Série de baladodiffusion Pensionnats indiens épisode 3 : Les expériences des Inuits | l'Encyclopédie Canadienne

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Série de baladodiffusion Pensionnats indiens épisode 3 : Les expériences des Inuits

Vers la fin des années 1940, uncomité mixte spécial créé par le gouvernement du Canada a constaté que le système de pensionnats indiens ne fonctionnait pas. On a alors exigé la fermeture des pensionnats indiens partout au pays, et que leurs élèves soient transférés dans des écoles provinciales. Cependant, plus d’une décennie plus tard, deux nouveaux pensionnats indiens ont ouvert leurs portes à Inuvik, dans les Territoires du Nord-Ouest: Grollier Hall et Stringer Hall. Dans cet épisode, Dre Crystal Gail Fraser, historienne dinjii zhuh et professeure adjointe à la Faculté des études autochtones de l’Université de l’Alberta, explique pourquoi le gouvernement a ignoré ces recommandations, et ce que cela signifiait pour les élèves placés en institution. Les survivants Piita Irniq et Abraham Anghik Ruben racontent leurs témoignages de la vie dans les pensionnats indiens du Nord. Animé par Eve Ringuette, voici Pensionnats indiens : Les expériences inuits.

Eve Ringuette : Avertissement à nos auditeurs: cet épisode traite d’un sujet pouvant potentiellement déclencher des émotions fortes. Il inclut des témoignages de survivants des pensionnats indiens.

Abraham Ruben : « Ma première nuit au pensionnat indien, j’ai fait des cauchemars. Dans mes cauchemars, je voyais le visage de cette religieuse. Et j’ai fait des cauchemars toute la nuit. Je me suis réveillé le matin et j’avais mouillé mon lit. Elle est arrivée et tous les autres enfants étaient déjà sortis et s’étaient habillés. Elle est arrivée et a vu que je dormais toujours et elle a réalisé que j’avais mouillé mon lit. Elle m’a traîné à l’extérieur et m’a battu pour la première fois.»

ER : Je suis votre animatrice Eve Ringuette, et vous écoutez « Pensionnats indiens», une série en trois parties produites par Historica Canada, sur l’histoire et l’héritage des pensionnats indiens. Dans cet épisode, nous parlerons de l’expérience des Inuits.

La voix que vous avez entendue au début de l’épisode est celle d’Abraham Anghik Ruben. Abraham avait huit ans lorsqu’il a été emmené à Grollier Hall, un pensionnat catholique pour les élèves de l’externat Sir Alexander Mackenzie. C’était en 1959 et le pensionnat n’était ouvert que depuis moins d’un an. Malgré cela, Abraham se souvient que lorsqu’il est arrivé, on comptait déjà dans l’institution plusieurs centaines d’élèves. En 2008, il a raconté son histoire à la Fondation autochtone de l’espoir.

AR : «On se plaçait en rangs, et ils nous faisaient entrer. Ils nous faisaient entrer et puis ils nous coupaient la majeure partie de nos cheveux. Après nous avoir fait subir l’épouillage, ou peu importe comment ils appelaient ça, on allait aux douches. On était entièrement frottés, et il y avait même une autre file pour nos vêtements. Et la plupart des enfants ne parlaient pas anglais, c’était leur première journée. »

ER : En tout, plus de 150 000 enfants Métis, Inuits et des Premières Nations fréquentaient les pensionnats indiens. Parmi ceux-ci, des milliers sont morts soit au pensionnat, soit en conséquence de leurs expériences vécues dans le système.

Crystal Gail Fraser : « Les pensionnats indiens du Nord ont ouvert leurs portes à partir de 1867. Et ils sont restés en service jusqu’à la fermeture de Grollier Hall en 1996. »

ER : Voici docteure Crystal Gail Fraser. Elle est historienne Dinjii Zhuh et est spécialisée dans l’historique des genres, du Nord, du colonialisme et des pensionnats.

CGF : “Shoorzri’ Crystal Gail Fraser vàazhii. Shiyughwan kat da’ Juliet Mary Bullock shahanh t’iinch’uu ts’at Bruce Fraser shityè t’iinch’uu. Guuyeets’i’ dechuu. Ts’at Marka Andre shitsuu t’iinch’uu ts’at Richard Bullock shitsii t’iinch’uu. Inuvik ts'at Dachan Choo Gęhnjik gwits’at Gwichya Gwich’in iłhii.”

