Frank Lucano (source primaire) | l'Encyclopédie Canadienne

Project Mémoire

Frank Lucano (source primaire)

« Et j’y pense encore aujourd’hui, ces gamins, et oui c’était tous des gamins vous savez, et ils pensaient tous pareil mais d’un autre côté, c’était, si quelque chose arrive comme ça, aussi bas, on va le faire exploser en plein ciel avec nos mitrailleuses de calibre 50. »

Pour le témoignage complet de M. Lucano, veuillez consulter en bas.


Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.

Frank Lucano, 27, à le Light Aid Detachment, Esacadron D, Royal Canadian Dragoons, en 1954.
Frank Lucano, 27, à le Light Aid Detachment, Esacadron D, Royal Canadian Dragoons, en 1954.
Avec la permission de Frank Lucano
Frank Lucano (à droite), avec le capitaine Jerry Kelley, examinant un avion d'observation à l'été de 1954.
Frank Lucano (à droite), avec le capitaine Jerry Kelley, examinant un avion d'observation à l'été de 1954.
Avec la permission de Frank Lucano
Un appareil américain de type AT-6 (Harvard) lors de "l’Opération Mosquito”, en train de disperser un insecticide.
Un appareil américain de type AT-6 (Harvard) lors de "l’Opération Mosquito”, en train de disperser un insecticide.
Avec la permission de Frank Lucano
La zone de maintenance pour l'Escadron D, Royal Canadian Dragoons, été 1954.
La zone de maintenance pour l'Escadron D, Royal Canadian Dragoons, été 1954.
Avec la permission de Frank Lucano
Frank Lucano lors de la rencontre de l’Association des vétérans de la Corée, The Last Hurrah, à Winnipeg (Manitoba), août 2011.
Frank Lucano lors de la rencontre de l’Association des vétérans de la Corée, The Last Hurrah, à Winnipeg (Manitoba), août 2011.
Avec la permission de Frank Lucano

Transcription

Je suis arrivé sur le tard en remplacement du commandant dans ce qu’on appelait l’équipe de dépannage. C’est le groupe de mécaniciens si vous voulez les appelez comme ça qui accompagne le corps blindé pour maintenir leur matériel en état de fonctionnement. Pas seulement les chars mais on s’occupait de tout, tous les canons, les armes de petit calibre, tous les générateurs, tous les véhicules B, les véhicules à roues, les voitures blindées, les camions, les camions bennes. On avait un camion benne. Et on s’occupait même du matériel de cuisine dont les cuisiniers se servaient.

Mais monter à bord du navire a été quelque chose de très intéressant. C’était le, un des bâtiments de transport classe générale, qui pouvait transporter dans les 6000 soldats. Et on avait de la chance car il n’y en avait que 4000 environ à bord, alors il n’était pas trop bondé. Mais c’était intéressant, on est arrivés là-bas, on était à bord du navire et en tant qu’unité, le Royal Canadian Dragoons, et, le Dog Squadron, et quelques autres du RCEME (Corps royal canadien des électriciens et mécaniciens du Génie) des gens qui partaient là-bas qui appartenaient à d’autres unités. Mais tous les américains qui montaient à bord était des appelés. Et eux c’était des remplaçants individuels. Nous on était une unité de remplacement, on partait là-bas pour remplacer le Strathcona Squadron (Lord Stathcona’s Horse, un régiment blindé) qui était là-bas. Eux ils étaient là pour des remplacements individuels et c’était intéressant de les voir monter à l’appel de leur nom, on les appelait par leur nom de famille, et ils répondaient en donnant leur prénom. Ils posaient le pied sur la passerelle, et hop ils montaient. À aider un de ces gamins avec ces boites-là pour les monter en haut de la passerelle, il y avait un gars assez jeune, quand il est arrivé en haut, ils ne l’ont pas laisser redescendre du navire. Et il est allé en Corée avec les vêtements qu’il portait sur le dos et il a passé un an en Corée en tant qu’appelé. Et quiconque posait le pied sur ce navire n’en redescendait plus.

Et les poissons volants sont apparus et ils volaient juste sur le passage du navire, et se retrouvaient sur le pont. Et bien sûr, ils étaient à peu près, bon, 25 centimètres de long à peu près et ils étaient assez gros. Et ils ressemblaient à des poissons avec de grandes ailes de moustique dessus et se retournaient avec. Certains gars voulaient en faire leur animal de compagnie mais ça ne marchait pas. Mais ils n’avaient jamais, jamais, A, été à bord d’un grand navire ou B, vu voler des poissons avant. Alors chaque jour il y avait quelque chose de nouveau pas seulement en ce qui me concerne mais pour beaucoup, beaucoup de ces gamins qui était là aussi.

