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Sociologie

La sociologie est l'étude des relations humaines, des règles et des normes qui les guident et du développement des institutions et des mouvements qui maintiennent et transforment la société.

Sociologie

La sociologie est l'étude des relations humaines, des règles et des normes qui les guident et du développement des institutions et des mouvements qui maintiennent et transforment la société. La méthodologie sociologique comprend l'analyse des données obtenues au moyen de questionnaires et d'enquêtes, l'analyse des statistiques officielles, l'observation des interactions humaines et l'étude d'archives historiques. Les théories élaborées à partir de l'analyse de ces données sont soumises à des tests, à des modifications et à des vérifications plus poussées au moyen de recherches continuelles.

La discipline sociologique comporte des spécialités et sous-spécialités nombreuses. Parmi les plus importantes, on compte aujourd'hui la sociologie de la FAMILLE, du TRAVAIL et des professions, de l'éducation et des organisations politiques, économiques et ouvrières. Mentionnons encore la CRIMINOLOGIE, les statistiques, la DÉMOGRAPHIE sociale et la sociologie de la religion, des RELATIONS ENTRE RACES ET ETHNIES, du sport, des rôles sexuels, du VIEILLISSEMENT et de la connaissance.

Entre 1940 et 1960, au moment où la sociologie se constitue comme discipline universitaire en Amérique du Nord, la recherche d'un statut scientifique conduit à la séparation de la sociologie des disciplines humanistes et à une plus grande spécialisation du domaine, bien que depuis ses débuts, la sociologie reste étroitement liée sous certains aspects à la PSYCHOLOGIE sociale et à l'ANTHROPOLOGIE sociale. Les années 70 connaissent un fort mouvement interdisciplinaire, un élargissement du champ de l'enquête sociologique pour inclure les dimensions historiques, économiques et politiques des relations humaines. Le travail de maints sociologues rejoint donc celui de chercheurs d'autres disciplines. Les sociologues étudient maintenant l'évolution historique des rapports de classes en relation avec les processus économiques, politiques et idéologiques.

Origines de la discipline et évolution historique au Canada

Les origines intellectuelles de la sociologie sont nombreuses, mais en tant que science particulière, elle est née en France. Auguste Comte appelle « sociologie » la nouvelle discipline et formule les grandes lignes d'une philosophie (le positivisme) qui fournit un cadre pour son développement. Suivant le positivisme, seuls les phénomènes réels et les faits constituent la connaissance. Émile Durkheim contribue énormément à l'émergence de la sociologie en France en combinant recherches empiriques et théories pour élaborer un ensemble de propositions générales sur les relations sociales.

Les deux autres traditions qui contribuent à façonner la sociologie moderne tirent leur origine des travaux des sociologues allemands Max Weber et Karl Marx. Ces derniers, tout comme Durkheim, font face à un problème commun, soit la transition historique du féodalisme au capitalisme et ses effets sur l'intégration sociale, l'organisation du pouvoir et les rapports entre les CLASSES SOCIALES. Cette transition coïncide avec les changements rapides et profonds, impliquant souvent la désorganisation individuelle et sociale, qui accompagnent la révolution industrielle.

En Amérique du Nord, le premier cours universitaire de sociologie est donné à Yale en 1876. En 1893, l'U. de Chicago est la première à offrir un doctorat en sociologie. Au Canada, la sociologie n'est pas encore une discipline universitaire dans les années 1890, mais en 1920 des cours de sociologie sont déjà offerts dans un certain nombre de disciplines et font partie du programme de théologie. L'Association canadienne de science politique, créée en 1913, accepte des sociologues comme membres. L'association interrompt ses activités au moment de la Première Guerre mondiale pour ne les reprendre qu'en 1929. Entre-temps, on procède en 1922 à la première nomination d'un professeur de sociologie au Canada, celle de Carl A. Dawson à McGill. Des programmes spécialisés sont mis sur pied à l'U. McGill en 1926 et à l'U. de Toronto en 1932. Pourtant, en 1941, Harold INNIS, un des fondateurs des sciences sociales au Canada, décrit la sociologie comme étant la « Cendrillon des sciences sociales ».

Le travail de S.D. CLARK à l'U. de Toronto à cette époque est important pour la reconnaissance ultérieure de la sociologie comme champ d'étude légitime, en dépit de l'opposition des disciplines bien établies. Des recherches majeures en SCIENCES SOCIALES sont menées de la fin des années 1880 à la fin des années 1930. Parmi celles-ci figurent les travaux de Marius BARBEAU, de Carl Dawson, de Léon GÉRIN, de Diamond JENNESS et d'Everett Hughes sur les peuples autochtones du Canada; l'approche écologique humaine appliquée à la croissance urbaine et à la planification; et les études sur des groupes ethniques de l'Ouest, sur l'éducation et la population rurale du Québec et sur les relations ethniques (particulièrement les RELATIONS FRANCOPHONES-ANGLOPHONES). En 1940, on dispose donc d'un corpus substantiel de données sur le développement économique, politique et social du Canada.

