Balado États de service épisode 3 : Évasion | l'Encyclopédie Canadienne

Project Mémoire

Balado États de service épisode 3 : Évasion

La série de balados États de service est présentée par le Projet Mémoire, un programme d’Historica Canada. Dans cette série, nous vous présenterons des entrevues avec des vétérans canadiens –leurs vies, leurs pertes et leur service militaire – afin de construire un portrait des expériences de prisonniers de guerre canadiens. (Cliquez ici pour la série au complet.)

Nous aborderons le thème de l’évasion en examinant des tentatives d’évasion — certains favorables, d’autres non. Les récits de Jacques Nadeau, Pierre Bauset, Tony Hubert, Allan Smith et John Ivan Anderson mettront en lumière leurs plans, leurs facilitateurs et toute sorte de défis. L’épisode traite aussi de la résistance française et la Grande Évasion.

Crédits: Evgeny Grinko– Winter Sunshine

Transcription

Jacques Nadeau : « Le 1er septembre après qu’on débarquait en Pologne dans un stalag numéro VIII B. Puis c’est là qu’on a été pendant pas mal longtemps. Et puis j’ai tenté trois évasions. »

Stéphanie Zidel : Bienvenue à la série de balados États de service présenté par le Projet Mémoire, un programme de Historica Canada. Ici, votre animatrice Stéphanie Zidel. Dans cette série, nous vous présenterons des entrevues avec des vétérans canadiens. Ils vous raconteront le récit de leurs vies, de leur perte et leur service militaire. Cette série nous permettra d’explorer différents extraits issus de témoignages du Projet Mémoire de manière non chronologique. Aujourd’hui, nous aborderons le thème de l’évasion.

Tout d’abord, un avertissement. Certaines histoires pourraient ne pas convenir à un jeune public.

Au cours du dernier épisode, nous avons abordé les conditions dans les camps de prisonniers de guerre en Europe et en Asie lors de la Deuxième Guerre mondiale. Aujourd’hui, nous allons porter notre attention sur des tentatives d’évasion. Les mois de détention et de privation ont mis la santé physique et mentale de chaque soldat à l’épreuve. En Europe, la situation s’est aggravée lorsque les troupes allemandes ont commencé à se débattre. Le moral des Allemands a plongé après la catastrophe que fut la bataille de Stalingrad. Au même moment, les Alliés gagnent progressivement du terrain et ont lancé une campagne de bombardements contre les zones industrielles allemandes. À ce point, les Allemands peinaient à préserver la capacité de leurs bataillons, escadrilles, navires et usines. Ils furent alors obligés d’adopter un processus de recrutement forcé, c’est-à-dire qu’ils forcèrent des mineurs et des recrues des pays occupés à s’enrôler. Revenons à l’histoire de Jacques Nadeau. Il n’a pas pu éviter la capture parce qu’un soldat allemand l’a chatouillé alors qu’il feignait d’un être mort durant le raid de Dieppe. Il a fait partie de près de deux mille Canadiens qui sont devenus prisonniers après l’échec de cette opération. Rendue dans le Stalag VIII B en Pologne, il a tenté de s’évader à trois reprises.

Jacques Nadeau : « Les deux premières n’ont pas marché, la dernière ça a été en janvier 1945. Les Russes sont passés par l’endroit où on était. On avait été changé de stalag : on était en Poméranie, en premier j’étais en Haute-Silésie en Pologne, mais là on était en Allemagne dans ce temps-là, en Poméranie. Aujourd’hui c’est polonais à nouveau. Et puis on s’est caché, et puis quand les Russes sont arrivés on est sorti. »

SZ : Il a donc profité de cette occasion.

Jacques Nadeau : « Moi je suis revenu en Angleterre le 1er avril après avoir traversé la Pologne et puis la Russie, jusqu’à sur la mer Noire. En haut de ça c’est là qu’un paquebot de la Canadian Pacific Steamship Line est venu nous chercher. Je suis arrivé en Angleterre par l’entremise de la mer Noire, la mer Égée et à Malte on a changé de bateau. Celui-là a arrêté à Alger et puis d’Alger à Gibraltar et puis à Gibraltar on a attendu un couple de jours pour que le convoi se fasse parce que la guerre n’était pas encore finie, il y avait encore des sous-marins et puis éventuellement je suis débarqué en Angleterre le 1er mai. De là éventuellement je suis revenu au Canada à bord du Britannia, un paquebot qui avait été bâti juste avant la guerre et puis je suis arrivé à Halifax le 23 mai et puis le lendemain j’arrivais à Montréal. La famille m’attendait là! »

SZ : Pierre Bauset est né à Montréal. Il s’est enrôlé dans l’Aviation royale canadienne à l’âge de 18 ans. Quand son avion a été abattu en France occupée à la fin de 1943, il a réussi à échapper aux Allemands avec l’aide des résistants français. Il n’est jamais tombé entre les mains des Allemands ni leurs collaborateurs.

