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Musique religieuse protestante

Musique religieuse protestante [dans le cadre de cet article, celle des Églises baptiste, congrégationaliste, méthodiste, presbytérienne et unie].
Musique religieuse protestante [dans le cadre de cet article, celle des Églises baptiste, congrégationaliste, méthodiste, presbytérienne et unie]. La première musique religieuse protestante entendue au Canada fut celle chantée par les Huguenots français qui, au XVIIe siècle, apportèrent avec eux en Acadie le Psautier français de 1562. Ils résistèrent aux interdits du culte réformé en Nouvelle-France (1627) et l'on rapporte qu'ils hurlaient leur psalmodie avec une telle force à bord de leurs navires que les Amérindiens sur la rive en étaient saisis. Après le retour en France des Huguenots (v. 1630), on n'entendit plus aucun chant de l'Église réformée avant le début du XVIIIe siècle, alors que le culte anglican fut introduit en Nouvelle-Écosse (voir Hymnes). Les presbytériens canadiens, originaires pour la plupart d'Écosse, apportèrent avec eux les psaumes métriques dans les Maritimes vers 1750. Les congrégationalistes et les baptistes de Nouvelle-Angleterre apportèrent pour leur part les hymnes d'Isaac Watts. Les méthodistes atteignirent Terre-Neuve en 1765 et la Nouvelle-Écosse dans les années 1770, mais le plus fort contingent arriva vers 1790 avec la vague de migration des Loyalistes vers le haut Saint-Laurent et la baie de Quinte. Pour les méthodistes, le chant était aussi important que la prédication et les maisons où ils se réunissaient retentissaient des hymnes de John et Charles Wesley. Ils chantaient sans accompagnement et sous la direction de ceux qui se rappelaient quelques airs des temps anciens. Ce qui pouvait leur manquer en finesse était compensé par la verve, la force et l'intensité.

Le XIXe siècle fut témoin d'une prodigieuse expansion de l'Église. Les assemblées de fidèles se propagèrent en direction de l'Ouest jusqu'à atteindre, vers les années 1850, la côte du Pacifique et des hymnaires canadiens firent leur apparition.

Bien qu'un petit nombre d'églises catholiques romaines et anglicanes aient été pourvues d'orgues durant les XVIIe et XVIIIe siècles (par exemple la chapelle des Jésuites avant 1661 - probablement la première à en posséder un - et l'église anglicane Saint Paul's à Halifax, en 1756), les assemblées protestantes n'emboîtèrent le pas qu'au XIXe siècle. Au début de ce siècle, le chant n'avait encore aucun accompagnement. L'Église presbytérienne interdisait aussi bien les orgues que les hymnes; seuls les psaumes métriques étaient permis. Le psautier ne contenait pas de musique et l'assemblée se fiait à un chef de choeur pour la direction. Les connaissances du chef de choeur étaient à la mesure de sa propre initiative et de ses compétences. Les assemblées qui ne disposaient pas d'un exemplaire du psautier s'en remettaient au chef de choeur pour « aligner les versets ». Plus tard, on accorda la permission d'utiliser une basse de viole (« le violon du Seigneur ») ou une flûte pour soutenir le chant. Un office presbytérien du début du XIXe siècle à Saint Catharines, Ont., s'attira cette critique : « À la fin de l'office, le pasteur entonna un hymne qui fut chanté par un groupe de jeunes hommes qui prenaient place au jubé de l'église. Le son d'une flûte misérablement jouée et d'un flageolet fêlé, allié à l'aigreur des voix, donna lieu à un concert à la fois désagréable et grotesque... » (John Howison, Sketches of Upper Canada, Édimbourg 1821, p. 134-135).

Dans les années 1850, « un instrument charnel » (un orgue) fut installé dans une église de Brockville, Ont., un autre à London, Ont., et un troisième à Toronto. La fureur éclata au sein de l'église. John Robertson, un paroissien de l'église Saint Andrew's, Toronto, déclara qu'il se sentait obligé de quitter cette assemblée, ne pouvant « en conscience continuer de participer au culte de Dieu dans une église où un instrument de musique était utilisé pour chanter Ses louanges... » (appendice, A Memorial to the Presbytery of Toronto, Toronto 1859). En général, alors que le clergé presbytérien demeurait opposé à l'introduction des orgues, les laïques étaient favorables à de telles innovations. Aucune décision ne fut prise avant 1872, alors que l'assemblée générale de l'Église presbytérienne décida de n'imposer aucune uniformité pour cet usage mais de laisser la liberté de choix à chaque assemblée. Malgré cela, certaines églises presbytériennes ne se munirent d'orgues qu'après 1900. Les sectes baptiste, congrégationaliste et méthodiste ne connurent pas ces hésitations. Pour elles, comme pour les anglicans et les catholiques romains, l'orgue était considéré comme un ornement à la célébration chrétienne. Les orgues firent leur apparition au début du XIXe siècle et, vers 1850, ils étaient très prisés. Chaque église urbaine en ayant les moyens voulut son orgue à tuyaux; les églises rurales devant se contenter de mélodéons.

