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Médicaments, abus de

Bien que la mauvaise utilisation des médicaments soit concomitante à leur apparition, il n'existe pas de définition universelle du terme « abus de médicaments ».

Médicaments, abus de

Bien que la mauvaise utilisation des médicaments soit concomitante à leur apparition, il n'existe pas de définition universelle du terme « abus de médicaments ». Au sens large, on englobe sous ce terme toutes les déviations à l'ordonnance du médecin, comme l'oubli d'une dose ou l'absorption d'une quantité insuffisante ou excessive. Le plus souvent, l'expression désigne cependant la consommation délibérée de substances psychotropes dans l'intention de modifier l'humeur, la perception, la pensée ou le comportement. Outre les drogues illicites, plusieurs types de médicaments délivrés sur ordonnance ont cet effet sur les fonctions cérébrales. Si une substance psychotrope produit des effets perçus comme bénéfiques (sensation agréable, soulagement d'un état dépressif ou anxieux), l'individu peut être amené à la consommer de façon répétée. Chez certains, le lien entre la substance et la sensation de bien-être devient si fort qu'ils en viennent à acquérir une dépendance psychologique, parfois même physique, à cette substance et négligent les moyens plus appropriés au règlement de leurs problèmes.

Cette accoutumance peut entraîner des problèmes sociaux, être la cause de mariages brisés ou de la perte d'un emploi (il se peut toutefois que ces problèmes aient été la cause de la consommation de psychotropes). Les complications médicales sont également fréquentes. Les personnes acquièrent une tolérance au médicament. À mesure que le corps s'adapte à la présence de la substance et que l'effet désiré diminue, l'utilisateur compense en augmentant la dose et multiplie, par le fait même, les risques d'effets secondaires dangereux (p. ex. un arrêt respiratoire provoqué par des barbituriques). Si le médicament cesse soudainement d'être administré, le corps continue à réagir comme s'il était toujours présent. Pour un grand nombre de médicaments, ce phénomène entraîne des symptômes de sevrage qui sont habituellement à l'opposé des effets initiaux du médicament. Par exemple, l'abandon de sédatifs provoque une hyperexcitation des cellules nerveuses (anxiété, tremblement et dans certains cas aigus, crises d'épilepsie et hallucinations), tandis que la léthargie et la dépression sont liées à l'abandon des stimulants.

Les médicaments psychotropes délivrés sur ordonnance qui prêtent à la surconsommation se classent dans trois catégories : les analgésiques opiacés, les sédatifs hypnotiques et les stimulants. D'autres médicaments utilisés en PSYCHIATRIE, tels les tranquillisants antipsychotiques, les antidépresseurs et le lithium, ont des effets désagréables chez les personnes normales et sont donc rarement utilisés à des fins non médicales. Néanmoins, les médicaments ne sont pas toujours utilisés selon l'ordonnance et leur mauvaise utilisation peut causer des effets fâcheux.

Les opiacés (qu'on appelle parfois analgésiques narcotiques) proviennent du pavot asiatique ou sont obtenus par synthèse. Ce sont l'héroïne, la morphine, la méthadone, la mépéridine et la codéine. Ils sont surtout utilisés pour soulager la douleur bien qu'on les emploie également comme antitussifs et parfois comme antidiarrhéiques. Compte tenu de leur fort potentiel de dépendance, leur distribution et leur vente sont strictement réglementées. Au cours des 10 dernières années, les personnes qui consomment des opiacés d'ordonnance à des fins non médicales se sont tellement multipliées au Canada que dans certaines strates de patients sous traitement médical, leur nombre a dépassé celui des consommateurs d'héroïne vendue sur la voie publique. Il est difficile de mettre ces médicaments à la disposition de ceux qui en ont vraiment besoin tout en en restreignant l'accès pour ceux qui en font un usage illicite. Les consommateurs se les procurent par des moyens illégaux, en contrefaisant des ordonnances, en volant dans les pharmacies ou en simulant des malaises douloureux et difficiles à diagnostiquer (comme les douleurs lombaires).

