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Syndicalisme industriel révolutionnaire

Le syndicalisme industriel révolutionnaire est un vaste mouvement international voué au regroupement des travailleurs en des organisations ouvrières unies visant à renverser le système capitaliste au moyen de mesures industrielles, dont la grève générale.

Syndicalisme industriel révolutionnaire

Le syndicalisme industriel révolutionnaire est un vaste mouvement international voué au regroupement des travailleurs en des organisations ouvrières unies visant à renverser le système capitaliste au moyen de mesures industrielles, dont la grève générale. Contrairement aux doctrines plus orthodoxes du socialisme, du communisme ou du socialisme démocratique, ce mouvement cherche à établir une maîtrise ouvrière directe de la vie économique et politique grâce à des syndicats et à des conseils ouvriers. Au Canada, il se manifeste principalement par le ONE BIG UNION ou OBU (1919-1956), une coalition regroupant des partisans de l'INDUSTRIAL WORKERS OF THE WORLD (IWW), des socialistes et des syndicalistes. À la différence de l'IWW et de la LIGUE POUR L'UNION OUVRIÈRE ou LUO (1929-1936), des syndicats américains qui entretiennent des liens directs avec l'Internationale communiste de Moscou, l'OBU est une organisation entièrement canadienne, qui recrute néanmoins des membres aux États-Unis et reçoit temporairement l'appui des travailleurs de diverses localités parmi lesquelles Butte, dans le Montana, et Lawrence, dans le Massachusetts.

Bien qu'il prône le recours à la grève générale pour détruire le capitalisme et qu'il dénonce violemment les lacunes du système parlementaire, ce mouvement n'écarte pas complètement l'action politique dans le contexte canadien. R. B. RUSSELL, secrétaire général de l'OBU, W.A. Pritchard, de Vancouver, et d'autres syndicalistes se présentent aux élections fédérales de 1921. En 1920, John Angus McDonald est élu au Parlement à titre de représentant des mineurs de l'OBU du Nord de l'Ontario. Phillip Martin Christophers est élu à l'Assemblée législative de l'Alberta pour représenter les mineurs de l'OBU du col Crowsnest, en 1921.

Étant en général le reflet d'une interprétation éclectique des doctrines syndicaliste et socialiste, le syndicalisme révolutionnaire canadien tente de correspondre aux traditions diverses et aux besoins complexes de ses membres. Contrairement aux syndicalismes britannique, allemand et même américain, il ne parvient pas à faire des poussées importantes dans les industries de production de masse qui, en théorie, constituent ses principales cibles. Toutefois, jusque dans les années 30, il trouve un appui solide dans les secteurs minier et forestier. Son influence se fait d'ailleurs sentir dans des syndicats tels que les Mine, Mill and Smelter Workers et l'International Woodworkers of America. Le syndicalisme révolutionnaire canadien trouve aussi des partisans au sein des groupes qui se sentent mis à l'écart de l'establishment politique et économique d'une part et du mouvement syndical établi d'autre part : les immigrants non anglophones, les travailleurs agricoles et les chômeurs. Enfin, grâce à l'OBU, le syndicalisme révolutionnaire inclut pendant un certain temps les travailleurs spécialisés, surtout en 1919 en Colombie-Britannique et au Manitoba.

Peu après la Première Guerre mondiale, il semble que le syndicalisme révolutionnaire remette sérieusement en question ou détruise même les modèles traditionnels de relations industrielles et d'organisation syndicale au Canada. Les problèmes engendrés par la guerre, y compris un amer débat sur la CONSCRIPTION, entraînent un clivage profond entre les dirigeants syndicaux de l'Est et ceux de l'Ouest. La Fédération du travail de la Colombie-Britannique, une organisation militante, croise continuellement le fer avec le bloc majoritaire (« de l'Est ») du CONGRÈS DES MÉTIERS ET DU TRAVAIL DU CANADA (CMTC). Quand Albert « Ginger »GOODWIN, le chef de la grève de Trail, en 1917, est abattu en juillet 1918 par un agent de la police fédérale, une grève générale d'un jour est déclenchée à Vancouver et les dirigeants de la Fédération du travail de la Colombie-Britannique animent, en mars 1919, la Western Labour Conference prônant la sécession d'avec le CMT. En avril, le gouvernement fédéral n'offre aux travailleurs que la création d'une commission royale pour découvrir les « causes de l'agitation ouvrière ». De nombreux syndicalistes de l'Ouest boycottent tout simplement les séances de la commission. Tandis que l'OBU poursuit ses activités de syndicalisation, des travailleurs, que ses dirigeants disent représenter, se soulèvent de façon indépendante. Une one big union émerge de la base, est mise en branle par les travailleurs canadiens et mène à une rébellion qui se déroule en mai et en juin 1919. Le gouvernement, les employeurs et les dirigeants des syndicats internationaux collaborent à la répression qui s'ensuit. Après l'échec de la GRÈVE GÉNÉRALE DE WINNIPEG, l'OBU perd toute chance de prendre la direction du mouvement ouvrier. Les travailleurs appartenant aux industries assujetties à la réglementation fédérale, comme les mines de charbon du district N° 18 de l'Alberta, sont forcés de quitter l'OBU. De plus, les employés d'ateliers du Canadien National (CN) affiliés à l'OBU de Winnipeg portent en vain une plainte de discrimination au Conseil privé dans l'affaire Young contre le CN.

