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Gravure

Ensemble des nombreux procédés de reproduction d'images parmi lesquels on trouve les procédés en creux, en relief et à plat ainsi que la sérigraphie.
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Gravure

Ensemble des nombreux procédés de reproduction d'images parmi lesquels on trouve les procédés en creux, en relief et à plat ainsi que la sérigraphie. La longue histoire de la gravure au Canada est marquée à la fois par l'évolution des techniques et par l'innovation artistique sur le continent nord-américain. Toutefois, les témoins de cette évolution sont aujourd'hui dispersés, rares, voire inexistants.

Gravure au début de la colonisation

Les images imprimées semblent avoir été peu en demande en Nouvelle-France, et celles qui étaient nécessaires à des fins éducatives et religieuses venaient toujours d'Europe. Chose certaine, il n'existe aucun exemple d'imprimés produits au Canada pendant le Régime français, soit avant 1760. Les premiers apparaissent en même temps que les tentatives britanniques de conquérir le Canada au milieu de la décennie et s'apparentent à l'écriture imprimée. En 1751, une presse typographique est importée de Grande-Bretagne ou des colonies américaines et installée à Halifax, mais il s'agit d'une presse à plat qui ne peut imprimer que de petites gravures sur bois pour la publicité ou les avis publics.

À la fin de la GUERRE DE SEPT ANS, en 1763, l'Angleterre cherche à coloniser ses terres nouvellement conquises en encourageant ses ouvriers qualifiés à émigrer d'Europe et des États-Unis. Parmi ces immigrants se trouvent des Allemands du Sud, qui ont des connaissances et des habiletés en techniques d'imprimerie. Ils créent ainsi une gravure sur bois, View of Halifax, pour le Nova Scotia Calender de 1777, calendrier publié par un Alsacien immigré à Halifax, Anthon Henrich. Dans les décennies qui suivent, Henrich imprime d'ailleurs des gravures sur bois semblables et d'autres plus élaborées pour les versions anglaise et allemande de son calendrier à l'instar d'un autre immigrant allemand, Christopher Sauer (ou Sower), dont les imprimés sont publiés à partir de 1786 dans des calendriers du Nouveau-Brunswick fabriqués à Saint-Jean. Malheureusement, cette pratique de la gravure sur bois ne se poursuit pas au-delà du XVIIIe siècle, car il ne s'agit là que d'une activité parallèle au monde plus sérieux de la publication de livres et d'ALMANACHS ANCIENS.

C'est plutôt à Québec, capitale de l'Empire britannique dans le Nord du continent, que l'élan artistique et l'intérêt public pour l'art de la gravure prennent leur essor. Les quartiers généraux des officiers et des représentants britanniques y sont établis, et un vif intérêt pour les arts, qui trouve surtout son expression par l'aquarelle, s'y développe (voir PEINTRES TOPOGRAPHIQUES). Avant la GUERRE DE 1812, de nombreux artistes militaires (dont les plus connus sont Thomas DAVIES, Edward Walsh et George Fisher) rapportent des représentations topographiques de paysages en Angleterre pour les faire graver et publier. Des officiers en garnison au Canada expérimentent également les techniques de gravure à l'eau-forte et au burin.

James PEACHEY, employé par le bureau de l'arpenteur général, réalise une petite eau-forte sur cuivre des CHUTES MONTMORENCY en 1779, dont il ne subsiste plus que la plaque. George HERIOT, sous-ministre des postes de l'Amérique du Nord britannique, artiste prolifique, illustrateur et auteur de nombreuses publications en anglais sur le Canada, pratique aussi l'eau-forte. Heriot est associé à Samuel et à John Neilson, les éditeurs de Quebec Magazine, dans lequel paraît un de ses paysages en eau-forte et en aquatinte en 1792.

Cette année-là, les Neilson déploient les premiers efforts soutenus en vue d'établir la gravure professionnelle au Canada. Ils importent une presse pour impression en creux et engagent un imprimeur allemand immigré, J.G. Hochtsetter, pour produire une série de paysages, de portraits et d'allégories, pour leurs publications du début des années 1790. La presse des Neilson est probablement à l'origine des nombreux in-plano et autres imprimés parus au cours de cette décennie, mais au tournant du siècle, la production a pratiquement cessé. Au cours de la première décennie du XIXe siècle, il ne semble y avoir aucune activité de gravure professionnelle, vraisemblablement parce que le Canada n'a ni la population, ni la prospérité suffisante pour poursuivre ce genre d'activité avant la Guerre de 1812.

