Music des Antilles au Canada | l'Encyclopédie Canadienne

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Music des Antilles au Canada

Antilles.

La musique des Antilles est une composante importante de la vie musicale au Canada pour deux raisons : en premier lieu, un nombre significatif de peuples des Antilles ont émigré au Canada, particulièrement dans les années 1960 et ont transplanté les traditions musicales de leur pays dans le nouvel environnement et en second lieu, des styles successifs de musique dérivée des Antilles ont commencé dès les années 1920 à faire partie du tissu de la musique pop euroaméricaine ajoutant ainsi à une expérience musicale que de nombreux Canadiens ont vécu au fil des ans.

La région des Antilles

La région des Antilles inclut les Antilles insulaires et aussi les territoires continentaux baignés par la mer des Caraïbes et qui ont de forts liens historiques et culturels avec ces territoires (c'est-à-dire, le Belize, la Guyane française, la Guyane et le Surinam). La région des Antilles est hétérogène aux plans linguistique, culturel et musical. Quatre regroupements principaux sont généralement reconnus, à partir de passés coloniaux communs et de la langue en usage : les Antilles hispaniques (Cuba, la république Dominicaine, Puerto Rico); les Antilles françaises (Haïti, la Martinique, lla Guadeloupe, la Guyane française), les Antilles néerlandaises (Aruba, Bonaire, Curaçao, Saba, Saint-Eustache, Saint-Martin); et les Antilles britanniques (les Bahamas, la Barbade, le Belize, la Guyane, la Jamaïque, la Trinité et Tobago, sans compter de nombreuses petites îles dont certaines s'identifient sous des noms collectifs : îles Sous-le-Vent, îles au-Vent, îles Vierges). Le terme « Indes occidentales » est généralement synonyme de « région des Caraïbes »; toutefois, dans le contexte canadien, « Indes occidentales » est souvent interprété comme s'appliquant aux Antilles britanniques seulement.

Le présent article met l'accent sur la présence musicale au Canada des Antilles britanniques de même que des Antilles françaises. La musique des Antilles néerlandaises n'a encore qu'une présence minime au Canada et ne sera pas traitée ici comme une entité distincte. Les territoires hispanoantillais, bien que situés géographiquement dans les Antilles sont davantage reliés aux républiques du continent latinoaméricain au plan historique et au plan culturel qu'aux territoires non-hispaniques des Antilles: en conséquence, la musique hispanoantillaise ne reçoit qu'un traitement superficiel dans le présent article.

Survol sociomusical

Chaque territoire de la région des Antilles possède ses couches sociales et de nombreuses différences ethnoculturelles, sans toutefois que la dissemblance ne soit totale. À cause de l'expérience coloniale, chaque pays et territoire des Antilles est peuplé de groupes de population similaires, chacun ayant ses propres traditions musicales historiques. Dans l'ensemble de la région, la grande majorité de la population descend d'esclaves africains. Beaucoup plus faibles en nombre sont les descendants de colonisateurs européens (surtout hollandais, anglais, français et espagnols), d'entrepreneurs venus du Proche-Orient (par exemple, de la Syrie) et de travailleurs de l'Asie (surtout de la Chine et de l'Inde). Dans les Guyanes, un petit nombre de survivants de la population amérindienne maintient tant bien que mal sa façon de vivre comme autrefois. La culture musicale de la région des Antilles est donc une pluralité de musiques du monde. En plus, des croisements et mélanges de pratiques musicales diverses se sont produits avec le temps - particulièrement entre les souches africaines et européennes - enrichissant encore davantage la pluralité. La transplantation au Canada de la musique des Antilles par les migrations humaines représente donc plusieurs traditions distinctes.

Le plus important groupe d'immigrants au Canada - et par conséquent celui dont la présence musicale est la plus en vue - a été celui des descendants africains. La majorité d'entre eux viennent des pays les plus vastes des Antilles britanniques (la Guyane, la Jamaïque, la Trinité et Tobago) et la plupart se sont établis dans les centres industriels de l'Ontario. Les immigrants francophones se sont surtout fixés à Montréal. Les immigrants antillais de descendance indienne orientale, venus surtout de la Guyane, la Trinité et Tobago, incluent aussi une forte population d'immigrants, fixés en Ontario pour la plupart.

Communautés musicales antillocanadiennes

Dans les communautés antillaises du Canada (et dans toute la diaspora antillaise), les immigrants ont conservé quasi intactes les cultures musicales populaires de leurs pays d'origine, dont une adaptation rapide aux tendances changeantes. Le reggae jamaïcain - avec son infrastructure de salles de danse, clubs de nuit, studios d'enregistrement, exécutants locaux ou invités, magasins de disques, programmes de radio et de télévision et la couverture des journaux aussi bien ethniques que généraux - constitue une présence indéniable au Canada, particulièrement dans le sud-ouest de l'Ontario. À peu près aussi bien établis (encore surtout dans le sud-ouest ontarien) sont le calypso« trinidadien » et les « steelband » ainsi que leur organisation comprenant des concours intercités et intracité. La musique populaire des Antilles françaises (par exemple, cadence, méringue, mini-jazz) est entretenue par la population antillaise de Montréal et appuyée par une infrastructure locale qui inclut une couverture par la presse générale et les postes de radio. Les contreparties canadiennes du carnaval précarême annuel sont régulières; ce sont des manifestations hautes en couleur, les plus courues parmi les événements du calendrier musical d'été, qui se tiennent dans plusieurs centres urbains, notamment Toronto et Montréal. Selon les origines de chacun des groupes de participants, le festival Caribana de Toronto met en vedette la musique des Antilles britanniques alors qu'à Montréal, le festival Carifête met en valeur et donne la place prépondérante aux genres francoantillais.

