Samuel Simpson Sharpe | l'Encyclopédie Canadienne

Article

Samuel Simpson Sharpe

Samuel Simpson Sharpe, avocat, politicien et soldat (né le 13 mars 1873 à Zephyr, en Ontario; mort le 25 mai 1918 à Montréal, au Québec). Samuel Sharpe était officier de milice et député quand il a levé le 116e bataillon du Corps expéditionnaire canadien et l’a accompagné outremer. Après avoir participé à plusieurs des combats les plus meurtriers de la guerre pour le Canada, il a été hospitalisé pour choc nerveux puis rapatrié au Canada. Alors qu’il était sous traitement, il s’est suicidé en se jetant de la fenêtre d’un hôpital de Montréal.


Formation et carrière civile

Samuel Sharpe est le fils de George Sharpe et Mary Ann Simpson. Il fait ses études primaires et secondaires dans la ville d’Uxbridge, en Ontario. À l’âge de 16 ans, il se joint au 34th Ontario Regiment, une unité d’infanterie de la milice locale. Il complète son éducation postsecondaire à l’Université de Toronto, où il reçoit un baccalauréat ès arts en science politique à University College et un diplôme en droit d’Osgoode Hall.

Après avoir terminé ses études en 1895, Samuel Sharpe devient un avocat et procureur notable à Uxbridge. Leader de sa communauté, il est ancien de l’Église méthodiste, maître des francs-maçons et procureur de la municipalité pendant 10 ans. En 1903, il épouse Mabel Crosby (1871-1938). Commissionné en 1894, il s’élève au rang de major et devient vice-commandant du 34th Regiment.

Carrière politique

En 1908, Samuel Sharpe est élu député conservateur de l’ancienne circonscription fédérale d’Ontario North. Il est réélu en 1911. Avant que la Première Guerre mondiale n’éclate en 1914, le premier ministre Robert Borden envisage de le nommer ministre de la Milice et de la Défense. Finalement, Robert Borden choisit plutôt le belliqueux Samuel Hughes, lui aussi officier de milice. Samuel Sharpe et Samuel Hughes se querellent à la Chambre des communes au sujet de la milice et de la personnalité antagoniste de Hugues. En 1917, Samuel Sharpe est réélu sous la bannière unioniste pendant qu’il combat outremer (voir Gouvernement d’union).

Première Guerre mondiale

Quand éclate la Première Guerre mondiale, Samuel Sharpe n’est pas sélectionné pour le commandement, ce qu’il attribue à ses désaccords passés avec Samuel Hughes, qui use de son pouvoir pour nommer et révoquer à son gré les officiers de commandement. Finalement, en novembre 1915, Hughes autorise Samuel Sharpe à lever une unité d’infanterie, le 116e bataillon du comté de l’Ontario.

Samuel Sharpe est promu lieutenant-colonel et nommé commandant. Il recrute personnellement beaucoup de membres de son unité, dont plusieurs sont des amis ou des parents. Le bataillon s’embarque à Halifax à bord du RMS Olympic (navire jumeau de l’infortuné Titanic) avec quatre autres bataillons, le 24 juillet 1916, et arrive à Liverpool une semaine plus tard. Après un nouvel entraînement, le 116e est déployé en France le 11 février 1917.

En France, le 116e est inclus dans la 9e brigade, 3e division d’infanterie, où il remplace le 60e bataillon (Victoria Rifles of Canada). Pendant la bataille de la crête de Vimy, du 9 au 12 avril 1917, le 116e est en réserve; ce n’est que plus tard qu’il s’installera dans les tranchées. Le 23 juillet, le bataillon participe à une incursion à Avion, de l’autre côté de la crête de Vimy, qui fait 25 victimes. Samuel Sharpe perd un collègue de longue date, le lieutenant Tom Hutchinson, qui meurt des blessures subies pendant l’attaque. Cette perte l’affecte durement.

Le 22 août, à la Côte 70, le 116e prend la relève du 27e bataillon dans une tranchée du front. Pendant les cinq jours qui suivent, un bombardement d’artillerie soutenu des Allemands fait 11 morts et 51 blessés dans l’unité. En octobre et en novembre, le bataillon perd encore 36 hommes à la bataille de Passchendaele. Le 7 novembre, Samuel Sharpe est cité par le feld-maréchal sir Douglas Haig, commandant de la British Expeditionary Force, à laquelle appartient le Corps expéditionnaire canadien.