Une nouvelle richesse se développe grâce à l'économie en temps de guerre, à une vague d'immigration et à un « tissu » national plus serré, conséquences du conflit avec les États-Unis, qui permettent en même temps aux activités artistiques de s'épanouir dans la seconde décennie du XIXe siècle. Pendant ce temps, plusieurs artistes professionnels et amateurs expérimentent la gravure pour leur satisfaction ou leur plaisir personnel; c'est le cas de William BERCZY, d'Elizabeth SIMCOE et du juge Alexander Croke, qui siégeait à la Cour de l'amirauté d'Halifax. Ces trois personnes créent des eaux-fortes d'inspiration canadienne qui sont parvenues jusqu'à notre époque.

L'étape suivante du développement de la gravure professionnelle se déroule à Halifax, où réside depuis 1808 l'Anglais Robert Field, qui réalise et publie en 1816 une eau-forte exécutée d'après son portrait à l'huile en pied du lieutenant-gouverneur sir John Sherbrooke. L'impression a sans doute été effectuée sur une presse en creux appartenant à Charles W. Torbett, imprimeur local spécialisé dans les livres et les cartes géographiques, qui imprime aussi des portraits, des certificats de clubs et des illustrations de livres. C'est probablement sur une de ses presses que John Elliott WOOLFORD, dessinateur industriel officiel de lord Dalhousie, le successeur de Sherbrooke, imprime, en 1819, une série de quatre eaux-fortes en aquatinte en couleurs représentant des édifices publics d'Halifax.

Bien qu'Halifax devienne, après 1815, le nouveau centre de l'évolution de la gravure, on assiste à cette époque à des efforts de renouveau dans le Bas-Canada. Des compagnies isolées spécialisées en gravure sur bijoux ou sur ustensiles en métal publient quelques imprimés entre 1815 et 1820, mais aucun imprimeur professionnel ne s'établit comme tel avant 1825 environ. À Québec, en 1821, à la suite de l'arrivée de la famille d'origine écossaise Smillie et de l'installation de James Smillie fils comme graveur, l'armée et l'élite locale jouent le rôle de mécènes, alors qu'à Montréal débute en 1829 la longue carrière d'Adolphus Bourne, graveur et éditeur. Bourne n'a apparemment jamais imprimé lui-même, mais il a travaillé en collaboration avec un certain nombre d'artistes et de graveurs, notamment William S. Leney, Robert A. Sproule, Charles Crehen et John Murray. Il a ainsi réalisé, avant la Confédération, plus de 50 imprimés (eaux-fortes, gravures et lithographies) publiés séparément.

La gravure d'amateur chez les artistes militaires, toujours en vogue, est stimulée par la décision du gouvernement britannique, en 1807, d'acheter à Aloys Senefelder ses droits sur le procédé lithographique afin de l'utiliser dans ses établissements officiels dans tout l'Empire. En 1824, Québec possède sa presse et, dès les années 1830, on y réalise et diffuse de nombreuses lithographies destinées tant au grand public qu'à des acheteurs privés. La lithographie représente un progrès certain pour les graveurs en devenir : la presse est aisée à manier et il est facile de reproduire des images. La lithographie dominera la gravure au Canada à partir des années 1840. Par contre, les gens du métier ne s'en servent pas avant 1831, 1orsque Samuel O. Tazewell, un imprimeur anglais émigré à Kingston, construit lui-même une presse et se met à la recherche de variétés locales de pierre calcaire pour ses activités. Après avoir réalisé une image des ponts de la Chaudière, à Ottawa, en janvier 1832, Tazewell déménage à York (Toronto) dans l'espoir de devenir imprimeur officiel pour la province. Il y réalise plusieurs in-plano, qu'il met en vente, et travaille en collaboration avec les artistes George D'Almaine et Henry Bonnycastle jusqu'à ce que ses espoirs de mécénat officiel s'évanouissent en raison des partisanneries de l'époque. En 1835, il se retire à St. Catharines pour reprendre son ancien métier d'horloger et abandonne apparemment l'imprimerie pour de bon.

D'autres imprimeurs, dont Bourne, Hugh Greene et George Matthews à Montréal, et Napoléon Aubin à Québec, ont tôt fait de suivre l'exemple de Tazewell et se mettent à imprimer et à publier des paysages et des portraits réalisés selon le procédé lithographique vers la fin des années 1830 et 1840. Matthews travaille de concert avec l'artiste James DUNCAN pour réaliser, en 1843, une série de 6 lithographies de Montréal, sur le modèle d'une autre série d'eaux-fortes de Bourne, publiée 13 ans auparavant. Aubin publie des portraits de célébrités et de politiciens locaux, des images de soupers de la Société Saint-Jean-Baptiste ainsi qu'un portrait de MgrLAVAL.

