Femmes dans la population active | l'Encyclopédie Canadienne

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Femmes dans la population active

Les femmes sont comptées parmi la population active seulement lorsqu'elles travaillent à l'extérieur du foyer. Par le passé, on s'attendait que la femme ne travaille pas après le mariage; cette attente reflète une vision idéaliste de la société où l'homme est soutien de famille et la femme, ménagère.
Main-d'œuvre
Des femmes récoltent des olives pour McLarens, Hamilton (Ontario), circa les années 1920 (avec la permission de Bibliothèque et Archives Canada).
Mine de cuivre d'Huntington
Travailleuses classant le minerai de cuivre à Bolton, au Québec, en 1867 (avec la permission du Musée McCord).

Femmes dans la population active

Les femmes sont comptées parmi la population active seulement lorsqu'elles travaillent à l'extérieur du foyer. Par le passé, on s'attendait que la femme ne travaille pas après le mariage; cette attente reflète une vision idéaliste de la société où l'homme est soutien de famille et la femme, ménagère. Cette conception de la famille ne correspondait pas toujours à la réalité et c'est encore davantage le cas aujourd'hui, car plus de 50 p. 100 des femmes mariées occupent un emploi à l'extérieur du foyer. Cependant, l'idée que la place de la femme est à la maison a influé considérablement sur les conditions de sa participation à la main-d'oeuvre (voir Mariage au Canada, Divorce au Canada). Cette participation est caractérisée par la ségrégation et de bas salaires.

Ségrégation sur le marché du travail

La majorité des femmes au travail ont toujours été cantonnées dans des emplois dits féminins, désignés ainsi parce qu'ils sont souvent en continuité avec les tâches que les femmes accomplissent à la maison (voir Condition féminine). Certains secteurs d'activité ont évolué avec le temps et d'autres se sont ajoutés, mais un grand nombre d'emplois sont encore définis comme propres aux femmes. De nos jours, les femmes ont un emploi non rémunéré à la maison et un emploi mal payé sur le marché du travail. Elles travaillent à l'extérieur tout en s'occupant des tâches domestiques, mais leurs salaires ont toujours été inférieurs à ceux des hommes. Elles sont moins bien payées non seulement lorsque les tâches sont différentes, mais jugées de valeur égale, mais aussi quand elles accomplissent les mêmes fonctions que les hommes (voir Travail). En 1911, le salaire des femmes correspondait à 52,8 p. 100 du salaire des hommes; ce pourcentage est passé à 58 p. 100 en 1971 et à 72 p. 100 en 1993.

Historique de la main-d'oeuvre féminine

Vers la fin du XIXe siècle, les manufactures remplacent la famille comme unité principale de production. La vie en usine est synonyme de nombreuses heures de travail, de bas salaires et, souvent, de très dures conditions de travail. Ainsi, les jeunes ouvrières travaillent 60 heures par semaine pour un salaire de 80 cents, soit moins de 2 cents l'heure. En 1901, les femmes représentent 13 p. 100 de la main-d'oeuvre totale et leur taux de participation (que l'on définit comme la proportion de la population de sexe féminin en âge de travailler qui possède un emploi ou en recherche un) est de 14 p. 100 (ce pourcentage comprend seulement les salariées; un grand nombre de femmes ne sont pas rémunérées pour leur travail).

La majorité des femmes se trouvent dans les emplois suivants : servante, couturière, institutrice, ouvrière du vêtement, gouvernante, blanchisseuse, chapelière et vendeuse. Pendant la première moitié du XXe siècle, les emplois ouverts aux femmes sont peu nombreux et l'on se méfie des femmes mariées qui travaillent à l'extérieur du foyer. Les hommes craignent que cette main-d'oeuvre bon marché fasse baisser leurs salaires. Employeurs et réformateurs moraux pensent que le travail hors du foyer porte atteinte à la féminité et à la moralité des femmes et les éloigne de leur vocation première de mère et d'épouse, et ils s'en inquiètent.

Pendant la Première Guerre mondiale, les femmes remplacent les hommes partis se battre, mais la pénurie de main-d'oeuvre n'est pas assez importante pour permettre l'embauche massive de femmes. Les femmes font alors un travail d'homme sans toutefois obtenir le même salaire. La guerre terminée, on incite fortement les femmes à abandonner leur travail. Le gouvernement adopte même une loi obligeant les femmes mariées à quitter leur emploi au sein du gouvernement. En 1921, 65 p. 100 des salariées travaillent comme employées de bureau, servantes et travailleuses professionnelles (surtout comme institutrices et infirmières).

