Atanarjuat (Atanarjuat, la légende de l'homme rapide) | l'Encyclopédie Canadienne

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Atanarjuat (Atanarjuat, la légende de l'homme rapide)

Basé sur une légende populaire inuite, Atanarjuat est le premier long métrage réalisé en inuktitut. À la fois succès commercial et succès critique, le film remporte de nombreuses récompenses dans le monde entier, entre autres la Caméra d’or récompensant le meilleur premier long métrage au Festival de Cannes, cinq prix Génie, notamment dans les catégories Meilleur scénario, Meilleur réalisateur et Meilleur film, et le prix Claude‑Jutra (aujourd'hui le prix Écran canadien pour le meilleur premier long métrage). Il est largement considéré comme l’un des meilleurs films canadiens; il est nommé le meilleur de tous les temps lors d’un sondage effectué en 2015 par le Festival international du film de Toronto (voir Les dix meilleurs films canadiens de tous les temps).
Atanarjuat (La légende de l’homme rapide)
Le film s'inspire de la légende ancienne d'Atanarjuat. Huit aînés nous racontent l'histoire telle que transmise par leurs ancêtres. Ces récits sont combinés en un traitement détaillé en inuktitut et en anglais, puis adaptés pour le grand écran.

Synopsis

À l’orée de l’an mille, l’arrivée d’un mystérieux chaman remet en cause l’équilibre naturel d’une communauté inuite nomade et aboutit au meurtre du chef du campement. Des années plus tard, le pouvoir au sein de la communauté est sur le point de basculer lorsque les deux meilleurs chasseurs de la tribu, Amaqjuaq, l’homme fort, interprété par Pakak Innuksuk, et son frère, Atanarjuat, l’homme rapide, interprété par Natar Ungalaaq, provoquent, en toute innocence, le fils du nouveau chef, Oki, interprété par Peter-Henry Arnatsiaq. Après qu’Atanarjuat a obtenu la main d’Atuat, la belle et provocante promise d’Oki, interprétée par Sylvia Ivalu, lors d’un concours de coups de tête, Oki promet de se venger.

Lorsqu’Oki et ses amis tentent de tuer les frères pendant leur sommeil, Atanarjuat réussit à s’enfuir miraculeusement en courant nu sur la banquise, échappant ainsi à Oki grâce à ses pouvoirs spirituels surnaturels. Un couple d’anciens qui avait fui la tribu frappée de malédiction plusieurs années auparavant le recueille et prend soin de lui jusqu’à ce qu’il ait recouvré la santé. Grâce à leur aide et à leurs conseils, Atanarjuat retrouve sa force spirituelle, venge la mort de son frère et restaure l’harmonie au sein de la tribu.

Contexte

Premier long métrage écrit, réalisé et joué en inuktitut par des Inuits, Atanarjuat est tournée en six mois en Betacam numérique écran large (16/9) avec un budget de 1,9 million de dollars. La société de production Igloolik Isuma Productions, dirigée par le réalisateur-scénariste Zacharias Kunuk et le directeur de la photographie d’origine new-yorkaise Norman Cohn, produisent déjà au Nunavut des contenus primés pour des médias communautaires, et ce, depuis plus de dix ans. En 1998, ils commencent l’adaptation de l’ancienne légende d’Atanarjuat en enregistrant les récits de huit anciens qui racontent l’histoire telle qu’elle a été transmise de génération en génération. Ces récits sont ensuite compilés dans un synopsis détaillé unique, en inuktitut et en anglais, qui est adapté par Paul Apak Angilirq en différentes versions du scénario. Avant son décès en décembre 1998, il consulte des anciens de la communauté ainsi qu’Anne Frank, une spécialiste en narration installée à Toronto.

Tous les accessoires et les costumes sont réalisés par des artisans inuits en conformité avec leurs méthodes traditionnelles. Coproduit dans le cadre du programme de réalisation de films autochtones de l’Office national du film, le film est transféré, pour sa sortie en salle, du format Betacam sur pellicule 35 mm. Il s’agit du premier film de la trilogie de l’homme rapide produite par Igloolik Isuma qui comprend également Le journal de Knud Rasmussen, sorti en 2006, et Le jour avant le lendemain, sorti en 2008.

Atanarjuat (La légende de l’homme rapide)
Premier long métrage écrit, produit, réalisé et joué par des Inuits, Atanarjuat (La légende de l'homme rapide) est tourné sous format panoramique Betacam numérique (sur une période de six mois, avec un budget de 1,9 million de dollars).

Analyse

Bien que tourné en vidéo numérique, Atanarjuat constitue une fresque épique, voire shakespearienne, projetée en cinémascope, qui atteint son point culminant dans une longue séquence époustouflante qui voit Atanarjuat courir nu au milieu des radeaux glaciels en train de fondre, poursuivi par Oki qui cherche à l’assassiner. Authentique reconstitution d’un conte oral multimillénaire, ce film déconstruit les stéréotypes autochtones en racontant une histoire émouvante et universelle.