Dans les Maritimes, la proximité du grand centre de la gravure qu'est Boston a une grande influence sur le développement artistique local. Pendant que, vers 1835, des artistes comme William Eagar et Mary G. Hall font lithographier leurs oeuvres à Boston, on observe une baisse de la popularité de la gravure, et ce, jusque vers la fin des années 1850. À l'opposé, Toronto connaît, dès les années 1840, un essor dans ce domaine. L'adepte le plus en vue, Hugh Scobie, écossais de naissance, lance son entreprise en 1838. En collaboration avec plusieurs artistes, notamment John Gillespie, John HOWARD et Sandford FLEMING, et en association avec John Balfour de 1846 à 1850, Scobie publie, jusqu'à sa mort prématurée en 1853, un bon nombre de jolis imprimés qui ont du succès. John Ellis, imprimeur anglais, est un autre pionnier, qui ouvre un commerce en 1843 et publie des lithographies jusqu'à sa retraite en 1868 (voir IMPRIMERIE).

Imprimeries

Dans les années 1850, il existe de nombreuses imprimeries d'importance à Toronto, à Montréal, à Québec, à Ottawa et dans d'autres villes. Les progrès technologiques, comme la presse rotative à vapeur, la lithographie en couleurs et la gravure sur bois, stimulent la demande, la production et le marché à un point jamais atteint, même si les imprimés obtenus sont généralement de qualité médiocre. C'est ainsi qu'un artiste comme Cornelius KRIEGHOFF, à la recherche d'un imprimeur qui reproduirait ses oeuvres, s'adresse d'abord à une compagnie de Munich, puis de New York. Paul KANE confie à la compagnie Fuller & Benecke (ou Bencke) de Toronto la tâche de produire une superbe impression en polychromie sur plaque de bois de son oeuvre, Death of Big Snake. C'est une expérience emballante que Kane ne renouvelle toutefois pas, et la compagnie doit bientôt fermer ses portes, victime de la conjoncture économique et de la tendance à l'industrialisation des techniques d'impression.

Les artistes canadiens ressentent une frustration croissante dans leur rôle de graveurs au cours des années 1860 et 1870, lorsque les intérêts commerciaux, les innovations technologiques et l'avènement de la photographie les relèguent au rang d'artisans, particulièrement dans les grands centres comme Montréal et Toronto. C'est toutefois à cette même époque qu'ils commencent à prendre davantage conscience de leur place dans la société canadienne. Les Canadiens de naissance adoptent la nouvelle attitude des immigrants envers la gravure, qui leur vient de Grande-Bretagne et de France. Sous le nom de « renouveau de l'eau-forte », le mouvement est suivi par des artistes comme Alphonse Legros et l'Américain James Whistler. Ces hommes commencent à considérer la gravure non plus comme une méthode de reproduction d'images existantes, ni comme l'art d'illustrer, mais comme une oeuvre en soi, dont l'artiste est non seulement le concepteur, mais aussi le créateur de la plaque, l'imprimeur et l'éditeur.

Ce virage radical entraîne l'idée de tirages limités. Chaque oeuvre serait numérotée et signée par l'artiste et aurait ainsi sa valeur propre. Tandis que ces idées se répandent chez les artistes du Canada et d'ailleurs et que ces derniers les adoptent, un fossé se creuse entre l'imprimé artistique et l'imprimé commercial ou la reproduction, distinction qui subsiste toujours.

Relance de la gravure artistique

Les premières manifestations canadiennes de ce mouvement prennent forme chez des artistes canadiens étudiant à l'étranger. Parmi les premiers, on trouve Elizabeth Armstrong Forbes, qui étudie avec la Arts Students League de New York avant de se rendre à Londres, à Munich et en Bretagne (Pont-Aven, 1882), où elle s'intéresse à l'eau-forte. Elle influence des artistes tels que Charles Henry White, élève de Whistler en Angleterre, et Clarence GAGNON, qui part pour Paris en 1904 et acquiert au cours des cinq années qui suivent une réputation internationale en tant qu'aquafortiste-artiste. Malheureusement, ces artistes n'ont toutefois pas d'influence dans leur pays d'origine : Forbes et White demeurent tous deux à l'étranger, alors que Gagnon abandonne l'eau-forte à son retour au Canada, en 1909, pour en revanche acquérir une réputation considérable comme peintre.