Au début du XXe siècle, les femmes luttent afin d'obtenir des droits égaux dans le domaine politique (le droit de vote, notamment). Au fédéral, le droit de vote est acquis en 1918, mais il faut attendre 1922 avant que les femmes n'obtiennent le droit de vote aux élections provinciales partout, sauf au Québec, qui ne leur accorde ce droit qu'en 1940. En 1929, les femmes se voient accorder le statut de « personnes », au sens juridique du terme, et peuvent désormais accéder au Sénat canadien ( voir Affaire « personne »).

Le mouvement d'expansion économique des années 20 est stoppé par la Crise des années 30, mais la Deuxième Guerre mondiale stimule la production et favorise l'emploi. Les entreprises font de nouveau appel aux femmes célibataires puis aux femmes mariées pour exécuter des tâches masculines, mais à des salaires moins élevés encore une fois. Des avantages tels que réductions d'impôt et garderies gratuites sont offerts aux femmes mariées afin de les inciter à travailler hors du foyer. Ces avantages sont abolis à la fin de la guerre et, de nouveau, on pousse les femmes à se retirer du monde du travail par l'adoption de mesures, dans certains cas. Cette fois, cependant, de nombreuses femmes décident de rester sur le marché du travail et se trouvent un emploi dans le secteur alors en pleine expansion des métiers dits « féminins », soit le domaine des services.

La présence accrue des femmes sur le marché du travail pose certains dilemmes aux syndicats, organisations dominées par les hommes. Tout en se préoccupant du maintien des rôles traditionnels de la femme, les syndicalistes craignent la compétition venant de femmes « non qualifiées ». Par ailleurs, leurs fonctions les appellent à défendre les intérêts de tous les travailleurs, y compris les femmes. Avec l'appui des syndicats ou non, les femmes mènent de leur côté des luttes incessantes afin d'obtenir de meilleurs salaires et de bonnes conditions de travail (voir Histoire des travailleurs).

Les années 50 sont une période de progrès économique rapide. Les changements survenus dans les modes de production, l'accent particulier que les gouvernements et les entreprises mettent sur la construction, la recherche et le développement, la mise en place de services sociaux, éducatifs et de santé ainsi que le besoin d'annoncer, de vendre et de financer de nouveaux produits sont autant de facteurs qui contribuent à la création d'un grand nombre d'emplois pour les femmes.

En 1951, les femmes représentent 22 p. 100 de la main-d'oeuvre totale, et la proportion des femmes qui occupent et recherchent un emploi s'élève à 24 p. 100. Au fur et à mesure que l'économie se développe et que la productivité de la main-d'oeuvre augmente, le prix des biens de consommation baisse et ceux-ci deviennent accessibles à un plus grand nombre de personnes. La consommation de masse est désormais essentielle au bon fonctionnement du système économique. Vers le milieu du XXe siècle, un grand nombre de foyers ont besoin de deux salaires pour se procurer de nouveaux biens et payer les frais d'éducation des enfants. Comme les enfants demeurent à l'école plus longtemps, la mère doit retourner sur le marché du travail pour aider la famille à augmenter son niveau de vie.

Entre 1951 et 1994, la proportion de femmes mariées à la recherche d'un emploi ou qui en occupent un passe de 11 à 57,6 p. 100. Depuis les années 50, on constate une augmentation constante du nombre d'emplois à temps partiel et, en 1994, le nombre d'emplois à temps partiel offrant peu de sécurité et d'avantages sociaux atteint des proportions considérables; 69,4 p. 100 de ces emplois sont occupés par des femmes. Les femmes gagnent toujours moins que les hommes et, en 1980, le salaire moyen des femmes occupant un emploi à temps plein correspond à 64 p. 100 de celui des hommes. En 1993, le salaire des femmes augmente quelque peu et celui des hommes diminue, ce qui le porte à 72 p. 100 du salaire des hommes. En 1994, 70 p. 100 des femmes se trouvent toujours dans des emplois rattachés aux domaines du secrétariat, des ventes, des services, de l'enseignement et de la santé. Les femmes représentent 43 p. 100 de la main-d'oeuvre totale et leur taux de participation à l'emploi atteint 52 p. 100.

Rôle du mouvement féministe

À partir de 1971, les femmes s'organisent afin d'exiger l'égalité des salaires et de meilleures conditions de travail tout en luttant pour obtenir un statut social, économique, juridique et politique correspondant à leur rôle dans la société. Le mouvement féministe des années 60 a suscité chez les femmes une prise de conscience de leurs droits à l'autonomie et au contrôle de leur vie. Les femmes joignent les rangs des syndicats et autres associations en plus grand nombre. Le mouvement féministe propose également de nouvelles mesures telles qu'un salaire pour l'accomplissement du travail domestique, une pension pour les ménagères et des garderies publiques.