Durant les années 20, on trouve de nombreux anciens sympathisants de l'IWW et de l'OBU dans le PARTI COMMUNISTE DU CANADA ou dans la « gauche » des syndicats du CMT. Le plus connu d'entre eux reste sans doute J. B. MCLACHLAN, de Glace Bay, en Nouvelle-Écosse, qui est emprisonné pour avoir fomenté les GRÈVES AU CAP-BRETON DANS LES ANNÉES 20. Cette expérience pousse McLachlan, Harvey Murphy, Tom McEwen, Annie BULLER et d'innombrables autres radicaux à redoubler d'ardeur dans un effort ultime de construire une « centrale syndicale révolutionnaire » canadienne dans les années 30 , soit la LUO. Même si elle est la création des chefs torontois du Parti communiste, la LUO devient une véritable ligue de travailleurs unis, surtout entre 1932 et 1934, quand le dirigeant du parti est incarcéré au pénitencier de Kingston. En 1933, lors d'une assemblée tenue de bonne foi par les délégués, on apporte des modifications importantes à constitution de la LUO et on élit J.B. McLachlan à la présidence de la Ligue.

La LUO, comme l'IWW et l'OBU, ne parvient pas à recruter plus d'une fraction des syndicats affiliés au CMT. Toutefois, elle mobilise plus de 50 000 travailleurs à l'occasion de grèves, comptant ainsi pour 50 p. 100 de toutes les grèves et de tous les grévistes au Canada en 1933-1934. La percée de la LUO dans la zone industrielle du Sud de l'Ontario au cours de ces années constitue un nouveau départ pour le syndicalisme révolutionnaire canadien et traduit la présence de la force ouvrière canadienne, une force qui augmente considérablement en 1937. La LUO connaît son apogée en 1934, quand ses militants ne mènent pas moins de 109 grèves. En 1931, trois mineurs sont tués à Estevan, en Saskatchewan. En 1933, on fait appel aux mitrailleuses de l'armée pour combattre la LUO à Stratford, en Ontario. En 1935, coups-de-poing américains et cavalerie policière sont mis à contribution contre une organisation affiliée sur les quais de Vancouver. La LUO vise, par cette lutte, à satisfaire des revendications immédiates, comme les demandes de travail et de salaire faites en 1935 par les participants à la MARCHE SUR OTTAWA. Ses politiques pratiques ne sont pas révolutionnaires. Une équipe complète de partisans de la LUO est élue au conseil municipal de Blairmore, en Alberta, en 1933. Comme d'habitude, celle-ci présente des concepts anciens sous un nouveau jour, elle refait une beauté à la rue principale et la surnomme boulevard Tim BUCK.

Durant la Crise des années 30, le syndicalisme industriel révolutionnaire ne disparaît pas vraiment en Amérique du Nord. Au contraire, ses défenseurs sont cooptés dans la gauche politique orthodoxe ou dans le pragmatique Congrès des organisations industrielles (COI; anciennement appelé Comité pour l'organisation industrielle). La plupart des militants de la LUO se joignent, en 1936, aux syndicats américains du COI. En dépit du destin peu reluisant des syndicalistes révolutionnaires canadiens, on peut comparer avantageusement la situation du Canada à celle de l'Europe, où est né le mouvement. En 1940, leurs homologues de France, d'Italie, d'Allemagne, d'Espagne et d'URSS étaient en prison sur ordre des dictateurs. L'aspect « révolutionnaire » du mouvement finit par n'être que chimère. Toutefois, son aspect pratique prend l'allure d'un programme dont bénéficie la main-d'oeuvre, soit toutes les personnes dont le travail manuel ou intellectuel utile sert à nourrir, à vêtir ou à abriter autrui ou contribue à maintenir un degré convenable de santé, de confort et d'instruction à la race humaine (Conseil exécutif général de l'OBU, Vancouver Bulletin, N° 1).

Voir aussi TRAVAILLEURS, HISTOIRE DES.

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