« Je viens de me présenter de manière traditionnelle Dinjii Zhuh. Je suis Gwichyà Gwich'in, originaire d’Inuvik et du camp de pêche qu’habite ma famille le long de la rivière Mackenzie, Dachan Choo Gęhnjik. »

ER : Crystal dit que ces pensionnats avaient été essentiellement mis sur pied par les églises chrétiennes. Mais en 1899, ils ont commencé à recevoir du financement fédéral. Le montant perçu était principalement basé sur le nombre d’élèves fréquentant le pensionnat.

CGF : « Une des choses à propos du Nord, c’est que les communautés nordiques sont souvent isolées. Et en fait, à la fin du 19e siècle, début du 20e siècle, il n’y avait pas beaucoup d’activité gouvernementale. Alors plusieurs de ces pensionnats fonctionnaient sous très peu de supervision de la part des Affaires indiennes. Et donc, d’une part, les pensionnats avaient un peu plus de flexibilité dans la mise en pratique de leurs propres règles et réglementations. Mais d’autre part, ils étaient encore guidés par les politiques fédérales sur les Indiens, qui réglementaient aussi les autres pensionnats indiens du sud du Canada. »

ER : Mais dans les années 1950, l’attitude du gouvernement à l’égard des pensionnats indiens a changé.

CGF : « En particulier, après la Deuxième Guerre mondiale, les Canadiens ont été consternés de voir que le Canada avait ouvertement négligé les peuples autochtones, plus particulièrement ceux du Nord… »

ER : Alors que le gouvernement a construit des pensionnats indiens «modernes» afin de répondre au tollé public. Mais le problème est que, lorsque Grollier Hall et Stringer Hall, son homologue anglican, ont ouvert en 1959, les effets négatifs des pensionnats indiens étaient déjà largement reconnus.

Onze ans plus tôt, en 1949, le gouvernement fédéral avait ordonné la fermeture des pensionnats indiens, ainsi que l’intégration des élèves autochtones aux externats provinciaux lorsque possible.

CGF : « Le terme "Pensionnat indien" avait déjà une connotation négative au cours du premier quart du 20e siècle. À cette époque, on savait relativement que les taux de mortalité des élèves dans ces institutions étaient assez élevés, que les élèves autochtones ne s’épanouissaient pas. Et donc, lorsque ces nouvelles institutions ont ouvert leurs portes dans le Nord au cours des années1950, le gouvernement fédéral a fait un effort concerté pour ne pas les nommer "Pensionnats indiens." »

ER : Au lieu, ils les ont appelés Grollier Hall ou Stringer Hall. Mais malgré leurs noms particuliers, Crystal affirme qu’ils n’avaient rien de différent des autres pensionnats indiens à travers le pays.

Avant 1955, moins de 15% des enfants inuits d’âge scolaire des Territoires du Nord-Ouest et de ce qui est aujourd’hui le Nunavut fréquentaient un pensionnat indien. En 1964, 75% des enfants inuits d’âge scolaire étaient inscrits. Le surpeuplement était un problème. À un certain point, Stringer Hall, qui avait une capacité de seulement 250 élèves, en comptait 300. Et ce n’était certainement pas comme être chez soi.

Piita Irniq: « Comme mes parents, je vivais en tant qu’Inuit très traditionnel, le mode de vie inuit. J’étais toujours vêtu de vêtements en caribou pendant l’hiver et je portais des vêtements achetés en magasin pendant le printemps et l’été. J’ai grandi en tant que chasseur de phoques, et en tant que sculpteur et trappeur.»

ER : Voici Piita Irniq, l’ancien commissaire du Nunavut.

PI : «Un jour d’été du mois d’août 1958, nous avons remarqué un bateau qui s’approchait de notre camp d’avant-poste. Alors comme d’habitude, ma mère a commencé à faire bouillir du thé à l’extérieur, avec de la bruyère. Elle faisait du thé pour les visiteurs qui arrivaient à notre camp d’avant-poste. Mais quand le bateau est arrivé, le prêtre est descendu. Le prêtre oblat est descendu du bateau en premier et a dit à mon père qu’il venait chercher Peter Irniq et que j’allais aller à l’école à Chesterfield Inlet. Eh bien, il y a eu un peu d’agitation à ce moment-là parce que mes parents n’avaient pas encore été consultés sur le fait que j’allais aller à l’école. »

ER : Piita a été emmené à Turquetil Hall de Chesterfield Inlet, sur la baie d’Hudson.

