dans la négociation de leurs conditions de travail dans les années 80 et 90. Ces interventions ont grandement réduit l'influence des syndicats ouvriers sur l'économie canadienne. Les lois de retour au travail, imposées par le fédéral et les grandes provinces canadiennes, ont aussi diminué le pouvoir de négociation de plusieurs syndicats. Certains prétendent que ces lois équivalent souvent au retrait du droit de grève.

Tous les principaux conflits des années 90 ont lieu entre les gouvernements et les employés du secteur public. Depuis 1980, il y a eu bien peu de grèves dans les entreprises du secteur privé; malgré les « sacrifices » demandés par les employeurs, la plupart des syndicats les ont acceptés, comme les planchers d'emplois, parce qu'ils craignaient la fermeture ou le transfert de l'usine ailleurs, ou la sous-traitance du travail vers des pays à faibles salaires, en somme la perte du travail à faire d'une manière ou d'une autre. Quand les gouvernements ont commencé à réduire leur main-d'oeuvre et à sous-traiter le travail, comme les compagnies privées, pour s'attaquer sérieusement au déficit public, les syndicats du secteur public se sont fait plus militants que jamais auparavant : leurs emplois (et leurs cotisations syndicales) étaient en jeu. De plus, ils craignaient que leur employeur déménage ailleurs, en tout cas pas en dehors de la province ou du pays. De telles confrontations peuvent difficilement s'appeler de la négociation collective. C'est plutôt du lobbying et de l'affrontement politique.

La possibilité de telles interventions des gouvernements montre à quel point l'appui du public aux syndicats s'est effrité. Les sondages montrent que les Canadiens font davantage confiance aux dirigeants d'entreprises qu'aux chefs syndicaux. Par contre, les employés réalisent que, comme groupe, leur seul moyen de défense réside dans la syndicalisation et la négociation. Quant à la société dans son ensemble, elle a de la difficulté à choisir quels objectifs elle devrait poursuivre.

Voir aussi Grèves et lock-out.

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