Jacques Cinq-Mars (Source primaire) | l'Encyclopédie Canadienne

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Jacques Cinq-Mars (Source primaire)

Prenez note que les sources primaires du Projet Mémoire abordent des témoignages personnels qui reflètent les interprétations de l'orateur. Les témoignages ne reflètent pas nécessairement les opinions du Projet Mémoire ou de Historica Canada.

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Lettre écrite par Mme Danielle Bales, fille de M. Jacques Cinq-Mars, à son père en reconnaissance de son sacrifice.
Lettre écrite par Mme Danielle Bales, fille de M. Jacques Cinq-Mars, à son père en reconnaissance de son sacrifice.
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<p>Avec la permission du Projet Mémoire/Danielle Bales<br></p>

Jacques Cinq-Mars

Jacques Cinq Mars aujourd'hui.

(Avec la permission du Projet Mémoire/Jacques Cinq Mars)

"Une falaise de 65 pieds, les Allemands étaient en haut et ils tiraient sur nous autres en bas. Ça n’allait pas bien. On était pareils que Daniel dans la fosse aux lions."

Transcription

On a travaillé sur le raid de Dieppe. Sur le raid de Dieppe on était 26 dans mon bateau, il y en a eux 24 de morts. Ensuite je me suis fait prendre prisonnier. Les plages de Dieppe, on n’a pas fait grand-chose à part se clouer sur la plage et de rester là. Une falaise de 65 pieds, les Allemands étaient en haut et ils tiraient sur nous autres en bas. Ça n’allait pas bien. On était pareils que Daniel dans la fosse aux lions. À un moment donné je me suis sauvé, j’ai nagé trois miles. Je me suis rendu sur un destroyer qu’on appelait le [HMS] Calpe. Il faisait la randonnée à trois miles des côtes pour ramasser ceux qui avaient pu se sauver. J’étais rendu 50 pieds du destroyer. Je voyais des Canadiens qui étaient dans le destroyer en haut. Il est arrivé trois Stukas [avions de bombardement] allemands. Ils ont bombardé le destroyer, le feu et puis l’explosion et tout ce que vous voudrez. Mes camarades qui étaient dans le destroyer sautaient à l’eau. Je me suis dit : « Ça ne sert à rien d’aller là, on va virer de bord ». Je ne savais pas. S’ils m’avaient averti avant, je n’aurais jamais été prisonnier de guerre. Je lui ai dit : « Qu’est ce que tu fais là ? » Il me dit : « Je ne suis pas capable de remuer, je suis blessé dans le dos ». Je l’ai embarqué sur mon dos et je l’ai charrié sur la plage au moins quelques centaines de pieds, jusqu'à un petit bateau, un « assault landing craft » [péniches de débarquement]. Je l’ai embarqué dessus et moi j’ai pris la chaîne pour embarquer. Il est arrivé cinq, six gars qui s’en venaient en courant de la plage. Ils m’ont pilé sur la tête et ils m’ont renfoncé dans l’eau et puis là le bateau a reculé et moi je suis resté là. Ses blessures… Il n’avait jamais été blessé, il a été décoré pour bravoure. Il n’était pas blessé, pas du tout. Il disait qu’il était blessé et incapable de remuer. Moi part rapport à lui j’ai reçu une balle dans la jambe et puis je n’ai pas été capable de prendre le bateau parce qu’on m’a pilé sur la tête. Il n’était pas blessé. S’il m’avait juste aidé un peu à embarquer sur le bateau – mais non. Lui a été décoré pour bravoure et il a eu une belle grosse médaille. Puis moi je n’ai pas eu de médaille. Prisonniers de guerre, il n’y en a rien que deux qui ont eu des médailles. Un est mort et l’autre c’est le colonel [John Weir] Foote, le padre [aumônier]. Lui, il a eu une médaille de mérite, comment on l’appelle, la VC [Croix de Victoria]. Il aurait pu se sauver, mais il a voulu rester avec ses hommes. Admirable de sa part. C’était terrible le camp de concentration. Ils demandaient des gars pour aller travailler sur des commandos et j’y ai été. J’ai travaillé dans une manufacture de sucre. J’ai travaillé dans le bois. J’ai travaillé à toutes sortes d’affaires. Mais je ne voulais pas rester oisif dans un camp de concentration. J’ai fait différents camps. Je me suis sauvé. J’ai été rattrapé. J’ai été à un autre camp. Ce n’était pas drôle. On ne mangeait pas beaucoup. On travaillait dans le bois. Il fallait faire une corde et demie de bois cordé par homme par jour. Autrement on ne rentrait pas. Ça ne servait à rien de s’échapper parce que tu n’es pas capable. Tu n’as pas de connexions, tu ne connais pas personne. Les aviateurs avaient des gens qui s’occupaient d’eux autres pour les ramener en Angleterre. Nous autres l’infanterie, il n’y a pas beaucoup de monde qui s’occupait de nous autres. Moi je travaillais sur les frontières de la Russie et de Pologne. Le 20 janvier 1945 les Allemands sont arrivés et ils ont dit, « On s’en va ». On est parti vers 9 heures le matin. On était sur un monticule, en bas du monticule on voyait les Russes habillés en blanc avec des chars d’assaut qui s’en venaient. Les Allemands nous ont fait marcher. La première journée on a marché 80 kilomètres à peu près. On n’avait pas marché depuis trois ans beaucoup. On avait les jambes raides le soir. On couchait sur le bord de la route ou dans des granges, ça dépend. Les Allemands ne pouvaient pas nous donner à manger parce qu’ils n’en avaient pas pour eux-mêmes. On a marché 1800 miles. On se sauvait le soir pour aller voler. Quand je suis sorti de là, je pesais 128 livres. Les femmes nous aimaient. Elles nous parlaient en allemand. On se demandait ce qui se brassait là. Elles voulaient toutes qu’on aille coucher chez eux. J’ai été couché dans une maison où il devait y avoir 12 femmes. Pendant la guerre les Allemands avaient une propagande maudite. Ils disaient que les Américains avaient des Noirs en cages, quand ils libéreraient l’Allemagne, ils lâcheraient les noirs loose et puis les femmes se feraient violer et tuer. C’était pour ça que les femmes voulaient qu’on aille coucher avec eux autres dans la même maison. L’expérience de vie que personne a, juste nous autres qui l’a. J’ai fait ma part. J’ai gagné mon droit de citoyen. Lorsque j’ai vu ce qui se passait en Colombie-Britannique [lors des XXIe Jeux olympiques d’hiver en 2010], ça me faisait chaud au cœur de voir des athlètes au côté du drapeau canadien, autant francophone qu’anglophone. Qui partageait tout. Ça m’a fait du bien. J’espère que ça va continuer comme ça. J’ai été une fois avec ma femme. J’ai été, envoyé ça fait deux ans, trois ans. Le gouvernement fédéral m’a payé un voyage avec une délégation. On a été là une semaine à voyager tous les jours. Aller voir des villes, des cimetières et puis toutes sortes d’affaires. À Dieppe ce n’était pas beaucoup reconnaissable de quand on a été là. J’ai été voir les plages, j’ai été voir partout. Le monde ne nous reconnaissait pas. Quand j’y ai été en délégation pour le gouvernement ce n’était pas pareil, on était annoncé et tout. Le monde nous recevait à bras ouverts. Quand j’y ai été moi-même avec ma femme, on était tout seul. J’ai fait le tour de Dieppe et j’ai dit : « J’en suis fier. Je suis canadien à force de maux. C’est mon pays le Canada. »

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