Les médicaments les plus en demande sont la mépéridine (DemerolMD), l'oxycodone (sous la forme de PercodanMD) et la codéine, à effets analgésiques, ainsi que l'hydromorphone et l'hydrocodone, qui sont des antitussifs (et qu'on retrouve respectivement dans les sirops contre la toux DilaudidMD et Novahistex DHMD). Contrairement à l'héroïne vendue illégalement sur la voie publique, les opiacés obtenus sur ordonnance sont purs et un grand nombre agissent par voie orale. Ce mode d'absorption élimine les risques associés aux injections. La dépendance envers les opiacés délivrés sur ordonnance est du même ordre que l'héroïnomanie sur le plan des effets secondaires qu'elle engendre et se traite de la même façon, c'est à dire par remplacement du médicament par de la méthadone ou encore par abstinence en milieu protégé. Compte tenu du fort potentiel de dépendance des opiacés, les médecins hésitent plus qu'autrefois à les prescrire aux personnes qui souffrent de douleurs chroniques. On préfère, dans ces cas, des thérapies non pharmacologiques. Chez les malades en phase terminale, le souci primordial est de soulager la douleur de façon efficace et durable, et l'on cesse d'administrer les analgésiques seulement si leurs effets secondaires mettent la vie du patient en danger. Après bien des débats au sein de la population, le gouvernement a légalisé l'administration d'héroïne à ces malades. Dans la pratique, les médecins choisissent cependant la plupart du temps de prescrire d'autres analgésiques puissants.

On appelle sédatifs hypnotiques les médicaments d'ordonnance qui ralentissent l'activité du système nerveux central. Parmi eux, on trouve les barbituriques, les anesthésiques généraux, les anxiolytiques (p. ex. la benzodiazépine) et un certain nombre de sédatifs non barbituriques. On prescrit ces substances pour combattre l'anxiété, favoriser le sommeil, prévenir ou traiter les crises d'épilepsie ou encore induire l'anesthésie chirurgicale. Elles peuvent toutes entraîner une dépendance chez certaines personnes.

On utilise les barbituriques depuis le début du XXe siècle. Bien que les dangers qu'ils présentent (dépression respiratoire grave, fort potentiel de dépendance et réactions parfois mortelles de sevrage) soient universellement reconnus depuis longtemps, il n'existait pas de produits de substitution sans danger jusqu'à tout récemment. La quantité de barbituriques prescrits a toutefois diminué considérablement depuis l'introduction des benzodiazépines au Canada dans les années 60. Les barbituriques à action rapide tels que le sécobarbital (SeconalMD) font encore l'objet d'une consommation illégale, car ils ont un effet rapide et ce sont eux qui créent le plus grand sentiment d'euphorie. Ils sont souvent administrés pour augmenter les effets d'autres sédatifs hypnotiques ou pour faire cesser les effets désagréables de l'usage prolongé de stimulants.

À l'origine, on croyait que les benzodiazépines (en 1986, 13 variétés étaient vendues au Canada) présentaient peu de dangers et un faible potentiel de dépendance. C'est pourquoi on les prescrit alors abondamment pour favoriser le sommeil (flurazépam « DalmaneMD » et triazolan « HalcionMD ») et pour combattre l'anxiété, ce qui est le cas du diazépam, vendu au Canada sous huit appellations commerciales, notamment ValiumMD, et sous une appellation générique par quatre compagnies, du chlordiazépoxide (LibriumMD) et de l'oxazépam (SeraxMD). La plupart des médecins pensent que ces médicaments ne présentent aucun danger à court terme (moins de quatre semaines), mais s'interrogent sur la valeur d'un traitement prolongé, car, lorsqu'un traitement aux tranquillisants est interrompu, les symptômes initiaux d'anxiété réapparaissent souvent. Cet état peut être temporairement aggravé par l'apparition de symptômes de sevrage, qui sont généralement moins pénibles que ceux provoqués par l'arrêt des barbituriques ou de l'alcool, mais qui peuvent quand même inciter l'individu à reprendre le médicament. La consommation prolongée de ces médicaments affecterait la mémoire ainsi que d'autres fonctions cérébrales. Les médecins hésitent donc de plus en plus à prescrire des benzodiazépines pour plus d'un mois sans surveillance médicale.