Pierre Bauset : « J’ai réussi à m’évader avec l’aide de la Résistance. Ils m’ont hébergé, ils m’ont habillé, ils m’ont nourri et ils m’ont procuré le transport. C’étaient toujours des opérations qui étaient clandestines, remarquez bien. J’ai fini novembre et décembre en France, surtout à Paris. Et au début de janvier, je suis passé en Suisse, où je suis resté jusqu’au mois de septembre 1944. Le 1er septembre 1944, j’ai retraversé la frontière suisse pour retourner en France et, subséquemment, retourner en Angleterre à la mi-septembre 1944. Alors cette période active de ma guerre a été très, très mouvementée. Je suis resté avec des souvenirs très vifs, surtout avec le souvenir des gens qui m’ont aidé pendant ma période d’évasion en France. Ce sont des gens héroïques qui nous ont aidés. Les gens qui m’ont aidé étaient des gens qui risquaient tout. Mes assistants primaires, si vous voulez, ceux qui m’ont hébergé le plus longtemps à Paris étaient des Juifs… étaient classé Juifs par les Allemands, et ils risquaient tout. Si jamais ils avaient été découverts, c’était une cour martiale sommaire sur place et toute la famille passait à la fusillade. »

SZ : Comme monsieur Bauset reconnaissait avec immense gratitude, ses hôtes ont pris des risques impensables pour la grande majorité des Juifs en France à cette époque. Après la défaite de la France et la signature de l’armistice en 1940, les Allemands et les dirigeants du régime de Vichy ont forcé les Juifs à porter l’étoile jaune et à s’enregistrer auprès du Commissariat général aux questions juives. Les arrestations ont commencé dès 1940 et la première rafle a eu lieu en mai 1941. Les déportations aux camps d’extermination, dont Auschwitz, ont débuté en 1942 et au mois de juillet de cette même année a eu lieu la plus grande arrestation de Juifs réalisée en France. Cette arrestation est connue sous le nom de la rafle du Vélodrome d’Hiver, où 13 000 Juifs ont été arrêtés et déportés.

Un autre soldat canadien, Tony Hubert, s’est joint à la Résistance française après avoir échappé de justesse au colonel Kurt Meyer, un vicieux commandant du Waffen-SS. Sous le commandement du colonel Meyer, la douzième division blindée allemande a commis l’un des pires crimes de guerre subis par les Canadiens au long de la guerre. Cent cinquante-six prisonniers canadiens ont été exécutés peu après le débarquement du jour J en 1944 par cette division. Monsieur Hubert n’a pas connu le même sort.

Tony Hubert : « I joined the Ordnance Corps from the start… »

Doublage : « J’ai ensuite été transféré aux Carabiniers de Winnipeg. Mon numéro de matricule est le 864804. J’étais avec la Compagnie A. J’ai tout fait mon entraînement avec eux et nous avons débarqué sur les plages de la Normandie en France, le 6 juin 1944. Le 8juin, j’ai été capturé par les SS, les troupes SS de Kurt Meyer. Nous avons été emprisonnés au Stalag XII A en France. On nous a empilés dans des wagons et transportés en Allemagne. J’ai pu m’évader du wagon avec quelques codétenus. Nous avons été chanceux d’entrer en communication avec la Résistance française. Ils nous ont accueillis. Moi, je suis resté avec eux jusqu’à ce qu’ils rejoignent l’armée française de De Gaulle, venue d’Afrique. Nous avons combattu dans les Alpes, entre l’Allemagne et la France. J’ai été blessé lors d’un accident de voiture. Je conduisais une jeep lorsque j’ai perdu le contrôle. Je me suis retrouvé à l’hôpital pour un bout de temps. J’ai communiqué avec une base de l’aviation qui se trouvait dans la même ville. Ils ont organisé mon voyage de retour en Angleterre. La Résistance était bien organisée et il me semble que j’ai été un héros là-bas. J’ai pu appliquer mes connaissances pour faire l’entretien de leurs armes légères et j’ai participé au raid des villes. On m’a décerné la Croix de Guerre. »

