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Néoclassicisme

Néoclassicisme. Le « nouveau classicisme » fit son apparition chez les compositeurs européens au début des années 1920.

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Néoclassicisme. Le « nouveau classicisme » fit son apparition chez les compositeurs européens au début des années 1920. La Symphonie classique de Prokofiev (1917) en fut peut-être le prototype inconscient, mais la tendance était amorcée et prit bientôt les dimensions d'une esthétique avec Pulcinella de Stravinsky (1920), Kleine Kammermusik de Hindemith (1922), Fugal Overture de Holst (1922), Concerto Accademico de Vaughan Williams (1925) et les oeuvres subséquentes de ces compositeurs et d'autres, notamment - et avec constance - Stravinsky ainsi que les membres du Groupe des Six (surtout Milhaud et Poulenc) et, plus tard, Tippett en Angleterre, Françaix en France et Piston aux États-Unis. Les oeuvres néoclassiques de ces « modernistes » ressuscitèrent les principes du classicisme en les distinguant de ses structures. Ce retour n'en fut pas un vers l'harmonie du XVIIIe siècle mais plutôt vers ses particularités stylistiques : l'objectivité, l'équilibre, la clarté, l'économie, la franchise et l'élégance tels qu'incarnés dans la musique de Bach et Scarlatti, de Haydn et Mozart. Ce retour surgit de la réaction contre l'harmonie touffue, les formes libres, le gigantisme orchestral et l'émotion extravagante de la fin de la musique romantique des Strauss, Mahler, Elgar, Franck, etc.

Le néoclassicisme commença à attirer les Canadiens dans les années 1930 conséquemment à divers facteurs, dont les critiques dues à la plume de Léo-Pol Morin, ses interprétations comme pianiste à Montréal ainsi que celles d'Alberto Guerrero à Toronto, et la venue au Canada de Ravel et de Stravinsky. La musique canadienne avait été jusque là, selon l'expression de R. Murray Schafer, « dirigée par des pontifes [<pommies>] » (Les Cahiers canadiens de musique, printemps-été 1973), ces puissants conservateurs à la tête de la vie musicale : sir Ernest MacMillan, Healey Willan, Eugène Lapierre et Douglas Clarke. Ces derniers considéraient les idées de Schoenberg comme irréalisables et sans attrait et, en grande partie, ce qui avait été écrit après Strauss, Elgar, Debussy et Ravel, comme écrasant et inutile. Bien que réactionnaire et négative, cette attitude fut peut-être salutaire pour les jeunes talents rebelles de l'époque en atténuant le risque qu'ils versent dans le fanatisme dodécaphonique. John Weinzweig, tout en explorant le dodécaphonisme schoenbergien, adopta nombre de méthodes rythmiques et structurelles néoclassiques, en particulier sous l'influence de Stravinsky. Quant à Barbara Pentland, sa musique reflétait son admiration à la fois pour Hindemith et Stravinsky. Élève de Nadia Boulanger, Jean Papineau-Couture fut initié directement au néoclassicisme de Stravinsky et manifesta une puissante affinité pour les textures claires et la modération sonore inhérentes au néoclassicisme. Ainsi ces trois figures d'avant-garde de la composition canadienne en 1940 parvinrent par des voies bien différentes au néoclassicisme, dont l'influence se fait bien sentir dans une bonne partie de la musique canadienne écrite entre 1940 et 1970. Cependant les néoclassicistes inconditionnels de la musique canadienne surgirent principalement au cours des années 1940 et 1950 : Weinzweig avec la Suite no 1 pour piano (1939), le Divertimento no 1 pour flûte et cordes (1946), le Divertimento no 2 pour hautbois et cordes (1948), la Sonate « Israël » pour violoncelle et piano (1949), la Sonate pour piano (1950) et le Concerto pour violon (1954); Pentland, dans sa production des années 1940 et tard dans les années 1950, notamment le Concerto pour violon et petit orchestre et les Variations pour piano (toutes deux 1942) mais aussi, du moins dans un sens esthétique, dans nombre d'oeuvres ultérieures comme le Concerto pour piano (1956) et la Symphony for Ten Parts (1957); et Papineau-Couture, dans la majorité de ses oeuvres mais en particulier celles de ces deux décennies - Sonate en sol (1944, rév. 1953), Étude en si bémol mineur (1945), Concerto grosso (1943, rév. 1955), Symphonie en do (1948, rév. 1956) et Psaume CL (1954). D'autres oeuvres néoclassiques de cette période sont la Sonatine no 2 (1946), la Fanfare and Passacaglia (1949), la Sonate pour violoncelle et piano (1956) et d'autres oeuvres d'Archer; la Sonate no 4 pour piano (1950), la Symphonie no 1 (1951), les fugues 12 x 12 (1951), la Passacaglia and Fugue (1954), la Sonate no 1 pour violon (1968) et des éléments organisationnels dans plusieurs autres oeuvres de Somers; la Serenade Concertante (1954) d'Adaskin et beaucoup de ses autres compositions. Morawetz fut lui aussi un adepte du néoclassicisme (Divertimento pour cordes, 1948, rév. 1954; Sinfonietta pour cordes, 1963, rév. 1968) de même que Blackburn (Concertino pour piano et vents, 1948). Plusieurs autres oeuvres canadiennes (notamment, de Jacques Hétu : Variations pour piano, 1964, et pour violon, 1967, Passacaille pour orchestre, 1970, et d'autres oeuvres) contiennent des éléments de néoclassicisme.

Une réaction se fit sentir dans les années 1960. Abstraction et équilibre semblaient incarner un immobilisme stérile, tandis que l'expressionnisme paraissait être la réponse à un besoin croissant, chez les compositeurs et leur public, de quelque chose de plus viscéral. En 1970, le mouvement néoclassique avait été écrasé à la fois par cette nostalgie du romantisme, le retour, chez les compositeurs sérieux, d'un désir d'amuser (suscité par le défi et les séductions du pop), et la réapparition d'un intérêt pour le son lui-même (héritage latent de Debussy, Bartók, Varèse et de la musique orientale) stimulée par le potentiel sonore de la nouvelle technologie (l'électronique, la stéréophonie, la révolution acoustique dans l'architecture des salles de concert). Weinzweig déclara : « Il est stupide de songer à composer une sonate aujourd'hui, non pas parce que les sonates sont stupides, mais parce qu'à l'origine elles sont nées de besoins bien différents des nôtres. Je m'écarte maintenant des oeuvres abstraites et m'oriente vers les oeuvres pour le théâtre » (Le Compositeur canadien, janvier 1971).

Dans les années 1970 et 1980, même si le mouvement néoclassique du milieu du siècle avait perdu ses promoteurs, les principes du néoclassicisme étaient évidents dans les divers écrits d'inspiration classique occidentale des compositeurs canadiens. La série d'oeuvres de musique de chambre Offrandes (1969-71) de Serge Garant fut inspirée par le leimotiv de l' Offrande musicale de Bach. Les célébrations du centenaire de Bach et de Mozart, respectivement en 1985 et 1991, incitèrent des compositeurs de tous genres, tels Morawetz, Somers, Marjan Mozetich et Alexina Louie, à la création d'oeuvres commémorant ces musiciens. De plus, le « retour à la tonalité » effectué par les jeunes compositeurs dans les années 1980 s'accompagna souvent d'un retour aux structures, aux formes et aux textures néoclassiques.

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