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Santé publique au Québec

L'expression santé publique désigne dans un premier sens la santé de la population par opposition à la santé individuelle. C'est également ainsi que l'on nomme l'ensemble des moyens que prend une société pour prévenir la maladie et promouvoir la santé.

Santé publique au Québec

L'expression santé publique désigne dans un premier sens la santé de la population par opposition à la santé individuelle. C'est également ainsi que l'on nomme l'ensemble des moyens que prend une société pour prévenir la maladie et promouvoir la santé. Dans cette seconde acception, l'expression réfère aux institutions dont une société se dote pour accomplir cette mission qui a cependant été désignée différemment selon les époques. C'est ainsi qu'on est passé de l'hygiène publique au XIXe et dans la première moitié du XXe s., à la santé publique dans les années 50 et 60, puis à la santé communautaire dans les années 70 et 80, pour revenir enfin à la santé publique, depuis le début des années 90.

Les concepts et les pratiques de support à la santé publique ont varié dans le temps. D'une conception environnementale de l'origine des maladies infectieuses, qui prévalait au XIXe s., accordant un rôle majeur à l'assainissement du milieu, à la propreté, on est passé, au tournant du XXe s., à la théorie microbienne qui va favoriser le dépistage des cas. L'intérêt va se déplacer de l'environnement physique vers le bien-être de l'individu. Ce changement de conception va avoir une influence décisive sur les pratiques. C'est l'ère de la médecine préventive avec la vaccination, le dépistage et l'éducation sanitaire. La vaccination permet aux individus d'éviter la maladie et à la population, l'épidémie. Le dépistage permet le traitement précoce, l'identification des contacts et l'enquête épidémiologique pour retracer les causes et enrayer la propagation. L'hygiène du milieu devient plus spécifique en visant à protéger de la contamination l'eau de boisson et les aliments. L'éducation sanitaire a pour objectif de changer les conceptions que la population en général se fait de l'origine des maladies infectieuses et des moyens pour les combattre. On pensait à l'époque qu'il suffisait d'informer pour amener les gens à modifier leurs comportements.

Les pratiques s'organisent principalement autour de la lutte contre les maladies vénériennes, la tuberculose et les maladies du nourrisson et de l'enfance.

Alors qu'au XIXe s., ce sont les municipalités qui ont la responsabilité de mettre en place les moyens de lutte contre ces maladies, à partir de la fin de ce siècle, avec la création du Conseil d'hygiène, le gouvernement du Québec se dote d'un organisme central pour orienter cette lutte et exercer une surveillance sur les municipalités. Cet organisme deviendra le Service provincial d'hygiène en 1922, puis le ministère de la Santé en 1936. À partir de 1926, devant l'évidence que les municipalités rurales et semi-rurales n'ont ni les moyens ni la volonté de mettre en place des services d'hygiène publique efficaces, on remplace graduellement ces derniers par les unités sanitaires de comté, un réseau de services de prévention moderne et efficace sous l'autorité directe du ministère. Ce réseau s'étendra progressivement à tout le territoire du Québec, à l'exception de la ville de Québec, de Montréal elle-même, et de ses municipalités voisines situées sur l'île du même nom. Ces unités sanitaires atteindront le nombre de 73 en 1960.

Conçu essentiellement pour la lutte contre les maladies infectieuses, le système d'hygiène publique aura beaucoup de mal à s'adapter au virage épidémiologique amorcé dans les années 40 au cours desquelles les maladies cardiovasculaires, les cancers et les accidents se substituent aux maladies infectieuses comme cause principale de mortalité et de morbidité.

Au Canada, durant les années 60, on prend de plus en plus de distance vis-à-vis de l'hygiène publique traditionnelle. Les thèmes comme la prévention des maladies cardiovasculaires et des cancers, la médecine globale, qui englobe la prévention et les interventions de nature curative dans une même pratique, la remise en question du système traditionnel de santé publique sont constamment évoqués. Pour bien montrer cette distanciation par rapport à la santé publique traditionnelle, l'expression "santé communautaire" se substitue à celle de « santé publique ». Le concept de santé communautaire inclut, en effet, celui de médecine globale et de participation de la population locale à la gestion des centres de soins et à l'élaboration des activités de prévention et de promotion de la santé. Au Québec, avec la réforme radicale de l'organisation des services de santé et des services sociaux entreprise au début des années 70, les unités sanitaires de comté et les services de santé municipaux existants disparaissent pour être remplacés par de nouvelles structures de santé publique; ce sont essentiellement les départements de santé communautaires (DSC) à l'échelon sous-régional et les centres locaux de services communautaires (CLSC). Les DSC ont le mandat de réaliser des études sur les besoins sanitaires de la population du territoire desservi, de faire des enquêtes sur les épidémies et prendre les actions appropriées, d'élaborer et de mettre en œuvre des programmes de prévention en collaboration avec les CLSC. Dans les faits, les départements s'intéressent de moins en moins aux maladies infectieuses et se concentrent sur des activités liées à la prévention des maladies chroniques et à la promotion de la santé.

