Expédition sur le Nil | l'Encyclopédie Canadienne

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Expédition sur le Nil

En mars 1884, des imbroglios impériaux ont fait en sorte que le général britannique Charles Gordon s’est retrouvé coincé à Khartoum, au Soudan. Lorsque le général britannique Garnet Wolseley a reçu l’ordre d’aller secourir Charles Gordon, il a demandé d’être accompagné d’environ 300 bateliers canadiens pour l’expédition. Connus comme étant les « voyageurs du Nil », ces hommes ont manœuvré des baleiniers de bois qui ont transporté les troupes sur le Nil jusqu’à Khartoum. L’expédition sur le Nil (du 14 septembre 1884 au 17 avril 1885) a été la première mission militaire internationale à laquelle des Canadiens ont participé.

Contingent canadien, expédition sur le Nil

Contexte

En 1869, le canal de Suez est ouvert à travers l’Égypte. Il raccourcit les routes commerciales en reliant la mer Méditerranée et la mer Rouge. À la fin des années 1870, la Grande-Bretagne possède 44 % des actions du canal. Pour protéger ses intérêts dans la région, la Grande-Bretagne prend le contrôle de l’Égypte et soutient la domination égyptienne sur son voisin du sud, le Soudan.

Le lieutenant-général britannique Sir Garnet Wolseley écrase un soulèvement nationaliste égyptien anti-britannique en 1882. En 1881, le populaire chef religieux musulman Mohammed Ahmed, le Mahdi (guide), avait déclaré un jihad, ou guerre religieuse, pour débarrasser le Soudan de la domination égyptienne soutenue par les Britanniques. De nombreuses batailles s’ensuivent jusqu’à ce que le premier ministre William Gladstone ordonne le retrait de l’Égypte et de la Grande-Bretagne du Soudan en novembre 1883.

En février 1884, le nouveau gouverneur général soudanais, le major-général Charles Gordon, arrive à Khartoum, la capitale du Soudan. Il commence rapidement les évacuations tout en affrontant les mahdistes dans des escarmouches militaires et en fortifiant la ville. Le 13 mars, les mahdistes commencent un siège de Khartoum. La situation devient de plus en plus désespérée pour Charles Gordon. Au début du mois d’août, la Chambre des communes britanniques autorise 300 000 £ pour des opérations visant à briser le siège et à secourir Charles Gordon. Garnet Wolseley est chargé de l’expédition.

Général Garnet J. Wolseley, expédition sur le Nil

Préparatifs

Garnet Wolseley est assigné au Canada en 1861. Du mois de mai au mois d’août 1870, il recrute 400 voyageurs (incluant 100 Haudenosaunee) pour transporter les troupes britanniques et la milice canadienne à travers 1000 km de rivières, de lacs, et de portages en réponse à la Résistance de la rivière Rouge. (Voir Expédition de la rivière Rouge.) La mission de Garnet Wolseley au Soudan est semblable à celle-ci puisqu’il planifie déplacer les troupes vers Khartoum dans une flottille de bateaux remontant le Nil.

Dans un message au gouverneur général du Canada, le marquis de Lansdowne, Garnet Wolseley demande 300 voyageurs autochtones de Caughnawaga (Kahnawake), de Saint-Régis, et du Manitoba. Le premier ministre du Canada, Sir John A. Macdonald, exige qu’ils fassent partie du service britannique et qu’ils soient payés par la Grande-Bretagne.

Les annonces dans les journaux, qui offrent de 30 $ à 40 $ par mois en plus des dépenses, attirent une impressionnante quantité de réponses. Au total, 379 bateliers sont recrutés pour l’expédition. Le lieutenant-colonel canadien Frederick Denison, qui a servi dans les raids des fenians et dans la Résistance de la rivière Rouge, est nommé pour diriger le contingent. Il est accompagné de quatre autres officiers de la milice canadienne, d’un médecin militaire, et d’un prêtre.