Malgré la trêve déclarée, c’était toujours la pagaille à Séoul qui était sérieusement détruite du fait des bombardements. Et on a traversé le fleuve Han sur un pont provisoire et on a commencé à remonter par l’axe de ravitaillement principal, l’IPR ça s’appelait, jusqu’à un endroit appelé Uijeongbu. Certains noms vous restent en mémoire après quelques temps. Et la route est devenue un accès de gravier et de mousse qui se faisait de plus en plus étroit. Et la poussière de plus en plus dense, vous savez, il fallait ralentir pour traverser un village sur une seule file. La poussière volait et on a ralenti en traversant ce village et pour nous comme pour eux c’était la première approche des lignes de démarcation, si vous voulez appeler ça comme ça. Mais je me souviens de ce village en particulier. On pouvait toucher les cabanes des deux côtés, en se penchant hors des camions. Et sur le bas côté de la route il y avait ce petit coréen d’environ sept, huit ans. Et il avait un bâton, un bâton d’un mètres vingt environ avec une boite de conserve de soupe clouée au bout. Et il urinait dans la boite de conserve et prenait l’urine et la répandait sur la poussière devant cette petite cabane qui se trouvait là. Et la cabane avait un comptoir et à l’intérieur de la cabane, suspendus à des portants, il y avait des poissons séchés couverts de poussière. C’était notre première exposition à des choses très différentes de ce qu’on connaissait au Canada.

Mais cette fois-là, en plein milieu de l’exercice d’alerte au raid aérien, ce n’est pas le « raid aérien jaune » attention qui est sorti, mais le « raid aérien rouge. » qui voulait dire : c’est imminent. La raison pour laquelle ça me fait bien rire c’est qu’ils l’ont fait disparaitre à peu près 10 minutes plus tard mais en attendant, « raid aérien, avertissement rouge », on avait fait chauffer les moteurs de tous les chars dans l’enceinte dont je vous ai montré une photo. Et quand le signal du raid aérien, chaque gars s’est mis en position avec les mitrailleuses de calibre 50 qui était montées sur le char. On avait trois mitrailleuses en batterie au sol. Avec des hommes pour les servir elles aussi. Enlever les protections. Une en haut du goulot, parce que les calibres 50, il fallait les armer deux fois pour qu’elles soient prêtes à faire feu. Et moi je suis là, et j’y pense encore aujourd’hui, ces gamins, et oui c’était tous des gamins vous savez, et ils pensaient tous pareil mais d’un autre côté, c’était, si quelque chose arrive comme ça, aussi bas, on va le faire exploser en plein ciel avec nos mitrailleuses de calibre 50. Il ne saura même pas ce qui lui arrive dessus. Voyez. Ils étaient fins prêts. Et d’un autre côté ce qui leur passait par la tête c’était : « Oh bon sang, si ça se produit, c’est le début de la Troisième Guerre mondiale et on est aux premières loges. » Alors vous les voyez grandir drôlement vite ces gamins. Et je dois dire, ils se sont révélés être de vrais pros.

On est bien passés par Jasper (Alberta), c’était notre premier arrêt après l’arrivée au Canada. Et c’était bien organisé. Ce qu’on a fait on s’est arrangés avec le chef de train, on lui a dit : « On veut faire un arrêt à Jasper. » « Ce n’est pas prévu dans l’horaire un arrêt à Jasper. » « On veut faire un arrêt à Jasper et on ne veut pas être à Jasper avant 10 heures du matin. » « Je vais voir ce que je peux faire. On est sur un passage de trains de marchandises. » Il est revenu, a dit au vieux commandant (commandant régimentaire). « Ouais, on peut se débrouiller pour faire ça. » Il dit : « On peut faire un arrêt de 10 minutes. » Il a dit : « Ça ne prendra pas une minute de plus. » Le train s’est arrêté, le sergent major est descendu et a marché jusqu’au magasin de vins et spiritueux. Et il est resté debout à l’extérieur devant le magasin et les gens qu’il avait prévus entraient à l’intérieur et prenaient une caisse de ceci une caisse de cela et ils ressortaient, le sergent major comptait les billets. Moi j’étais l’officier de service, j’étais là pour m’assurer que tout le monde remonte bien dans le train.

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