Un consensus assez large s'exprime sur divers points : lutte à la discrimination dans les politiques d'embauche fondée sur le sexe ou la situation de famille, action positive, salaire égal pour un travail égal, congés de maternité et autres avantages sociaux, services de garde, améliorations dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail, mesures pour combattre le harcèlement sexuel sur les lieux de travail. En 1994, 57 p. 100 des mères ayant des enfants de cinq ans ou moins sont sur le marché du travail et les services de garde posent un important problème. Avec le besoin croissant de deux revenus dans les ménages, il devient nécessaire d'offrir des congés parentaux et des programmes de garde de qualité reconnaissant le rôle des femmes sur le marché du travail et celui des hommes dans l'éducation des enfants et l'accomplissement des tâches ménagères.

Faibles salaires

Aucun changement n'est survenu dans la mentalité voulant que l'homme soit toujours le soutien de famille, d'où la ségrégation dans l'embauche et le salaire inférieur des femmes. En 1992, les deux conjoints de 61 p. 100 des familles travaillent. Sans le salaire des femmes, 16 p. 100 de ces familles vivraient sous le seuil de faible revenu (où plus de la moitié du revenu est consacré à la nourriture, au loyer et aux vêtements). Le salaire des femmes représente 31 p. 100 du revenu des familles à deux revenus. Un grand nombre de femmes monoparentales ne gagnent pas suffisamment pour assurer leur subsistance après avoir payé les frais de garde et les frais liés à leur emploi.

En 1993, le revenu de 60 p. 100 de toutes les familles dont la mère est le seul soutien est inférieur au seuil de faible revenu. Cinquante-six pour cent des femmes âgées ont aussi de faibles revenus. Ayant en grande majorité travaillé toute leur vie comme ménagères, donc sans salaire, ces femmes ne bénéficient d'aucune prestation de retraite liée à l'emploi. Les régimes de retraite des maris décédés offrent rarement aux veuves une protection adéquate. Les restrictions budgétaires des gouvernements acculent un plus grand nombre de personnes au chômage et réduisent les services nécessaires de la santé, de l'aide sociale et de l'éducation, rendant ainsi la vie plus difficile pour ces groupes (voir Pauvreté).

Changements dans la main-d'oeuvre

Depuis l'importante récession des années 80, les salaires réels et, par conséquent, le niveau de vie, ont diminué. Des reculs de l'économie et des restructurations par le gouvernement et le secteur privé ont entraîné une diminution des emplois à temps plein et une augmentation des emplois à temps partiel. En 1994, 23 p. 100 de tous les emplois étaient des postes à temps partiel occupés, de façon relativement constante, à 69 p. 100 par des femmes. Entre 1976 et 1994, le pourcentage d'emplois à temps partiel non volontaire est passé de 12 à 36 p. 100; 34 p. 100 des femmes ayant un emploi à temps partiel en 1994 auraient souhaité un emploi à plein temps. Cette situation oblige de plus un grand nombre de personnes à occuper plus d'un emploi afin de pouvoir gagner leur vie. En 1994, le pourcentage de femmes, surtout des jeunes, occupant plus d'un emploi était supérieur à celui des hommes (voir Travail).

Vers l'égalité

L'atteinte de l'égalité nécessiterait d'importants changements sociaux, politiques et économiques permettant la mise en place de structures comme des programmes de congés parentaux et des garderies afin d'aider les femmes et de faire disparaître la ségrégation sur le marché du travail et les faibles salaires qui désavantagent les femmes. Il faudrait aussi changer la perception que se font les gens du travail dit « masculin » et « féminin », autant à l'extérieur qu'au foyer.

Double charge de travail

En raison des compressions dans les services gouvernementaux, un grand nombre d'emplois bien rémunérés occupés par des femmes disparaissent. De nouveaux emplois basés sur les nouvelles technologies condamnent les femmes à exécuter à la maison des travaux dans des domaines de pointe, ce qui marque un retour à l'époque du travail à la pièce, secteur d'emploi encore fort peu réglementé. Sans services adéquats offerts par l'État, le soin des enfants, des personnes âgées, des handicapés et des sans-emploi retombera encore sur les épaules des femmes, que l'on considère encore généralement comme les responsables de ces tâches. Ainsi, il semble que la tâche des femmes s'alourdira dans le milieu familial à mesure qu'augmentera pour elles la nécessité d'avoir un revenu et ce, non seulement comme chargées de famille monoparentale, mais aussi comme mères de famille où le père travaille également. Dans ce contexte, la lutte des femmes pour l'égalité est encore plus difficile. Malgré tout, la lutte continue et de nombreuses femmes se sont fixé comme objectif le partage égal du travail et des responsabilités familiales entre hommes et femmes.