Vers le milieu du XIXe siècle, la psalmodie commença à perdre de son attrait. Les chefs de choeur, dans l'ensemble, n'avaient qu'une formation limitée; leur place fut graduellement usurpée par des chorales dirigées par les organistes. Ces chorales eurent vite fait de dominer le chant. Plus tard, estimant les psaumes et les hymnes trop restrictifs, elles recherchèrent des oeuvres auxquelles l'assemblée ne pouvait se joindre, de sorte que la demande pour des motets augmenta. Ainsi, la chorale, créée à l'origine pour assister l'assemblée dans son culte, se transforma en un groupe d'interprètes. La qualité de l'exécution, toutefois, était généralement pauvre. Edward Hodges, un remarquable musicien et compositeur anglais venu à Toronto en 1838, trouva la musique à l'église et ailleurs dans la ville si mauvaise qu'il partit peu après son arrivée pour occuper un poste à New York. Le Musical Journal du 15 janvier 1888 déplora cet état de choses : « Remplis d'espoir, nous attendons le jour où nous aurons parmi nous quelque établissement compétent pour former des chefs de choeur et des organistes pour le service divin... Quel manque de jugement dans le choix de la majorité des <voluntaries> que nous entendons dans nos églises! »

Vers la fin du siècle toutefois, la situation de la musique s'était grandement améliorée. Des artistes de réputation internationale se produisaient au Canada avec une certaine régularité et des normes pour la composition et l'exécution étaient en voie de s'établir dans les conservatoires nouvellement fondés. Des musiciens d'église bien formés avaient commencé à arriver en assez grand nombre de Grande-Bretagne; parmi eux se trouvaient Vernon Barford, Edgar Birch, Edward Broome, Albert Ham, Charles A.E. Harriss, William Hewlett, Percival Illsley, Frederic Lord, Horace Reyner et Frederick H. Torrington. Étudier la musique religieuse et y faire carrière devinrent des activités reconnues à mesure que l'enseignement confié à des professeurs compétents commençait à porter ses fruits.

Dans les années 1920, toute une génération de musiciens d'église se préparait au Canada, notamment sous la direction de Hugh Bancroft à Winnipeg (et plus tard à Vancouver), Frederick Chubb à Vancouver, Healey Willan et Ernest MacMillan à Toronto et Alfred Whitehead à Montréal. Le Collège canadien des organistes (CRCO) institua pour ses membres des processus d'évaluation conduisant à des diplômes d'« associate » et de « fellow ».

Une édition révisée du Methodist Hymn and Tune Book fut publiée en 1917 et le Presbyterian Book of Praise suivit en 1918. En 1924-25, l'Église unie du Canada fut fondée par la fusion de méthodistes, presbytériens et congrégationalistes et, en 1930, The Hymnary de l'Église unie du Canada apporta un plus riche éventail de chants destinés à toute l'assemblée que celui des précédents hymnaires canadiens. Après des révisions mineures, The Hymnary fut adopté par les baptistes en 1936. The Hymn Book, réalisation conjointe des Églises anglicane et unie, fut publié en 1971, suivi en 1972 par le Book of Praise presbytérien (une sélection plus conservatrice) et, en 1973, par un Hymnal baptiste (mélange de musique légère et sérieuse).

La création de nouvelles liturgies, comme A Sunday Liturgy for Optional Use in the United Church of Canada (1984), a entraîné d'autres exigences musicales pour les services. Les congrégations peuvent maintenant chanter les répons qui ont été inclus dans Songs for a Gospel People - A Supplement to The Hymn Book (1987). L'Église unie préparait un nouvel hymnaire dont la parution était prévue pour 1995. Le Guide to Sunday Worship in the United Church of Canada (1988) par la United Church Publishing House a également influencé de nombreuses églises quant au style et à la préparation de choix musicaux.

À la suite d'une enquête auprès de musiciens d'église, la United Church of Canada Assn of Musicians a vu le jour en 1987. Elle s'est donnée pour but d'encourager et d'appuyer ceux qui font la musique du culte dans les congrégations locales, les presbytères, les conférences et les conciles généraux. L'association met sur pied des ateliers et offre des services de consultation et de publication, tout en donnant aux musiciens des occasions de travailler ensemble.

