Evelyn Nelson | l'Encyclopédie Canadienne

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Evelyn Nelson

Evelyn Merle Roden Nelson, mathématicienne, professeure (née le 25 novembre 1943 à Hamilton, en Ontario; décédée le 1er août 1987 à Hamilton). Un brillant esprit mathématique, Evelyn Nelson a lutté contre les obstacles liés au sexe dans un milieu longtemps dominé par les hommes pour devenir une étoile montante du monde des mathématiques au Canada comme à l’étranger. Ses recherches ont porté sur les domaines de l’algèbre universelle, de la compacité équationnelle et de la théorie des langages formels. Elle s’est particulièrement intéressée à l’application de l’algèbre universelle au domaine alors naissant de l’informatique. Au cours de sa carrière, d’une brièveté tragique, elle a été une professeure dévouée, une partenaire de recherche prisée et l’auteure de plus de 40 publications.

Enfance et formation

Evelyn Merle Nelson, née Roden, naît le 25 novembre 1943 à Hamilton, en Ontario. Ses parents sont des immigrants juifs russes. Arrivés au Canada dans les années 1920, ils connaissent du succès grâce à une entreprise de vêtements. À l’époque, on encourage peu les jeunes femmes à poursuivre des études universitaires et, lorsque c’est le cas, on les dirige plutôt vers les arts et lettres ou les sciences humaines. Toutefois, les Roden soutiennent leur fille dans sa passion pour les mathématiques et les sciences.

Evelyn Merle Roden obtient son diplôme de l’école secondaire de Westdale. Elle s’inscrit ensuite au programme spécialisé en mathématiques, physique et chimie de l’Université de Toronto. Ce programme est considéré comme exigeant et rigoureux sur le plan intellectuel, et est réputé être le meilleur du genre au Canada. En 1963, elle laisse l’Université de Toronto pour intégrer le programme spécialisé en mathématiques de l’Université McMaster à Hamilton. Elle est la meilleure étudiante de sa classe, sauf pour deux cours, où elle se classe deuxième. Son nom figure au palmarès du doyen pour ses deux semestres de premier cycle à l’Université McMaster. Considérée comme la meilleure étudiante du Département de mathématiques, elle obtient, pendant sa dernière année de baccalauréat, la permission de suivre des cours de deuxième cycle. Elle obtient son baccalauréat ès sciences en 1965 et termine première de sa classe.

Elle poursuit des études de cycle supérieur au Département de mathématiques de l’Université McMaster. En 1967, sous la direction de l’algébriste Günter Bruns, elle complète son mémoire de maîtrise en huit mois. Ses recherches portent sur les possibilités d’application de l’algèbre universelle. Il s’agit de recherches originales, ce qui est remarquable puisque les mémoires de maîtrise sont fréquemment des synthèses de travaux d’autres universitaires. Son mémoire est publié dans le Journal canadien de mathématiques l’année où elle le termine, ce qui est un exploit. C’est là sa première publication. Elle termine son travail doctoral sur les structures algébriques appelées semigroupes en 1970. En 1971, sa dissertation est également publiée dans le Journal canadien de mathématiques.

Carrière

Les premières années qui suivent l’obtention de son doctorat sont difficiles pour Evelyn Nelson. Elle est une brillante mathématicienne à l’avenir prometteur dans un département en expansion, mais elle n’arrive pas à obtenir un poste de professeure à temps plein à l’Université McMaster. Puisqu’il n’y a pas de postes vacants au Département de mathématiques, elle enseigne et fait de la recherche pendant presque huit ans, d’abord comme boursière de recherches postdoctorales, puis comme associée de recherche. En 1978, elle obtient le poste de professeure agrégée et devient professeure titulaire en 1983. Elle est hautement respectée au Département de mathématiques, grâce à sa présence exigeante mais inspirante en classe.

Evelyn Nelson est une membre dynamique du Département de mathématiques et de la communauté universitaire, et siège au Sénat de l’Université McMaster. En 1981, en tant que présidente du comité directeur de l’orientation, elle s’efforce de mettre un terme aux activités d’initiation humiliantes, surtout dans les résidences universitaires, et fait plutôt adopter des programmes plus inclusifs de nature scolaire.

