Présence des caméras de télévision dans la salle d'audience, La | l'Encyclopédie Canadienne

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Présence des caméras de télévision dans la salle d'audience, La

Les portes des tribunaux canadiens sont ouvertes à toute personne dès lors qu'il y de la place pour elle, si le tribunal ne se trouve pas trop loin et si elle peut trouver le temps de s'y rendre.

Présence des caméras de télévision dans la salle d'audience, La

Les portes des tribunaux canadiens sont ouvertes à toute personne dès lors qu'il y de la place pour elle, si le tribunal ne se trouve pas trop loin et si elle peut trouver le temps de s'y rendre. Depuis des années, les organes de presse canadiens revendiquent le droit de téléviser les instances judiciaires. Certains tribunaux canadiens se sont prêtés à une couverture télévisée, mais il ne s'agit pas là d'une pratique courante.

La Cour suprême du Canada a autorisé la présence de caméras dans ses enceintes en 1981, pour téléviser sa décision dans le Renvoi relatif au rapatriement de la Constitution canadienne. Depuis le 2 mars 1993, elle a autorisé le reportage télévisé de trois causes, la première ayant trait à la déductibilité des dépenses liées aux frais de garde d'enfants d'une professionnelle (Symes); la deuxième, au droit au suicide assisté (Rodriguez); la troisième, à la déduction fiscale liée aux prestations alimentaires (Thibaudeau). Aujourd'hui, elle enregistre toutes les argumentations pour ses propres besoins et, parfois, à des fins pédagogiques.

En Ontario, un projet expérimental a été mené en 1982 par l'Association canadienne des directeurs de l'information en radiotélévision sous la surveillance du comité du juge en chef sur la magistrature et le barreau. Les procédures devant les tribunaux de tous les niveaux ont été enregistrées et ont servi à une série de reportages une semaine durant. Tous les intervenants ont trouvé que l'expérience avait été une réussite. Depuis lors, le service anglais de Radio-Canada a enregistré quelques procès devant les tribunaux de l'Ontario (un procès pour meurtre, une partie d'une demande d'injonction dans une affaire relative à un avortement et la détermination de la peine dans une cause environnementale), à Terre-Neuve (un procès pour conduite en état d'ébriété présidé par le premier juge autochtone de la province), en Alberta (devant le Tribunal pour adolescents) et dans les Territoires du Nord-Ouest (six causes présidées par un juge de circuit).

Le 1er janvier 1995, la Cour d'appel fédérale a lancé un projet expérimental de deux ans portant sur la couverture de ses travaux par la presse électronique. Au cours de la première année, l'appel de la décision autorisant la construction du lien fixe entre l'Île-du-Prince-Édouard et le Nouveau-Brunswick a été télévisé. Le 1er janvier 1996, la Cour d'appel de la Nouvelle-Écosse a également amorcé un projet expérimental de deux ans. Au cours des premiers mois, trois causes ont été télévisées.

Au cours des dernières années, les médias canadiens ont télévisé les travaux de commissions royales, d'enquêtes publiques, les audiences des tribunaux des droits de la personne, les audiences en matière d'immigration, les audiences de commissions des valeurs mobilières et les audiences de commissions d'enquête des plaintes contre la police. Les travaux de plus de 20 commissions d'enquête et d'autres travaux ont été télévisés en tout ou en partie depuis le début des années 80. Parmi les exemples récents, on compte l'enquête sur l'affaire de la Somalie, à Ottawa, et l'enquête Westray, à Halifax. Des témoignages quotidiens ont été télévisés des années durant.

En 1987, dans son rapport sur la réforme judiciaire en Ontario, le juge Zuber a recommandé la réalisation d'un projet expérimental de deux ans dans les tribunaux de l'Ontario. Cette année-là, la Commission de réforme du droit du Canada et l'Association du Barreau canadien (ABC) ont mené des études indépendantes et ont recommandé l'accès immédiat des caméras aux juridictions d'appel et la réalisation d'un projet expérimental de deux ans au cours duquel la présence des caméras serait autorisée dans les tribunaux de première instance. Selon le comité de l'ABC chargé de l'étude, la caméra pourrait cesser de tourner à tout moment si le juge présidant le tribunal le jugeait nécessaire dans l'intérêt de la justice.

De son côté, le Conseil canadien de la magistrature s'est opposé à la présence des caméras dans les salles d'audience, après avoir voté sur la question en 1983, en 1988 et en 1995. Sa position actuelle est considérée uniquement comme une « recommandation ».

La présence de caméras dans les tribunaux n'est pas une question nouvelle. Elle a été autorisée à une époque ou à une autre en Australie, en Chine, en France, en Israël, en Italie, dans les Pays-Bas, en Nouvelle-Zélande, en Norvège, en Russie, à Singapour, en Espagne et à la Cour européenne des droits de l'Homme. L'expérience la plus étendue à l'extérieur du Canada est sans contredit l'expérience américaine.