Au Canada comme ailleurs, les benzodiazépines sont prescrites deux fois plus souvent aux femmes qu'aux hommes et beaucoup plus fréquemment aux personnes âgées qu'aux jeunes (voir FEMMES ET SANTÉ). C'est une prescription fréquente chez les malades chroniques. Ces différences de traitement suscitent de nombreux débats sur les pratiques de prescription des médecins, surtout parmi ceux qui estiment que l'on administre des tranquillisants aux femmes pour des problèmes qu'il vaudrait mieux essayer de résoudre par des méthodes plus constructives. Les statistiques canadiennes indiquent que la grande majorité des utilisateurs de benzodiazépines (entre 90 p. 100 et 95 p. 100) suivent leur prescription, mais si on tient compte du nombre élevé d'ordonnances, les 5 p. 100 qui restent représentent un nombre important de consommateurs dont certains auraient besoin d'une aide médicale pour cesser la consommation du médicament. Les benzodiazépines (particulièrement le diazépam) sont parfois utilisées à des fins non médicales pour augmenter l'effet des drogues psychotropes, y compris l'alcool.

Les sédatifs hypnotiques non barbituriques offrent peu d'avantages thérapeutiques sur les benzodiazépines. Celui qui a fait l'objet de la plus forte surconsommation est la méthaqualone, bien qu'au Canada le problème ne semble pas aussi important qu'ailleurs. La production de ce médicament est devenue illégale aux États-Unis, mais au Canada, on en fabrique encore en petite quantité. Les réserves légales susceptibles d'être détournées vers le marché noir ont donc diminué, mais la consommation illicite d'autres médicaments de la même catégorie pourrait augmenter par le fait même.

On appelle « stimulants » une vaste catégorie de substances parmi lesquelles il faut classer les amphétamines et les drogues connexes, ainsi que la cocaïne, la caféine et la nicotine. Au début, on prescrivait des amphétamines pour lutter contre plusieurs désordres, tels l'obésité, la dépression et la léthargie. Toutefois, leur faculté de produire une forte stimulation et d'engendrer l'euphorie a entraîné une consommation aux proportions épidémiques au Japon, en Suède, aux États-Unis et dans d'autres pays.

En raison de leur potentiel de dépendance élevé et de leur inefficacité à long terme comme produit anorexigène, leur utilisation comme « amaigrisseurs » est sévèrement réfrénée au Canada en 1972. La prescription d'amphétamines et de méthylphénidate (RitalinMD) est limitée au traitement de quelques rares désordres comme l'hyperactivité chez les enfants et la narcolepsie. La consommation de certains médicaments (comme la phenmétrazine) est totalement supprimée et d'autres substances anorexigènes moins puissantes, telles le diéthylpropion (TenuateMD), ont été rangées dans la catégorie des drogues contrôlées en vertu de la Loi des aliments et drogues. Depuis le milieu des années 70, on constate une baisse importante de la surconsommation des amphétamines fabriquées légalement et des méthamphétamines de synthèse produites illégalement. Toutefois, on note une augmentation de la consommation illicite de cocaïne et de stimulants légers en vente libre (tels l'éphédrine, le phénylpropanolamine, la caféine et le propylhexadrine), qui sont vendus comme décongestionnants et comme « excitants ». Tous ces médicaments, consommés en quantité suffisante, peuvent provoquer des effets secondaires toxiques.

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