Le Canada au coupe du monde de football de 1986 | l'Encyclopédie Canadienne

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Le Canada au coupe du monde de football de 1986

En 1986, l’équipe masculine canadienne de soccer se qualifie pour la première fois, et la dernière à ce jour, pour la phase finale de la Coupe du monde de la FIFA. La plupart des joueurs de l’équipe ont déjà joué au niveau professionnel, en particulier dans la North American Soccer League. Au Mexique où se déroule cette phase finale, le Canada affronte dans son groupe la France, la Hongrie et l’Union soviétique et termine le tournoi avec trois défaites sans avoir marqué un seul but. En dépit de ce résultat, la qualification du Canada pour une phase finale de Coupe du monde va constituer une source de motivation et d’émulation pour la génération suivante de joueurs de soccer canadiens. Toutefois, malgré la popularité au pays de ce sport chez les jeunes et malgré le succès de trois franchises canadiennes de la Major League Soccer, le Canada ne réussira plus, jusqu’à ce jour, à se qualifier pour une phase finale de Coupe du monde.
Équipe Canada se rend à la Coupe du monde de 1986

Situation du soccer canadien dans les années 1980

Lorsque les qualifications pour la phase finale de la Coupe du monde de 1986 débutent, le Canada peut se prévaloir de plusieurs joueurs alliant expérience et talent. L’équipe nationale masculine du Canada vient de sortir d’une excellente prestation lors des Jeux olympiques d’été de 1984, avec notamment une victoire 3 à 1 sur le Cameroun, avant une défaite aux tirs au but contre le Brésil en quarts de finale.

La plupart des joueurs de l’équipe nationale ont déjà disputé des matchs dans la North American Soccer League, et cette expérience se concrétise sur le terrain. Le capitaine Bruce Wilson a joué pour les Whitecaps de Vancouver (1974‑1977), le Sting de Chicago (1978‑1979) et le Cosmos de New York (1980), où il a côtoyé des vedettes comme Giorgio Chinaglia, Johan Neeskens et Franz Beckenbauer. Il a ensuite poursuivi sa carrière de joueur de soccer avec le Blizzard de Toronto (1981‑1984); toutefois, après l’arrêt des activités de la NASL en mars 1984, il se retrouve, à l’image des autres Canadiens, Randy Ragan, Pasquale De Luca, Trevor McCallum, Paul James, George Pakos, Ken Garraway, Paul Dolan et Igor Vrbalic, sans club pour l’accueillir.

Tournoi qualificatif de la CONCACAF 1985 et qualification

Le Canada lance sa campagne de qualification quelques semaines seulement après la suspension de la NASL. En dépit de ce choc, l’équipe franchit avec succès la première étape de la qualification pour la phase finale de la Coupe du monde, battant Haïti et le Guatemala lors du premier tour du tournoi de la Confédération de football d’Amérique du Nord, d’Amérique centrale et des Caraïbes (CONCACAF). Sachant que seuls deux pays issus de la CONCACAF iront au Mexique, et puisque le pays organisateur est qualifié d’office, il est essentiel que le Canada remporte le tournoi qualificatif. Lors du dernier tour, le Canada, le Honduras et le Costa Rica s’affrontent en matchs aller‑retour. Le Canada débute en recevant le Costa Rica au Varsity Stadium, avec, à la clé, un match nul sur la marque de 1 à 1. Le voyage au Honduras s’avère plus réussi, George Pakos, qui travaille alors à temps plein pour la Ville de Victoria en tant que releveur de compteurs, marquant le seul but d’une victoire 1 à 0. À l’approche du dernier match contre le Honduras, un match nul 0 à 0 décroché à San Jose, au Costa Rica, permet à l’équipe canadienne de tenir la corde pour terminer en tête.

Le dernier match se joue mi‑septembre à St. John’s à Terre‑Neuve, dans un stade temporaire installé au King George V Park. Une foule de 13 000 personnes soutient résolument l’équipe canadienne. Une anecdote, probablement apocryphe, raconte qu’un contingent de partisans du Honduras s’est retrouvé à Saint John, au Nouveau‑Brunswick, plutôt que dans la ville quasiment homonyme bien plus à l’est à Terre‑Neuve. Un but de George Pakos permet au Canada de prendre les devants, et même si le Honduras égalise au tout début de la deuxième période, Igor Vrbalic marque à la 61e minute le but de la victoire canadienne. L’équipe, qualifiée pour la phase finale de la Coupe du monde, peut laisser éclater sa joie.