La présence des caméras est autorisée devant les tribunaux de 47 États et a été autorisée pendant trois ans dans des litiges civils choisis devant la Cour fédérale des États-Unis. Depuis juillet 1991, la chaîne CourTV diffuse des procès judiciaires en continu et, aujourd'hui, elle atteint plus de 15 millions de foyers. La couverture télévisée des procédures judiciaires a été massive et, même si le débat public porte particulièrement sur des cas individuels tels que l'affaire O.J. Simpson, l'affaire Menendez, l'affaire Bobbit et l'affaire W. Kennedy-Smith, des milliers de causes sont télévisées chaque année, à l'échelle locale, régionale et nationale.

Les partisans font valoir que la télévision constitue tout simplement un autre mode de diffusion de travaux publics. Les reportages par la presse électronique sont beaucoup plus justes et offrent à plus de personnes des renseignements de première main. Le fait de placer une seule caméra et un seul microphone dans la salle d'audience, du côté des banquettes publiques, sans éclairage supplémentaire ne nuit pas aux procédures, et la dignité et le décorum des procédures sont maintenus. Les témoins sont plus portés à dire la vérité, sachant que les téléspectateurs les observent. Pour ce qui est de certains témoins vulnérables, telles les plaignantes dans des causes d'agression sexuelle, il existe au Canada des interdictions de publication de tout renseignement qui permettrait de les identifier, et ces interdictions s'appliquent à toute forme de couverture médiatique, y compris la télévision. De leur côté, les avocats seront plus portés à très bien préparer et présenter leurs causes s'ils plaident à la télévision.

S'il y a des préoccupations à propos de l'anonymat des jurés, des règles peuvent être établies pour assurer que les caméras de télévision ne se tournent pas vers eux. Les partisans mentionnent un certain nombre d'études qui soutiennent leur position. L'une des plus récentes études scientifiques, publiée en 1990, a révélé que la présence de caméras dans les salles d'audience n'empêchait pas les témoins de se rappeler avec exactitude les détails d'un crime ou de communiquer efficacement et n'avait pas nui aux perceptions des jurés quant à la véracité des témoignages.

Ceux qui s'opposent à la présence de caméras dans les salles d'audience prétendent qu'il y a une plus grande tendance à jouer pour la galerie, et ils soulignent l'usage de clips « trompeurs » et « sensationnalistes » par les médias. Ils maintiennent que les médias ne sont pas intéressés à éduquer le public, mais plutôt à exploiter à des fins commerciales les tragédies privées de ceux qui sont forcés de se présenter au tribunal pour obtenir justice ou pour y participer. La publicité préjudiciable porte inévitablement atteinte à l'équité du procès. Les victimes hésiteront à signaler les crimes, de peur de devoir paraître à la télévision. La justice ne sera donc pas servie.

La plupart s'entendent pour dire que la couverture télévisée des procédures des juridictions d'appel ne fait pas problème. Les préoccupations touchent plutôt à la couverture télévisée des dépositions des témoins devant les tribunaux de première instance. La question qui se pose alors est de savoir si elle devrait être subordonnée au consentement des parties en cause et du témoin concerné. Selon les partisans d'une plus grande accessibilité, exiger le consentement, comme on le fait en Ontario, reviendrait pratiquement à réduire, sinon à éliminer, la couverture télévisée des procédures judiciaires. Ils font valoir que, bien que la position des participants puisse être prise en compte, il devrait appartenir au juge de décider si la présence des caméras doit être autorisée, en se fondant sur le principe de la publicité des procédures, les droits constitutionnels et l'intérêt public.

Libertés fondamentales

Au Canada, deux autres éléments s'ajoutent au débat. La CHARTE CANADIENNE DES DROITS ET LIBERTÉS prévoit en son alinéa 2b) qu'une liberté fondamentale constitue la « liberté de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression, y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication ». Contrairement aux États-Unis, où le droit constitutionnel de la présence de caméras dans les salles d'audience n'a pas encore été établi, la jurisprudence canadienne précise que le droit que prévoit la Charte en son alinéa 2b) comprend le processus d'enregistrement en général, ainsi que l'accès du grand public aux tribunaux. Dans l'affaire Squires, qui portait sur la question de l'accès des caméras de télévision à l'entrée d'une salle d'audience, la Cour d'appel de l'Ontario a statué que l'alinéa 2b) englobait le droit de filmer dans un palais de justice. Dans cette affaire, une majorité de 3 contre 2 a confirmé l'interdiction de l'accès des caméras à l'entrée du palais de justice comme étant une limite raisonnable de la liberté de presse au titre de l'article premier de la Charte, tout en indiquant que les considérations qui s'appliqueraient à l'accès par les caméras de télévision à la salle d'audience elle-même seraient différentes. Depuis lors, la Cour suprême du Canada, dans la décision qu'elle a rendue dans l'affaire Dagenais, a reformulé pour l'essentiel la règle de common law régissant les interdictions de publication de façon générale(voir PUBLICITÉ DES DÉBATS EN JUSTICE ET INTERDICTIONS DE PUBLICATION). Cette règle s'appliquerait aussi à la question de l'accès des caméras de télévision aux salles d'audience.

Du point de vue de l'intérêt public, il est manifeste que les Canadiens sont actuellement inondés par la couverture des tribunaux américains à la télévision. Les partisans de la présence des caméras de télévision dans les salles d'audience canadiennes font valoir que cela permettrait à la population canadienne de voir et d'entendre le fonctionnement de leur système unique de justice.

Voir aussi MÉDIAS ET LE DROIT, LES.