Les voyageurs qui se réunissent à Montréal en septembre 1884 comprennent des Canadiens français et anglais, et plus de 100 Métis, Mohawks, et Haudenosaunee. La plupart d’entre eux sont des bateliers expérimentés, mais plusieurs sont des bûcherons et d’autres sont en quête d’aventure.

Frederick Denison, expédition sur le Nil
William Kennedy, expédition sur le Nil
Le capitaine Telmont Aumond du l’expédition sur le Nil
Alexander McRae, expédition sur le Nil
John Neilson, expédition sur le Nil
Capitaines de bateaux à vapeur du Manitoba, expédition sur le Nil
Capitaines de bateaux à vapeur de la rivière des Outaouais, expédition sur le Nil

La mission

Les voyageurs arrivent à Alexandrie le 7 octobre 1884 et ils prennent un train jusqu’à Assiout, en passant par Le Caire. Des baleiniers en bois de 9 mètres de longueur les attendent, et ils les utilisent pour transporter 5000 soldats et de l’approvisionnement. Les bateaux doivent parcourir 2300 km vers le sud contre le courant fort du Nil. Les baleiniers sont enchaînés à des bateaux à vapeur et ils sont remorqués durant la première partie du voyage. Le 26 octobre, ils arrivent à la garnison britannique de Wadi Halfa. Les bateaux à vapeur ne peuvent les emmener plus loin.

Des équipages de six hommes rament du lever jusqu’au coucher du soleil. Dans les parties peu profondes, ils doivent pousser les bateaux vers l’avant avec de longues perches. Les rapides obligent les hommes soit à patauger en tirant les lourdes embarcations avec des cordes, soit à entreprendre de laborieux portages. Une caravane de chameaux de 1800 soldats britanniques accompagne la flottille. Elle transporte des fournitures, elle aide aux portages, et elle offre une protection contre les mahdistes.

En janvier, l’enrôlement des voyageurs expire, et la plupart décident de retourner au Canada. Ils sont accueillis à Ottawa avec un festin et un défilé de célébration. Entre-temps, à Korti, Garnet Wolseley envoie la caravane vers le sud. Ceux qui se sont enrôlés de nouveau (environ 85 hommes) se lancent dans la longue boucle du Nil qui va vers l’est, puis le sud, et ensuite à nouveau vers l’ouest pour aller rejoindre la caravane. Leur progression est ralentie par des rapides inattendus. Le 17 janvier, la caravane est attaquée à Abu Klea. Les troupes britanniques vainquent les attaquants mahdistes, mais elles subissent des pertes de 380 hommes.

Le 26 janvier, une force de 50 000 mahdistes capture Khartoum. Des milliers de corps gisent dans les rues et la tête décapitée de Charles Gordon est exposée sur un piquet. La flottille arrive deux jours plus tard.

Le 10 février, les troupes britanniques combattent une importante force de mahdistes près de Kirbekan. Tandis que les voyageurs demeurent sur les bateaux, Frederick Denison se joint au combat. Les Britanniques en sortent victorieux, infligeant de lourdes pertes à la force des mahdistes. Entre 200 et 700 mahdistes meurent durant la bataille, comparativement à 12 soldats britanniques. La force britannique reçoit ensuite l’ordre de se retirer de l’Égypte. Comme cela signifie qu’ils doivent descendre la rivière, les compétences des bateliers canadiens sont cruciales, plus particulièrement dans les sections où les rapides sont dangereux. La flottille rejoint Garnet Wolseley à Korti le 8 mars, et les Canadiens quittent pour Alexandrie peu après. Le 17 avril, ils naviguent pour l’Angleterre, leur expédition est terminée.

Voyageurs canadiens, expédition sur le Nil

Legs

Au cours de l’expédition sur le Nil (du 14 septembre 1884 au 17 avril 1885), huit voyageurs succombent à des maladies (incluant Frederick Denison, qui meurt de la variole à Londres), six se noient, et deux meurent dans un accident de train. Bien qu’en somme l’expédition ait été un échec, elle marque la première fois qu’un contingent canadien est allé servir outre-mer.