Le grand incendie de Toronto (1904) | l'Encyclopédie Canadienne

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Le grand incendie de Toronto (1904)

Le 19 avril 1904, un incendie ravage 20 acres du centre industriel de Toronto. Au moment où les pompiers parviennent enfin à le maîtriser, l’incendie a détruit au moins 98 immeubles. L’incendie occasionne des pertes de l’ordre de 10 millions de dollars et laisse sans emploi des milliers de personnes. Une personne perd la vie à la suite de l’incendie. Cette catastrophe est connue sous le nom de «grand incendie de Toronto» ou «deuxième grand incendie de Toronto» (le premier grand incendie s’étant produit en 1849). Elle met en évidence le fait que la ville a besoin de se doter de codes de construction plus sûrs et d’un système d’eau à haute pression.


L’incendie

Le grand incendie de Toronto naît le 19 avril 1904, peu avant 20h au centre-ville. À l’époque, le cœur de Toronto est une zone industrielle qui se compose de plusieurs usines de fabrication. Lorsque les pompiers arrivent sur les lieux de l’incendie, près des rues Wellington et Bay, ils ont du mal à éteindre les flammes. Cela s’explique par le système de distribution d’eau à basse pression dont dispose la ville. L’équipe doit également faire face à des vents violents qui, combinés à des températures sous le point de congélation, redirigent l’eau glacée vers les pompiers.

Une alarme générale retentit à 20h51: on fait appel à tous les pompiers disponibles dans la ville. Le maire Thomas Urquhart prend contact avec des communautés extérieures pour obtenir de l’aide. Des pompiers arrivent de villes aussi éloignées que Buffalo, Hamilton et London.

L’un après l’autre, des entrepôts sont détruits par le feu, le vent propageant le brasier. Au moins 23 des commerces touchés vendent des livres, du papier et de la papeterie; c’est là un combustible idéal pour alimenter le feu. Les nombreux fils électriques, télégraphiques et téléphoniques exposés compliquent la tâche des pompiers, qui tentent d’installer des échelles sur les immeubles. L’eau gèle sur les fils, qui tombent et lancent des étincelles. Les communications sont coupées.

Carte animée montrant la progression estimée de l'incendie

Cette animation est basée sur une carte qui a été publiée en 1981 dans IAO Inspector (une publication du Groupe technique des assureurs, direction de l’ingénierie de la prévention des pertes), Volume 17 No 3. La carte faisait partie d’un article écrit par R. J. Tatton, représentant en prévention des pertes, Insurance Corporation of Ireland.

(avec la permission des Archives de l'Ontario/© Imprimeur de la Reine pour l’Ontario, 2012-2015)

Des milliers de spectateurs curieux se rendent à pied ou en tramway sur les lieux de l’incendie. La plupart des policiers du centre-ville se trouvent sur place pour maintenir l’ordre. Cependant, on lira le lendemain dans le Mail and Empire (voir Globe and Mail) que la police a eu bien du mal à contenir la foule.

Les citoyens parviennent à sauver des flammes certains immeubles sur la trajectoire de l’incendie. Le bureau du journal Evening Telegram sur la rue Bay, au sud de la rue King, en est un exemple. Protégés par des serviettes humides, les employés utilisent des tuyaux à main et une borne d’incendie sur le toit pour sauver l’immeuble. Un autre immeuble épargné par l’incendie est le Queen’s Hotel sur la rue Front, où se dresse de nos jours l’hôtel Royal York. Un groupe multipartite de députés provinciaux qui y séjourne alors aide à combattre l’incendie. Les députés remplissent les baignoires d’eau et suspendent des couvertures mouillées aux châssis des fenêtres. L’hôtel s’en tire avec quelques dommages mineurs.

Vers 22h30, le pâté de maisons compris entre Wellington et Front tout entier est en proie aux flammes. Les vents changeants propulsent le feu vers le nord le long de la rue Bay. À 23h, le côté sud de Front, à l’ouest de Bay, est en feu, et les structures situées le long de la voie ferrée sont endommagées. Les vents violents préviennent toutefois de graves dégâts à l’est de Bay et au nord de Wellington. Un système de gicleurs à l’usine de sacs et de boîtes Kilgour Brothers stoppe la propagation de l’incendie vers le nord le long de la rue Yonge. C’est l’un des trois seuls immeubles de la zone touchée à être doté d’un tel équipement.