L’enseignement et les tâches administratives ne nuisent pas aux recherches d’Evelyn Nelson, qui se poursuivent à un rythme soutenu. Universitaire de renom, elle s’intéresse à de nombreuses questions axées sur l’algèbre universelle et les structures algébriques finies et infinies. À la fin des années 1970, elle commence à explorer les applications de l’algèbre universelle dans le domaine relativement jeune de l’informatique théorique. Elle avance que les problèmes algébriques qui surgissent dans ce domaine nécessitent le travail d’algébristes, comme elle. Ses conclusions sont publiées dans plusieurs revues informatiques et débouchent sur des recherches menées en collaboration avec des informaticiens. Tout cela contribue à sa nomination à la présidence de l’Unité d’informatique du Département de mathématiques. De 1982 à 1984, elle préside l’unité émergente et oriente son évolution jusqu’à ce que celle-ci devienne un département indépendant en 1985.

Evelyn Nelson est également une auteure prolifique. Au cours de sa carrière de 20 ans, elle publie plus de 40 articles, seule et en collaboration avec des collègues du monde entier. Ses recherches publiées portent sur les domaines de l’algèbre universelle, de la logique algébrique et de l’informatique théorique.

Pendant un certain temps, elle est également rédactrice en chef d’Algebra Universalis, une revue de mathématiques réputée, et siège au conseil d’administration de celle-ci. De plus, elle est examinatrice pour 10 revues de mathématiques et rédige environ 100 comptes rendus. Au cours de sa carrière, elle est invitée à donner des conférences dans quelque 30 universités et institutions, à des endroits comme , et participe à plusieurs conférences au Canada et à l’étranger. Elle est également membre de la Société mathématique du Canada et de la American Mathematical Society.

Vie personnelle

Peu de temps après s’être inscrite à l’Université McMaster, en 1963, Evelyn Merle Roden épouse Mort Nelson, un autre étudiant. Elle accouche de la première de ses deux filles plusieurs mois avant de terminer sa dissertation de doctorat en 1970. Au cours de sa deuxième grossesse, elle donne un cours de première année très chargé qui se conclut peu avant son accouchement. Son mariage est dissous au milieu des années 1970. Comme mère monoparentale, Evelyn Nelson amène souvent ses filles en classe, où elles jouent tranquillement ou écoutent les cours de leur mère.

Diagnostic de cancer et décès

Evelyn Nelson apprend qu’elle a un cancer au début des années 1980. Elle cache la gravité de sa maladie à la plupart de ses collègues et de ses amis, et équilibre soigneusement ses engagements professionnels et ses traitements. Elle refuse de présider le nouveau Département d’informatique de l’Université McMaster à cause de son état de santé qui se détériore. En mai et juin 1987, elle passe plusieurs semaines à Prague, en Tchécoslovaquie (la République tchèque actuelle), où elle mène des recherches avec des collègues européens, avant de retourner à Hamilton. Elle décède deux mois plus tard, le 1er août, de complications chirurgicales. Son décès est un choc pour bien des personnes à l’Université McMaster et dans le monde des mathématiques en général. Au moment de son décès, Evelyn Nelson a plusieurs projets à diverses étapes de réalisation.

Héritage

Pour rendre hommage à la contribution d’Evelyn Nelson au domaine des mathématiques et à son implication dans la communauté universitaire, l’Université McMaster lance, en 1991, la série de conférences Evelyn Nelson. Tenue annuellement, celle-ci réunit des universitaires canadiens et internationaux dont les recherches portent sur des sujets liés aux fondements des mathématiques.

En 1995, la contribution d’Evelyn Nelson au domaine des mathématiques est de nouveau célébrée par le lancement du prix Krieger-Nelson. Créé par la Société mathématique du Canada, ce prix est nommé en l’honneur d’Evelyn Nelson et d’une autre pionnière des mathématiques, Cecilia Krieger. Il est attribué à des mathématiciennes qui prennent part à des recherches avant-gardistes. La récipiendaire présente une allocution lors de l’assemblée générale annuelle de la Société. Le trophée est unique : chaque année, une sculpture inuite en stéatite est remise à la distinguée lauréate.