Le 26 décembre, Samuel Sharpe est envoyé en Angleterre pour suivre une formation d’officier supérieur. Simultanément, la hiérarchie le relève de ses fonctions de commandant. Il est remplacé par le lieutenant-colonel George Pearkes, CV. En janvier 1918, Samuel Sharpe est décoré de l’Ordre du Service distingué. Peu après avoir reçu la médaille du roi George V à Buckingham Palace, il est victime d’une dépression nerveuse et admis à l’Hôpital de convalescence canadien de Buxton.

En mai, Samuel Sharpe est déclaré invalide, rapatrié au Canada puis admis au Royal Victoria Hospital à Montréal. Il est atteint d’obusite, ce que nous appelons aujourd’hui trouble de stress post-traumatique (TSPT). Les épreuves du front, en particulier la perte d’un bon nombre de ses camarades, ont eu raison de sa résistance. Le 25 mai, il se jette d’une fenêtre du quatrième étage de l’hôpital et se tue sur le sol en ciment. Ses funérailles se déroulent à Uxbridge quatre jours plus tard.

Newspaper Clipping about Samuel Sharpe, 1918

Signification et reconnaissance

Le suicide de Samuel Sharpe est le résultat des terribles épreuves du service en temps de guerre. Il fait partie des quelque 10 000 soldats canadiens qui ont reçu un diagnostic d’obusite au cours de la Première Guerre mondiale. À la fin de la guerre, il est généralement admis que les suicides de soldats sont une conséquence des expériences traumatisantes du front. Samuel Sharpe est considéré comme un de ces héros qui ont sacrifié leur vie pour leur pays. En 1920, une plaque commémorative en son honneur est dévoilée dans l’église méthodiste locale.

Toutefois, l’histoire de Samuel Sharpe, comme celle des autres soldats victimes d’obusite, est rapidement oubliée ou éclipsée. En 1924, une statue est érigée au Parlement en l’honneur d’un autre député, le lieutenant-colonel George Baker, qui est mort au combat en juin 1916. Samuel Sharpe, le seul autre député mort dans cette guerre, n’est même pas mentionné. Il faudra presque un siècle avant que son sacrifice soit officiellement commémoré par le Parlement.

En 2015, le député conservateur Erin O’Toole, alors ministre des Anciens Combattants, lance une campagne en faveur d’une reconnaissance officielle de Samuel Sharpe. Un bas-relief en bronze à son effigie est commandé et complété en 2016. Toutefois, après la prise du pouvoir par les libéraux, l’œuvre demeure entreposée. Finalement, une coalition de députés organise avec succès une demande en consentement unanime pour qu’elle soit installée. La plaque est dévoilée le 7 novembre 2018 dans l’édifice du Centre du Parlement.

Le 25 mai 2018, l’Uxbridge Historical Society et le Sam Sharpe Statue Committee dévoilent au public une statue en bronze de Samuel Sharpe, dans le centre-ville d’Uxbridge, en présence de membres de sa famille. La statue, plus grande que nature, représente Samuel Sharpe assis, pensif, alors qu’il se prépare à rédiger une lettre pour l’épouse d’un de ses soldats qui vient de mourir. Un de ses pieds, posé sur un rocher, est plus haut que l’autre, ce qui dans la tradition sculpturale indique que le sujet est mort au combat.

Le 12 septembre 2019, le Durham Region Courthouse à Oshawa est rebaptisé le Lieutenant-Colonel Samuel Simpson Sharpe, DSO, MP Courthouse. La cérémonie a lieu devant des représentants du gouvernement, des soldats, des professeurs, des élèves et des membres de la famille Sharpe. Comme dit l’élève de 11e année Emma Webb, « son histoire ne peut être oubliée. Il faut s’en souvenir. »

Samuel Sharpe n’est qu’un des nombreux soldats qui, au fil des ans, ont subi des blessures psychologiques à la guerre. Il faut espérer que la reconnaissance publique de son sort contribuera à réduire la stigmatisation qui entoure trop souvent le TSPT.