Répercussions de l’incendie de 1904 : Angle des rues Front et Bay, en regardant vers l’est

Ruines fumantes des immeubles de la rue Front, en faisant face au nord. On peut voir en arrière-plan l’usine Kilgour Brothers (avec les réservoirs d’eau qui alimentaient son système de gicleurs).

La lutte contre le grand incendie de Toronto se termine dans un entrepôt de vaisselle situé du côté sud de la rue Front, à l’ouest de Yonge. L’entrepôt se trouve à proximité du poste de douane de la ville, rempli de marchandises combustibles. Le feu s’éteint peu après l’effondrement du mur de l’entrepôt. Les pompiers déclarent l’incendie sous contrôle à 4h30 du matin. Les zones touchées se consumeront pendant les deux semaines suivantes.

Causes de l’incendie

L’historien Frederick H. Armstrong proposera plus tard plusieurs causes pour le grand incendie de Toronto. Il parle notamment d’une «négligence totale» des mesures de sécurité évidentes. Il cite également une soif de profit, l’avarice des fonctionnaires municipaux et l’absence de réglementation. Au tournant du 20e siècle, le centre-ville de Toronto est un véritable chantier de construction. On voit apparaître au cours de cette période des immeubles pouvant atteindre six étages. Malheureusement, on tarde à mettre en place des normes de sécurité incendie appropriées. Si de nombreuses structures sont faites de briques, leurs supports intérieurs, eux, sont en bois, tout comme les garnitures de fenêtres. Les toits plats sont recouverts d’un mélange combustible de gravier et de goudron. Les pare-feu et les systèmes de gicleurs sont rares. De minces puits de lumière en verre dépourvus de toute protection permettent la prolifération des incendies d’un immeuble à l’autre. On laisse ouverts les escaliers et les cages d’ascenseur.

Le conseil municipal de Toronto rejette toute tentative visant à promulguer des règlements de construction plus stricts. Dans son rapport annuel de 1901, le chef des pompiers, John Thompson, met en garde contre les obstacles créés par les fils extérieurs dans la lutte contre les incendies. Cependant, la Ville ignore sa demande de les faire retirer. Les électeurs, pour leur part, s’opposent en 1901 à la tenue d’un référendum concernant le financement d’un système d’eau sous haute pression.

On ne parviendra jamais à déterminer la cause exacte de l’incendie. Les théories formulées à l’époque évoquent soit un câblage défectueux, soit un tuyau surchauffé provenant d’une chaudière ou d’un poêle.

Le grand incendie de Toronto (1904)

La rue Bay, côté ouest, en regardant vers le sud-ouest depuis le nord de la rue Wellington Ouest.

Impact et héritage

L’incendie ravage 20 acres au cœur de la ville, détruisant au moins 98 immeubles abritant pas moins de 220 commerces. Jusqu’à 6 000 personnes se retrouvent soudainement au chômage. Les pertes sont estimées à 10 millions de dollars.

Un vote public mené en janvier 1905 débouche, quatre ans plus tard, sur l’introduction d’un système de distribution d’eau à haute pression. Les hausses des tarifs d’ assurance incitent les propriétaires à se munir de systèmes de gicleurs. Cependant, les codes de construction actualisés ne prévoient aucune disposition sur l’enfouissement des fils. Les fils exposés demeureront donc un risque d’incendie jusqu’aux années 1920.

Selon le directeur général de la Banque canadienne de commerce, Edmund Walker, l’incendie n’est qu’un «arrêt momentané de la prospérité de Toronto». La plupart des immeubles reconstruits sont faits de béton armé et d’acier. Beaucoup d’entre eux présentent également une ornementation beaucoup plus simple. Ce qui était autrefois un quartier destiné au commerce de gros fait maintenant partie intégrante du nouveau quartier financier de la ville. Bon nombre des structures de remplacement sont démolies au cours des années 1960 et 1970; on y érige des tours de bureaux. La nouvelle gare Union (1930) et le poste de douane (1935) constituent les dernières structures érigées dans les zones touchées par l’incendie.

Si personne n’est tué pendant l’incendie, les travaux qui le suivent coûtent quand même la vie à un homme. Le 4 mai 1904, le dynamiteur John Croft pose des charges sous le mur restant d’un immeuble de la rue Front Ouest. L’explosion attendue ne se produisant pas, il décide d’aller inspecter le mur. Le détonateur, plus lent que prévu, se met pourtant en marche, causant à John Croft de multiples blessures. Il décède le lendemain.

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