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Phyllis Webb

Phyllis Webb, O.C., poète et communicatrice d’affaires publiques (née le 8 avril 1927 à Victoria, en Colombie-Britannique). Officier de l’Ordre du Canada et lauréate du prix littéraire du Gouverneur général, Phyllis Webb est une écrivaine canadienne de renom, ainsi qu’une poète féministe avant-gardiste.

Phyllis Webb, O.C., poète et communicatrice d’affaires publiques (née le 8 avril 1927 à Victoria, en Colombie-Britannique). Officier de l’Ordre du Canada et lauréate du prix littéraire du Gouverneur général, Phyllis Webb est une écrivaine canadienne de renom, ainsi qu’une poète féministe avant-gardiste. Son œuvre, brillamment écrite, se caractérise par une énergie formelle et aborde des thèmes humains. Sa poésie exprime à la fois une tristesse face à la fatuité de la nature humaine, un amour démesuré pour la vie et les paysages naturels ainsi qu’un instinct viscéral pour la liberté. Ses activités politiques, son travail de communicatrice d’affaires publiques pour la radio et son intérêt pour la théorie politique font transparaître dans ses textes un intérêt pour la vie publique.

Éducation et poésie

Phyllis Webb fréquente l’Université de la Colombie-Britannique, où elle obtient un baccalauréat en anglais et en philosophie, et l’Université McGill, où elle passe une année de qualification en études supérieures. À l’âge de 22 ans, elle se présente comme candidate aux élections générales de 1949 de la Colombie-Britannique pour la Co-operative Commonwealth Federation, devenant ainsi la plus jeune personne dans le Commonwealth à briguer un mandat dans une assemblée législative.

Le premier recueil de poésie de Phyllis Webb paraît dans Trio (1954), une anthologie publiée par Raymond Souster et Contact Press, renfermant également des écrits d’Eli Mandel et du poète et médecin écossais Gael Turnbull. Son livre suivant, intitulé Even Your Right Eye, sort en 1956. L’année suivante, elle reçoit la Bourse du gouvernement canadien pour outre-mer qui lui permettra d’aller étudier l’art dramatique et le théâtre à Paris. Ses premiers poèmes laissent entrevoir une conscience aiguë de son statut de poète de sexe féminin travaillant dans le cadre d’une tradition à prédominance masculine. Dès ses débuts comme écrivaine, elle est attirée de façon particulière par des mentors masculins du monde de la poésie, comme Earle Birney, F.R. Scott, Louis Dudek et le poète américain Robert Duncan. Dans Trio, elle s’identifie aux religieuses cloîtrées, passives, enclines au sacrifice de soi et, au bout du compte, effacées. Paradoxalement, elle aime aussi s’inspirer de personnages masculins forts comme le roi Lear ou Vincent Van Gogh, des hommes qui considéraient leurs dons comme une sorte de malédiction et qui vivaient dans une angoisse existentielle perpétuelle. Dans « Poet » (poème figurant dans Trio et faisant référence à l’expérience personnelle de l’artiste), Phyllis Webb écrit : « Je suis promise / J’ai pris le voile / Je me suis prosternée / J’ai marché sur des mots de clous / pour frapper sur les silences » [traduction libre]. Ici, on pourrait penser que ces « mots de clous » font allusion aux lourdes traditions patriarcales auxquelles doit se conformer l’écrivaine pour pouvoir explorer les silences qu’elle – et toutes les femmes de façon générale – doit endurer. Ces volumes offrent une perspective sombre sur la vie, pleine de désespoir et d’aliénation, voire de nihilisme.