Applications

L'enseignement et des travaux quotidiens de toutes sortes font indirectement appel aux connaissances sociologiques, mais celles-ci ont des applications directes dans les politiques gouvernementales, dont les orientations se fondent sur des recherches menées au cours d'enquêtes officielles ou sur des recherches indépendantes. La sociologie est enseignée surtout à l'université, quoique depuis les années 70, des collèges et des écoles secondaires offrent des cours à contenu sociologique. L'enseignement a recours à la recherche non pas tant comme une fin en elle-même, mais comme un moyen de transmettre les perspectives de la sociologie. Indirectement, la recherche sociologique influe aussi sur les activités quotidiennes des gens dans certains emplois, par exemple, dans l'administration, l'éducation, le marketing, les loisirs, le TRAVAIL SOCIAL et d'autres secteurs, bien qu'il soit impossible de mesurer la portée de telles applications pratiques.

Il est plus facile de déterminer comment la recherche sociologique alimente directement la réflexion des personnes chargées de formuler les politiques sociales. Par exemple, les recommandations de la Commission royale d'enquête sur les services de santé (1964-1965) sont fortement influencées par la recherche sociologique (4 études et de nombreux rapports) effectuée au nom de la commission. Les rapports de cette commission aident à élaborer la POLITIQUE SUR LA SANTÉ du Canada. Les recommandations de la COMMISSION ROYALE D'ENQUÊTE SUR LE BILINGUISME ET LE BICULTURALISME (1963-1969) ont une importance comparable pour la formulation des POLITIQUES LINGUISTIQUES et culturelles. Les sociologues participent à la COMMISSION ROYALE D'ENQUÊTE SUR LA SITUATION DE LA FEMME AU CANADA (1967-1970). Certaines des recommandations inspirent les politiques gouvernementales à cet égard.

Les recherches sociologiques ont joué un rôle déterminant dans la formulation des recommandations de la Commission royale d'enquête sur l'enseignement dans la province de Québec (1963-1966) souvent appelée Commission Parent, du nom de son président. Les réformes de l'éducation basées sur ces recommandations transforment radicalement le système d'enseignement au Québec. La recherche sociologique du début des années 70 guide plusieurs des recommandations de la Commission Gendron (Commission d'enquête sur la situation de la langue française et sur les droits linguistiques au Québec), dont les implications sur les politiques linguistiques sont profondes.

Parmi les enquêtes publiques auxquelles les sociologues apportent des contributions décisives, mentionnons les comités du Sénat sur la pauvreté et le vieillissement et la recherche institutionnelle parrainée par des organismes indépendants ou quasi gouvernementaux. Dans cette dernière catégorie, on trouve les études entreprises par l'ancien Saskatchewan Centre for Community Studies à l'U. de la Saskatchewan, par l'Institute of Social and Economic Research à la Memorial University et par le Bureau d'aménagement de l'Est du Québec à Laval.

Comme le montrent ces exemples, le gouvernement et des instituts de recherche universitaires appuient collectivement nombre de recherches et d'études de planification sociales au Canada. Des universitaires indépendants sont aussi les artisans de recherches et d'essais de premier ordre portant sur le pays.

Il existe deux études novatrices particulièrement importantes sur les relations entre la culture et l'environnement et leurs effets sur la vie sociale et économique au Québec : Le type économique et social des Canadiens (1937) de Léon Gérin et French Canada in Transition (1943; trad. Rencontre de deux mondes; la crise de l'industrialisation au Canada français, 1972) d'Everett C. Hughes. Le Métis canadien (1947) du sociologue français Marcel Giraud demeure l'étude la plus complète sur les métis. Church and Sect in Canada (1948) de S.D. Clark constitue un ouvrage majeur sur les mouvements religieux et politiques. Agrarian Socialism (1950) du sociologue américain S.M. Lipset, qui porte sur la montée du mouvement socialiste et de la CO-OPERATIVE COMMONWEALTH FEDERATION, fait autorité en la matière. The Vertical Mosaic (1965) de John PORTER remet en question la vision traditionnelle d'un Canada comme société égalitaire. Plus que tout autre universitaire de son temps, Porter influence les courants théoriques, empiriques et critiques de la sociologie canadienne moderne. Nombre d'universitaires contemporains s'intéressent aux effets qu'une économie basée sur les ressources peut avoir sur l'organisation sociale nationale et régionale. Minetown, Milltown, Railtown (1971) de Rex Lucas marque l'orientation de plusieurs de ces études.