Brigitte d’Auzac : Bonjour, mon nom est Brigitte d’Auzac, vice-présidente de Historica Canada. La façon dont nous voyons le monde aujourd’hui est influencée en grande partie par notre passé. Le bon comme le mauvais. C’est là qu’entrent en jeu nos balados, des balados comme Pensionnats indiens. Une série en trois parties créée afin d’honorer les histoires des survivants, de leurs familles et communautés et afin de commémorer l’histoire et l’héritage des pensionnats indiens au Canada.

Riley Burns : « Je ne voulais pas être un Indien. Je ne savais pas qui je voulais être. Je n’étais pas accepté par l’homme blanc et je n’étais pas accepté par mon propre peuple dans ma réserve. »

Brigitte d’Auzac : Inscrivez-vous aux baladodiffusions de Historica Canada pour une exploration en profondeur de notre passé. Vous pouvez écouter Pensionnats indiens sur Apple Podcast, Spotify ou en visitant l’Encyclopédie canadienne.ca. Ne cessez jamais d’apprendre.

SZ : Comme vous avez pu remarquer, l’évasion a été souvent rendue possible par les résistants qui se battaient contre leur propre nation et voulaient mener à la libération de leur peuple. Cependant, Allain Smith, un aviateur, n’a pas eu cette chance. Lors de sa huitième mission, son avion a été abattu alors qu’il circulait clandestinement en France occupée et s’est retrouvé devant un barrage routier de la police allemande. Il a été capturé par la Gestapo, qui l’a rapidement transporté au centre pénitentiaire de Fresnes.

Allain Smith : « They pulled us right out of the vehicle... »

Doublage : « Ils nous sont sortis du véhicule. Ils savaient qu’on venait et ils ne nous ont pas traités d’une manière très sympathique. Alors, ils ont mis deux gardes avec nous et ont repris. Ils ont dit au chauffeur de continuer sa route et après un court trajet, on est arrivé à la prison de Fresnes. C’était un sale endroit. Un bâtiment de quatre étages avec plus de 1 500 cellules. L’entrée des camps de concentration, ça s’appelait. Un endroit dégoûtant. Des rongeurs avec des puces et toutes sortes de bestioles. Il y avait régulièrement des exécutions et on entendait des hurlements toute la nuit, et aussi le bruit des tirs de fusils des exécutions. Le 15 août, la prison a été évacuée, y compris les 168 aviateurs. On nous a mis dans un train qui pouvait contenir une quarantaine d’hommes ou une huitaine de chevaux. Et bien sûr, les Allemands ne savaient pas très bien parler et ils nous ont entassés par centaines dans chaque wagon à bestiaux. Ça a été cinq jours d’enfer à l’état pur. On était au camp de Buchenwald et des milliers de gens ont été exécutés. En fait, ce n’était pas un camp d’extermination comme Dachau et Auschwitz, c’était un camp de travail. Il y avait deux usines là-bas, et c’est un camp où les gens se tuaient au travail contraint et forcé. Et bien sûr, il y avait des quantités d’exécutions. Pendant qu’on était là-bas, il y a eu environ 35 espions français et britanniques exécutés et ils exécutaient environ 400 Russes par jour, et ils partaient en fumée. On commençait à avoir vraiment peur. »

SZ : Et puis, un miracle.