Match de soccer entre le Canada et le Honduras, 1985

L’équipe canadienne à la Coupe du monde de 1986

Numéro Nom Poste
1 Tino Lettieri Gardien de but
2 Bob Lenarduzzi Défenseur
3 Bruce Wilson Défenseur
4 Randy Ragan Milieu de terrain
5 Terence Moore Défenseur
6 Ian Bridge Défenseur
7 Carl Valentine Attaquant
8 Gerry Gray Milieu de terrain
9 Branko Segota Attaquant
10 Igor Vrablic Attaquant
11 Mike Sweeney Milieu de terrain
12 Randy Samuel Défenseur
13 George Pakos Milieu de terrain
14 Dale Mitchell Attaquant
15 Paul James Milieu de terrain
16 Gregory Ion Milieu de terrain
17 David Norman Milieu de terrain
18 James Lowery Milieu de terrain
19 Pasquale De Luca Milieu de terrain
20 Colin Miller Milieu de terrain
21 Sven Habermann Gardien de but
22 Paul Dolan Gardien de but
Tony Waiters Entraîneur

Préparation pour la Coupe du monde au Mexique

Cependant, la disparition de la NASL laisse de nombreux joueurs de l’équipe canadienne sans club et à la lutte pour signer un contrat. L’entraîneur‑chef, Tony Waiters, rappellera plus tard : « La plupart des joueurs n’avaient pas de club. Nous avons donc choisi de sélectionner une équipe en devenir devant se construire au fil des matchs de préparation pour lesquels nous étions prêts à nous rendre absolument n’importe où pour jouer à partir du moment où nous serions payés. Nous sommes donc partis en tournée en Afrique du Nord et en Asie. Toutes les occasions de disputer un match pouvant nous rapporter de l’argent étaient bonnes à prendre, une partie de la somme étant alors susceptible d’être reversée aux joueurs. »

L’Association canadienne de soccer lance également une campagne de collecte de fonds intitulée la « Marche vers le Mexique ». Cette opération va donner lieu à la production d’un grand nombre d’objets‑souvenirs, notamment l’enregistrement d’un disque courte durée de 7 po intitulé « (O Canada) We’ll Proudly Play For You », écrit et interprété par les Sons of Andrew, un duo d’Edmonton en Alberta.

L’équipe passe en outre beaucoup de temps dans les montagnes du Colorado afin de s’acclimater à l’altitude du Mexique. Cependant, tous les joueurs ne peuvent pas se permettre ce luxe. Ian Bridge, par exemple, est retenu par son club en Suisse, tandis que d’autres exercent leur métier de joueur de soccer dans la Major Indoor Soccer League. L’équipe doit également se passer de Dale Mitchell, meilleur buteur lors des premiers tours de qualification, victime d’une blessure au ligament croisé antérieur.

Après le tirage au sort, lorsque le Canada se retrouve dans le groupe C avec la Hongrie, l’Union soviétique et la France, championne d’Europe en titre, l’optimisme n’est pas de rigueur. John Power, du Boston Globe, présente ainsi la situation  : « Les preneurs de paris de Londres vous paieront 1 000 fois votre mise si vous pariez sur une victoire finale du Canada au Mexique et 10 fois votre mise si vous pariez simplement sur le fait que l’équipe canadienne réussira à marquer un seul but. En soi, la qualification constituait déjà une performance exceptionnelle! L’équipe est composée d’amateurs, de joueurs qui jouent au soccer en salle et de joueurs de soccer “errants” à la recherche d’un point de chute après la déroute de la NASL. En dépit de la qualité du gardien Tino Lettieri et d’une défense aux capacités offensives certaines emmenée par Bruce Wilson qui devraient valoir un certain respect à la sélection canadienne, la logique laisse à penser qu’elle ne passera pas la phase de groupes. »

Tenir bon face à la France

Le premier match de groupe oppose le Canada au champion d’Europe en titre, la France. L’équipe française est construite autour du fameux « carré magique » composé de Jean Tigana, de Luis Fernandez, d’Alain Giresse et de Michel Platini, qui forme l’un des meilleurs collectifs de l’histoire du soccer mondial en milieu de terrain. L’entraîneur‑chef canadien, Tony Waiters, décide que si ses joueurs campent en profondeur dans leur moitié de terrain, ils joueront sur les forces de leur adversaire. Il donne donc plutôt pour instruction à l’équipe d’imposer sans relâche une forte pression aux Français. Après le match, l’entraîneur‑chef français, Henri Michel, déclare : « Nous savions que les Canadiens se donneraient à fond et feraient tout pour nous compliquer la vie. Toutefois, l’agressivité dont ils ont fait preuve a été pour moi une surprise. Ils ont eu des occasions de but. Ils ont joué avec panache. J’admire cette équipe. »

Le gardien Paul Dolan, jouant pour la première fois en Coupe du monde à seulement 20 ans, connaît un excellent match, tenant les Français en échec pendant la majorité des 90 minutes (il doit même ignorer un coq vivant jeté sur le terrain par les partisans français durant la deuxième mi‑temps). Selon le rapport officiel de la FIFA, « les tacles résolus des athlètes canadiens, les longues passes adressées par de solides défenseurs, les mouvements rapides sur l’aile, les centres tranchants et les tirs dans toutes les positions et à toutes les distances... ont déconcerté les Français à maintes reprises. » Cependant, les Bleus finissent par trouver la faille à la 79e minute. Une longue passe aérienne au deuxième poteau est mal jugée, aussi bien par Paul Dolan que par Bobby Lenarduzzi. Le ballon est alors renvoyé dans la zone des 5,50 m par Yannick Stopyra, et Jean‑Pierre Papin n’a plus qu’à le propulser de la tête au fond des filets.