Réception critique et commerciale

Dès les premières projections au Festival de Cannes, Atanarjuat reçoit des critiques élogieuses. Bien que certains aient trouvé le prologue quelque peu déconcertant, le film est instantanément intronisé par de nombreux critiques dans la catégorie des « classiques ». A. O. Scott du New York Times écrit ainsi : « Il ne s’agit en aucun cas d’un documentaire intéressant sur une contrée lointaine, mais bien d’un véritable chef-d’œuvre […] Nous sommes en présence, à tout point de vue, d’un film extraordinaire, une œuvre d’une ambition narrative et d’une beauté esthétique exceptionnelles qui honore l’histoire de cette forme d’expression artistique tout en en élargissant les perspectives. Zacharias Kunuk a réussi l’exploit remarquable de doter les personnages d’une ancienne légende populaire de motivations psychologiques et de réactions complexes. La combinaison d’un réalisme étonnant et d’une majesté archaïque s’avère extraordinairement évocatrice. »

Roger Ebert dit du film qu’il constitue « une expérience tellement exaltante qu’elle revient à être littéralement immergé dans un nouvel environnement… » Il ajoute : « Atanarjuat, la légende de l’homme rapide incarne la passion passée au tamis des rituels et de la mémoire. » J. Hoberman du Village Voice juge le film « d’une beauté spectaculaire, sans même parler de son caractère mystérieux, sensuel et porteur d’émotions intenses, tout en étant captivant de la première à la dernière image ». Le magazine Maclean’s évoque « un film fascinant […] un récit épique d’amour, de jalousie, de meurtre et de vengeance digne de la tragédie grecque. Des acteurs non professionnels et l’authenticité des décors permettent d’y introduire une perspective documentaire sur un monde lointain et étrange, tout en faisant contrepoint à des images hallucinantes à grand spectacle mariant horreur et beauté. [… ] Le monde rituel décrit dans le film est absolument étonnant. »

Deuxième film canadien ayant réalisé les recettes brutes les plus importantes en 2002, Atanarjuat constitue, avec quatre millions de dollars de recettes brutes au Canada et aux États-Unis, un immense succès pour un film dit « d’art et essai ».

Distinctions et héritage

Atanarjuat est le premier film canadien à décrocher la très convoitée Caméra d’or au Festival de Cannes à l’issue duquel il poursuit son parcours et reçoit 19 prix dans le monde entier. Au pays, il obtient cinq prix Génie ainsi que le prix Claude‑Jutra (aujourd'hui le prix Écran canadien pour le meilleur premier long métrage). Le film est inscrit, en 2004, dans la liste des dix meilleurs films canadiens de tous les temps à l’occasion d’une enquête menée par le Festival international du film de Toronto. En 2015, il est nommé le meilleur de tous les temps.

Récompenses

Prix Génie 2001

  • Meilleur réalisateur (Zacharias Kunuk)
  • Meilleur montage (Norman Cohn, Zacharias Kunuk, Marie-Christine Sarda)
  • Meilleure musique originale (Chris Crilly)
  • Meilleur scénario (Paul Apak Angilirq)
  • Meilleur film (Zacharias Kunuk, Norman Cohn, Paul Angilirq, Germaine Ying-Gee Wong)
  • Prix Claude‑Jutra (Zacharias Kunuk)

Autres

  • Caméra d’or (Zacharias Kunuk), Festival de Cannes (2001)
  • Guardian Award du meilleur réalisateur (prix partagé), Festival international du film d’Édimbourg (2001)
  • Meilleur long métrage canadien, Festival international du film de Toronto (2001)
  • Prix du public, Festival international de films de Montréal (2001)
  • Grand prix, Festival international du film de Flandre-Gand (2001)
  • Prix FIPRESCI – mention spéciale, Festival international du film de Flandre-Gand (2001)
  • Prix du meilleur premier long métrage, Association des critiques de films de Toronto (2001)
  • Meilleur film, ImagineNATIVE Media Arts Festival, Toronto (2001)
  • Prix Luminaria du meilleur long métrage, Festival international du film de Santa Fe (2001)
  • CTV Best of Fest, NextFest Digital Motion Picture Festival (2001)
  • Mention spéciale : Catégorie Meilleur long métrage, Festival international du film d’Hawaï (2001)
  • Meilleur film dans une langue étrangère, Central Ohio Film Critics Association (2001)
  • Meilleur film canadien, Prix de l’Association des critiques de films de Toronto (2001)
  • Meilleur long métrage, Festival de film de montagne de Banff (2002)
  • Prix Lino Brocka, Cinemanila International Film Festival (2002)
  • Prix du public, Festival international du film de Newport (2002)
  • Prix du public, Forum des films de Lake Placid (2002)
  • Prix du festival, Festival international du film de San Diego (2002)
  • Meilleur film étranger, Prix de la Phoenix Film Critics Society (2003)