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Marie Deschamps

​Marie Deschamps, C. C., juge de la Cour suprême du Canada (2002-2012), juriste québécoise, avocate, et éducatrice, est née le 2 octobre 1952 à Repentigny, QC.

Marie Deschamps, C. C., juge de la Cour suprême du Canada (2002-2012), juriste québécoise, avocate, et éducatrice, est née le 2 octobre 1952 à Repentigny, QC. En tant que juge de la Cour suprême, elle se fait remarquer par son empressement à faire dissidence à la majorité au nom de ses principes, et par les nombreux exposés des motifs perspicaces qu’elle a présentés pendant plusieurs dossiers à la Cour suprême. Elle se fait aussi connaître pour ses services à la profession juridique, notamment pour son soutien à l’avancement de l’éthique et de l’éducation professionnelle.

Éducation et début de carrière

Marie Deschamps obtient sa LLL (License en droit) à l’Université de Montréal en 1974 et sa maîtrise en droit (LL.M) à l’Université McGill en 1983.

Après son admission au barreau du Québec en 1975, elle exerce son métier chez plusieurs firmes québécoises entre 1975 et 1990. Elle consacre le début de sa carrière d'avocate au conseil juridique pour les affaires criminelles. Elle consacre le reste de sa carrière au droit civique, commercial et familial. Elle participe également au développement de la loi en siégeant à des groupes consultatifs pendant la révision de la Loi sur la faillite (1986) et en conseillant le Tribunal de la concurrence (1986-1990).

Carrière judiciaire

Sa carrière judiciaire débute par sa nomination à la Cour supérieure du Québec en 1990. En 1992, elle est nommée à la Cour d’appel du Québec où elle sert pendant dix ans. Elle développe une expertise particulière pour les cas complexes en droit commercial et corporatif. Elle rend aussi jugement sur plusieurs affaires criminelles de premier plan.

En 2002, le premier ministreJean Chrétien la nomme à la Cour suprême du Canada. En tant que juge puîné (un juge autre que le juge en chef de la cour), elle succède à Clair l’Heureux-Dubé. Elle est la deuxième femme provenant de la Cour d’appel du Québec à être nommée à la Cour suprême.

Pendant ses dix ans de service à la Cour suprême, Deschamps écrit fréquemment sur ses dossiers et se fait connaître pour la concision et la perspicacité de ses commentaires. Les juges de la Cour suprême peuvent choisir d’écrire en agrément (accord) ou en dissidence (désaccord) avec la décision finale de la majorité ou les opinions écrites des autres juges. Ces explications, arguments et opinions (appelés motifs) sont publiés par la Cour suprême avec son jugement formel de chaque cas. Après sa première année de service à la Cour suprême, Marie Deschamps s’était déjà fait connaître pour avoir écrit davantage de motifs et avoir fait dissidence plus fréquemment que tous se ses collègues.

Elle prend sa retraite le 7 août 2012. En date du 31 juillet 2012, elle avait entendu 682 dossiers et rendu 117 jugements. De ceux-ci, 27 étaient unanimes, 25 étaient majoritaires, et 44 étaient en dissidence.

Dossiers marquants à la Cour suprême

Plusieurs des dossiers sur lesquels elle travaille à la Cour suprême attirent l’attention des médias à cause de leurs importantes implications pour tous les Canadiens

Dans Canadian Foundation for Children, Youth and the Law v. Canada (2004), la Cour suprême décide que, en tenant compte de plusieurs facteurs, les parents, professeurs et aidants ont droit d’utiliser avec modération à la force physique contre les enfants. Deschamps se fait remarquer pour son désaccord avec la décision de la majorité. Ses motifs incluent son opinion que la Section 43 du Code criminel (la justification du châtiment corporel) est inconstitutionnelle parce qu’elle permet la violation des droits égaux des enfants tels que définis par la Charte des droits et libertés.

En 2005, elle joue un rôle important dans Chaouli v. Québec, un dossier très controversé qui teste les limites du système de santé publique du Canada : un patient québécois et son docteur affirment que le long temps d’attente pour l’accès public au traitement avait violé les droits du patient comme stipulé dans la charte provinciale des droits et libertés, parce que la décision de Québec d’interdire les régimes privés d’assurance maladie avait empêché le patient de trouver un traitement dans des délais acceptables. Marie Deschamps jette le vote décisif, et la cour décrète que l’interdiction des services privés d’assurance maladie par Québec est bel et bien inconstitutionnelle selon la Charte québécoise. Cependant, en écrivant l’opinion de la majorité, elle décide de mettre fin au blocage additionnel qui aurait pu décider si une interdiction à l’accès individuel aux soins de santé viole aussi la Charte canadienne. Cette affaire, ainsi que l’opinion que Deschamps écrit pour la cour, provoque un débat public animé sur le rôle du privé dans le système de santé.