La communauté baptiste de Toronto connut un événement majeur en 1987 avec Celebration '87, qui rassembla 400 choristes au Roy Thomson Hall, sous la direction du chef invité Donald Hustad. La fête fut organisée par la Music Leaders Fellowship, un organisme torontois offrant des services aux musiciens des églises baptistes.

Dans les églises protestantes canadiennes, le style et la pratique de la musique ont varié. À un extrême, on trouve la musique légère associée à Moody et Sankey à la fin du XIXe siècle, la musique populaire des années 1920, les chants évangéliques des croisades de Billy Graham des années 1950, 1960 et 1970, ainsi que le rock et le « gospel-singing » des années 1960 et 1970. À l'autre extrême figure la musique d'église la plus noble de la chrétienté, qui va du XVIe siècle à la fin du XXe et inclut des oeuvres de Canadiens tels que W.H. Anderson, Violet Archer, Gerald Bales, Hugh Bancroft, Keith Bissell, Barrie Cabena, F.R.C. Clarke, Robert Fleming, Graham George, Derek Healey, Derek Holman, Jacobus Kloppers, Gerhard Krapf, Walter MacNutt, Bernard Naylor, Arthur Poynter, Godfrey Ridout, Nancy Telfer, Ruth Watson Henderson, Healey Willan et Alfred Whitehead. Certaines assemblées se sont tournées vers des chants comme « What a wonderful change in my life has been wrought » (musique de C.H. Gabriel et paroles de R.H. McDaniel). Quelques-unes souhaitèrent un usage généralisé des hymnes d'Isaac Watts et des Wesley. D'autres encore accueillirent mieux les auteurs contemporains comme Walter Farquharson, F. Pratt Green, Fred Kaan et Brian Wren.

Dans les années 1980, la plupart des églises avaient des chorales d'adultes et certaines, en plus, des chorales de jeunes. Il se trouvait parfois qu'une église dispensait un programme musical complet avec trois ou quatre chorales. Dans les assemblées rurales, plus nombreuses, les ressources demeuraient réduites. Souvent, il ne s'y trouvait ni chorale ni orgue, l'assemblée devant se contenter d'un pianiste ou d'un chef d'attaque, ou des deux à la fois.

Après 1940, beaucoup d'églises accoutumées aux mélodéons ou aux pianos firent installer des orgues électroniques, parfois à la consternation des organistes tenants de la tradition et conscients des limites imposées par ces instruments. Les gadgets électroniques des groupes rock captivèrent même quelques assemblées. On commença à entendre plus souvent des ensembles de cuivres (jadis exceptionnels sauf dans les offices de l'Armée du salut). On a également eu recours à des clochettes lors des services, pour appeler les fidèles à la prière, accompagner les hymnes ou jouer en choeur. Il existe un certain nombre de guildes canadiennes de sonneurs de clochettes (par exemple, l'Alberta Guild of Handbell Ringers).

Les églises non conformistes de tradition réformée étaient enclines à laisser une certaine liberté en matière de culte. Mais avec une telle liberté, certains malentendus sur la nature du culte chrétien furent érigés en normes et la musique d'église prit parfois des allures de divertissement plutôt que de prière, en particulier dans les églises où la conformité à la liturgie venait après la qualité de l'exécution.

Deux axiomes se sont précisés au XXe siècle. Le premier est que la musique d'église la plus noble a pris sa source dans une solide pratique liturgique; le second est que la musique dans toute église est un reflet des aptitudes et de la compétence de l'organiste et maître de chapelle. En conséquence, s'il fallait prophétiser quant aux changements à venir dans le domaine de la musique religieuse au Canada, il faudrait tenir compte de la croissance et de l'expansion de l'enseignement destiné aux organistes et maîtres de chapelle. Des signes se manifestent dans ce sens : un Summer Institute of Church Music a été inauguré à Whitby en 1970; la musique religieuse a été ajoutée au programme de la faculté de musique de l'Université Wilfrid Laurier à Waterloo; des initiatives semblables ont été prises dans d'autres régions du Canada. Beaucoup de centres du CRCO ont offert des cours d'une durée d'un an ou des sessions de printemps (par exemple, « The Basics of Service Playing » au centre d'Edmonton). Ces sessions forment les amateurs et professionnels à des niveaux divers. Le RCMT a tenu un cours d'été pour musiciens d'église en 1990. D'autre part, on assiste à un recul du nombre d'étudiants inscrits en orgue au niveau universitaire, peut-être à cause du manque de postes bien rémunérés dans les églises.

Voir aussi Religions et musique pour la liste des articles de l' EMC se rapportant à la musique religieuse protestante.

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