Au Canada, un certain nombre d'événements ravivent la gravure artistique. La publication de Picturesque Canada en 1882, représentant l'oeuvre de certains artistes américains ainsi que celle de plusieurs Canadiens, notamment J. Henry Sandham, Lucius O'BRIEN et John A. FRASER, a un double effet : elle démontre les possibilités de la gravure pour exprimer toute la beauté du paysage canadien et attise un désir conscient chez les artistes canadiens de s'initier à la gravure artistique.

La négligence relative de l'imprimé observée à l'Académie royale des arts du Canada et à l'Ontario Society of Artists n'est pas étrangère à cette nouvelle orientation. Avec la diffusion des idées du « renouveau de l'eau-forte », il est inévitable que l'influence de ce mouvement se fasse sentir au Canada, en particulier à Toronto, où est fondée l'Association of Canadian Etchers en 1885, association composée de plusieurs artistes nés en Grande-Bretagne, comme Arthur Cox, William Cruikshank et Thomas Mower Martin, et de jeunes artistes canadiens, comme William W. Alexander, Henry S. Howland et William J. Thomson. L'organisme commandite une exposition des oeuvres de ces artistes et d'anciens maîtres d'Europe. Si celle-ci connaît un échec à cause de problèmes financiers et de l'indifférence du public, elle permet de briser la glace, et bientôt d'autres groupes d'artistes du même type se forment à Toronto.

L'année 1886 voit la fondation de la Toronto Art Students' League, qui s'inspire de sociétés semblables aux États-Unis et en Angleterre et tient des réunions hebdomadaires pour faire des études d'anatomie et donner des cours de composition. En 1904, la ligue existe toujours et compte parmi ses membres les graveurs William J. Thomson, John Cotton, reconnu plus tard pour ses merveilleuses aquatintes, W.W. Alexander, Alfred H. Howard et William D. Blatchly ainsi que les artistes-illustrateurs John D. Kelly, Charles M. Manly, R. Weir Crouch, Charles W. JEFFERYS et Fred Brigden. La ligue offrait une atmosphère sympathique, propice à l'effort artistique, était le terrain de pratique des jeunes artistes et un moyen de diffuser les grandes tendances internationales dans la communauté artistique canadienne. Plusieurs membres de la ligue sont des artistes commerciaux associés à la F. Brigden Ltd et à la Grip Ltd, où leur talent est mis au service du graphisme. Plusieurs d'entre eux finissent par quitter le Canada pour aller travailler ailleurs : David F. Thomson et Norman Price poursuivent une carrière commerciale prospère aux États-Unis, tout comme C.W. Jefferys et David MILNE, qui rentrent toutefois au pays par la suite. La collection de gravures à la pointe-sèche de Milne constitue un corpus d'oeuvres imposant où l'on trouve quelques-unes des meilleures gravures jamais réalisées au Canada. Arthur C. Goode et A.A. Martin partent pour l'Angleterre et fondent le studio Carlton, qui deviendra le plus grand studio d'art commercial de ce pays.

La fondation de la Toronto Art Students' League entraîne la mise sur pied d'autres organismes dont le Mahlstick Club (1899-1903) et le Little Billee Sketch Club (1898-1899). Toutefois, son successeur le plus important est le Graphic Arts Club, fondé en 1904 par Jefferys, Manly, Brigden, Kelly, Robert Holmes, Thomas G. Greene, John W. Beatty, qui deviendra professeur au ONTARIO COLLEGE OF ART AND DESIGN, et Albert H. Robson, directeur artistique de la Grip Ltd, où travailleront Tom THOMSON, J.E.H. MACDONALD et d'autres artistes du GROUPE DES SEPT.

En 1924, à l'occasion de sa première exposition publique, le Graphics Art Club devient la Société canadienne des arts graphiques, officiellement constituée en 1933. Cet organisme devient le plus important regroupement d'artistes dans les années 40; en font partie des artistes de partout au Canada dont Ivor Lewis, Eric Aldwinckle, Miller BRITTAIN, Carl SCHAEFER, Nicholas Hornyansky et H. Eric Bergman (voir ASSOCIATIONS D'ARTISTES).