En dépit de cette défaite douloureuse, le Canada peut être fier de sa prestation. Igor Vrbalic voit un de ses tirs repoussé sur la ligne par un défenseur tricolore, et la défense canadienne se montre extrêmement déterminée face à une attaque française pourtant théoriquement assez impressionnante. Comme à son habitude, Michel Platini se montre plutôt bougon à l’issue de la partie. On peut toutefois estimer que sa déclaration d’après match constitue une espèce de compliment pour le Canada : « J’étais mécontent de notre façon de jouer; je me fais vieux et je veux vraiment gagner ce trophée, mais je dois dire que j’ai également été surpris par les Canadiens. Ce sont eux qui nous ont empêchés de déployer un jeu de qualité. »


Match perdu face à la Hongrie

Pour son deuxième match, le Canada rencontre l’équipe de Hongrie qui a été sévèrement battue sur la marque de 6 à 0 lors de son premier match contre l’Union soviétique. Les Canadiens se montrent, en revanche, dynamiques et motivés, en dépit de la perte du premier match contre la France, et espèrent un bon résultat contre la Hongrie. L’équipe canadienne, pêchant peut‑être par excès de confiance, encaisse un but de Marton Esterhazy dès la deuxième minute. Ensuite, en dépit d’attaques incessantes, le Canada n’arrive pas à mettre le ballon au fond des filets. À la 75e minute, Lajos Detari propulse un rebond dans les buts adverses, portant un coup au moral des Canadiens et restaurant, simultanément, la confiance des Hongrois.

Face à l’Union soviétique

Battue lors de ses deux premiers matchs et durement atteinte, l’équipe canadienne n’a pratiquement plus aucune chance de se qualifier pour le tour suivant lors de cette Coupe du monde. Après une défaite au cours de laquelle ils ont su faire preuve de vaillance et une capitulation plutôt embarrassante, les Canadiens vont jouer ce match pour défendre leur honneur et restaurer leur fierté. Malheureusement, il s’agit de le faire contre une équipe de l’Union soviétique solide et talentueuse. Douze des joueurs de l’équipe soviétique jouent au Dynamo Kiev qui vient de remporter la Coupe d’Europe sous la houlette du légendaire Valeri Lobanovski.

Le Canada réussit à limiter les dégâts et à contenir la marque à 0‑2 sans toutefois être véritablement entré dans le match. Le rapport officiel de la FIFA, qui avait jusqu’ici été plutôt élogieuse à l’égard des Canadiens, mentionne à peine leurs efforts dans le match contre l’URSS, déclarant simplement : « Le Canada s’est montré un adversaire coriace, affichant beaucoup de détermination, de volonté et de concentration. L’équipe canadienne a également contribué à ce que le match se déroule dans un esprit sportif et une atmosphère sereine. » Ce rapport ajoute toutefois : « Les prestations courageuses du Canada lors de tous ses matchs devraient constituer une motivation supplémentaire pour l’amélioration du soccer dans ce pays ».


Importance

Pour de jeunes joueurs comme Jason de Vos, qui sera plus tard capitaine de l’équipe nationale, ce tournoi constitue une source d’inspiration. « Regarder les joueurs canadiens, que je ne connaissais pas pour la plupart, se battre contre l’Union soviétique, la Hongrie et la légendaire équipe de France a constitué une expérience déterminante pour la suite de ma carrière. J’y ai trouvé une source de motivation pour accepter les longs voyages et les heures d’entraînement, et pour adopter le mode de vie quasiment obsessionnel d’un athlète, en laissant de côté la vie classique d’un adolescent. »

Depuis 1986, des Canadiens jouent dans des équipes professionnelles à l’étranger ainsi qu’en Major League Soccer (MLS), une ligue qui comprend trois franchises canadiennes. Les trois franchises canadiennes ont, au fil des ans, connu un certain succès, aussi bien sur le plan national que sur le plan continental. L’Impact de Montréal et le Toronto FC ont atteint la finale de la Ligue des Champions de la CONCACAF. Le Toronto FC détient le record du plus grand nombre de points marqués en saison régulière de la MLS. Des plans sont actuellement à l’étude pour la création, en 2019, d’une ligue canadienne de niveau supérieur à l’échelle du pays privilégiant les joueurs et le personnel canadiens. Ces évolutions ne se sont toutefois toujours pas traduites par des succès en Coupe du monde. En 2018, cela fait plus de 30 ans que l’équipe masculine canadienne ne s’est pas qualifiée pour la phase finale de la Coupe du monde de la FIFA. Le Canada organisera, conjointement avec les États‑Unis et le Mexique, la Coupe du monde en 2026.