PI : « L’année1958, que je sache ou non quoi que ce soit à ce sujet à l’époque, a marqué le début de la fin de ma propre culture et de ma propre langue et de ma propre spiritualité inuite. »

ER : La série de baladodiffusion sur les pensionnats indiens fait partie d’une plus vaste campagne de sensibilisation créée par Historica Canada et financée par le gouvernement du Canada dans l’esprit de réconciliation présenté par la Commission de vérité et réconciliation du Canada. En plus de la série de baladodiffusion, Historica Canada propose également une série de vidéos, un guide pédagogique et plusieurs nouveaux articles dans L’Encyclopédie canadienne sur l’histoire et l’héritage des pensionnats. Consultez le site Web encyclopediecanadienne.ca pour plus d’informations.

ER : De nombreux enfants ont dû voyager des milliers de kilomètres pour se rendre au pensionnat, par bateau ou avion. En raison de la distance, pendant plus de 10 mois, la plupart d’entre eux ne pouvaient retourner à la maison. Dans certains cas, les élèves n’ont pas pu retourner à leurs familles durant des années.

Abraham se souvient d’avoir été terrifié et seul lorsqu’il est arrivé à Grollier Hall.

AR : « Je dirais que la plupart d’entre nous étaient terrifiés. Sans parents. Sans proches. On n’avait même pas le droit de se parler entre nous. »

CGF : «Lorsqu’un enfant arrivait à Grollier Hall, il était d’abord séparé selon la religion, et donc les élèves de Grollier Hall étaient catholiques.»

ER : Voici à nouveau docteure Crystal Gail Fraser.

CGF : “Ils étaient ensuite séparés selon leur genre. On pourrait croire qu’on avait de la chance de pouvoir rester avec sa sœur. Mais on séparait ensuite les juniors et les seniors.»

ER : On donnait des uniformes aux élèves, et ces uniformes étaient souvent des vêtements du Sud. Pour certains, c’était la première fois qu’ils portaient des vêtements non traditionnels. Piita se souvient encore de son premier jour à Turquetil Hall.

PI : «Ils ont pris tous nos vêtements traditionnels et pour la première fois, j’ai vu et porté des souliers. Pour la première fois, j’ai vu une paire de jeans. Pour la première fois, j’ai vu un chandail à manches courtes, et c’est ce qu’on portait. Du jour au lendemain, nous étions devenus des hommes blancs et des femmes blanches, des petits enfants.»

ER : Le fait de forcer les élèves à se vêtir de la même façon était aussi une méthode d’assimilation. Mais, comme nous le rappelle Crystal, dans les rudes hivers de l’Arctique, les vêtements auraient fait la différence entre la vie et la mort.

CGF : « Alors il y avait une jeune enfant qui fréquentait le Pensionnat indien de l’Immaculée Conception à Aklavik. Et ceci s’est passé dans les années1950, et elle avait huit ou neuf ans et elle a partagé cette histoire avec moi. Il faut comprendre que n’importe quel enfant de huit ou neuf ans aime enfreindre les règlements et mal se comporter et, malheureusement, à ce moment en particulier, elle s’est fait prendre et elle a été punie. Et essentiellement ce qui est arrivé, c’est que les religieuses ont lancé son manteau dans le fond de la toilette extérieure. Et ç’aurait pu être très dangereux compte tenu des hivers extrêmement froids à Aklavik, et elle a dû passer le reste de l’hiver sans parka. »

ER : Durant le jour, les élèves apprenaient l’arithmétique, et ils apprenaient à parler et écrire la langue anglaise. En majeure partie, le travail physique, y compris le ménage et l’entretien général des dortoirs, était la responsabilité des élèves. Les religieuses et les prêtres faisaient preuve de violence pour appliquer la langue. Abraham se souvient en particulier d’une religieuse de Grollier Hall.

AR : « Elle n’avait certainement pas été choisie pour sa gentillesse et son amabilité. Ils cherchaient des personnes qui allaient faire un travail efficace. Lorsqu’elle s’occupait d’un enfant qui parlait le déné, le gwich’in ou l’inuvialuit, en quelques mois ou quelques semaines, cet enfant cessait de parler cette langue et commençait à apprendre une toute nouvelle méthode. Mes cousins et moi avons résisté pendant plusieurs années. Entre l’âge de 7 et 10 ans, je pouvais essentiellement lire et écrire, mais je pouvais aussi penser en anglais et en inuvialuktun. Je pouvais penser et parler dans les deux langues. »

ER : Cette force qu’avaient les élèves comme Abraham et Piita, cette force qu’il a fallu pour résister aux expériences qu’ils ont endurées au pensionnat indien, c’est ce que Crystal est particulièrement intéressée à explorer.

