Le Canada et la Force d'urgence des Nations Unies | l'Encyclopédie Canadienne

Éditorial

Le Canada et la Force d'urgence des Nations Unies

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Le maintien de la paix est depuis longtemps considéré la spécialité du Canada. Ce concept moderne est mis de l’avant en 1956 par la crise du canal de Suez qui aboutit à la création de la Force d’urgence des Nations Unies (FUNU). La mise sur pied de cette force vaut à Lester B. Pearson, le ministre des Affaires extérieures du Canada, le prix Nobel de la paix et confère au Canada la réputation de gardien de la paix. Ce dernier envoie les premiers gardiens de la paix en Égypte le 24 novembre 1956.

Spr Ed Leatherwood et Spr Brock Matthews cherchent les mines près du canal Suez (DDN).

Ce qui motive surtout le Canada dans la charte des Nations Unies de 1945, c’est l’idée de répandre dans le monde la primauté du droit et d’établir ainsi un cadre pour régler les litiges et limiter la violence. Dans les années 1950, Pearson comprend que, pendant les crises internationales, il faut qu’une force indépendante de l’ONU assure un cessez-le-feu jusqu’à ce qu’un règlement politique soit conclu. Ce besoin est manifeste lorsque la guerre de Corée éclate.

Puisque la charte permet aux Nations Unies de mener des opérations militaires, l’ONU forme une armée, et le Canada contribue à cet effort en combattant pour les Nations Unies, et non pour la Corée. Sous le commandement du général MacArthur, les forces américaines battent les troupes nord-coréennes, mais ne mettent pas fin à « l’intervention militaire », comme l’appelle Harry Truman, le président des États-Unis. Le Canada commence par appuyer la condamnation de la Corée par les États-Unis, puis découvre bientôt qu’il faut freiner l’impétuosité des Américains pour éviter que la Chine communiste s’engage dans le conflit, ce qui pourrait précipiter une guerre mondiale.

L’engagement des Nations Unies à construire une « Corée unifiée, indépendante et démocratique » ne se concrétise pas. L’ONU apparaît désormais comme le laquais des États-Unis. Il est clair que, dans une situation internationale comme celle qui voit le jour en Égypte, le 26 juillet 1956, l’ONU doit se dissocier des ambitions de tout pays.

Quand, à cause de l’amitié croissante de l’Égypte avec la Tchécoslovaquie et l’URSS, les États-Unis et la Grande-Bretagne retirent leur aide financière au projet du barrage d’Assouan, le premier ministre égyptien, Gamal Abdel Nasser, nationalise le canal de Suez. En fait, les Américains en voulaient déjà à l’Égypte d’avoir reconnu la Chine communiste. La Grande-Bretagne et la France craignent que Nasser ferme le canal afin de bloquer le transport de pétrole entre le golfe Persique et l’Europe de l’Ouest. Nasser applique la loi martiale autour du canal.

Le 29 octobre, Israël attaque l’Égypte. Les Égyptiens, bien armés mais mal dirigés, ne font pas le poids. La France et la Grande-Bretagne, déclarant vouloir arrêter les combats et maintenir le canal ouvert, envoient elles aussi des troupes en Égypte après que ce dernier rejette leur ultimatum. Pearson les soupçonne de vouloir renverser Nasser, qui a résisté à tout contrôle colonial sur l’Égypte. Quoi qu’il en soit, aucun des pays ne prévoit la réaction de la communauté internationale à ces hostilités.

Le 1er novembre, dans une session d’urgence, l’Assemblée générale des Nations Unies condamne les trois agresseurs. L’Assemblée choisit son camp lorsque les États-Unis réclament un cessez-le-feu immédiat. Pour sa part, Pearson sait que l’appui du Canada indisposerait la Grande-Bretagne et la France. De plus, un cessez-le-feu serait inefficace sans dispositif permettant de le surveiller et de l’appliquer. Il s’abstient donc de voter, une tactique pour se donner du temps en vue de parachever son plan.

Soldats canadiens en convoi de véhicules de combat légers Iltis, patrouillant la Ligne Verte près de Nicosie (avec la permission du Quartier général de la Défense).

Dans son discours devant l’Assemblée, Pearson soutient qu’un cessez-le-feu ne suffit pas. « Dans six mois, tout va recommencer si nous ne profitons pas de cette crise [...] pour en venir à un règlement politique. » Il suggère de créer une force d’urgence spéciale pour maintenir la paix sur la frontière israélo-égyptienne en attendant un règlement.

La résolution en faveur du plan de Pearson est adoptée le 4 novembre. La Force d’urgence des Nations Unies (FUNU), première force de maintien de la paix de l’histoire, est créée et placée sous le commandement du général canadien E.L.M. Burns.

Toutefois, un problème survient au cours du processus de planification. Le régiment choisi est celui des Fusiliers de la Reine. Bien qu’elle reconnaisse l’indépendance du Canada, l’Égypte souligne que les uniformes, le nom du régiment et les drapeaux canadiens ressemblent à ceux de la Grande-Bretagne. Pour l’Égyptien moyen, il est impossible de distinguer les Canadiens des Britanniques. Le choix du régiment est annulé, mais le Canada déploie néanmoins 300 militaires de service en novembre, qui seront plus tard suivis par un peloton de reconnaissance et des troupes de soutien administratif. En janvier 1957, plus de 1100 militaires canadiens sont déjà stationnés en Égypte.

En mai 1967, l’Égypte exige le retrait des troupes de la FUNU. En 1973, le Canada participe à une deuxième opération de la force d’urgence – FUNU II – après la guerre israélo-arabe du Yum Kippour.

Si l’initiative des Nations Unies ne met pas fin à la guerre, elle réduit néanmoins la probabilité de grandes guerres. La crise de Suez est un événement important dans les relations du Canada avec la Grande-Bretagne. Le Canada, qui jusqu’alors a toujours obtempéré automatiquement aux demandes impériales, tient cette fois sa propre position.