Toronto demeure le centre de la gravure artistique durant les deux premières décennies du XXe siècle, principalement grâce aux efforts de William Thomson pour intéresser un plus large public à cette forme d'art. Il trouve un ami influent en la personne de sir Edmund WALKER, qui permet l'exposition historique de gravures et de dessins prêtés à la Art Gallery de Toronto, en 1912, et la publication du catalogue de cette exposition. Les expositions annuelles de la galerie, de 1914 à 1917, ainsi que la décision d'autres organismes artistiques comme la Art Association of Montreal, la Ontario Society of Artists et l'Académie royale des arts du Canada de reconnaître la gravure comme une forme d'art autonome, contribuent à la fondation, en 1916, de la Société des peintres-graveurs canadiens. Cette société, dont Thomson est le premier président, rassemble des artistes des quatre coins du pays, dont Herbert Raine de Montréal, Henry Ivan Neilson de Québec (qui fondera et sera le premier président de la Québec Society of Artists en 1920) et Walter J. Phillips de Winnipeg.

Gravure dans l'Ouest du Canada

L'évolution de la gravure dans l'Ouest du Canada mérite un examen beaucoup plus approfondi que celui dont elle a bénéficié jusqu'à présent. Malgré le nombre imposant d'artistes qui ont fait honneur aux paysages de l'Ouest durant le XIXe siècle, les gravures provenant de leur travail ont généralement été publiées ailleurs. On connaît mal les débuts de la gravure dans cette région; on sait toutefois qu'en 1882 sont installées dans les locaux du British Colonist de Victoria une presse à cylindres à vapeur et une presse chromolithographique. La compagnie montréalaise Bishop Printing & Engraving Co ouvre un bureau à Winnipeg en 1883 pour être bientôt suivie par d'autres compagnies de l'Est telle la Brigdens. En 1900, plusieurs imprimeries commerciales sont en affaires dans l'Ouest.

Les développements importants, cependant, ne surviennent qu'avec l'arrivée, à Winnipeg, juste avant la Première Guerre mondiale, des artistes anglais Cyril J. Barraud, Hubert V. Fanshaw et Walter PHILLIPS ainsi que de l'Allemand H. Eric Bergman. Cyril Barraud enseigne la gravure à l'eau-forte à Phillips et lui vend une presse avant son départ en 1915 pour l'Angleterre, où il deviendra dessinateur de guerre. En 1919, à l'occasion de l'exposition « Souvenirs de guerre canadiens », Barraud, en collaboration avec Caroline Armington, Gerard De Witt et Gyrth Russell, publie une série de pointes-sèches et d'eaux-fortes représentant des batailles auxquelles des Canadiens ont pris part.

Durant et après la guerre, Phillips et Bergman acquièrent une réputation nationale pour leurs eaux-fortes et leurs gravures sur bois et deviennent membres de la Société des peintres-graveurs canadiens. Phillips expérimente aussi l'impression en polychromie sur plaque de bois, une forme d'art qui lui vaut une réputation mondiale à la fin des années 20. En 1925, Phillips, Bergman et Alexander Musgrove, Écossais d'origine, fondent la Manitoba Society of Artists, dont fait aussi partie le Canadien Lionel LeMoine FITZGERALD, plus connu pour ses peintures que pour ses délicates eaux-fortes et pointes-sèches.

Dans les années 40, l'appartenance de la gravure à la famille des beaux-arts n'est plus à démontrer au Canada. Plusieurs graveurs vivent confortablement de leur art, alors que d'autres occupent de prestigieux postes de professeurs dans le domaine. Parmi ces derniers se trouvent le peintre Edwin HOLGATE, également réputé pour ses gravures sur bois, qui enseigne à l'École des beaux-arts de Montréal; Frederick Haines, qui devient directeur du Collège des beaux-arts de l'Ontario en 1932; et Ernest LINDNER, un Autrichien immigré au Canada en 1926, qui devient enseignant au Saskatoon Technical College en 1935, où il expérimente la gravure sur linoléum. En cela, Lindner joue un rôle précurseur, car l'eau-forte et la gravure sur bois cèdent le pas à d'autres procédés d'impression durant les années 30 et 40.

C'est la société Sampson-Matthews, de Toronto, qui réalise les premiers travaux en impression couleur (sérigraphie) au Canada dans les années 20 et cette technique est graduellement admise comme forme d'expression artistique grâce aux oeuvres d'artistes comme Leonard Brooks. La lithographie connaît aussi un regain de popularité dans les années 40, après être tombée en disgrâce à la fin du XIXe siècle. Avec la gravure sur linoléum, la lithographie et la sérigraphie viennent au premier plan des progrès de l'après-guerre. Elles conviennent bien à cette génération d'artistes-graveurs canadiens qui poursuivent la tradition de leurs prédécesseurs tout en assimilant les idées et les courants internationaux pour les adapter à la scène artistique canadienne.

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