La région des Antilles a cultivé une riche veine de musique folklorique et traditionnelle (par exemple, chansons de métiers, ensembles de musique campagnarde) qui combine les pratiques musicales et les instruments africains et non-africains, ainsi que la musique qui accompagne les rites des nombreux cultes et sectes afrochrétiens. L'état de ces traditions musicales dans la diaspora antillocanadiennes n'a pas encore été documentée de façon systématique. On a la preuve que certains des principaux cultes et sectes afrochrétiens des Antilles sont florissants au Canada (par exemple, le rastafarianisme jamaïcain), et aussi, par nécessité, les pratiques musicales s'y rattachant. La musique folklorique et profane des Antilles, qui est largement associée au milieu agraire dans leurs pays d'origine, ne semble pas maintenir dans le milieu environnemental urbain canadien le même niveau d'éminence que celui qu'il démontrait dans les pays d'origine; il semble être surtout maintenu par des groupes de danse et de chant folkloriques semi-professionnels dont ils sont membres.

Les immigrants au Canada familiers avec l'héritage colonial européen et avec la musique des orchestres de danse et de jazz ont eu tendance à graviter dans le sens parallèle - largement non-antillais - des communautés musicales au Canada. Ont été cités des noms comme celui de Billy Munro, pianiste et chef d'orchestre, né dans les Antilles britanniques mais qui vint au Canada encore enfant, et le ténor Édouard Woolley, né à Haïti, qui se fixa à Montréal en 1938. Plusieurs Canadiens antillais suivent le rock et autres formes de musique populaire contemporaine non-antillaise. La musique rituelle hindoustanie et les chansons à succès des films indiens sont importantes pour plusieurs Indiens orientaux antillocanadiens et la musique rituelle chrétienne, de styles européen et « africanisé », intéresse grandement les Canadiens.antillais dans leur ensemble.

Musique antillaise dans les contextes canadien et international

Nombre de styles et genres musicaux des Antilles sont familiers aux Canadiens depuis une bonne partie du XXe siècle. Dès les années 1920, les disques de calypso de la Trinité étaient exportés à l'étranger. À partir des années 1930 jusque dans les années 1950, une succession de danses sociales et de musique de danse dérivées des Antilles devinrent populaires dans le monde euroaméricain : rhumba, conga, biguine, méringue, méringue mambo, cha-cha-cha. En 1956 et 1957, la pop musique euroaméricaine a vécu un engouement pour la « musique des îles » (avec, notamment, Harry Belafonte). Dès le milieu des années 1960 et au début des années 1970, plusieurs enregistrements utilisant des bases rythmiques jamaïcaines (ska, rock steady, reggae) devinrent des succès de la musique pop internationale. À cette époque, on expérimentait aussi avec le « rock latin ». À partir du milieu des années 1970, le reggae jamaïcain et la salsa hispanoantillaise sont devenues des sous-genres de la musique pop internationale et ont suscité beaucoup d'imitations et d'adaptations par des musiciens non-antillais. La musique des calypsos « trinidadiens » et des steelbands a attiré de nombreux aficionados en dehors des Antilles et de la diaspora antillaise, et les steelbands dans les programmes scolaires ont peu à peu acquis une notoriété en Amérique du Nord et ailleurs. Des carnavals style la Trinité, comme le Caribana de Toronto et le Carifête de Montréal, se déroulent à travers la diaspora et attirent chaque année des centaines de milliers de participants, antillais et non-antillais. Des cadres plus intimes pour la présentation de la musique antillaise existent aussi en dehors de la diaspora des Antilles, par exemple, le festival Folklorama de Winnipeg et Caravan, célébration multiculturelle annuelle à Toronto.

Documentation et recherche

L'étude de la musique et de la vie musicale antillocanadiennes en est encore à ses balbutiements. L'information imprimée disponible consiste presque entièrement de rubriques genre « scènes musicales », topiques et éphémères, paraissant dans les journaux (ethniques ou généraux), les périodiques et les tabloids consacrés à la musique et au divertissement. En 1991, aucune étude ou synthèse systématique n'avait encore été entreprise.

Certains chercheurs oeuvrant dans des universités canadiennes ont recueilli une certaine documentation sur la musique et la vie musicale des Antilles, soit sur son propre terrain ou dans un contexte canadien (et, dans certains cas, les deux). Il faut citer notamment Claude Dauphin (musique paysanne haïtienne) et Nicole Beaudry (musique vaudou) à lUQAM; Monique Desroches (musique de la Martinique), Josée Cardinal (musique pour flûte des Petites Antilles) et Geneviève Lefebvre (musique populaire haïtienne) à l'Université de Montréal; Jocelyne Guilbault (zouk et autre musique de Sainte-Lucie) à l'Université d'Ottawa; et Nina De Shane (le complexe du Carnaval), Annemarie Gallaugher (calypso), Pauline Haslebacher (steelband), James Robbins (musique cubaine), Lise Waxer (salsa) et Robert Witmer (musique jamaïcaine) à l'Université York.

Lecture supplémentaire

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