Alors que la jeune Phyllis Webb s’intéresse d’abord aux personnages littéraires masculins – elle avouera à Pauline Butling en 1986 avoir été « très sensible à l’influence masculine, et je crois que cela s’explique par le fait d’avoir perdu mon père à un âge aussi précoce, à la suite du divorce de mes parents » –, dans les années 1960 et 1970, elle commence à s’engager de façon consciente dans le mouvement féministe et auprès des critiques féministes du canon littéraire. « J’ai commencé à réfléchir à l’origine de certains de mes problèmes d’écriture », confie-t-elle à Janice Williamson. « Enfin, j’ai eu ce sentiment irrépressible qu’il y avait eu trop de pères, dans le monde littéraire et ailleurs [...] J’ai alors écrit un petit texte dans lequel j’envoyais les pères sur le fleuve de l’Oubli, les laissant s’éloigner peu à peu. »

La transition de l’écrivaine vers une voix poétique plus féminine est palpable dans The Sea Is Also a Garden (1962), une œuvre qui s’éloigne du cérébral pour adopter un style plus sensuel, incarné et immédiat. Naked Poems, une suite de poèmes intenses, semblables au haïku, paraît en 1965. Phil Hall, un confrère de Phyllis Webb, décrit l’œuvre en ces termes élogieux : « C’est la mère de tous les longs poèmes canadiens ». En 1967, Phyllis Webb se voit octroyer une bourse pour aller mener des recherches en Union soviétique sur l’anarchiste russe Peter Krotopkin, dans le but de composer une série de poèmes sur sa vie. (Bien que ce travail ne soit jamais publié sous forme de livre, certaines parties du projet apparaîtront plus tard dans Wilson’s Bowl sous le titre « Poems of Failure » et « from The Krotopkin Poems ».) En 1971, le recueil Selected Poems 1954-65 de Phyllis Webb est publié. Son ouvrage Wilson’s Bowl (1980) compte parmi les plus importants recueils de poèmes écrits au cours des années 1970. The Vision Tree, qui lui vaudra le prix littéraire du Gouverneur général, paraît en 1982. Water and Light: Ghazals and Anti Ghazals, une série de poèmes empruntant leur forme au ghazal (poème persan), est publié en 1984. D’autres livres de l’écrivaine comprennent Hanging Fire (1990) et Nothing but Brush Strokes (1995). L’ouvrage Peacock Blue: The Collected Poems of Phyllis Webb est publié en 2014.

La poésie de Phyllis Webb soulève parfois la controverse. Dans un article célèbre de 1973 qu’il écrit dans Open Letter, John Bentley Mays prétend que la poésie de Webb « fait foi de son échec complet en tant que femme et en tant qu’écrivain », et que le « vide mélodramatique et la fausseté excessive de ses poèmes » sont en fin de compte « le symptôme de sa maladie ». Frank Davey, critique et poète d’influence, est en grande partie d’accord avec ces propos, affirmant par ailleurs que la poésie de Phyllis Webb « aspire non pas à la grandeur, mais bien à la consignation stérile de petits mélodrames et d’échecs ». Les critiques féministes voient dans ces évaluations peu flatteuses des œuvres de Phyllis Webb une démonstration claire de la mesure dans laquelle ces écrivains prenaient pour acquise la nature masculine de la tradition poétique, se sentant de toute évidence menacés par la voix résolument féminine de l’écrivaine.

Journalisme de radio et autres activités

Phyllis Webb entame la production d’une série de conférences intitulée University of the Air, pour ensuite créer, avec William A. Young, l’émission de la CBC Ideas, dont elle sera la productrice déléguée entre 1967 et 1969. Ideas est en ondes depuis maintenant une soixantaine d’années. Talking (1982) réunit des textes écrits par Phyllis Webb pour la CBC, ainsi que des critiques et des articles. En 1992, Phyllis Webb est nommée Officier de l’Ordre du Canada. Au début des années 1970, l’écrivaine poursuit son travail avec la CBC, à la pige cette fois-ci. « Si j’étais restée, raconte-t-elle à l’historien littéraire John Hulcoop, je serais devenue une personne relativement puissante et bien nantie. Or, une telle position sociale me ressemblait peu, moi qui m’associais beaucoup plus facilement aux moins fortunés. » Par la suite, en 1978, Phyllis Webb se tourne vers l’enseignement de l’écriture créative, acceptant un poste à l’Université de la Colombie-Britannique, à l’Université de Victoria et au Banff Centre. En dehors de quelques subventions et d’un passage comme écrivaine en résidence à l’Université de l’Alberta, ce sont ses activités d’enseignement qui lui permettront de subvenir à ses besoins, jusqu’à sa retraite en 1990.

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