Casques bleus canadiens en Somalie | l'Encyclopédie Canadienne

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Casques bleus canadiens en Somalie

En 1992, le Canada a contribué des forces militaires à l’UNITAF, une mission humanitaire des Nations Unies dans la nation africaine de la Somalie. La mission a été entravée par le fait que certaines des factions belligérantes du conflit somalien ont attaqué les forces internationales qui tentaient de rétablir l’ordre et de livrer de la nourriture à la population affamée. L’effort canadien a également été assombri par le meurtre d’un adolescent somalien par des troupes canadiennes. Le crime et son présumé camouflage par des fonctionnaires de la Défense à Ottawa sont devenus l’un des scandales les plus infâmes de l’histoire du Canada.

Affaire de la Somalier

Régiment aéroporté du Canada, l’aumônier capitaine Mark Sargent se tient derrière de jeunes Somaliens capturés, ligotés et portant une enseigne sur laquelle est écrit « Voleur ».

Guerre civile en Somalie

La Somalie est un pays stratégiquement important dans la Corne de l’Afrique, dont la sécurité a une incidence sur celle des voies maritimes internationales critiques dans la région. Au début des années 1990, le gouvernement somalien s’effondre, et le pays se dissout dans une guerre civile où les chefs de guerre rivaux se disputent le pouvoir. Le conflit, combiné à la sécheresse, provoque la famine dans une grande partie de la Somalie.

À mesure que la sécurité des voies maritimes décline, les Nations Unies (ONU) et les organisations non gouvernementales peinent à fournir une aide alimentaire et humanitaire à la population affamée. La pression internationale s’accroît afin de rétablir l’ordre dans le pays et de permettre la distribution sécuritaire d’aliments et de fournitures médicales à des millions de personnes désespérées. En 1992, une petite force des Nations Unies s’efforce d’appuyer l’aide humanitaire alors que les milices locales s’en prennent aux troupes et tiennent les opérations de secours en embuscade.

UNITAF

Vers la fin de 1992, l’anarchie généralisée et la famine en Somalie mènent à la création de la Force d’intervention unifiée des Nations Unies (UNITAF), un effort militaire plus solide proposé et dirigé par les États-Unis, mais dont les troupes et l’équipement proviennent aussi de 23 autres pays, dont le Canada. Dans les missions de maintien de la paix traditionnelles, les soldats commandés par les Nations Unies interviennent entre deux camps en guerre pour renforcer un cessez-le-feu agréé mutuellement. L’UNITAF diffère en cela qu’elle n’est pas vue d’un bon œil par toutes les factions en Somalie. En outre, elle est commandée par l’armée américaine, et ses troupes ont reçu le droit de faire usage de force meurtrière si nécessaire pour ramener l’ordre et assurer la prestation de l’aide humanitaire en Somalie.

En décembre 1992, les premières troupes de l’UNITAF commencent à arriver en Somalie. Le Canada fournit un groupe d’environ 1400 soldats d’élite qui proviennent majoritairement du Régiment aéroporté. L’unité est déployée à Belet Huen, une ville au milieu du désert dans la partie centre-sud de la Somalie. Un navire de guerre canadien, le HMCS Preserver, prend aussi part aux opérations navales au large des côtes du pays, et des hélicoptères embarqués canadiens effectuent des évacuations médicales.

Succès et échecs

L’importante intervention militaire, forte d’effectifs nombreux, remporte un succès considérable dans la protection des biens de secours et leur distribution auprès de la population somalienne. À Belet Huen, par exemple, les Canadiens reconstruisent des routes et des ponts, détruisent des mines antipersonnel, rouvrent des hôpitaux et gardent avec succès des convois de camions transportant des vivres et d’autres aides.

Cela étant dit, l’UNITAF ne parvient ni à mettre fin à la guerre civile ni à obtenir la coopération des chefs de guerre locaux. La violence et l’anarchie, particulièrement dans la capitale de Mogadiscio, rendent les efforts internationaux difficiles et dangereux. La puissante milice dirigée par le chef de guerre Mohamed Farah Aidid attaque d’ailleurs les forces de l’UNITAF et en tue certains membres, provoquant un conflit ouvert avec elles. L’incident le plus sérieux a lieu le 5 juin 1993, lorsque 25 soldats pakistanais associés à l’UNITAF sont tués et mutilés par les guerriers d’Aidid.

Dans les mois qui suivent, les forces américaines, avec le soutien de l’ONU, tentent de capturer Aidid et de forcer la capitulation de sa milice. En octobre à Mogadiscio, deux hélicoptères américains sont abattus par les miliciens, causant la mort des 18 soldats américains. Certaines des dépouilles font l’objet de mutilations qui sont filmées et diffusées partout dans le monde. Des centaines de Somaliens sont également tués dans des batailles de rue meurtrières. L’incident pousse les États-Unis à retirer ses forces de Somalie. D’autres nations font bientôt de même, et la mission, ayant perdu plus de 140 soldats et civils à cause de l’hostilité des miliciens, prend fin. La Somalie et son peuple sont ainsi laissés aux mains des chefs de guerre.

Scandale canadien

En mars 1993 à Belet Huen, des mois après le meurtre des troupes de l’UNITAF à Mogadiscio, des soldats du Régiment aéroporté canadien tuent un Somalien qui tentait d’infiltrer leur campement pour y voler du matériel. Une semaine plus tard, le 16 mars, les Canadiens capturent, torturent et finalement tuent Shidane Arone, un adolescent somalien de 16 ans qui s’était introduit dans leur base. Ces meurtres, et, plus tard, ce que l’on croit être des tentatives pour les dissimuler par de hauts fonctionnaires canadiens au ministère de la Défense nationale à Ottawa, déclenchent un scandale national qui prend de l’ampleur pendant les cinq années suivantes (voir Affaire de la Somalie).

Le scandale, qui fait l’objet d’une enquête publique du gouvernement fédéral, ternit la réputation du Canada à titre de nation pacifiste, met fin à la carrière de plusieurs officiers militaires hauts gradés, mène au procès en cour martiale de certains soldats et pousse le gouvernement du premier ministre Jean Chrétien à prendre la décision controversée de démanteler entièrement le Régiment aéroporté.

Conséquences et importance

L’intervention de l’UNITAF en Somalie a en grande partie mis fin aux expériences d’utilisation robuste de la force militaire par la communauté internationale lorsque le but est d’apporter une aide humanitaire aux victimes de la guerre civile. Les conditions en Somalie sont si difficiles et si meurtrières que des pays occidentaux comme les États-Unis perdent le désir d’envoyer des soldats à des fins humanitaires à l’étranger, particulièrement en Afrique. L’expérience de la Somalie fait aussi en sorte que l’ ONU et ses principaux États membres ne sont pas disposés à intervenir de manière décisive en 1994 pour mettre fin à la prochaine crise majeure : le génocide au Rwanda.