CGF : « Mes recherches ont porté sur trois concepts de force dinjii zhuh. Et le premier est T’aih. Cela signifie "force ancestrale". Alors, par exemple, les élèves n’auraient peut-être pas appelé cela T’aih mais ils avaient un lien profond avec leurs ancêtres, leurs familles et leurs terres.

Peut-être priaient-ils leurs ancêtres, vous comprenez, peut-être continuaient-ils secrètement à parler leurs langues autochtones, que ce soit dans leur tête ou à un ami. »

ER : Mais Abraham dit qu’après un certain temps, sa détermination à s’accrocher à sa langue est brisée.

AR : « À l’âge de 10 ans, je pense que j’ai dû en avoir assez de me faire battre, parce que c’est à peu près à ce moment que j’ai cessé. Je n’étais pas capable d’avoir une conversation approfondie avec mes cousins. En fait, à ce point, mes cousins me disaient de me taire… Ils se faisaient battre aussi. »

ER : Piita Irniq avait également l’interdiction de parler sa langue à Turquetil Hall. Voici ce qu’il a raconté à la Fondation autochtone de l’espoir:»

PI : « Une sœur grise enseignante m’a dit d’ouvrir ma main et elle a pris une règle et m’a frappé si fort que je peux encore ressentir la douleur aujourd’hui, vous savez. Elle a dit: "Que je ne vous entende plus jamais parler cette langue dans cette classe. Vous êtes ici pour apprendre à parler et à écrire l’anglais et à calculer l’arithmétique. Oubliez votre culture, oubliez votre langue et oubliez votre spiritualité inuite." »

ER : Il est à noter ici que la section suivante décrit en détail des cas particuliers d’abus qui pourraient troubler certains auditeurs. Des émotions complexes pourraient surgir. Prenez des pauses et contactez une personne de confiance. Si possible, demandez de l’aide à quelqu’un de bien informé sur les pensionnats et leur héritage. Il peut s’agir d’un aîné, de transmetteur du savoir autochtones ou d’autres professionnels de la santé de votre communauté.

Lorsque les élèves étaient assez vieux, ils avaient un peu plus de liberté et pouvaient parfois signer le registre de sortie de Grollier Hall. Cela leur permettait de visiter des amis et de la famille à Inuvik, d’avoir un emploi à temps partiel ou de passer du temps sur les terres.

CGF : « Ce que nous oublions parfois, c’est que même si ces enfants bénéficiaient de plus de flexibilité et de marge de manœuvre, ils continuaient d’être vulnérables et ils devaient agir avec prudence, et donc leur sécurité personnelle continuait d’être une préoccupation.»

ER : Crystal affirme que de nombreux élèves ont été exploités par le personnel éducatif – plus particulièrement les filles.

CGF : « Et comme ces enfants plus âgés avaient un laissez-passer pour la soirée, le personnel scolaire organisait parfois des fêtes dans leurs propres maisons. Et ils invitaient des filles et des garçons seniors de Grollier Hall, et ils les encourageaient à boire de l’alcool pour les inciter à faire la fête, et ils les agressaient sexuellement. »

ER : Les abus sexuels ont fait partie des expériences de nombreux élèves de Grollier Hall. De 1959 à 1979, on trouvait au moins un prédateur sexuel dans le personnel en tout temps. Quatre superviseurs ont éventuellement été reconnus coupables d’abus sexuels sur des élèves.

En 1998, Paul Leroux, un superviseur d’activités et conseiller en orientation, a été condamné à 10 ans de prison pour avoir abusé de quatorze garçons au pensionnat indien entre 1967 et 1979.

En 2013, il a été reconnu coupable de huit autres chefs d’attentat à la pudeur et de deux chefs d’indécence grave. Il a été condamné à trois ans de prison, non pas pour les crimes qu’il a commis à Grollier, mais pour ceux commis dans un autre pensionnat indien: Beauval en Saskatchewan.