Au nombre de 32, ils sont localisés dans autant d'hôpitaux, avec mission d'établir des liens avec les services curatifs, ce qui constitue une nouveauté par rapport à ce qui existait depuis le début du siècle, alors que les services préventifs et les services curatifs étaient séparés et avaient peu de relations les uns avec les autres.

Une des grandes lacunes dans les structures du système de santé du Québec consistait en l'absence d'établissements publics de soins de première ligne face aux cabinets et aux polycliniques privés. La création des CLSC vise à combler ce vide. Ce sont des établissements qui ont une triple mission: fournir des soins curatifs et préventifs, des services sociaux individuels et des services dits d'action communautaire. À l'origine, ils devaient être la porte d'entrée du système de santé. On en prévoyait alors 200 pour l'ensemble du territoire. Ce nombre a été réduit par la suite. À la fin du siècle, on en compte 146. Les services qu'ils fournissent comprennent: la médecine générale, la médecine du travail, les immunisations, les soins pré et postnatals, le planning familial, l'éducation sanitaire, les services sociaux généraux comme l'assistance économico-sociale, l'assistance psychosociale et les pratiques d'action préventive. S'ajoutent les programmes plus spécifiques qui font surtout appel à l'approche globale et communautaire et à la pluridisciplinarité, comme le maintien à domicile des personnes âgées, l'aide aux handicapés physiques et mentaux, la garde des enfants, l'aide aux jeunes enfants et aux adolescents sur le plan santé et réadaptation sociale. Tous ne fournissent pas chacun de ces services. L'implantation de ces programmes varie selon qu'ils se situent dans un milieu rural, urbain, résidentiel ou défavorisé et selon le nombre et le type de professionnels dont ils disposent. En général, les services sont organisés sous forme de programmes avec participation pluridisciplinaire. On cherche à aller au devant de certaines catégories de population. Le personnel professionnel est varié. Il se compose d'infirmières, de travailleurs sociaux individuels et d'autres appelés organisateurs communautaires, de médecins et autres professionnels. Depuis les années 90, plusieurs CLSC ont fusionné avec des centres hospitaliers de soins de longue durée et ont ainsi une double mission.

Ces établissements, qui ont remplacé les anciennes unités sanitaires de comté, ont constitué avec les DSC les éléments les plus originaux de la réforme des années 70.

Depuis le début des années 80, l'apparition de nouvelles maladies infectieuses, comme le sida, et le retour de certaines autres qu'on croyait maîtrisées, comme la tuberculose, ainsi que la prise de conscience des menaces que la pollution industrielle fait peser sur l'environnement et la santé, ont fait réaliser aux autorités publiques l'importance de la mission de protection de la santé publique traditionnellement à la charge des services de santé publique. C'est dans ce contexte qu'on procède, dans plusieurs pays et au Québec, à une évaluation des services de santé publique pour savoir dans quelle mesure ils sont équipés pour s'acquitter adéquatement de cette mission.

Au Québec, on se rend compte que pour assumer complètement le rôle de protection de la santé publique face aux nouvelles menaces, il faut renforcer la cohésion du réseau, revenir à une structure plus hiérarchique et avoir une réglementation plus stricte permettant d'intervenir rapidement au plus haut niveau et de mobiliser le réseau en cas de nécessité. C'est ce qui est fait par l'adoption d'une loi-cadre sur la santé et les services sociaux en 1991. La réforme de 1972 avait eu, entre autres conséquences, de provoquer un relâchement des liens entre les différents éléments du réseau de santé publique.

Pour bien marquer le virage que l'on prend et aussi pour donner suite à des pressions exercées par certaines associations professionnelles, on raie complètement l'expression santé communautaire des textes pour la remplacer par santé publique. La loi de 1991 prévoit la nomination par le ministre d'un directeur de la santé publique dans chacune des régies régionales avec un lien de subordination du niveau régional au niveau central pour la fonction de protection de la santé publique. Comparativement à d'autres provinces canadiennes et à d'autres pays comme les États-Unis et certains États de l'Europe de l'ouest, les services de santé publique du Québec bénéficient d'un personnel nombreux et très qualifié.

Dans la tourmente de ces changements, les DSC ont disparu mais les CLSC ont été maintenus et gardent leur place dans le réseau de santé.