Champs de travail

La plupart des sociologues professionnels au Canada détiennent une maîtrise ou un doctorat. Naturellement, ceux qui ont poursuivi des études avancées en sociologie ne sont pas tous des sociologues professionnels. Plusieurs travaillent comme administrateurs, cadres, entrepreneurs et à d'autres postes. Il est impossible de dire combien de personnes au Canada travaillent comme sociologues professionnels, mais on peut tenir pour acquis que la plupart sont professeurs d'université, tandis que d'autres sont employés à temps partiel dans les universités et les collèges. Le nombre de sociologues professionnels qui font de la recherche pour le gouvernement et d'autres agences publiques et privées se situe dans les centaines.

En 1966, des membres de la profession créent une organisation indépendante officiellement bilingue, la Société canadienne de sociologie et d'anthropologie. Elle compte plusieurs associations affiliées représentant les sociologues de l'Ouest canadien, de l'Ontario, du Québec et des provinces atlantiques. L'une d'elles, l'Association canadienne des sociologues et anthropologues de langue française, se préoccupe particulièrement des francophones. En 1992, l'association nationale publie une rétrospective de la sociologie au Canada. Elle montre ce qui suit : la fragmentation croissante de la sociologie en sous-disciplines spécialisées et le déclin de l'engagement national dans la recherche sociologique après la période de formation de la discipline de 1969 à 1974, déclin qui correspond au recul de l'ÉTAT PROVIDENCE au Canada, la portée significative de l'analyse féministe de la sociologie qui émerge en même temps que les nouveaux paradigmes de la sociologie de la famille et du travail, l'influence grandissante du secteur de l'entreprise sur le contexte de la sociologie dans les universités et collèges canadiens.

Les sociologues canadiens publient leurs travaux au Canada comme à l'étranger. Au Canada, leurs articles paraissent dans quatre revues, parmi lesquelles : le Canadian Journal of Sociology, la Canadian Review of Sociology and Anthropology, Recherches sociographiques et Sociologie et sociétés. Les publications des sociologues se trouvent en plus dans des revues comme les Cahiers québécois de démographie, Canadian Ethnic Studies, le Canadian Journal of Criminology, Canadian Studies in Population, Canadian Women's Studies et Studies in Political Economy.

Particularités anglophones et francophones

Même si les problèmes sociaux de l'époque sont communs à toutes les parties du Canada, la sociologie se développe différemment dans les milieux universitaires anglophones et francophones. La sociologie francophone au Québec puise d'abord son inspiration dans l'encyclique Rerum novarum (1891). L'Église catholique romaine définit les limites et le contenu de la sociologie francophone initiale et le mouvement de l'Action catholique devient le véhicule d'une sociologie catholique au Québec. Au début des années 30, la sociologie catholique est enseignée à l'U. Laval et à l'U. de Montréal. Considérée dès le départ comme un instrument de développement « national » au Québec, la sociologie aide à entretenir la conscience idéologique et le débat critique.

Au cours des années 40, le père Georges-Henri Lévesque de l'U. Laval est un chef de file du mouvement visant à instaurer une sociologie séculière au Québec. Il invite les sociologues francophones à faire preuve d'un plus grand raffinement scientifique et à se détourner des traditions de la « survivance » des Canadiens français pour soutenir l'INDUSTRIALISATION et la modernisation de l'économie et de la société québécoises. Cette conception séculière de la sociologie et de son rôle au Québec renforce l'idéologie fédéraliste. Dans les années 60, un nouveau nationalisme apparaît dans la sociologie québécoise pour appuyer l'idéologie de l'autodétermination et de la souveraineté de la société québécoise. Avec la croissance de la bureaucratie d'État au Québec dans les années 60 et 70, les sociologues s'engagent directement dans l'établissement et l'administration de la nouvelle société.

La sociologie anglophone et la sociologie francophone présentent des similitudes stylistiques, mais certaines traditions ont plus d'influence dans l'une que dans l'autre. Par exemple, au Québec, les points de vue européens, français surtout, sont plus évidents qu'ailleurs au Canada, où l'ascendant américain est relativement plus fort.

Progrès remarquables

À partir des années 60, la sociologie connaît une évolution spectaculaire partout au Canada. En 1960-1961, on compte 61 sociologues dans les universités canadiennes, on n'offre pas de doctorat en sociologie et seulement 2 sont décernés jusque-là. Au cours des deux décennies suivantes, presque toutes les institutions universitaires réservent une place à la sociologie. Jusqu'en 1985, les universités canadiennes décernent 46 doctorats et 171 maîtrises en sociologie. En 1960, seulement quatre universités canadiennes ont un département de sociologie : celles de Carleton, McMaster, de la Saskatchewan et de Montréal. En 1985, 44 institutions ont des étudiants inscrits en sociologie, même si elles ne disposent pas toutes d'un département de sociologie.

Lecture supplémentaire

Liens externes