ER: Les abus étaient plus ou moins prise en considération au pensionnat indien, et les élèves en subissaient les conséquences. Voici Piita:

PI : « Ma génération d’Inuits a traversé beaucoup de choses. Nous avons été victimes d’abus sexuels, nous avons été victimes d’abus physiques, nous avons été victimes d’abus psychologiques. Au fil de nombreuses années, je me suis mis à boire pour cacher la honte que les membres de l’église m’ont fait subir, plus particulièrement une certaine sœur grise du pensionnat. C’est elle qui avait autorité, elle avait une croix, un crucifix de Jésus-Christ dans sa main, elle représentait Dieu, elle représentait l’Église catholique, elle avait donc beaucoup d’autorité. Que pouvez-vous faire? À qui pouvez-vous le dire? Même si nous avions parlé à quelqu’un de ce qui arrivait à Chesterfield Inlet, personne ne nous aurait crus de toute façon. »

CGF : « Le deuxième concept de la force dinjii zhuh est Vit’aih, ou "force personnelle". Cela a également été pratiqué par de nombreux élèves. Vous savez, comme nous l’avons entendu dans les histoires d’Abraham et de Piita, il fallait vraiment avoir une force personnelle remarquable pour passer à travers ces expériences tragiques.

Mais d’autres élèves ont aussi utilisé leur force personnelle pour agir d’autres façons. Et donc certains se sont enfuis. À Grollier Hall, on a entendu assez rapidement de nombreuses histoires d’élèves qui volaient dans le jardin derrière le pensionnat. Certains d’entre eux sortaient en douce et posaient des collets et des pièges à lapins dans les buissons de l’autre côté de la route pour essayer d’enrichir leur alimentation, et il y avait d’autres gestes personnels tels que l’écriture en secret de lettres pour leur famille dans leurs langues autochtones. »

ER : Même lorsque certains élèves pouvaient retourner à la maison durant l’été, les choses étaient vraiment différentes.

AB : « Un groupe de prisonniers libérés. On avait juste assez de temps pour renouer contact. On le savait. On avait souvenir de la terre, de la cueillette de baies et de la chasse, de la chasse au caribou, de la chasse au lagopède, et de la pêche et de la chasse au phoque et de toutes ces choses auxquelles on avait pensé toute l’année. Et de pouvoir enfin sortir, c’était comme d’envoyer un groupe d’enfants sur l’adrénaline, et ont n’avais que deux mois avant de devoir repartir, pour rattraper le temps, pour découvrir qui sont leurs parents, vous comprenez, pour être simplement de retour. Dès que vous arrivez chez vous, vous savez que le temps presse. Vous voulez vous imprégner le plus possible de tout ce que vous pouvez parce que c’est tout ce que vous aurez pour le reste de l’année. Avant notre départ pour Inuvik, ma mère m’a dit d’être fier d’où je viens. D’être fier de ma culture, de mes traditions et de ce qui m’a été enseigné. Et que, quoi qu’il en coûte, de continuer à me battre."

ER : Mais au fil des années, cet heureux retour est devenu contaminé. Certains sont retournés à la maison ne parlant que l’anglais, et ils étaient conditionnés à enseigner à leurs familles la lecture et l’écriture. Voici Piita.

PI : « Nos parents ont eu beaucoup de difficultés. Ils ont perdu leurs enfants. Ils ont perdu l’enfant qu’ils élevaient en croyant qu’il allait devenir un véritable Inuk, avec des aptitudes de chasse, de langue, des connaissances de la terre et de l’environnement dans lequel je marche. Mais ils ne pouvaient comprendre. Ils ne savaient plus rien de moi après que je sois allé au pensionnat indien. »

ER : En 1975, en partie à cause des mauvaises conditions et du tollé général de la part des parents et des anciens élèves, Stringer Hall a été fermé. Des pressions ont également été exercées sur le gouvernement territorial pour qu’il ouvre davantage d’externats dans le Nord, afin que les enfants n’aient pas à voyager si loin de leurs familles ou qu’ils puissent rester dans leur communauté d’origine.

À mesure que de nouveaux externats ouvraient leurs portes, le besoin de pensionnats indiens diminuait. À l’été1997, Grollier a été transféré au Collège Aurora et l’ère des pensionnats indiens au Canada a pris fin.

À la fin des années1990, un ancien élève de Grollier Hall a présenté des allégations d’abus dont il aurait été victime au pensionnat indien.

CGF : «Ceci a conduit à une enquête pour laquelle plus de 400 anciens élèves de Grollier Hall ont été interrogés. Ceci s’est essentiellement soldé en recours collectif qui a aidé à mettre en lumière le processus de rassemblement de la Commission de vérité et réconciliation et a ainsi indemniser les anciens élèves. »

ER : C’est là, selon Crystal, que s’applique le troisième concept de force dinjii zhuh :

CGF : «Le troisième concept de force Dinjii Zhuh est Guut’àii, ce qui signifie "force communautaire ou collective."»