En 2010, un autre dossier, Canada (Prime Minister) v. Khadr, engendre à la fois beaucoup d’éloges et bien des critiques dans la sphère publique. La Cour décide qu’elle n’a pas l’autorité d’ordonner le gouvernement fédéral de rapatrier Omar Khadr, un citoyen canadien incarcéré à Guantanamo Bay par le gouvernement américain. Cependant, la cour déclare que le traitement d’Omar Khadr par le gouvernement canadien avait violé les droits qui lui étaient garantis par la Charte. Dans cette affaire, elle a voté avec une cour unanime.

Dans Crookes v. Newton (2011), la cour déclare que les auteurs et éditeurs de sites internet ne peuvent être tenus responsables pour les matériaux diffamatoires accessibles à partir de leurs sites. Cette décision se base en partie sur leur assertion que créer des liens hypertextes n’est pas un acte de publication. Marie Deschamps s’oppose au jugement. Parmi les raisons citées, elle mentionne le risque que les créateurs de sites web se croient libres de promouvoir des textes et autres documents diffamatoires simplement en créant des liens pour y accéder.

Philosophie judiciaire

En dépit de sa réputation de dissidente invétérée, elle a beaucoup parlé de l’importance de la prise de décision collective et partagée. Elle est connue pour son soutien fervent de la Charte des droits et libertés, qu’elle considère un outil essentiel à tout travail à la Cour suprême. Elle souligne également le rôle non législatif de la cour, cas sa tâche est d’interpréter et appliquer la loi tant en lettre qu’en esprit. Ses décisions sont guidées par l’idée que seuls les législateurs devraient créer et changer les lois.

Elle soutient donc que les jugements majoritaires de la Cour suprême sont plus importants que les opinions des juges qui la composent. Les jugements de la cour, comme elle l’a souligné, présentent plusieurs opinions et le travail de chaque membre de la cour, y compris les plaidants. La valeur de la Cour suprême en tant qu’ultime cour d’appel provient de l’institution elle-même. Marie Deschamps reconnaît cependant que la valeur des opinions dissidentes découle du fait qu’elles diffèrent de la majorité, et peuvent elles aussi aider à l’évolution de la loi en étant référencées par des avocats dans d’autres affaires.

En général, l’ex-juge a partagé son inquiétude de la tendance sociétale de favoriser les droits individuels au détriment des droits collectifs. Elle fait valoir que les droits individuels demandent une protection absolue dans certains cas (par exemple, lorsque des injustices sont causées par des preuves peu fiables lors d’affaires criminelles). Cependant, en dehors de ces circonstances, des limites devront être imposées à la liberté individuelle dans l’intérêt d’une société paisible et fonctionnelle.

Enseignement et Service

Marie Deschamps a longtemps encouragé le développement de la profession légale, particulièrement l’enseignement supérieur. Tôt dans sa carrière (de 1986 à 1991), elle est membre de deux conseils de l’Université de Montréal. Elle participe à des séminaires d’avocat pendant plus de 25 ans pour l’Université de Montréal et le barreau du Québec. Elle est aussi professeure associée à l’Université de Sherbrooke depuis 2006 et à l’Université McGill depuis 2012.

Son intérêt pour l’éducation de jeunes professionnels du droit découle de sa conviction que l’éthique professionnelle devrait être une partie intégrale de la formation juridique. C’est pour des raisons semblables qu’elle a dirigé le programme des auxiliaires juridiques à la Cour suprême pendant huit ans.

Elle milite avec ferveur pour que tous les Canadiens aient accès à la justice. Elle est membre et administratrice de Pro Bono Canada, un organisme national sans but lucratif qui encourage et soutient les programmes provinciaux visant à fournir de l’aide judiciaire gratuite à ceux qui en ont besoin.

Honneurs et prix

Doctorat honorifique en droit, Université de Montréal (2008)

Compagnon, Ordre du Canada (2013), « pour ses nombreuses contributions en tant que juriste et pour son dévouement à l’égard de la formation des jeunes ».

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