Allain Smith : « We left the concentration camp… »

Doublage : « On a quitté le camp de concentration de Buchenwald le 20 octobre 1944, pour aller dans le Stalag III. Laissez-moi vous dire que ça a été très chaud parce qu’on devait être exécutés le 21 octobre. Et Dieu merci, ça n’a pas eu lieu. Quoi qu’il en soit, la Luftwaffe nous a sortis de là. Pour une raison ou une autre, un des officiers de la Luftwaffe a fait une visite de l’hôpital du camp et il y avait un des nôtres à l’hôpital. Le docteur de la Luftwaffe a demandé comment il était arrivé là. Alors je suppose qu’il a rendu compte de ça à la Luftwaffe à Berlin et quelqu’un de haut-placé, on pense que c’était peut-être Göering, a arrêté l’exécution. On est parti de là et on est arrivé au Stalag III. Et bien, c’était comme l’école du dimanche comparé à Buchenwald. »

SZ : Un triste destin qui fut finalement évité grâce à une intervention surprenante. Les nazis ont récupéré plus de 150 aviateurs alliés d’un camp de concentration pour les mettre dans un camp qu’ils disaient conforme aux Conventions de Genève. Or, Buchenwald était célèbre pour les conditions horribles de ses prisonniers militaires et civils. Ceux-ci finissaient parfois pendus dans un abattoir.

Un des plus célèbres évasions de la Deuxième Guerre mondiale est la grande évasion du Stalag Luft III, une évasion massive. Soixante-seize prisonniers de guerre alliés ont essayé de fuir le complexe géré par l’aviation allemande en mars 1944. Plus de deuxcents prisonniers alliés ont aussi participé à la création des tunnels qui devraient permettre aux prisonniers une échappée. Voici un extrait du témoignage de John Ivan Anderson, un pilote. M. Anderson a servi en Europe avec l’escadron 405 de l’Aviation royale canadienne. Après avoir pris part à 39 missions au-dessus du territoire ennemi, son avion a été abattu en Belgique l’été 1943. Il est devenu prisonnier de la Gestapo à Paris et a été transporté au Stalag Luft III.

John Ivan Anderson : « We had four main tunnels going… »

Doublage : « On avait quatre grands tunnels qu’on avait surnommés Tom, Dick, Harry et George. George contenait tout l’approvisionnement nécessaire le moment venu. Il y avait des vêtements qui copiaient ceux que portaient les Belges ou les Français. On avait fabriqué tous nos vêtements avec des couvertures et on s’était procuré de la teinture auprès des gardes pour teindre ses vêtements. On était donc tous prêts pour l’évasion. »

SZ : Lors de l’évasion, un garde allemand a découvert l’entrée du tunnel dans la baraque 104. Il a sonné l’alarme. Les Allemands ont violé la Convention de Genève lorsqu’ils ont exécuté 50 évadés, dont six Canadiens. Finalement, seulement trois prisonniers alliés ont pu se rendre au Royaume-Uni.

Les mois qui ont précédé le jour de la Victoire ont été plus encore brutaux dans les camps de prisonniers et de concentration, et la guerre allait continuer dans le théâtre du Pacifique jusqu’en août. Pendant la campagne d’Allemagne, les Allemands ont commencé à tuer des prisonniers, à abandonner leurs postes et le chaos s’est installé à de nombreux égards. Les Allemands ne voulaient pas que les troupes alliées découvrent la totalité des crimes contre l’humanité qu’ils avaient commis. Ils ont donc brûlé beaucoup de traces écrites et ils ont essayé de cacher la mécanisation de la terreur et du génocide.

Dans le prochain épisode, nous allons entendre une histoire d’une marche de la mort ainsi que des histoires de libération et de rentrée au Canada.

Le Projet Mémoire est un programme de Historica Canada composé d’un bureau d’orateurs et d’une archive en ligne. Nous mettons les vétérans canadiens et les membres actifs des Forces armées canadiennes en communication avec les écoles et les groupes communautaires d’un océan à l’autre. Ce projet est rendu possible grâce au financement du gouvernement du Canada. Historica Canada est un organisme qui offre des programmes que vous pouvez utiliser afin d’explorer, d’apprendre et de réfléchir à notre histoire et à ce que signifie le fait d’être Canadiens.

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Avez-vous aimé cet épisode? Consultez l’article sur l’Encyclopédie canadienne au sujet de la Force 136 en Asie. Tout texte supplémentaire provient de notre programme apparenté, l’Encyclopédie canadienne. Accédez aux articles sur les prisonniers de guerre et la Deuxième Guerre mondiale sur leur site. Retrouvez-nous sur les réseaux sociaux et abonnez-vous au @HistoricaCanada. À la prochaine!

Dans l’épisode suivant :

Armand Émond : « Le plus beau jour de ma vie, c’était le 13 avril, la journée de la libération. Ah, pour moi, ça a été le plus beau cadeau de ma fête. »

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