ER : Les recours collectifs contre Grollier Hall et certains de ses employés ont également contribué à informer la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens.

En 2008, dans ses excuses au nom du gouvernement fédéral, le premier ministre de l’époque, Stephen Harper, a déclaré ceci au sujet de la CVR:

Premier Ministre Stephen Harper : « Ce sera une étape positive pour forger de nouvelles relations entre les peuples autochtones et les autres canadiens et canadienne. Des relations fondée sur la connaissance de notre histoire commune, le respect mutuel et la volonté d’aller de l’avant avec la compréhension renouvelée que des familles fortes, des communautés fortes et des cultures et des traditions dynamiques contribuent à un Canada plus fort pour le bien de tous et de toutes.»

ER : Il est à souligner que la CVR a été financée par la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens. Certains estiment que ceci a placé le fardeau de la réconciliation sur les épaules des survivants. Crystal est d’accord avec le fait que ce fardeau n’est placé au bon endroit.

CGF : «À mon avis, le travail de réconciliation doit peser sur les épaules des colons canadiens, des personnes non autochtones qui vivent dans ce pays. Personne ne demande aux gens ordinaires de demander pardon au nom de leurs ancêtres. Mais nous devons trouver un moyen efficace de progresser de manière productive, vous comprenez, afin que les peuples autochtones soient en sécurité.»

ER : On compte un plus grand nombre d’enfants autochtones placés dans le système de protection de l’enfance de nos jours que lorsque les pensionnats indiens en étaient à leur point culminant d’opération. Les taux de suicide chez les peuples autochtones sont beaucoup plus élevés que dans le reste de la population canadienne. C’est l’une des principales causes de décès chez les enfants et les jeunes autochtones.

Abraham nous partage ses souvenirs au sujet du taux élevé de décès à Grollier Hall:

AR : « Pendant les années d’activité, ainsi que quelques années plus tard, ils ont constaté que près de 60 personnes étaient décédées des suites directes de leurs expériences en tant qu’élèves, soit par meurtre, suicide, intoxication alcoolique. C’est un pourcentage très élevé. »

CGF : « Nous devons trouver une position dans laquelle les peuples autochtones sont respectés, ce qui n’est pas encore le cas, étant donné le nombre toujours croissant de femmes, de filles et de personnes bi spirituelles qui disparaissent et sont assassinées. Et nous devons également trouver un moyen d’honorer les peuples autochtones au Canada. »

ER : Non seulement d’honorer, mais de ne jamais oublier, selon Piita.

PI : Nous n’avons pas de rancune envers ces gens, mais nous voulons être certains que ces choses n’arrivent plus jamais aux jeunes, aux petits enfants, plus jamais. Jamais ! »

ER : Si vous ou quelqu’un de votre entourage a besoin d’aide ou de soutien immédiat, voici quelques ressources.

Ligne d’écoute nationale — pensionnats indiens: 1-866-925-4419

La ligne d’écoute d’espoir: 1-855-242-3310 (services disponibles en cri, ojibwa, inuktitut, français et anglais)

LaLigne d’écoute d’espoir offre aussi de l’aide en ligne: espoirpourlemieuxetre.ca.

Jeunesse, J’écoute 1-800-668-6868

Je suis Eve Ringuette.

La baladodiffusion « Pensionnats indiens » a été écrite et produite par Historica Canada. La série a été rendue possible en partie grâce au financement du gouvernement du Canada.

Merci à Piita Irniq, Abraham Ruben, et tous les survivants qui ont partagé leurs histoires avec nous.

Un merci tout spécial à nos consultantes: Crystal Gail Fraser et Norma Dunning.

Merci à la Fondation autochtone de l’espoir pour les témoignages des survivants, à l’Université de Regina pour le livre numérique « Rompre le silence » et à la Commission de vérité et réconciliation pour ses conclusions.

Vérification des faits par Viviane Fairbank.

Abonnez-vous à la série Pensionnats indiens sur Apple Podcasts, Spotify ou partout où vous écoutez vos balados.

Merci de nous avoir écoutés.


Un merci tout spécial aux survivants Piita Irniq et Abraham Anghik Ruben. Les témoignages des survivants de cet épisode ont été fournis par la Fondation autochtone de l'espoir. Parmi les ressources additionnelles utilisées, on retrouve Rompre le silence, de l’Université de Regina et le rapport final de la Commission de vérité et réconciliation, Honorer la vérité, réconcilier pour l’avenir.